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22/09/2016 | FRANCE | N°15-20565

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 septembre 2016, 15-20565


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que la responsabilité des professionnels du droit ne présente pas un caractère subsidiaire, de sorte que la mise en jeu de la responsabilité d'un avocat n'est pas subordonnée au succès de poursuites préalables contre un autre débiteur et qu'est certain le dommage subi par sa faute, quand bien mêm

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que la responsabilité des professionnels du droit ne présente pas un caractère subsidiaire, de sorte que la mise en jeu de la responsabilité d'un avocat n'est pas subordonnée au succès de poursuites préalables contre un autre débiteur et qu'est certain le dommage subi par sa faute, quand bien même la victime disposerait, contre un tiers, d'une action consécutive à la situation dommageable née de cette faute et propre à assurer la réparation du préjudice ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... (l'avocat) a assuré la défense des intérêts de la société Abeille assurances, aux droits de laquelle se trouve la société Aviva assurances (la société Aviva), à l'occasion d'un litige relatif à l'indemnisation d'un sinistre par incendie impliquant, notamment, l'assuré de celle-ci, sous-traitant, et l'entrepreneur principal, assuré auprès de la société UAP, devenue Axa ; que, condamnée en première instance à payer une somme excédant le plafond de sa garantie, la société Aviva, après avoir interjeté appel, a spontanément exécuté, sous réserve de l'issue de son recours, les causes du jugement qui n'était pas assorti de l'exécution provisoire ; que, malgré l'exercice de diverses voies de recours et actions judiciaires, elle n'a pu obtenir du bénéficiaire du versement qu'elle estimait partiellement indu, le remboursement de la somme trop versée ; que, reprochant à l'avocat d'avoir omis d'invoquer le plafond de sa garantie, elle l'a assigné en responsabilité et en indemnisation ;
Attendu que, pour limiter la condamnation de l'avocat à verser à l'assureur la somme de 12 000 euros à titre de dommages-intérêts et rejeter le surplus de sa demande formée à hauteur de 2 197 719,10 euros, après avoir énoncé que la faute de l'avocat était constituée par son abstention fautive de se faire communiquer les éléments contractuels élémentaires indispensables à la défense de l'intérêt de sa cliente, l'arrêt retient que le préjudice imputable à l'avocat ne peut être que celui constitué par l'évaluation de la garantie de la société Aviva à l'occasion d'un jugement du tribunal de grande instance de Privas du 8 janvier 1998, dès lors qu'il a été déchargé de son mandat pour l'appel et les procédures ultérieures, que la cour d'appel de Nîmes a réformé ce jugement par un arrêt du 17 octobre 2002 qui, retenant la limitation de garantie à hauteur de 357 326,44 euros, a condamné la société Axa à rembourser l'excédent des sommes précédemment perçues, que le préjudice de la société Aviva résulte de son initiative propre de règlement des causes du jugement du 8 janvier 1998, pourtant non assorti de l'exécution provisoire, ainsi que du retard de quatre ans et demi pour voir son plafond de garantie pris en compte, retard incombant à l'avocat, et que l'incertitude sur le sort de cette somme, qui était suspendu à l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, justifie l'octroi de la somme forfaitaire de 12 000 euros de dommages-intérêts ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société Aviva assurances.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Maître X... à payer à la compagnie d'assurance Aviva Assurances, la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts et d'avoir débouté celle-ci du surplus de ses demandes ;
Aux motifs que sur la faute, que la responsabilité propre de l'avocat ne peut être atténuée par la relation de subordination du cadre du service contentieux de la compagnie d'assurances Aviva Assurances allégué par Maître Jean-Jacques X... au travers de ses écritures ; que la faute, qui n'est pas sérieusement discutée, est constituée par l'abstention fautive et caractérisée de Maître Jean-Jacques X... de se faire communiquer les éléments contractuels élémentaires indispensables à la défense de l'intérêt de ses clientes ; sur le lien de causalité que le dommage subi par une personne par l'effet de la faute d'un professionnel du droit est certain, quand bien même la victime disposerait, contre un tiers, d'une action consécutive à la « situation dommageable » née de la faute de ce professionnel et propre à assurer la réparation du préjudice ; que l'action que le client était susceptible d'exercer contre son débiteur pour être rétabli dans son droit « n'est pas de nature à priver la perte de chance invoquée de son caractère actuel et certain » ; mais, sur le préjudice, que le préjudice imputable à Maître Jean-Jacques X... ne peut être que celui constitué par l'évaluation de la garantie de la compagnie d'assurances Aviva Assurances à l'occasion du jugement du tribunal de grande instance de Privas du 8 janvier 1998 puisqu'il a été déchargé de ce mandat pour l'appel et les procédures ultérieures ; que la cour d'appel de Nîmes a réformé le jugement par arrêt du 17 octobre 2002 qui retenant la limitation de garantie de 357.326,44 euros condamne la compagnie Axa à rembourser l'excédent des sommes précédemment perçues ; que le préjudice de la compagnie d'assurance Aviva Assurances résulte ainsi : - de son initiative propre de règlement des causes du jugement du 8 janvier 1998, pourtant non assorti de l'exécution provisoire, - du retard de 4 ans et demi pour voir son plafond de garantie pris en compte, retard incombant à Maître Jean-Jacques X... ; que l'incertitude sur le sort de cette somme, suspendu à l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, justifie l'octroi de la somme forfaitaire de 12.000 euros de dommages et intérêts ;
Alors qu'en statuant de la sorte, pour considérer que le préjudice de la société Aviva résultait du seul retard de quatre ans et demi pour voir son plafond de garantie pris en compte par l'arrêt du 17 octobre 2002 et était donc constitué par la seule incertitude sur le sort de la somme payée en exécution de la décision de première instance pendant ce laps de temps, sans s'expliquer, comme elle y était nécessairement invitée par les écritures d'appel de la société Aviva, sur le sort de cet arrêt, dont il était justifié qu'il avait été frappé de pourvoi et effectivement cassé par la Cour de cassation, et sur le sort de la demande de la société Aviva Assurances tendant à la prise en compte de son plafond, ultérieurement déclarée irrecevable par un arrêt lui-même devenu irrévocable, la cour d'appel qui n'a pas ainsi justifié sa décision, l'a privée de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-20565
Date de la décision : 22/09/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

AVOCAT - Responsabilité - Dommage - Réparation - Caractères du préjudice - Préjudice certain - Existence d'une action de la victime contre un tiers - Portée

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Dommage - Réparation - Caractère du préjudice - Préjudice certain - Faute d'un professionnel - Existence d'une action de la victime contre un tiers - Portée

La responsabilité des professionnels du droit ne présente pas un caractère subsidiaire, de sorte que la mise en jeu de la responsabilité d'un avocat n'est pas subordonnée au succès de poursuites préalables contre un autre débiteur et qu'est certain le dommage subi par sa faute, quand bien même la victime disposerait, contre un tiers, d'une action consécutive à la situation dommageable née de cette faute et propre à assurer la réparation du préjudice


Références :

article 1147 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 28 avril 2015

Sur l'absence de caractère subsidiaire de la responsabilité des professionnels du droit, à rapprocher :1re Civ., 25 novembre 2015, pourvoi n° 14-26245, Bull. 2015, I, n° ??? (rejet)

arrêt cité.Sur le caractère certain du dommage, dans le même sens que :1re Civ., 7 mai 2002, pourvoi n° 99-14675, Bull. 2002, I, n° 121 (rejet), et les arrêts cités ;1re Civ., 19 décembre 2013, pourvoi n° 13-11807, Bull. 2013, I, n° 254 (cassation)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 sep. 2016, pourvoi n°15-20565, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Ride
Rapporteur ?: Mme Teiller
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.20565
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