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12/05/2016 | FRANCE | N°15-16840

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 mai 2016, 15-16840


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 19 février 2015), que M. X..., propriétaire de parcelles sur lesquelles le bénéfice de deux baux ruraux a été reconnu au profit de M. Y..., a délivré congé, pour reprise personnelle, à ce dernier qui l'a contesté, en soutenant, notamment, que le bailleur ne remplissait pas les conditions prescrites pour la reprise ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation du

congé, l'arrêt retient que la condition relative à la possession de matéri...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 19 février 2015), que M. X..., propriétaire de parcelles sur lesquelles le bénéfice de deux baux ruraux a été reconnu au profit de M. Y..., a délivré congé, pour reprise personnelle, à ce dernier qui l'a contesté, en soutenant, notamment, que le bailleur ne remplissait pas les conditions prescrites pour la reprise ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation du congé, l'arrêt retient que la condition relative à la possession de matériel est remplie, M. X... produisant un constat d'huissier de justice établi le 25 septembre 2008, qui a relevé au siège de l'exploitation de ce dernier la présence de matériel agricole dans trois hangars et de cent cinquante ballots de paille de la récolte 2008, et justifiant également être propriétaire d'un tracteur dont il produit la carte grise établie le 11 septembre 2013 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les conditions de la reprise doivent s'apprécier à la date d'effet de celle-ci et qu'il résultait de ses propres constatations qu'un des baux arrivait à échéance le 30 septembre 2015 et que, pour l'autre, les parties étaient d'accord pour admettre son échéance en 2015, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. Y...

M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir validé le congé qui lui a été délivré par M. Francis X... le 28 janvier 2013 portant sur les parcelles sises commune d'Ambrines et cadastrées A47 (pour une contenance de 20a 90ca), A62 (pour une contenance de 7ha 58a 50ca), A64 (pour une contenance de 66a), A 65 (pour une contenance de 67a 20ca), A66 (pour une contenance de 1ha 72a 10ca), B50 (pour une contenance de 21a 10ca), B158 (pour une contenance de 71a 90ca), C27 (pour une contenance d'1ha 75a 31ca) et C43 (pour une contenance de 49a 55ca) et commune de Maizières, cadastrée ZE32 pour une contenance de 4ha 79a 60ca, pour le 30 septembre 2015 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'attestation établie par Maître Cadet, notaire à Avesnes Le Compte, le 28 février 2013 suffit à démontrer la qualité de Francis X... de propriétaire des parcelles visées par le congé délivré à Guislain Y... et qu'il n'est pas nécessaire d'exiger la production de l'acte de donation intervenu entre Louis X... et Pierrette A... et leur fils Francis ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 311-1 du code rural sont réputées agricoles les activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation à l'exclusion des activités de spectacle ; qu'en l'espèce, Francis X... justifie être inscrit auprès de la caisse de mutualité sociale agricole du Nord-Pas-de-Calais en qualité de chef d'exploitation depuis le 23 septembre 2004 et qu'il produit une attestation de l'association de formation à la comptabilité et à la gestion AFOCG dont le signataire indique qu'elle assiste Francis X..., dont l'activité consiste à l'entraînement et à l'élevage des chevaux, dans le suivi de ses documents administratifs et qu'il souhaite agrandir son exploitation pour acquérir une certaine autonomie pour l'alimentation des chevaux ; que Guislain Y..., qui soutient que Francis X... dissimule sa profession et ses revenus, ne produit aucun commencement de preuve de ses affirmations ; que Francis X... justifie par ailleurs être titulaire d'un brevet d'études professionnelles agricoles option activités hippiques, spécialité entraînement de cheval de compétition ; qu'il est domicilié dans le congé à Ambrines, 232 rue de l'école, commune sur laquelle sont situées toutes les parcelles objet de la reprise à l'exception d'une seule et que tous les documents qu'il produit aux débats au soutien de sa demande de validation de congé font état de cette adresse ; qu'aucun élément ne permet de retenir que son habitation ne serait pas suffisamment proche des parcelles reprises pour en permettre l'exploitation normale ; que s'agissant de la condition relative à la possession du matériel nécessaire à l'exploitation, il produit aux débats un constat établi le 25 septembre 2008 par Maître Z..., huissier de justice, qui indique s'être rendu au siège de l'exploitation... à Ambrines et y avoir rencontré Francis X..., requérant, et son père, Louis X..., celui-ci lui ayant indiqué qu'il mettait à la disposition de son fils le corps de ferme comprenant maison d'habitation, hangars et autres dépendances ; que l'huissier a ainsi relevé la présence de matériel agricole dans trois hangars et celle de 150 ballots de paille de la récolte 2008 ; que Francis X... justifie également également être propriétaire d'un tracteur dont il produit la carte grise établie le 11 septembre 2013 ; qu'il s'ensuit que même si les photographies qu'il produit aux débats pour démontrer qu'il est propriétaire de matériel et d'engins sont dépourvues de force probante, la condition exigée relative à la possession de matériel est remplie ; que selon les dispositions de l'article L. 331-2 du code rural sont soumises à autorisation préalable les installations, agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures compris entre une et deux fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5 et, quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles ayant pour conséquence de supprimer une exploitation agricole dont la superficie excède un seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures et compris entre le tiers et une fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5 du code rural ou de ramener la superficie d'une exploitation en-deça de ce seuil ; que Francis X... soutient sans être contredit qu'il exploite actuellement une superficie de 5 hectares 28 ares 78 centiares et possède trois chevaux, soit l'équivalent de 0, 3 SMI, et que l'opération de reprise envisagée a pour effet de porter la surface à 24 hectares 10 ares et 94 centiares ; que le seuil de contrôle d'agrandissement visé par l'article L. 331-2 est fixé dans le département du Pas-de-Calais à 1, 2 fois l'unité de référence qui est de 60 hectares selon l'arrêté préfectoral du 28 juillet 2010, soit un seuil de 72 hectares ; que, par ailleurs, le seuil de contrôle de démembrement est fixé à 0, 8 fois l'unité de référence, soit 48 hectares ; qu'il résulte de l'examen du relevé d'exploitation établi par la caisse de mutualité sociale agricole selon la situation cadastrale au 1er janvier 2014 que Guislain Y... exploite 27 hectares 91 ares et 70 centiares soit une superficie inférieure au seuil fixé par le texte susvisé et que par conséquent, l'opération de reprise envisagée n'est pas soumise à autorisation préalable ; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le tribunal paritaire des baux ruraux a exactement retenu que Francis X... remplissait toutes les conditions exigées par l'article L. 411-59 du code rural lui permettant de valider le congé et qu'il n'apparaît pas justifié de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision de la juridiction administrative ; qu'il convient de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article L. 411-59 du code rural rappelle que le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer personnellement à l'exploitation du bien repris, posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir, occuper lui-même les bâtiments d'habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe et justifier qu'il satisfait par tous moyens aux obligations qui lui incombent en application des deux alinéas précédents, et qu'il répond aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 ou qu'il a bénéficié d'une autorisation d'exploiter en application de ces dispositions ; qu'en l'espèce, M. Francis X... justifie être propriétaire des biens en cause par la production d'une attestation notariée de la donation en pleine propriété des parcelles en cause par ses parents par acte du 17 novembre 2012 ; qu'aucun texte n'exige la production de l'acte de donation lui-même dès lors que l'attestation notariée permet d'identifier clairement le propriétaire des biens en pleine propriété dont il s'agit ; que M. Francis X... produit par ailleurs un constat d'huissier relatif au matériel à sa disposition, ainsi qu'une carte grise reprenant son adresse à Ambrines, qui démontrent qu'il dispose d'une habitation à proximité des biens repris et des moyens de les exploiter ; que par ailleurs, l'article L. 311-1 du code rural assimile aux activités agricoles les activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation, et n'exige ainsi plus la maîtrise d'un cycle biologique pour caractériser l'activité agricole ; que M. Guislain Y... ne conteste pas que M. Francis X... exerce une activité d'entraînement des chevaux, ce dernier justifie par ailleurs du diplôme et d'une affiliation à la MSA depuis le 23 septembre 2004 et produit une attestation de l'AFOCG, confirmant que cette activité « d'élevage et d'entraînement des chevaux est exercée à titre principal » ; qu'il justifie donc de la qualité d'exploitant agricole, ainsi que de la capacité exigée par l'article L. 411-59 du code rural ; que concernant le régime applicable quant au contrôle des structures, l'article L. 331-2 du code rural rappelle qu'est soumis à autorisation des agrandissements d'exploitation lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures, soit 1, 2 fois l'unité de référence ou 72 ha ou entraînant la suppression d'une exploitation dont la superficie excède un seuil fixé par le schéma directeur du Pas-de-Calais à 0, 8 unité de référence, soit 48 ha ; qu'en l'espèce, M. Francis X... produit un courrier de la préfecture dont il ressort que M. Guislain Y... exploite une superficie inférieure au seuil fixé par le schéma directeur, et que M. Y... ne produit aucun élément contraire quant à la surface qu'il cultive ; que par ailleurs, M. Francis X... justifie exploiter à ce jour 5ha 28a et 78 ca, posséder 3 chevaux représentant 0. 3 SMI et envisager la reprise de terres à hauteur de 48ha 82a ; qu'il en résulte que l'agrandissement envisagé n'a pas pour effet de porter la surface exploitée au-delà du seuil soumettant l'opération au contrôle des structures ; qu'il en résulte que M. Francis X... ne ressort pas du régime de l'autorisation, et qu'il convient, sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du tribunal administratif, de valider le congé ;
1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et qu'il ne doit en conséquence retenir dans sa discussion les documents produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en retenant, pour juger que M. Francis X... justifiait posséder le matériel nécessaire à l'exploitation du bien repris, que ce dernier produisait aux débats un constat d'huissier établi le 25 septembre 2008 indiquant que M. Louis X..., son père, avait dit mettre à la disposition de son fils le corps de ferme comprenant maison d'habitation, hangars et autres dépendances et relevant la présence de matériel agricole dans trois hangars et celle de 150 ballots de paille de la récolte 2008, constat dont il ne ressortait pas de ses conclusions qu'il avait pourtant soutenues oralement à l'audience que M. X... l'ait communiqué à M. Y... ni invoqué dans lesdites conclusions, la cour d'appel a fondé sa décision sur une pièce qui n'a pas été débattue contradictoirement, sans inviter M. Y... à s'expliquer sur cet élément de preuve, et a ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS en tout état de cause QUE les conditions de fond de la reprise d'une exploitation agricole doivent être appréciées à la date pour laquelle le congé a été donné ; que dès lors, en se bornant à relever, pour juger que M. Francis X... justifiait posséder le matériel nécessaire à l'exploitation du bien repris et qu'il remplissait les conditions de reprise exigées par l'article L. 411-59 du code rural, que ce dernier produisait aux débats un constat d'huissier établi le 25 septembre 2008 indiquant que M. Louis X..., père de M. Francis X..., avait dit mettre à la disposition de son fils le corps de ferme comprenant maison d'habitation, hangars et autres dépendances et relevant la présence de matériel agricole dans trois hangars et celle de 150 ballots de paille de la récolte 2008, la cour d'appel s'est fondée sur une circonstance inopérante à établir que M. Francis X... possédait le matériel nécessaire à l'exploitation du bien repris le 30 septembre 2015, date d'effet du congé délivré à M. Y... le 28 février 2013, et a ainsi privé sa décision de base légale, au regard de l'article L. 411-59 du code rural ;
3°) ALORS QUE le bailleur qui délivre un congé pour reprendre le bien loué pour lui-même doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires à l'exploitation du bien repris ou, à défaut, les moyens de les acquérir ; que dès lors, en se contentant de retenir, pour juger que M. Francis X... justifiait posséder le matériel nécessaire à l'exploitation du bien repris, qu'il justifiait être propriétaire d'un tracteur dont il produisait la carte grise, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la détention de ce tracteur était suffisante pour mettre en valeur l'exploitation reprise, en qualité d'éleveur de chevaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article L. 411-59 du code rural.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-16840
Date de la décision : 12/05/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 19 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 mai. 2016, pourvoi n°15-16840


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.16840
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