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10/02/2015 | FRANCE | N°14CRD011

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 10 février 2015, 14CRD011


COUR DE CASSATION14 CRD 011 Audience publique du 13 janvier 2015 Prononcé au 10 février 2015



La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Straehli, président, M. Cadiot, conseiller, Mme Chauchis, conseiller référendaire, en présence de Mme Le Dimna, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :


ACCUEIL PARTIEL du recours formé par l'agent judiciaire de l'Etat, contre la décision du premier président de la

cour d'appel de Papeete en date du 8 janvier 2014 qui a alloué à Mme Pascale X... une i...

COUR DE CASSATION14 CRD 011 Audience publique du 13 janvier 2015 Prononcé au 10 février 2015

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Straehli, président, M. Cadiot, conseiller, Mme Chauchis, conseiller référendaire, en présence de Mme Le Dimna, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :

ACCUEIL PARTIEL du recours formé par l'agent judiciaire de l'Etat, contre la décision du premier président de la cour d'appel de Papeete en date du 8 janvier 2014 qui a alloué à Mme Pascale X... une indemnité de 1 200 000 XPF en réparation de son préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du code précité ;

Les débats ayant eu lieu en audience publique le 13 janvier 2015, l'avocat de la demanderesse ne s'y étant pas opposé ;

Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'Etat ;

Vu les conclusions de Me Dubois, avocat au barreau de Papeete, représentant Mme X... ;

Vu les conclusions du procureur général près la Cour de cassation ;

Vu les conclusions en réponse de l'agent judiciaire de l'Etat ;

Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire de l'Etat et à son avocat, un mois avant l'audience ;

Mme X... ne comparaît pas personnellement. Elle est représentée à l'audience par Me Dubois conformément aux dispositions de l'article R. 40-5 du code de procédure pénale ;

Sur le rapport de M. le conseiller Cadiot, les observations de Me Meier-Bourdeau, avocat représentant l'agent judiciaire de l'Etat, celles de Me Dubois, avocat représentant la demanderesse, les conclusions de Mme l'avocat général Le Dimna, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que Mme Pascale X..., née le 3 avril 1972 à Taiohae, secrétaire, vivant en concubinage à Tahiti, un enfant, sans antécédent judiciaire, après avoir été convoquée le 23 septembre 2009 par la police judiciaire en région parisienne a été incarcérée le 24 septembre 2009 à la maison d'arrêt de Versailles sur mandat d'amener d'un juge d'instruction du tribunal de première instance de Papeete jusqu'au 3 octobre 2009 puis, après son transfert en Polynésie française, mise en examen le 4 octobre 2009 des chefs de destruction, modification, soustraction, recel ou altération des preuves d'un crime ou d'un délit et de complicité de cette infraction dont elle a été relaxée par jugement du tribunal correctionnel de Papeete du 15 janvier 2013 désormais définitif ;

Que, le 27 juin 2013, Mme X... a présenté requête en réparation du préjudice subi à raison de sa privation de liberté, sollicitant les sommes de 5 500 000 XPF, soit 46 090 euros, au titre du préjudice moral et de 250 000 XPF, soit 2 095 euros, en compensation des frais irrépétibles de procès ;

Que par décision du 8 janvier 2014, le premier président de la cour d'appel de Papeete, retenant une privation de liberté de dix jours, a alloué à l'intéressée les sommes de 1 200 000 XPF soit 10 056 euros en réparation du préjudice moral et de 120 000 XPF soit 1 005, 60 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que l'agent judiciaire de l'Etat a frappé, le 23 janvier 2014, d'un recours cette décision qui a été notifiée à son conseil par lettre recommandée expédiée le 10 janvier 2014 ;

Que par un premier mémoire déposé le 19 mars 2014, puis par un second, le 17 septembre 2014, il soutient que le séjour carcéral de Mme X..., subi pour les nécessités d'un mandat d'amener qui n'est pas un titre de détention, n'a pas le caractère d'une détention provisoire et n'est pas indemnisable au titre des articles 149 et suivants du code de procédure pénale, faute d'entrer dans les prévisions du premier de ces textes, de sorte que la requête doit être déclarée irrecevable, cette fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile pouvant, selon l'article 123 du même code, être proposée en tout état de cause ; qu'à titre subsidiaire, il fait valoir que le préjudice moral, qui doit s'apprécier au regard de la durée de privation de liberté indépendamment de considérations sur l'opportunité et la régularité de la procédure suivie ou sur le comportement de l'intéressée lors de l'enquête, ne saurait justifier, eu égard même à l'âge de la requérante et à son absence d'incarcération antérieure, d'indemnité supérieure à la somme de 1 000 euros soit 119 331, 70 XPF ;

Attendu que, concluant au rejet du recours de l'agent judiciaire de l'Etat, par un mémoire parvenu au greffe le 13 août 2014, Mme X... fait valoir que le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande, nouveau en cause d'appel, est lui même irrecevable et au surplus infondé dès lors, ainsi que l'a justement retenu le premier président, que la privation de liberté subie en milieu carcéral en attente d'un transfèrement entre dans les prévisions des articles 149 et suivants du code de procédure pénale ; qu'elle sollicite, au fond, outre l'allocation d'une somme de 120 000 XPF soit 1 005, 60 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, la confirmation de la décision entreprise, se prévalant de onze jours de détention dans l'un des centres pénitentiaires les plus surpeuplés et dégradés de France, plus difficilement supportable pour une femme que pour un homme, d'une absence d'antécédents judiciaires, de la rupture des liens familiaux, en particulier d'avec son fils mineur alors âgé de 12 ans ;

Attendu que le procureur général, par ses écritures déposées le 4 septembre 2014, conclut que, ne s'agissant pas d'une détention provisoire mais de l'exécution d'un mandat d'amener, la demande d'indemnisation échappe aux prévisions de l'article 149 du code de procédure pénale et n'est pas recevable ;

Vu les articles 149 à 150 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire, au cours d'une procédure terminée à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe, ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté ;

Que la privation de liberté subie dans des locaux pénitentiaires en exécution d'un mandat d'amener est une détention réparable dans les conditions prévues par les textes susvisés dès lors que les charges fondant la procédure ont été entièrement et définitivement écartées ;

Qu'il résulte également de ces textes que les juridictions de la réparation de la détention connaissent du préjudice découlant exclusivement de la détention, indépendamment de toute appréciation sur la décision d'incarcération ou la culpabilité ;

Attendu que doivent être pris en compte, au titre des facteurs d'aggravation du choc carcéral subi par la requérante, son absence d'antécédents judiciaires, a fortiori carcéraux et la privation, de fait, de tout contact avec ses proches et son fils alors âgé de 12 ans et demi ; qu'en revanche, la référence faite à un taux d'occupation de 112, 5 % du quartier femmes de la maison d'arrêt de Versailles attesté en 2010, soit l'année suivante, par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté n'est révélatrice ni d'une surpopulation sensible, ni d'une vétusté des locaux générant un inconfort particulier du séjour carcéral ;

Que la durée de détention subie étant en l'espèce de onze jours, l'acheminement vers la Polynésie française constituant une translation judiciaire vers le centre pénitentiaire de Faaa-Nuutania, ainsi qu'en fait foi la fiche pénale émise par la maison d'arrêt de Versailles, ces facteurs conduisent à allouer une réparation du préjudice moral à hauteur de 4 500 euros, soit 536 992, 75 XPF ;

Attendu qu'en l'espèce l'équité commande d'allouer à Mme X..., au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 005, 60 euros, soit 120 000 XPF pour l'instance suivie devant la commission nationale de réparation des détentions ;

PAR CES MOTIFS :

ACCUEILLE pour partie le recours de l'agent judiciaire de l'Etat ;

STATUANT À NOUVEAU :

ALLOUE à Mme Pascale X... les sommes de 4 500 euros (Quatre mille cinq cents euros) en réparation du préjudice moral et celle de 1 005, 60 euros (Mille cinq euros et soixante centimes) au titre des frais irrépétibles de procès exposés devant la commission nationale de réparation des détentions ;

LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;

Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 10 février 2015 par le président de la commission nationale de réparation des détentions ;

En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 14CRD011
Date de la décision : 10/02/2015
Sens de l'arrêt : Accueil partiel du recours

Analyses

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Préjudice - Indemnisation - Conditions - Détention - Privation de liberté dans les locaux pénitentiaires en exécution d'un mandat d'amener - Conditions - Charges fondant la procédure définitivement écartées

La privation de liberté subie dans des locaux pénitentiaires en exécution d'un mandat d'amener est réparable dans les conditions prévues par les articles 149 à 150 du code de procédure pénale dès lors que les charges fondant la procédure ont été entièrement et définitivement écartées


Références :

articles 149 et 150 du code de procédure pénale
Bulletin criminel 2014, Commission nationale de réparation des détentions, n° 3

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 08 janvier 2014



Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 10 fév. 2015, pourvoi n°14CRD011


Composition du Tribunal
Président : M. Straehli
Avocat général : Mme Le Dimna
Rapporteur ?: M. Cadiot
Avocat(s) : Me Dubois, Me Meier-Bourdeau

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14CRD011
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