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21/01/2015 | FRANCE | N°13-24470

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 janvier 2015, 13-24470


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu qu'en application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et

que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à tout harcèlemen...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu qu'en application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à tout harcèlement ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée en qualité d'assistante dentaire à compter du 12 janvier 1999 selon contrat à durée déterminée puis à durée indéterminée, par la Mutualité française de Saône-et-Loire, a saisi la juridiction prudhomale d'une demande de résiliation de son contrat de travail le 9 janvier 2012 ;
Attendu que, pour débouter la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral, la cour d'appel, après avoir dit que la salariée établissait un fait précis, daté, circonstancié de harcèlement moral, retient que le médecin traitant et le professeur en médecine attestent seulement de l'état anxio-dépressif de leur patiente mais n'ont pas été mis en situation de constater la réalité de ses allégations, que le médecin qui effectue un rapport médical exposant toute l'histoire professionnelle de la salariée plus précisément au sein du cabinet dentaire ne fait qu'exposer les dires de la salariée, celle-ci ne produisant aucun document établissant la véracité de tous les faits qu'elle impute aux deux dentistes qu'elle dénonce comme ses harceleurs ; qu'il en résulte que ce rapport n'a aucune valeur probante ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si l'ensemble des éléments matériellement établis par la salariée, en ce compris les certificats médicaux produits et le refus d'organiser la médiation proposée par le médecin du travail, n'était pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement ce dont elle aurait alors dû déduire que c'était à l'employeur de prouver que ces agissements n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 juillet 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne la Mutualité française de Saône-et-Loire aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Mutualité française de Saône-et-Loire à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Madame X... de sa demande tendant à voir dire qu'elle a été victime de harcèlement moral, à lui allouer des dommages et intérêts de ce chef, et au titre des manquements à l'obligation de sécurité.
AUX MOTIFS QUE selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que par application des dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail, il appartient au salarié d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que Christine X... se prévaut de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre le 17 août 2011 avec mise à pied conservatoire pour des faits dénoncés par un patient du Docteur Y... qui prétendait qu'elle lui avait conseillé, sans en référer au dentiste, de prendre un médicament pour calmer ses douleurs dentaires, ce qui lui avait occasionné des douleurs abdominales ; que toutefois, cette mise à pied conservatoire a été levée le 26 août 2011, immédiatement après la tenue de l'entretien préalable dès lors qu'il s'est avéré que Christine X... ne pouvait être à l'origine de ce mauvais conseil puisqu'elle était alors en congé ; que son salaire lui a été versée pour ces jours de mise à pied ; qu'il s'agit du seul fait précis, daté et circonstancié invoqué et prouvé par Christine X... qui produit trois certificats médicaux établis le 30 août 2011 et le 2 septembre 2011 par le Docteur Z... et le 6 janvier 2012 par le professeur A..., faisant référence à une situation de harcèlement moral vécue par elle et d'un rapport d'examen médical établi à sa demande le 6 février 2012 par le docteur B... ; or ces deux praticiens mentionnent expressément que Christine X... les a consultés pour harcèlement moral et attestent de l'état anxio-dépressif de leur patiente pour lequel ils lui délivrent une prescription, mais n'ont pas été mis en situation de constater la réalité de ses allégations ; que pour sa part, le docteur B..., qui expose toute l'histoire professionnelle de Christine X..., et plus précisément au sein du cabinet dentaire de la MUTUALITE DE SAONE ET LOIRE, indique que dès l'arrivée du docteur C..., il y a eu de la part de celui-ci, qui ne souhaitait progressivement plus travailler qu'avec elle, une « captation exclusive », que celui-ci a exercé sa domination sur elle en lui réglant sur ses deniers personnels sa prime et en lui proposant son aide financière lors de la perte de sa carte bleue ; qu'à compter de 2010, il l'a isolée de ses collègues, est devenu soupçonneux à son encontre, inquisitorial puis, après son retour de vacances en Turquie, alors que lui était parti en Syrie, désagréable et indicatif ; qu'il explique qu'en parallèle M. Y..., chef de service administratif de cette structure qui souhaitait, pour des motifs non professionnels, faciliter le retour d'une assistante dentaire au sein de la structure, va avoir un comportement déstabilisateur vis à vis de Christine X... se traduisant par des reproches, la dépréciation de son travail, l'évolution de faux retard, sa dé crédibilisation auprès du personnel du cabinet, afin de provoquer sa démission ; mais que ce praticien ne fait qu'exposer ce que Christine X... lui a dit, laquelle ne produit aucun document établissant la véracité de tous les faits qu'elle impute à Messieurs C... et Y... qu'elle dénonce comme étant ses deux harceleurs ; qu'il en résulte que ce document n'a aucune valeur probante ; que par suite la preuve n'étant pas rapportée par Christine X... de faits dont elle aurait été la victime, laissant présumer l'existence de harcèlement moral, elle doit être déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre ; (¿) qu'elle doit être déboutée également de ses demandes tendant à la réparation des préjudices qu'elle aurait subis suite aux manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles qu'elle alléguait
ALORS QU'il appartient aux juges du fond d'apprécier tous les éléments, pris dans leur ensemble, présentés par le salariée à l'appui de sa demande en résiliation judiciaire pour harcèlement moral ; qu'en sus des rapports établis par les docteurs Z..., A... et B..., Madame X... produisait le dossier médical établi par le médecin du travail qui, pour conseiller la prolongation de l'arrêt de travail, mentionnait un état dépressif « en relation avec les ambiances de travail » et une souffrance au travail justifiée par « la personnalité difficile du dentiste avec lequel elle travaille » ; que Madame X... faisait également valoir, là encore pièces à l'appui, que le médecin du travail avait sollicité pour cette raison une rencontre avec la direction et les personnes concernées, rencontre dont il avait été finalement évincé par l'employeur ; qu'elle démontrait en outre avoir été l'objet d'une mise à pied conservatoire injustifiée ; qu'en se bornant à relever que la sanction litigieuse avait été levée, et en procédant à une appréciation séparée des rapports médicaux émanant des Docteurs Z..., A... et B..., qui tous imputaient l'état dépressif de la patiente à un phénomène de harcèlement moral au travail, sans rechercher si leur multiplicité et leur convergence, ajoutées au diagnostic du médecin du travail et au prononcé d'une mesure disciplinaire injustifiée, n'étaient pas de nature à établir l'existence de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, la cour d'appel a méconnu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail
ET ALORS encore QU'en écartant le rapport d'expertise amiable du Dr B... au motif qu'il « ne fait qu'exposer ce que Christine X... lui a dit, laquelle ne produit aucun document établissant la véracité de tous les faits qu'elle impute à Messieurs C... et Y... qu'elle dénonce comme étant ses deux harceleurs », quand cette expertise amiable, après avoir retracé les faits énoncés, portait sur ces faits l'avis médical selon lequel la narration de Madame X... était claire, précise, sans ostentation ni emphase, sans attitude revendicative ou revancharde, et attestait des symptomes la cour d'appel a dénaturé ledit rapport et violé l'article 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Madame X... de sa demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en raison de ce harcèlement et à obtenir condamnation de l'employeur à lui payer des indemnités de préavis, de licenciement et des dommages et intérêts au titre de la rupture ;
AUX MOTIFS énoncés au premier moyen
ET AUX MOTIFS encore QU'il n'est justifié par Christine X... d'aucun manquement de l'employeur à son obligation en matière de protection de la santé de ses salariés et qu'il n'est prouvé par aucun document que celui-ci aurai commis des fautes dans l'organisation de la médiation qui n'a pas abouti ; qu'en définitive, en l'absence de manquement prouvé, de l'employeur à ses obligations contractuelles, Christine X... doit être déboutée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de ses demandes au titre des indemnités de rupture ; qu'elle doit être déboutée également de ses demandes tendant à la réparation des préjudices qu'elle aurait subis suite aux manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles qu'elle alléguait
ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entrainera par voie de conséquence la cassation du chef de la rupture en application de l'article 624 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-24470
Date de la décision : 21/01/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 11 juillet 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 jan. 2015, pourvoi n°13-24470


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.24470
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