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03/07/2014 | FRANCE | N°13-20240

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 03 juillet 2014, 13-20240


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en ses première et deuxième branches : Vu l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que le 15 mai 2006, M. X..., salarié de la société Eurothermie, devenue la société Ekynox (l'employeur), a été heurté sur un chantier par le camion de l'entreprise, conduit par un autre préposé de l'employeur ; qu'il a assigné en rÃ

©paration de ses préjudices l'employeur et son assureur, la société L'Auxiliai...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en ses première et deuxième branches : Vu l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que le 15 mai 2006, M. X..., salarié de la société Eurothermie, devenue la société Ekynox (l'employeur), a été heurté sur un chantier par le camion de l'entreprise, conduit par un autre préposé de l'employeur ; qu'il a assigné en réparation de ses préjudices l'employeur et son assureur, la société L'Auxiliaire, en présence de l'organisme social ; Attendu que pour limiter à une certaine somme l'indemnisation de M. X... au titre des pertes de gains futurs et de l'incidence professionnelle, l'arrêt énonce qu'au-delà de la consolidation au 15 mars 2007, la demande de M. X... correspond à une réclamation pour perte de gains futurs et incidence professionnelle, en observant que compte tenu du peu d'ancienneté de M. X... dans l'entreprise, il n'y avait pas d'acquis à se maintenir dans celle-ci et à y évoluer et qu'il n'y a pas d'inaptitude totale au travail médicalement constatée ; qu'il s'agit, en fait, comme l'ont retenu les premiers juges d'évaluer une perte de chance pour M. X... qui sera plus justement évaluée à la somme de 130 000 euros ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. X... avait été licencié pour inaptitude en conséquence de l'accident, ce dont il résultait l'existence d'un préjudice dépourvu d'aléa, et alors que la somme allouée procédait d'une estimation globale de deux postes de préjudice distincts, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société Ekynox et la société L'Auxiliaire aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Ekynox et de la société L'Auxiliaire, les condamne in solidum à payer à M. X... la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour M. X.... Il est reproché à l'arrêt attaqué partiellement infirmatif attaqué d'avoir limité à la somme de 93. 240, 14 euros, déduction faite de la créance de la CPAM, l'indemnisation allouée à Monsieur Thierry X... au titre des pertes de gains futurs et de l'incidence professionnelle, que la Cour analyse comme une simple perte de chance ;

AUX MOTIFS D'ABORD QUE le rapport d'expertise du Docteur Y..., en date du 7 août 2009, relève notamment que Thierry X... n'a pas pu reprendre son activité professionnelle à mi-temps thérapeutique, après aménagement du poste de travail et sous conditions que du 14 au 20 novembre 2006 et le 16 janvier 2007 ; qu'il a été déclaré inapte le 19 janvier 2007 et licencié de son entreprise le 6 juillet 2007 du fait de l'impossibilité pour l'entreprise de pouvoir lui procurer un reclassement professionnel au sein de celle-ci ; qu'il bénéficie par ailleurs du statut de travailleur handicapé depuis le 1er mars 2007 ; que la durée des arrêts de travail s'écoule du 15 mai 2006 au 15 mars 2007, le patient étant dans l'incapacité de reprendre son activité professionnelle même après deux tentatives de courte durée à mi-temps thérapeutique sur poste aménagé (en atelier) et sous conditions (interdiction de port de charges lourdes et d'utilisation d'outils vibrants) ce qui a conduit à son licenciement le 6 juillet 2007 ; qu'il bénéficie d'une rente d'invalidité d'accident de travail depuis le 15 mars 2007 ; qu'il est à ce jour dans l'impossibilité de reprendre un travail de même type ; qu'il a depuis fait plusieurs demandes auprès d'entreprises au titre de reclassement professionnel et de travailleur handicapé, encadrées par I'ANPE, sans succès, le patient signalant qu'il n'a aucune autre compétence que les travaux manuels ; que l'atteinte neurologique est d'autant plus gênante que le patient est gaucher ;

ET AUX MOTIFS ENSUITE QU'au-delà de la consolidation au 15 mars 2007, après laquelle est retenu un déficit fonctionnel permanent de 20 %, la demande de Thierry X... correspond à une réclamation pour perte de gains futurs et incidence professionnelle, en observant que compte tenu du peu d'ancienneté de Thierry X... dans l'entreprise, il n'y avait pas d'acquis à se maintenir dans celle-ci et à y évoluer et qu'il n'y a pas d'inaptitude totale au travail médicalement constatée ; qu'il s'agit, en fait, comme l'ont retenu les premiers juges d'évaluer une perte de chance pour Thierry X... qui sera plus justement évaluée à la somme de 130. 000 euros ; que la somme à allouer à Thierry X... sur ce poste doit être de 93. 240, 14 euros, après déduction des prestations versées par la CPAM ;

ALORS QUE, D'UNE PART, s'agissant de l'indemnisation d'un préjudice corporel, les pertes de gains futurs et l'incidence professionnelle correspondent à des préjudices distincts, appelant comme tels des réparations distinctes ; qu'en allouant pourtant à Monsieur Thierry X... une indemnité globale de 130. 000 euros au titre d'une perte de chance supposée correspondre de façon indifférenciée à ces deux postes de préjudices, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et du principe de la réparation intégrale du dommage, ensemble des règles qui président à la détermination des préjudices corporels ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, ne peut être indemnisé sous la forme d'une simple perte de chance, le préjudice déjà réalisé au jour où le juge se prononce et qui n'est de ce fait assujetti à aucun aléa ; qu'il résulte notamment des constatations de l'arrêt que Monsieur Thierry X..., qui à la date de l'accident était employé par la société Eurothermie devenue Ekynox, bénéficiait de revenus et devait être à brève échéance promu et augmenté, a été licencié le 6 juillet 2007 en raison de l'impossibilité dans laquelle s'est trouvé son employeur de lui procurer un poste adapté à son handicap, qu'il se trouve à ce jour dans l'impossibilité de reprendre un travail de même type et que les démarches qui ont été accomplies auprès de diverses entreprises dans le but de permettre le reclassement professionnel du travailleur handicapé sont demeurées vaines ; qu'en considérant néanmoins que Monsieur Thierry X... ne pouvait prétendre, au titre des pertes de gains futurs et de l'incidence professionnelle, qu'à l'indemnisation d'une simple perte de chance, la Cour d'appel, qui ne tire pas les conséquences légales de ses constatations d'où s'évinçait l'existence d'un préjudice d'ores et déjà consommé, viole l'article 3 de la loi n° 85-177 du 5 juillet 1985, ensemble le principe de la réparation intégrale du dommage et les règles qui gouvernent l'indemnisation d'une perte de chance ;

ALORS QUE, DE TROISIEME PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, en s'abstenant de distinguer, comme elle y était pourtant invitée par Monsieur X... (cf. ses dernières écritures, p. 14 et 16) entre le préjudice financier déjà avéré et donc certain au jour où la Cour statuait, correspondant à la période comprise entre la date de la consolidation et le prononcé de la décision attaquée, et les pertes de revenus futures stricto sensu, qui seules étaient à la rigueur susceptibles d'être affectées d'un aléa, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 3 de la loi n° 85-177 du 5 juillet 1985, du principe de la réparation intégrale du dommage et des règles gouvernant l'indemnisation d'une perte de chance ;

ET ALORS ENFIN QUE, déterminée en fonction de l'état de la victime et de toutes les conséquences qui en découlent pour elle, l'indemnité allouée en réparation de la perte d'une chance doit correspondre à une fraction du préjudice effectivement supporté par la victime ; qu'il appartient dès lors au juge de commencer par évaluer le préjudice final, en faisant abstraction de l'aléa, puis d'apprécier dans un second temps, en fonction de l'importance de cet aléa, la fraction de l'indemnité réparatrice de ce préjudice final qui doit être allouée à titre d'indemnisation de la chance perdue ; qu'en évaluant pourtant directement la perte de chance indemnisée à la somme de 130. 000 euros, sans avoir préalablement pris la peine de déterminer, en faisant abstraction de l'aléa qu'elle a cru pouvoir déceler, la totalité des préjudices invoqués par Monsieur Thierry X... au titre des pertes de gains futurs et de l'incidence professionnelle, la Cour prive de nouveau sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la loi n° 85-177 du 5 juillet 1985, du principe de la réparation intégrale du dommage et des règles gouvernant l'indemnisation d'une perte de chance.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 13-20240
Date de la décision : 03/07/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 20 octobre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 03 jui. 2014, pourvoi n°13-20240


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.20240
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