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17/03/2011 | FRANCE | N°10-30133

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 17 mars 2011, 10-30133


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué que la société Groupe Bigard (la société) a repris le 1er novembre 2006 l'exploitation d'un abattoir qui faisait l'objet jusque là d'une tarification de l'assurance des accidents du travail selon les règles applicables au régime des salariés agricoles ; qu'après avoir considéré que cet établissement était nouveau, puis admis qu'il ne l'était pas, la caisse régionale d'assurance maladie du Nord-Est (la caisse) a néanmoins estimé qu'à défaut des renseignements qu

'aurait dû fournir la caisse de mutualité sociale agricole de Marne-Ardennes...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué que la société Groupe Bigard (la société) a repris le 1er novembre 2006 l'exploitation d'un abattoir qui faisait l'objet jusque là d'une tarification de l'assurance des accidents du travail selon les règles applicables au régime des salariés agricoles ; qu'après avoir considéré que cet établissement était nouveau, puis admis qu'il ne l'était pas, la caisse régionale d'assurance maladie du Nord-Est (la caisse) a néanmoins estimé qu'à défaut des renseignements qu'aurait dû fournir la caisse de mutualité sociale agricole de Marne-Ardennes-Meuse, il convenait de retenir la tarification collective ; que la société a saisi la juridiction de la tarification de l'assurance des accidents du travail ;
Sur le moyen unique pris en sa deuxième branche :
Vu les articles D 242-6-17 , devenu D 242-6-22, et D 242-6-13, devenu D 242-6-17, du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte de ces textes qu'en attendant la détermination du taux applicable à un établissement antérieurement soumis à une autre réglementation de la tarification de l'assurance des accidents du travail, l'employeur n'est tenu à titre provisionnel qu'aux cotisations déterminées à partir des éléments de fait et de droit qui étaient jusque là applicables à cet établissement ;
Attendu que pour décider qu'il convenait d'appliquer le taux collectif du régime général, la Cour nationale retient que ce taux collectif doit être appliqué provisoirement à un établissement qui relevait jusque là d'une autre tarification, et invite la société l'ayant repris à faire la preuve des éléments antérieurs de tarification nécessaires au calcul du taux réel ou mixte, sous peine, si la société n'apportait pas ces éléments, de lui rendre définitivement applicable le taux collectif ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le taux collectif du régime général ne pouvait être retenu, même à titre provisoire, au seul motif que l'établissement relevait précédemment de la tarification des accidents du travail applicable aux entreprises agricoles, la Cour nationale a violé les textes susvisés ;
Sur le moyen unique pris en sa sixième branche :
Vu les articles 331 et 332 du code de procédure civile ;
Attendu que pour inviter la société à faire elle-même la preuve des éléments de calcul du taux agricole précédemment applicable, la Cour nationale retient, que par lettre du 22 décembre 2008, la caisse de mutualité sociale agricole, contactée durant l'instruction de l'affaire, avait indiqué qu'il lui était impossible de produire les pièces sur lesquelles était fondée la précédente tarification ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle était saisie d'un litige portant sur l'application successive de deux réglementations différentes à un même établissement, et que ce litige ne pouvait être tranché sans qu'ait été mise en cause la caisse qui avait eu la charge d'appliquer à cet établissement la réglementation de mutualité sociale agricole, la Cour nationale a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 novembre 2009, entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification des accidents du travail, autrement composée ;
Condamne la caisse d'assurance retraite et de santé du Nord-Est aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse d'assurance retraite et de santé du Nord-Est ; la condamne à payer à la société Groupe Bigard la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Groupe Bigard
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de mise en cause de la caisse de mutualité sociale agricole de Marne Ardennes Meuse, d'avoir invité la société GROUPE BIGARD à se rapprocher de son prédécesseur, la société ARCADIE CENTRE EST, afin d'obtenir les éléments statistiques nécessaires au nouveau calcul de son taux de cotisation à effet du 1er novembre 2006 et du 1er janvier 2007 et à les transmettre à la CRAM du NORD-EST et d'avoir dit que la CRAM du NORD-EST pourrait appliquer la tarification collective tant qu'elle ne disposerait pas de ces informations ;
AUX MOTIFS QUE « sur la demande de mise en cause de la Caisse de Mutualité Sociale Agricole : la cour rappelle que les dispositions du Code de Sécurité Sociale ne prévoient pas la possibilité pour le juge du contentieux technique d'ordonner la mise en cause d'une caisse de mutualité sociale agricole dans le cadre d'un litige opposant une société et une caisse régionale d'assurance maladie et portant sur la contestation du taux de cotisation ; qu'en conséquence, la cour rejette la demande de mise en cause de la caisse de mutualité sociale agricole de Marne Ardennes Meuse ; sur le fond : les taux collectifs sont applicables aux établissements nouvellement créés durant l'année de leur création et les deux années civiles suivantes, quel que soit leur effectif ou celui de l'entreprise dont ils relèvent ; qu'aux termes de l'article D.242-6-13 du Code de la Sécurité Sociale, ne peut être considéré comme un établissement nouvellement créé celui issu d'un précédent établissement dans lequel a été exercée une activité similaire, avec les mêmes moyens de production et ayant repris au moins la moitié du personnel ; qu'en l'espèce, la caisse régionale d'assurance maladie du Nord-Est, dans son courrier en date du 24 décembre 2007, reconnaît qu'il y a lieu de considérer la société Groupe Bigard comme le successeur de l'établissement de Marolles précédemment exploité par la société Arcadie Centre Est et de recalculer le taux de cotisation à effet du 1er novembre 2006 et du 1er janvier 2007 en fonction des éléments statistiques du prédécesseur ; qu'ainsi sera-t-il donné acte à la caisse régionale d'assurance maladie du Nord-Est de ce qu'elle a acquiescé à la demande de la société Groupe Bigard sur ce point ; que par ordonnance en date du 18 novembre 2008, le magistrat chargé de la mise en état a fait injonction à la caisse de mutualité sociale agricole de Marne Ardennes Meuse de produire les éléments statistiques de la société Arcadie Centre-Est pour les années 2002 à 2005 ; que la cour constate que par courrier en date du 22 décembre 2008, la caisse de mutualité sociale agricole a indiqué qu'il lui était impossible de produire lesdites pièces en raison d'une refonte de son système informatique ; qu'en conséquence, la cour invite la société Groupe Bigard à se rapprocher de son prédécesseur afin d'obtenir les éléments statistiques pour les années 2002 à 2005 nécessaires pour le calcul du nouveau taux de cotisation ; qu'en tout état de cause, la cour décide que la caisse régionale d'assurance maladie doit procéder au calcul d'un nouveau taux de cotisation pour l'exercice 2006 à effet du 1er novembre 2006 et l'exercice 2007 à effet du 1er janvier 2007 en fonction des éléments statistiques dont elle dispose sur la période qui relevait du régime agricole ;qu'à défaut d'obtenir l'ensemble des éléments statistiques à savoir la masse salariale, l'effectif moyen et le montant de l'ensemble des prestations versées pour la période de 2002 à 2005, la caisse régionale d'assurance maladie du Nord-Est devra maintenir le taux collectif précédemment appliqué » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte des articles L. 215-1, L. 242-5, R. 241-1, D. 242-6-3 et D. 242-6-17 du Code de la sécurité sociale que la Caisse Régionale d'Assurance Maladie est un organisme de sécurité sociale investi par la Loi d'une mission de service public et chargé de calculer le taux de cotisation accident du travail au regard des règles applicables et des éléments financiers qui lui sont communiqués par les différents organismes de sécurité sociale ; qu'aucune disposition n'impose à l'employeur, usager de service public, de pallier la carence de la Caisse en lui fournissant lui-même les éléments de tarification nécessaires au calcul du taux de cotisations ; qu'au cas présent, la CNITAAT a constaté qu'il résultait des dispositions réglementaires applicables que l'établissement de Marolles était soumis au taux réel et qu'il incombait à la CRAM de recalculer le taux réel de cotisation de cet établissement ; qu'en refusant néanmoins d'appliquer ce taux tant que la société GROUPE BIGARD ne lui aurait pas fourni les éléments statistiques nécessaires au calcul du taux de cotisation de l'établissement de Marolles, la Cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'il résulte de l'article D. 242-6-17 du Code de la sécurité sociale que tant que le taux réel n'a pas été notifié, l'employeur doit verser à titre provisionnel les cotisations dues au titres des accidents du travail et des maladies professionnelles sur la base du taux dues antérieurement ; que viole ce texte, la CNITAAT qui, après avoir dit que l'établissement de Marolles était soumis au taux réel, autorise la CRAM à appliquer le taux collectif tant qu'elle n'est pas en possession des éléments statistiques lui permettant de calculer le taux réel de l'établissement ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit applicables ; qu'aucun texte du Code de la sécurité sociale ne permet au juge de dispenser la CRAM de ses obligations en matière de tarification et de lui permettre d'appliquer la tarification collective à un établissement qui n'est pas un établissement nouveau ; qu'en autorisant la CRAM du NORD-EST à appliquer à l'établissement de Marolles un taux de cotisations qui ne lui est pas légalement applicable, la CNITAAT n'a pas donné de fondement juridique à sa décision en violation de l'article 12 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE toute personne a le droit au respect de ses biens ; qu'en autorisant la CRAM du NORD-EST à appliquer à l'établissement de MAROLLES de la société GROUPE BIGARD un taux de cotisation dont elle a ellemême constaté qu'il n'était pas celui légalement applicable, la CNITAAT a violé l'article 1er du Protocole additionnel n°1 de la Convention euro péenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE commet un déni de justice le tribunal qui, tout en admettant le bien fondé d'une demande, refuse soit de prescrire une mesure d'instruction, soit de fixer lui-même le montant de cette demande ; que la CNITAAT a constaté qu'il résultait des dispositions réglementaires applicables que l'établissement de Marolles était soumis au taux réel ; qu'il lui incombait, dès lors qu'elle estimait qu'il existait une difficulté quant à la détermination de ce taux, de prescrire toute mesure d'instruction utile ; qu'en refusant de mettre en cause la CMSA de Marne Ardennes Meuse qui avait déterminé les éléments statistiques de l'établissement de Marolles antérieurement à sa reprise par la société GROUPE BIGARD et en estimant que la CRAM pourrait appliquer la tarification collective tant que la société GROUPE BIGARD ne lui aurait pas fourni les éléments statistiques nécessaires au calcul de son taux réel, la CNITAAT a violé l'article 4 du Code civil et l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, DE SIXIEME PART, QUE sauf disposition expresse contraire, les dispositions du Code de procédure civile sont applicables devant les juridictions du Contentieux Technique de la sécurité sociale ; qu'aucune disposition ne s'opposait à ce que la CMSA de Marne Ardennes Meuse soit appelée en intervention forcée en application des articles 331 et 332 du Code de procédure civile ; qu'en refusant de mettre en cause cet organisme au motif que les dispositions du Code de la sécurité sociale n'en prévoyait pas la possibilité, la CNITAAT a violé les articles 331 et 332 du Code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le juge est tenu d'observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut soulever un moyen de droit d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; que la CRAM du NORD-EST n'a à aucun moment soutenu que ce serait à la société GROUPE BIGARD d'obtenir de son prédécesseur les éléments statistiques nécessaire au calcul de son taux de cotisations et qu'il serait possible dan cette attente de continuer à appliquer la tarification collective ; qu'en statuant de la sorte, sans permettre aux parties de présenter préalablement leurs observations, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-30133
Date de la décision : 17/03/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX - Contentieux spéciaux - Contentieux technique - Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail - Procédure - Litige portant sur l'application successive de deux législations différentes à un même établissement - Mise en cause de la caisse qui avait la charge d'appliquer à cet établissement la réglementation antérieure - Nécessité - Portée

Lorsqu'un litige porte sur l'application successive de deux législations différentes à un même établissement, le litige ne peut être tranché qu'après mise en cause de la caisse qui avait la charge d'appliquer à cet établissement la réglementation antérieure


Références :

Sur le numéro 1 : articles D. 242-6-17 (devenu D. 242-6-22) et D. 242-6-13 (devenu D. 242-6-17) du code de la sécurité sociale

Décision attaquée : Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 19 novembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 17 mar. 2011, pourvoi n°10-30133, Bull. civ. 2011, II, n° 70
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, II, n° 70

Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne
Avocat général : Mme de Beaupuis
Rapporteur ?: M. Barthélemy
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.30133
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