LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 2261-14 du code du travail ;
Attendu, selon ce texte, que lorsque la convention ou l'accord mis en cause n'a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans les délais précisés au premier alinéa, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis, en application de la convention ou de l'accord, à l'expiration de ces délais ; que constitue, notamment, un avantage collectif, et non un avantage individuel acquis, celui dont le maintien est incompatible avec le respect par l'ensemble des salariés concernés de l'organisation collective du temps de travail qui leur est désormais applicable ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et cinq autres salariés de la société Sogeres, laquelle a repris le 1er décembre 2003 l'exploitation du restaurant d'entreprise de la Poste de Marseille, ont fait l'objet de sanctions disciplinaires sous la forme d'avertissements pour ne pas travailler chaque jour 45 minutes de plus que " l'horaire légal " ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale pour qu'elle dise qu'en l'absence de conclusion d'un accord de substitution, ils devaient continuer à se voir appliquer l'avantage, issu de l'accord collectif du 27 juillet 2001 conclu dans l'entreprise cédante, consistant au bénéfice d'une pause journalière de 45 minutes considérée comme un temps de travail effectif ;
Attendu que pour accueillir leur demande, l'arrêt énonce que l'accord du 27 juillet 2001, qui n'a pas été suivi de la conclusion d'un accord de substitution, ménageait à chaque salarié un avantage individuel acquis qui était incorporé à son contrat de travail, en ce qu'il définissait la structure de sa rémunération qui ne peut être modifiée sans l'accord de ces salariés ; qu'en d'autres termes, c'est de manière artificielle que l'employeur a cru pouvoir substituer un usage au contenu d'un accord collectif qui faisait corps avec chaque contrat de travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le maintien de cet avantage était incompatible avec le respect par les salariés concernés de l'organisation collective du travail qui leur était applicable, puisque cela les conduisait à travailler 45 minutes de moins que le temps de travail fixé, ce dont elle aurait dû déduire que cet avantage ne constituait pas un avantage individuel acquis par les salariés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. X..., Mmes Y..., Z..., C..., M. A..., Mme B... et le syndicat CGT Sogeres aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour la société Sogeres.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que le temps de pause journalier de 45 minutes était un temps de travail effectif, d'avoir annulé les avertissements sanctionnant ce temps de pause et d'avoir condamné la société Sogeres à verser à chacun des six salariés la somme de 2. 000 € à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QU'un accord d'entreprise sur la réduction du temps de travail signé le 27 juillet 2001 a pris fin à l'expiration des délais prévus par le troisième alinéa de l'article L 132-8 du Code du travail alors en vigueur ; que cet accord a été suivi d'une période d'un an durant laquelle l'usage fut de considérer qu'un temps de pause journalier de 45 minutes équivalait à un temps de travail effectif comme en disposait auparavant l'accord collectif ; que les institutions représentatives du personnel ont été informées de la dénonciation de cet usage et chaque salarié a reçu individuellement cette information dans un délai de prévenance suffisant pour avoir été de deux mois ; que l'accord du 27 juillet 2001, qui n'a pas été suivi de la conclusion d'un accord de substitution, ménageait cependant à chaque salarié un avantage individuel acquis qui était incorporé à son contrat de travail en ce qu'il définissait la structure de sa rémunération, qui ne peut être modifiée sans l'accord de ces salariés ; que c'est de manière artificielle que l'employeur a cru pouvoir substituer un usage au contenu d'un accord collectif faisant corps avec chaque contrat de travail ; que le temps de pause journalier doit donc continue à être considéré comme un temps de travail effectif ; qu'il convient d'annuler les avertissements infligés aux salariés pour ne pas avoir travaillé chaque jour 45 minutes de plus que l'horaire légal ; que la retenue sur salaire correspondant à ce temps constitue une sanction pécuniaire illicite ; que le préjudice des salariés, toutes causes confondues, doit être réparée par l'allocation de 2. 000 € à chacun ;
ALORS QUE les avantages collectifs sont ceux qui répondent à une nécessité d'organisation collective de l'entreprise, et ne peuvent bénéficier à certains salariés sans bénéficier à d'autres ; qu'il en est ainsi de l'horaire collectif de travail ; qu'en l'espèce, l'accord d'entreprise du 27 juillet 2001 applicable au restaurant d'entreprise de la Poste de Marseille, dont l'exploitation a été reprise par la société Sogeres, avait pour unique objet la réduction du temps de travail et était par nature collectif puisqu'il se rapportait à la durée du travail de l'ensemble des salariés ; qu'à la suite de sa dénonciation par la société Sogeres, puis de la dénonciation de son maintien temporaire en tant qu'usage, les salariés ne pouvaient donc prétendre en conserver le bénéfice à titre de droit acquis incorporé dans leur contrat de travail, seuls s'appliquant désormais les propres accords collectifs de la société Sogeres ; qu'en décidant néanmoins le contraire, au motif inopérant que le temps de travail avait une incidence sur la rémunération, la cour d'appel a violé l'article L 2261-14 du Code du travail.