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02/12/2015 | FRANCE | N°14-26835

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 02 décembre 2015, 14-26835


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par un premier président, et les pièces de la procédure, que M. X..., de nationalité malienne, en situation irrégulière en France, a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français et a été placé en rétention administrative le 15 mai 2014 à 19 heures 25 ; que saisi par le préfet, le 21 mai suivant à 8 heures 30, un juge des libertés et de la détention a prolongé cette mesure pour une durée de vingt jours par une ordon

nance rendue le 21 mai à 16 heures 57 ;
Sur la première branche du moyen uni...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par un premier président, et les pièces de la procédure, que M. X..., de nationalité malienne, en situation irrégulière en France, a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français et a été placé en rétention administrative le 15 mai 2014 à 19 heures 25 ; que saisi par le préfet, le 21 mai suivant à 8 heures 30, un juge des libertés et de la détention a prolongé cette mesure pour une durée de vingt jours par une ordonnance rendue le 21 mai à 16 heures 57 ;
Sur la première branche du moyen unique :
Vu les articles L. 552-1, L. 552-2 et R. 552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le principe du respect des droits de la défense ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, l'ordonnance, après avoir constaté qu'à l'heure où elle aurait dû comparaître devant le juge des libertés et de la détention, la personne en rétention se trouvait encore au tribunal administratif de Paris pour une durée qui n'a pas pu être précisée à ce magistrat, retient que l'ignorance de celui-ci quant aux délais de présentation de cette personne devant lui constituait une circonstance insurmontable justifiant que l'affaire soit appelée à l'audience, nonobstant son absence ;
Qu'en statuant ainsi, sans caractériser un obstacle insurmontable empêchant le juge des libertés et de la détention d'entendre la personne en rétention, dans le délai imparti pour statuer qui n'expirait que le lendemain à 8 heures 30, soit plus de 15 heures après le moment de sa décision, le premier président a violé les textes et le principe susvisés ;
Et sur la deuxième branche du moyen :
Vu les articles L. 552-1, L. 552-2 et R. 552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le principe du respect des droits de la défense ;
Attendu que, pour statuer comme elle le fait, l'ordonnance énonce encore que l'avocat commis d'office a consenti à l'évocation du dossier et accepté de représenter M. X... en renonçant à toute contestation susceptible de surgir de cette façon de procéder, que le manquement prétendu de ce conseil ne suffit pas à vicier la décision entreprise, et qu'il ne saurait, dans ces circonstances, être reproché à l'administration de ne pas s'être désistée de sa saisine pour en formuler immédiatement une nouvelle, étant vraisemblable qu'une telle stratégie n'aurait pas manqué d'être mise en cause ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'avocat commis d'office ne pouvait, de sa propre initiative, dispenser son client d'exercer son droit de présenter ses observations, le premier président a violé les textes et le principe susvisés ;
Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;
Attendu que les délais de rétention étant écoulés, il ne reste rien à juger ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l' autre grief :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 22 mai 2014, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour M. X....
En ce que l'ordonnance attaquée confirme l'ordonnance du 20 mai 2014 à 16 h 57 du juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de Paris ordonnant la prolongation du maintien de M. Adama X... dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 20 jours, soit jusqu'au 9 juin à 19 h 25 ;
Aux motifs que le 20 mai 2014 à 8 h 30, le Préfet de police a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la mesure de rétention administrative de Adama X... ; que la période initiale de rétention de 5 jours expirait le même jour à 19 h 25 tandis que le magistrat devait rendre sa décision avant le 21 mai à 8 h 30 ; Considérant qu'à l'heure où il aurait dû comparaître devant le juge des libertés et de la détention, l'étranger se trouvait encore au tribunal administratif de Paris pour une durée qui n'a pas pu être précisée à ce magistrat ; Que l'avocat commis d'office a consenti à l'évocation du dossier et a accepté de représenter Adama X... en renonçant à toute contestation susceptible de surgir de cette façon de procéder : que le manquement prétendu de ce conseil ne suffit pas à vicier l'ordonnance rendue ; Qu'il ne saurait, dans ces circonstances, être reproché à l'administration de ne pas s'être désistée de sa saisine pour en formuler immédiatement une nouvelle, étant vraisemblable qu'une telle stratégie n'aurait pas manqué d'être mise en cause ; Qu'enfin, l'ignorance du juge quant aux délais de présentation devant lui du retenu constitue une circonstance insurmontable qui a justifié que l'affaire soit traitée dans les circonstances contestées, peu important que selon ce qui est soutenu par le retenu, ce dernier soit arrivé au palais de justice peu de temps après qu'ait été rendue l'ordonnance dont il est relevé appel ; Que le moyen pris de la méconnaissance des droits de la défense sera écarté ;
Alors, d'une part, que l'exposant a été convoqué à l'audience du juge des libertés et de la détention dans l'après-midi du 20 mai 2014 et qu'il n'a pu comparaître à 16 h 33 étant alors présent devant le Tribunal Administratif de Paris pour soutenir sa contestation de la décision d'éloignement ; que le juge des libertés et de la détention a alors considéré être « dans une situation d'absence insurmontable » ; que cependant il est constant et il résulte des propres énonciations de l'ordonnance confirmative attaquée que le délai de 24 h 00 imparti au juge des libertés et de la détention pour statuer n'expirait que le 21 mai à 8 h 30 de sorte que le 20 mai à 16 h 57, heure à laquelle il a statué, le juge des libertés et de la détention pouvait suspendre son audience pour permettre à l'intéressé d'être entendu ; que par suite en retenant l'existence d'un « obstacle insurmontable » le Premier Président a violé les articles L.552-1 L.552-9 et R.552-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le principe du respect des droits de la défense ;
Alors, d'autre part, qu'en retenant qu'un Avocat commis d'office lui « donne son accord pour représenter son client et renonce à toutes contestations pouvant résulter de cette façon de faire » quand, l'Avocat ainsi commis d'office ne pouvait, de sa propre initiative, dispenser son client d'exercer son droit fondamental de présenter ses observations, le juge des libertés et de la détention et ensuite le Premier Président confirmant cette décision ont derechef violé les textes précités et le principe du respect des droits de la défense.
Alors enfin qu'en l'absence de toute précision sur la date et l'heure de notification de l'ordonnance de prolongation du 20 mai 2014 à 16 h 57, alors que la rétention prenait fin le 20 mai 2014 à 19 h 25, il apparaît que la rétention manque de base légale dans la mesure où il est impossible de déterminer si la prolongation a été notifiée à l'intéressé le 20 mai 2014 avant 19 h 25, fin de la rétention ; qu'ainsi, le Premier Président a violé les articles L.552-1 et R.552-10 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le principe du respect des droits de la défense.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-26835
Date de la décision : 02/12/2015
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Prolongation de la rétention - Ordonnance du juge des libertés et de la détention - Appel - Procédure - Principe de la contradiction - Violation - Défaut - Cas - Obstacle insurmontable - Caractérisation - Nécessité

ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Prolongation de la rétention - Audition de l'étranger par le juge des libertés et de la détention - Conditions de forme - Audience - Comparution de l'étranger - Obstacle insurmontable - Caractérisation - Défaut - Cas - Ignorance du juge quant aux délais de présentation d'une personne devant lui lorsque le délai imparti pour statuer expirait plus de 15 heures après le moment de sa décision ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Prolongation de la rétention - Audition de l'étranger par le juge des libertés et de la détention - Conditions de forme - Audience - Assistance et représentation - Non-comparution de l'étranger - Avocat commis d'office - Mission - Etendue - Détermination

Il résulte des articles L. 552-1, L. 552-2 et R. 552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du principe du respect des droits de la défense qu'il incombe au juge de caractériser l'obstacle insurmontable l'empêchant d'entendre à l'audience la personne en rétention. L'ignorance du juge quant aux délais de présentation d'une personne devant lui, lorsque le délai imparti pour statuer expirait plus de 15 heures après le moment de sa décision, ne constitue pas un tel obstacle insurmontable. L'avocat commis d'office ne peut, de sa propre initiative, dispenser son client d'exercer son droit de présenter ses observations


Références :

articles L. 552-1, L. 552-2 et R. 552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 mai 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 02 déc. 2015, pourvoi n°14-26835, Bull. civ. 2016, n° 841, 1re Civ., n° 623
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, n° 841, 1re Civ., n° 623

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Rapporteur ?: Mme Gargoullaud
Avocat(s) : SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.26835
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