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26/05/2016 | FRANCE | N°15-13005

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 mai 2016, 15-13005


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 4122-1, L. 1232-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 11 juin 2007, en qualité de responsable préparation, par la société BT Lec-Est ; qu'il a été licencié le 6 juillet 2011 pour faute grave dans les termes suivants : « Dans le cadre de l'exécution de vos attributions de responsable de zone logistique, vous êtes amené à conduire un chariot automoteur afin de transporter les marchandis

es dans nos entrepôts. Vous avez obtenu pour ce faire un CACES et l'entreprise v...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 4122-1, L. 1232-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 11 juin 2007, en qualité de responsable préparation, par la société BT Lec-Est ; qu'il a été licencié le 6 juillet 2011 pour faute grave dans les termes suivants : « Dans le cadre de l'exécution de vos attributions de responsable de zone logistique, vous êtes amené à conduire un chariot automoteur afin de transporter les marchandises dans nos entrepôts. Vous avez obtenu pour ce faire un CACES et l'entreprise vous a délivré une autorisation de conduite. « Le 17 juin 2011 vers 10 heures 30, vous étiez au volant de votre chariot à l'entrepôt d'expédition-cellule 3. Vous avez délibérément modifié votre trajectoire sur la droite et foncé à vive allure sur M. Antoine Z..., membre du CHSCT et moniteur sécurité, qui marchait sur la bande de sécurité réservée aux piétons. Ce dernier a dû faire un brusque écart sur sa gauche pour éviter d'être accroché par votre engin et ce n'est qu'au dernier moment que vous avez braqué pour ne pas l'écraser. « L'article L. 4122-1 du Code du travail dispose que chaque travailleur a, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, l'obligation de prendre soin de sa santé et de sa sécurité, ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail. « Notre règlement intérieur rappelle à son article 12. 1 que chaque conducteur utilise avec prudence l'engin dont il a la charge et qu'il doit se conformer notamment à sa destination, aux normes prescrites et au plan de circulation. « Votre comportement du 17 juin 2011 constitue une violation caractérisée de l'obligation de sécurité qui pèse sur tout salarié de l'entreprise, en mettant en danger votre collègue, M.
Z...
. « Une telle attitude est d'autant moins acceptable de la part d'un responsable de zone qui encadre une équipe et se doit de faire respecter les règles de sécurité dans l'entreprise. » ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié des sommes à titre d'indemnités de rupture pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'il est reproché au salarié, alors conducteur d'un chariot automoteur, d'avoir commis des violences volontaires sur la personne de M.
Z...
, piéton, en violant délibérément des règles de sécurité ; qu'il convient de rechercher le caractère délibéré de la violation de l'obligation de sécurité et des violences commises, de manière d'autant plus exigeante qu'il est imputé au salarié un fait unique, d'une durée n'excédant guère 2 secondes, alors que n'est ni alléguée ni soutenue l'existence des difficultés antérieures du salarié en termes d'observations des prescriptions en matière de sécurité ni de violences, les deux sanctions disciplinaires antérieures venant réprimer des faits d'une nature distincte (difficulté de management, communication d'informations confidentielles), que ce caractère ne saurait être présumé en considération des prescriptions en matière de sécurité du règlement intérieur de l'établissement, des fonctions ou des formations du salarié à la conduite de l'engin et en matière de sécurité, que cette intention dolosive apparaît insuffisamment établie et que dès lors, ne serait-ce qu'au bénéfice du doute, aucune faute ne peut être reprochée au salarié ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié, formé à la conduite de l'engin, avait, circulant à vive allure au volant d'un chariot automoteur, dans la zone de circulation le long du passage piéton, contraint, par un changement brutal de trajectoire, un collègue piéton à faire un brusque écart sur sa gauche, avant, au dernier moment, de braquer sur sa gauche pour l'éviter, ce dont il résultait qu'il avait commis un manquement dont il convenait d'apprécier s'il rendait impossible son maintien dans l'entreprise ou s'il constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Coopérative d'approvisionnement BT Lec-Est.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société BT LEC EST à verser à Monsieur X... les sommes de 20. 939, 60 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1. 675, 16 € d'indemnité légale de licenciement, 4. 187, 92 € d'indemnité de préavis, 418, 79 € au titre des congés payés y afférents et 2. 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et d'AVOIR condamné la société BT LEC EST à rembourser aux organismes intéressés la totalité des indemnités de chômage versées à Monsieur X... dans la limite de six mois d'indemnités ;
AUX MOTIFS QUE « les motifs du licenciement se trouvent circonscrits par les énonciations de la lettre le notifiant. Il appartient à l'employeur de démontrer le comportement fautif du salarié fondant le licenciement. Il est en substance reproché à Monsieur X..., alors conducteur d'un chariot automoteur d'avoir commis des violences volontaires sur la personne de Monsieur
Z...
, piéton en violant délibérément des règles de sécurité. A cet égard, la SA BT LEC verse une attestation de Monsieur
Z...
selon laquelle le 17 juin 2011 vers 10 heures 20, alors qu'il marchait dans l'allée piétonne, Monsieur X... arrivant à sa hauteur au volant d'un chariot automoteur, circulant dans la zone de circulation de long du passage piéton, a changé brutalement sa direction en fonçant vers lui, comme s'il voulait le percuter avec le chariot, avant de contre-braquer au dernier moment pour éviter de l'écraser, et présentait un visage fermé et un regard menaçant, sans aucun signe de plaisanterie. Le procès-verbal de constat d'huissier, se fonde bien sur le visionnage d'une bande de vidéo surveillance datée du jour et de l'heure des faits. En effet, si l'auxiliaire de justice a indiqué que la séquence visionnée est datée du 17 juin 2011 à 17 heures 20, en visant la photo n° 6, tirée de l'enregistrement de la bande de vidéo surveillance, annexée à son constat, il résulte de l'examen de ladite photographie que celle-ci est bien datée du 17 juin 2011 à 10 heures 27 et 20 secondes. En outre, il rapporte à titre liminaire que son requérant fixe la survenance de l'incident au 17 juin 2011 à 10 heures 27. Ainsi replacée dans son contexte, il y a lieu de considérer que la mention querellée de l'heure de la photo n° 6 n'est qu'une simple erreur matérielle. Monsieur X... ne peut tout à la fois faire état de l'impossibilité d'identifier des protagonistes sur ses photos, pour aussitôt exciper de ce qu'il en résulte qu'il ne peut en être déduit aucun caractère intentionnel de son comportement lors de cet incident. Il ressort des constatations de cet officier ministériel dont il a tiré 7 photographies, dont les 5 premières encadrent l'événement querellé, que le chariot, dont il n'est pas sérieusement contesté que Monsieur X... le conduise, s'est écarté sur la droite pour se diriger à vive allure, vers la barrière de sécurité située à l'arrière du montant de droite du portail visible au moment où un piéton, dont il n'est pas contesté qu'il s'agisse de Monsieur
Z...
, apparaît dans le champ de vision de la caméra, à côté de la barrière de sécurité, en continuant sa route tout droit sur le piéton, alors que ce dernier s'est arrêté sur le côté de la barrière de sécurité, le piéton faisant un brusque écart sur sa gauche, et au dernier moment, le conducteur du chariot braque sur sa gauche pour éviter le piéton, étant précisé qu'au moment a le piéton reprend sa route, les barres du porte palette sont juste à proximité de ses pieds, et que toute la scène de la première à la cinquième photo se déroule en deux secondes environ. La société BT LEC EST ne saurait se prévaloir du courrier rédigé par le salarié le 27 juin 2014, par lequel ce dernier reconnaît la matérialité de l'incident, pour en déduire un quelconque aveu de la faute en tous ces éléments, tels qu'ils sont articulés dans la lettre de licenciement. En l'espèce, il convient de rechercher, et éventuellement d'établir le caractère délibéré de la violation de l'obligation de sécurité et des violences commises. Cette recherche sera d'autant plus exigeante qu'il est imputé au salarié un fait unique, d'une durée n'excédant guère 2 secondes, alors que n'est ni alléguée, ni soutenue l'existence des difficultés antérieures de Monsieur X... en terme d'observations des prescriptions en matière de sécurité ni en terme de violences, les deux sanctions disciplinaires antérieures venant réprimer des faits d'une nature distincte (difficulté de management, communication d'informations confidentielles). Ce caractère ne saurait se déduire a posteriori de la seule qualité de membre du comité d'hygiène et de sécurité au travail de Monsieur
Z...
, ni être présumé a priori en considération des prescriptions en matière de sécurité du règlement intérieur de l'établissement, en considération des fonctions de Monsieur X... ou en considération des formations du salarié non seulement à la conduite de l'engin, mais encore en matière de sécurité. Cette intention dolosive apparaît insuffisamment établie à l'examen de l'attestation de Monsieur
Z...
, et ne ressort aucunement de l'acte d'huissier, qui se contente de corroborer la matérialité de l'incident, et ce même en conjuguant l'examen de ces deux pièces, d'autant qu'il n'est pas fait état par celui-là, ni pas aucune autre pièce du dossier d'une animosité connue de Monsieur X... à son égard. Son licenciement sera donc considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse. Compte tenu de son âge, de son ancienneté dans l'entreprise, et de sa situation à l'égard de l'emploi postérieurement à la rupture, son préjudice de ce chef sera exactement réparé par l'allocation d'une somme de 20 939, 60 euros. Il convient subséquemment d'accueillir ses prétentions exactement chiffrées au titre des indemnités légales de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, et indemnité de congés payés sur préavis. Il y aura lieu d'ordonner la remise des bulletins de paye, sans qu'il y ait de l'assortir d'une astreinte. Par application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y aura lieu de condamner la SA BT LEC EST à rembourser aux organismes intéressés la totalité des indemnités de chômage versées à Christophe X... à compter du jour de son licenciement, dans la limite de 6 mois d'indemnité de chômage. La SA BT LEC EST succombante sera enfin condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement de 2. 000 euros au titre des frais irrépétibles, sa propre demande à ce titre étant rejetée. Le jugement sera donc intégralement infirmé » ;
1°) ALORS QUE la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, commet une faute grave le salarié qui méconnait les règles de sécurité et met en danger la vie et l'intégrité physique de ses collègues ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que Monsieur X... avait bien, comme le soutenait la lettre de licenciement, détourné sans raison valable de sa route le chariot automoteur qu'il conduisait pour continuer sa route « à vive allure » et « tout droit sur le piéton », qui avait du faire un brusque écart pour éviter d'être percuté, et que Monsieur X... n'avait redressé la trajectoire de son engin qu'au dernier moment lorsque les barres du porte palette se trouvaient à proximité des pieds du piéton, la cour d'appel a considéré que, faute de preuve de l'intention dolosive de Monsieur X..., son licenciement ne reposait pas sur une faute grave ; qu'en statuant ainsi, bien que l'intention dolosive ne soit pas requise pour qualifier une faute de grave et que le comportement de Monsieur X... ayant objectivement mis en danger Monsieur
Z...
rendît impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1234-1 du Code du travail ;
2°) ALORS QUE les juges du fond doivent apprécier l'ensemble des griefs formulés par la lettre de licenciement avant de déterminer si celui-ci repose, ou pas, sur une faute grave ou une cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement de Monsieur X... lui faisait grief non seulement d'avoir tenté de renverser Monsieur
Z...
avec un engin, mais également d'avoir manqué aux règles de sécurité présidant à l'utilisation des chariots, ainsi qu'à l'obligation de sécurité qui pesait particulièrement sur lui en sa qualité de responsable de zone ; que la société BT LEC EST rappelait notamment à cet égard que l'avenant au contrat de travail de Monsieur X..., qui avait suivi de nombreuses formations, lui faisait notamment obligation de conduire prudemment, de ralentir à l'approche des piétons, d'éviter toute conduite brusque et de klaxonner et ralentir dans les endroits à visibilité réduite comme les intersections ; qu'en n'examinant pas ce grief, dont les conclusions d'appel de la société BT LEC EST démontraient amplement le bien-fondé et que l'absence de caractère intentionnel de la tentative de violence ne permettait pas de réfuter, la cour d'appel, qui a pourtant souverainement constaté que Monsieur X... roulait « à vive allure » lors des faits litigieux, survenus à une intersection et à proximité d'un piéton, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 4122-1 du Code du travail ;
3°) ALORS SUBSIDAIREMENT QUE le juge qui écarte la qualification de faute grave doit rechercher si les faits fondant le licenciement ne sont pas néanmoins qualifiables de cause réelle et sérieuse de licenciement, comme c'est le cas notamment du fait de conduire à vive allure au mépris des règles de sécurité un chariot automoteur et d'exposer ainsi un de ses collègues au danger d'une atteinte grave à son intégrité physique ; qu'en l'espèce, la société BT LEC EST rappelait que l'avenant au contrat de travail de Monsieur X... lui faisait notamment obligation de conduire prudemment, de ralentir à l'approche des piétons, d'éviter toute conduite brusque et de klaxonner et ralentir dans les endroits à visibilité réduite comme les portes et les intersections ; qu'en affirmant dès lors sans explication que, aucune faute n'étant constituée en l'absence de preuve de l'intention dolosive de Monsieur X... lors de l'incident litigieux, son licenciement était de ce fait dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans rechercher, comme elle était tenue de le faire, si la mise en danger involontaire de Monsieur
Z...
et les manquements aux règles et obligations de sécurité commis par Monsieur X..., qui roulait à vive allure et n'avait ni ralenti, ni klaxonné lors de l'incident survenu à proximité d'un piéton et d'une intersection, ne constituaient pas a minima une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du Code du travail, ensemble l'article L. 4122-1 dudit Code.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-13005
Date de la décision : 26/05/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 10 décembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 mai. 2016, pourvoi n°15-13005


Composition du Tribunal
Président : M. Ludet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.13005
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