La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/09/2012 | FRANCE | N°11-11762

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 27 septembre 2012, 11-11762


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'une molécule présente dans divers produits phytosanitaires ayant causé la pollution des eaux pompées par la station qu'il exploitait et destinées à l'alimentation en eau potable des communes de Fondettes, Luynes et Saint-Etienne-de-Chingy, le syndicat intercommunal à vocation multiple de ces communes (le Sivom) a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Tours MM. X... et Y..., maraîchers, ainsi que les participants à la création du captage, soit l'Etat

en la personne de la direction départementale de l'agriculture, ma...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'une molécule présente dans divers produits phytosanitaires ayant causé la pollution des eaux pompées par la station qu'il exploitait et destinées à l'alimentation en eau potable des communes de Fondettes, Luynes et Saint-Etienne-de-Chingy, le syndicat intercommunal à vocation multiple de ces communes (le Sivom) a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Tours MM. X... et Y..., maraîchers, ainsi que les participants à la création du captage, soit l'Etat en la personne de la direction départementale de l'agriculture, maître d'oeuvre, la société Saunier Techna (devenue Safege environnement), chargée de la protection des captages alluviaux et M. Z..., hydrogéologue ; que MM. X... et Y... ont appelé en garantie les sociétés Du Pont de Nemours et Syngenta France, fabricants de produits phytosanitaires contenant cette molécule ; que par jugement du 15 juin 2006, ce tribunal a, notamment, dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer sur l'action en responsabilité engagée par le Sivom contre MM. X... et Y..., dit que ces derniers sont demeurés gardiens au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil, des molécules utilisées par eux pour le traitement de leurs cultures et à l'origine de la pollution des eaux captées par la station, avant dire droit sur le caractère exonératoire des manquements reprochés à la société Safege, à M. Z..., à l'Etat et au Sivom, dit que les griefs articulés relèvent de la juridiction administrative, d'ores et déjà saisie, sursis à statuer sur le surplus des prétentions des parties et spécialement sur le caractère exonératoire des fautes reprochées aux personnes, société et organisme susvisés, ainsi que sur la demande de dommages-intérêts du Sivom et sur les demandes en garantie de MM. X... et Y... contre les sociétés Syngenta et Du Pont de Nemours ;
Sur les premiers moyens du pourvoi principal et du pourvoi incident, qui sont identiques :
Attendu que les sociétés Du Pont Solutions et Syngenta Agro font grief à l'arrêt de déclarer recevables les appels de MM. X... et Y..., alors, selon le moyen, que le jugement qui, sans trancher une partie du principal, ordonne une expertise ou prononce le sursis à statuer ne peut être frappé d'appel qu'avec l'autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime ; que, pour chaque partie, le principal s'entend de l'objet du litige la concernant ; qu'à l'égard de la société Du Pont de Nemours, aux droits de laquelle est la société Du Pont Solutions (France) et de la société Syngenta Agro, le jugement du tribunal de grande instance de Tours du 15 juin 2006 avait ordonné un sursis à statuer sur les demandes de garantie présentées par MM. X... et Y... et n'avait tranché aucune partie du principal desdites demandes, distinctes, quel qu'en fût le fondement juridique, de la demande principale ; d'où il suit que l'appel principal, formé par M. X... et l'appel incident formé par M. Y... contre la société Du Pont Solutions (France) et la société Syngenta Agro, dont il n'était ni allégué ni démontré par des productions qu'ils aient étés autorisés par le premier président de la cour d'appel, était irrecevable et qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 380 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant exactement relevé que le jugement, en ses dispositions relatives à MM. X... et Y..., ne s'était pas borné à surseoir à statuer sur les prétentions de ces derniers, mais avait retenu leur qualité de gardiens des molécules litigieuses, ce dont il découlait que la décision, qui avait tranché une partie du fond du litige les concernant, revêtait un caractère mixte, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que leurs appels étaient recevables ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
Mais sur le second moyen des pourvois principal et incident :
Vu les articles 380 et 568 du code de procédure civile ;
Attendu qu'après avoir confirmé le jugement en toutes ses dispositions, l'arrêt retient qu'il y a lieu à évocation et tranche les demandes sur lesquelles le tribunal avait sursis à statuer ;
Qu'en usant de la faculté d'évocation, alors qu'elle n'était saisie de l'appel ni d'un jugement ayant ordonné une mesure d'instruction, ni d'un jugement qui, statuant sur une exception de procédure, avait mis fin à l'instance et que l'appel du jugement en ce qu'il avait ordonné le sursis à statuer n'avait pas été autorisé conformément à l'article 380 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen du pourvoi incident :
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause M. Z... ;
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevables les appels de MM. X... et Y... et confirmé le jugement, l'arrêt rendu le 22 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit n'y avoir lieu à évocation des chefs sur lesquels le tribunal a sursis à statuer ;
Dit que l'instance sera reprise devant le tribunal de grande instance de Tours, saisi à la diligence des parties ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette toutes les demandes présentées tant devant les juges du fond que devant la Cour de cassation ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens exposés tant devant les juges du fond que devant la Cour de cassation ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boutet, avocat aux Conseils pour la société Du Pont Solutions France au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré recevables les appels de Messieurs Albert X... et Gérard Y... ;
AUX MOTIFS QUE, contrairement à ce que soutiennent la Société SYNGENTA AGRO et la Société DU PONT SOLUTIONS, le jugement en ses dispositions relatives à Messieurs Albert X... et Gérard Y... n'est pas uniquement un jugement de sursis à statuer ; qu'en effet, le Tribunal a été amené à écarter les moyens développés par eux pour contester leur qualité de gardien au détriment de la Société SYNGENTA AGRO et de la Société DU PONT SOLUTIONS et, dès lors, la décision qui statue sur ce point a donc la qualité d'un jugement mixte susceptible d'appel immédiat ; que ce dernier est donc recevable ;
ALORS QUE le jugement qui, sans trancher une partie du principal, ordonne une expertise ou prononce le sursis à statuer ne peut être frappé d'appel qu'avec l'autorisation du Premier Président de la Cour d'Appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime ; que, pour chaque partie, le principal s'entend de l'objet du litige la concernant ; qu'à l'égard de la Société DU PONT DE NEMOURS, aux droits de laquelle est la Société DU PONT SOLUTIONS (FRANCE), le jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS du 15 juin 2006 avait ordonné un sursis à statuer sur les demandes de garantie présentées par Messieurs Albert X... et Gérard Y... et n'avait tranché aucune partie du principal desdites demandes, distinctes, quel qu'en fût le fondement juridique, de la demande principale ; d'où il suit que l'appel principal, formé par Monsieur X... et l'appel incident formé par Monsieur Y... contre la Société DU PONT SOLUTIONS (FRANCE), dont il n'était ni allégué ni démontré par des productions qu'il ait été autorisé par le Premier Président de la Cour d'Appel, était irrecevable et qu'en décidant le contraire, la Cour d'Appel a violé l'article 380 du Code de Procédure Civile ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR évoqué l'affaire ;
AUX MOTIFS QUE la Cour est saisie d'un appel d'un jugement qui ordonne partiellement un sursis à statuer ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 380 et 568 du Code de Procédure Civile ainsi que d'une jurisprudence désormais établie qu'elle peut, dans une telle hypothèse, user de son pouvoir discrétionnaire d'évocation pour donner au litige une solution définitive dans un souci de bonne administration de la justice ; qu'en l'espèce, la cause de sursis à statuer a disparu puisque le Tribunal Administratif d'ORLEANS a rendu son jugement et que celui-ci n'a fait l'objet d'aucun recours ; que, par ailleurs, la pollution a cessé, ce qui permet, après le dépôt de l'expertise LECLERC, d'indemniser le SIVOM de FONDETTES de son préjudice ; que le début des faits de pollution remonte à près de dix ans ; que, depuis cette date, le SIVOM de FONDETTES subit un préjudice pour lequel il n'a perçu aucune provision, que le jugement dont appel remonte, lui, à près de quatre ans et, dans le respect de l'exigence d'une durée raisonnable de la procédure, il apparaît de bonne justice de donner un terme définitif à ce litige ; que la Cour usera donc de son droit d'évocation ;
ALORS QUE la décision de sursis peut être frappée d'appel sur autorisation du Premier Président de la Cour d'Appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime ; que l'appel non autorisé interdit à la Cour d'exercer son pouvoir d'évocation faute d'être régulièrement saisie ; qu'à l'égard de la Société DU PONT DE NEMOURS, aux droits de laquelle est la Société DU PONT SOLUTIONS (FRANCE), le jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS du 15 juin 2006 avait ordonné un sursis à statuer sur les demandes de garantie présentées par Messieurs Albert X... et Gérard Y... et n'avait tranché aucune partie du principal des demandes en garantie, distinctes, quel qu'en fût le fondement juridique, de la demande principale ; d'où il suit qu'en évoquant sans qu'il fut allégué ni justifié par des productions régulières que l'appel principal formé par Monsieur X... et l'appel incident formé par Monsieur Y... contre la Société DU PONT SOLUTIONS (FRANCE) ait été autorisé par le Premier Président de la Cour d'Appel, la Cour d'Appel a violé les articles 380 et 568 du Code de Procédure Civile ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la Société DU PONT SOLUTIONS in solidum avec la Société SYNGETA AGRO à garantir Messieurs Albert X... et Gérard Y... pour l'intégralité des condamnations mises à leur charge ;
AUX MOTIFS QU'il est révélateur de constater que ne sont versés aux débats aucune étiquette, aucun emballage ou aucune notice de l'Oxadixyl, ou des produits utilisés par les maraîchers contenant cette molécule ; que la Société SYNGENTA AGRO et la Société DU PONT SOLUTIONS ne démontrent donc pas avoir mis les utilisateurs de la molécule en garde contre la stabilité extrême de l'Oxadixyl en milieu aqueux ; qu'il ne peut être sérieusement demandé à ces utilisateurs, quand bien même ils seraient des professionnels, de se renseigner eux-mêmes sur les dangers de ce produit en se connectant sur le site du fabricant alors que l'obligation de conseil incombe à ce dernier qui doit porter l'information au consommateur et non exiger de lui qu'il vienne la chercher dans des conditions d'accessibilité d'ailleurs inconnues, étant précisé que la Société DU PONT SOLUTIONS et la Société SYNGENTA AGRO ne démontrent pas plus, de surcroît, que la consultation de leur site internet par les maraîchers aurait été de nature à les renseigner sur la stabilité de l'Oxadixyl dans l'eau ; que la seule pièce concernant la dissipation de l'Oxadixyl a été versée aux débats par Monsieur Gilbert Z... qui, pourtant, n'est pas concerné au premier chef par cette question ; qu'on peut lire dans cette étude éditée par la Société SYNGENTA AGRO que la demi-vie de dissipation moyenne du produit dans le sol (souligné par le rédacteur de l'arrêt) est de 90 jours ; qu'en revanche, aucune indication n'est donnée sur la rémanence de l'Oxadixyl en milieu aqueux ; que, bien plus, la traduction de résumés d'études annexés à cette notice sur la percolation de la molécule dans le sol tendent à démontrer que cette percolation est faible puisque, à 30 centimètres de profondeur, des résidus proches de la limite de détection de 0,01 ppm ont pu être retrouvés au bout de 207 jours maximum tandis que la seconde étude est encore plus rassurante puisqu'elle soutient que l'Oxadixyl n'atteindra pas les horizons inférieurs à 30 cm de profondeur et que l'Oxadixyl acide, principal produit de dégradation de Oxadixyl, n'atteindra pas les couches plus profondes ; que cette étude conclut de façon péremptoire : "il est conclu que ni l'oxadixyl, ni l'oxadixyl-acide risque de percolation dans les eaux profondes quand il est appliqué selon les indications d'emploi de l'étude" ; qu'il est ainsi démontré que, même si les maraîchers s'étaient enquis de la notice de dissipation du produit auprès de la Société SYNGENTA AGRO, les informations fournies par ce fabricant non seulement ne leur donnaient pas d'information sur la rémanence de la molécule en milieu aqueux mais encore les induisaient en erreur sur les risques de percolation de cette molécule puisque l'expérience vécue à FONDETTES démontre le caractère fallacieux des informations ainsi dispensées ; qu'a fortiori, les notices et produits des emballages des produits fabriqués et vendus par la Société SYNGENTA AGRO et la Société DU PONT SOLUTIONS ne pouvaient donner aux agriculteurs une information que les fabricants eux-mêmes semblaient ignorer ; qu'aucune erreur d'utilisation des produits par Messieurs Albert X... et Gérard Y... n'a été démontrée contre ces derniers ; que si les teneurs en Oxadixyl, relevées sur les terres du premier semblent élevées et plaider en faveur d'un accident entraînant un surdosage, rien ne le démontre formellement et compte tenu de la durée de vie très variable de la molécule ainsi qu'elle résulte des études précitées, cette teneur excessive peut provenir tout aussi bien de l'utilisation prolongée, sur les mêmes parcelles, de produits correctement dosés ; que, de toute façon, la question ne porte pas sur une pollution des sols mais sur une pollution du captage et, là, force est de constater que ni la Société DU PONT SOLUTIONS, ni la Société SYNGENTA AGRO n'ont informé les utilisateurs de leurs produits de la durée de vie exceptionnellement élevée de la molécule en milieu aqueux et des facultés de percolation qu'elle présentait, ce qui rendait son utilisation déconseillée à proximité immédiate des sites de captage d'eau potable ; que Messieurs Albert X... et Gérard Y... seront donc intégralement garantis par la Société SYNGENTA AGRO et la Société DU PONT SOLUTIONS des condamnations prononcées contre eux ; qu'il n'y a pas lieu de faire un sort particulier pour la Société DU PONT SOLUTIONS qui, si elle n'est pas fabricant de la molécule, a commis le même défaut d'information et de conseil envers les utilisateurs de ses produits que la Société SYNGENTA AGRO ;
ALORS QUE la simple utilisation non conforme aux prescriptions, même non techniques, d'une notice d'emploi, constitue une faute de l'acheteur ; qu'en ne s'expliquant dès lors pas sur la circonstance spécialement invoquée dans les conclusions d'appel de la Société DU PONT SOLUTIONS (p. 26) selon laquelle la notice d'emploi précisait clairement la nécessité « d'éviter toute contamination des eaux de surface, souterraines ou de distribution lors de la préparation et de la pulvérisation de la bouillie ou du rinçage des emballages et équipements de traitement », et en statuant par des motifs nécessairement inopérants tirés notamment d'une absence d'information sur les propriétés de la molécule d'oxadixyl incorporée dans le SIRDATE'S commercialisé, la Cour d'Appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1147 et 1602 du Code Civil ;
Moyens produits par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils pour la société Syngenta Agro au pourvoi incident provoqué
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré recevables les appels de Messieurs Albert X... et Gérard Y... ;
AUX MOTIFS QUE, contrairement à ce que soutiennent la société SYNGENTA AGRO et la société DU PONT SOLUTIONS, le jugement en ses dispositions relatives à Messieurs Albert X... et Gérard Y... n'est pas uniquement un jugement de sursis à statuer ; qu'en effet, le tribunal a été amené à écarter les moyens développés par eux pour contester leur qualité de gardien au détriment de la société SYNGENTA AGRO et de la société DU PONT SOLUTIONS et, dès lors, la décision qui statue sur ce point a donc la qualité d'un jugement mixte susceptible d'appel immédiat ; que ce dernier est donc recevable ;
ALORS QUE le jugement qui, sans trancher une partie du principal, ordonne une expertise ou prononce le sursis à statuer ne peut être frappé d'appel qu'avec l'autorisation du Premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime ; que, pour chaque partie, le principal s'entend de l'objet du litige la concernant ; qu'à l'égard de la société SYNGENTA AGRO le jugement du tribunal de grande instance de TOURS du 15 juin 2006 avait ordonné un sursis à statuer sur les demandes de garantie présentées par Messieurs Albert X... et Gérard Y... et n'avait tranché aucune partie du principal desdites demandes, distinctes, quel qu'en fût le fondement juridique, de la demande principale ; d'où il suit que l'appel principal, formé par Monsieur X... et l'appel incident formé par Monsieur Y... contre la société SYNGENTA AGRO, dont il n'était ni allégué ni démontré par des productions qu'il ait été autorisé par le Premier président de la cour d'appel, était irrecevable et qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 380 du code de procédure civile ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

II est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR évoqué l'affaire ;
AUX MOTIFS QUE la cour est saisie d'un appel d'un jugement qui ordonne partiellement un sursis à statuer ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 380 et 568 du code de procédure civile ainsi que d'une jurisprudence désormais établie qu'elle peut, dans une telle hypothèse, user de son pouvoir discrétionnaire d'évocation pour donner au litige une solution définitive dans un souci de bonne administration de la justice ; qu'en l'espèce, la cause de sursis à statuer a disparu puisque le tribunal administratif d'ORLEANS a rendu son jugement et que celui-ci n'a fait l'objet d'aucun recours ; que, par ailleurs, la pollution a cessé, ce qui permet, après le dépôt de l'expertise LECLERC, d'indemniser le SIVOM de FONDETTES de son préjudice ; que le début des faits de pollution remonte à près de dix ans ; que, depuis cette date, le SIVOM de FONDETTES subit un préjudice pour lequel il n'a perçu aucune provision, que le jugement dont appel remonte, lui, à près de quatre ans et, dans le respect de l'exigence d'une durée raisonnable de la procédure, il apparaît de bonne justice de donner un terme définitif à ce litige ; que la cour usera donc de son droit d'évocation ;
ALORS QUE la décision de sursis peut être frappée d'appel sur autorisation du Premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime ; que l'appel non autorisé interdit à la cour d'exercer son pouvoir d'évocation faute d'être régulièrement saisie ; qu'à l'égard de la société SYNGENTA AGRO, le jugement du tribunal de grande instance de TOURS du 15 juin 2006 avait ordonné un sursis à statuer sur les demandes de garantie présentées par Messieurs Albert X... et Gérard Y... et n'avait tranché aucune partie du principal des demandes en garantie, distinctes, quel qu'en fût le fondement juridique, de la demande principale ; d'où il suit qu'en évoquant à l'égard de la société SYNGENTA AGRO sans qu'il fût allégué ni justifié par des productions régulières que l'appel principal formé par Monsieur X... et l'appel incident formé par Monsieur Y... contre la société SYNGENTA AGRO ait été autorisé par le Premier président de la cour d'appel, la cour d'Appel a violé les articles 380 et 568 du code de procédure civile ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société SYNGENTA AGRO in solidum avec la société DU PONT SOLUTIONS à garantir Messieurs Albert X... et Gérard Y... pour l'intégralité des condamnations mises à leur charge ;
AUX MOTIFS OU'il est révélateur de constater que ne sont versés aux débats aucune étiquette, aucun emballage ou aucune notice de l'Oxadixyl, ou des produits utilisés par les maraîchers contenant cette molécule ; que la société SYNGENTA AGRO et la société DU PONT SOLUTIONS ne démontrent donc pas avoir mis les utilisateurs de la molécule en garde contre la stabilité extrême de l'Oxadixyl en milieu aqueux ; qu'il ne peut être sérieusement demandé à ces utilisateurs, quand bien même ils seraient des professionnels, de se renseigner eux-mêmes sur les dangers de ce produit en se connectant sur le site du fabricant alors que l'obligation de conseil incombe à ce dernier qui doit porter l'information au consommateur et non exiger de lui qu'il vienne la chercher dans des conditions d'accessibilité d'ailleurs inconnues, étant précisé que la société DU PONT SOLUTIONS et la société SYNGENTA AGRO ne démontrent pas plus, de surcroît, que la consultation de leur site internet par les maraîchers aurait été de nature à les renseigner sur la stabilité de l'Oxadixyl dans l'eau ; que la seule pièce concernant la dissipation de l'Oxadixyl a été versée aux débats par Monsieur Gilbert Z... qui, pourtant, n'est pas concerné au premier chef par cette question ; qu'on peut lire dans cette étude éditée par la société SYNGENTA AGRO que la demi-vie de dissipation moyenne du produit dans le sol (souligné par le rédacteur de l'arrêt) est de 90 jours ; qu'en revanche, aucune indication n'est donnée sur la rémanence de l'Oxadixyl en milieu aqueux ; que, bien plus, la traduction de résumés d'études annexés à cette notice sur la percolation de la molécule dans le sol tendent à démontrer que cette percolation est faible puisque, à 30 centimètres de profondeur, des résidus proches de la limite de détection de 0,01 ppm ont pu être retrouvés au bout de 207 jours maximum tandis que la seconde étude est encore plus rassurante puisqu'elle soutient que l'Oxadixyl n'atteindra pas les horizons inférieurs à 30 cm de profondeur et que l'Oxadixyl acide, principal produit de dégradation de Oxadixyl, n'atteindra pas les couches plus profondes ; que cette étude conclut de façon péremptoire : "il est conclu que ni l'oxadixyl, ni l'oxadixyl-acide risque de percolation dans les eaux profondes quand il est appliqué selon les indications d'emploi de l'étude" ; qu'il est ainsi démontré que, même si les maraîchers s'étaient enquis de la notice de dissipation du produit auprès de la société SYNGENTA AGRO, les informations fournies par ce fabricant non seulement ne leur donnaient pas d'information sur la rémanence de la molécule en milieu aqueux mais encore les induisaient en erreur sur les risques de percolation de cette molécule puisque l'expérience vécue à FONDETTES démontre le caractère fallacieux des informations ainsi dispensées ; qu'a fortiori, les notices et produits des emballages des produits fabriqués et vendus par la société SYNGENTA AGRO et la société DU PONT SOLUTIONS ne pouvaient donner aux agriculteurs une information que les fabricants eux-mêmes semblaient ignorer ; qu'aucune erreur d'utilisation des produits par Messieurs Albert X... et Gérard Y... n'a été démontrée contre ces derniers ; que si les teneurs en Oxadixyl, relevées sur les terres du premier semblent élevées et plaider en faveur d'un accident entraînant un surdosage, rien ne le démontre formellement et compte tenu de la durée de vie très variable de la molécule ainsi qu'elle résulte des études précitées, cette teneur excessive peut provenir tout aussi bien de l'utilisation prolongée, sur les mêmes parcelles, de produits correctement dosés ; que, de toute façon, la question ne porte pas sur une pollution des sols mais sur une pollution du captage et, là, force est de constater que ni la société DU PONT SOLUTIONS, ni la société SYNGENTA AGRO n'ont informé les utilisateurs de leurs produits de la durée de vie exceptionnellement élevée de la molécule en milieu aqueux et des facultés de percolation qu'elle présentait, ce qui rendait son utilisation déconseillée à proximité immédiate des sites de captage d'eau potable ; que Messieurs Albert X... et Gérard Y... seront donc intégralement garantis par la Société SYNGENTA AGRO et la Société DU PONT SOLUTIONS des condamnations prononcées contre eux ;
ALORS QUE la simple utilisation non conforme aux prescriptions, même non techniques, d'une notice d'emploi, constitue une faute de l'acheteur ; qu'en ne s'expliquant dès lors pas sur la circonstance spécialement invoquée dans les conclusions d'appel de la société SYNGENTA AGRO (p. 6) selon laquelle la notice d'emploi fournissait toutes les précisions réglementairement et légalement imposées et indiquait que les applications devaient être de trois au maximum par an et uniquement sur la végétation et en statuant par des motifs nécessairement inopérants tirés notamment d'une absence d'information sur les propriétés de la molécule d'oxadixyl incorporée dans le produit commercialisé, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1147 et 1602 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 11-11762
Date de la décision : 27/09/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

APPEL CIVIL - Décisions susceptibles - Décisions d'avant dire droit - Dispositif tranchant une partie du principal - Dispositif ordonnant partiellement un sursis à statuer

PROCEDURE CIVILE - Sursis à statuer - Décision de sursis - Appel - Autorisation du premier président - Défaut - Portée APPEL CIVIL - Décisions susceptibles - Applications diverses - Sursis à statuer - Décision de sursis - Autorisation du premier président - Défaut - Portée APPEL CIVIL - Evocation - Domaine d'application

Le jugement qui sursoit à statuer sur les prétentions d'une partie tout en tranchant dans son dispositif une partie du fond du litige la concernant revêt un caractère mixte à son égard, de sorte qu'elle est recevable à en interjeter appel. Mais méconnaît les dispositions des articles 380 et 568 du code de procédure civile, la cour d'appel qui statue par voie d'évocation sur les demandes sur lesquelles le premier juge avait sursis à statuer, alors que l'appel du jugement en ce qu'il avait sursis à statuer n'avait pas été autorisé par le premier président en application de l'article 380 précité


Références :

articles 380 et 568 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 22 mars 2010

Sur les effets de la non autorisation de l'appel d'une décision de sursis à statuer, à rapprocher :2e Civ., 30 janvier 2003, pourvoi n° 00-15914 , Bull. 2003, II, n° 21 (cassation sans renvoi) ;2e Civ., 8 avril 2004, pourvoi n° 02-16101 , Bull. 2004, II, n° 161 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 27 sep. 2012, pourvoi n°11-11762, Bull. civ. 2012, II, n° 152
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, II, n° 152

Composition du Tribunal
Président : M. Boval (conseiller le plus ancien non empêché, faisant fonction de président)
Avocat général : M. Mucchielli
Rapporteur ?: M. André
Avocat(s) : SCP Boutet, SCP Gaschignard, SCP Le Bret-Desaché, SCP Odent et Poulet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 07/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11762
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award