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22/03/2017 | FRANCE | N°15-23640

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 mars 2017, 15-23640


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique qui est recevable :

Vu l'article 2262 du code civil alors applicable et l'article 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [C] a été engagé le 1er février 1972 par la Mutualité sociale agricole Sèvres et Vienne (la MSA) en qualité de technicien ; qu'il a exercé, entre 1977 et 2012 les fonctions de délégué du personnel et de délégué syndical ; qu'il a pris sa retraite le 1er octobre 2012 ; que le 28 février 2013, il a saisi a j

uridiction prud'homale d'une demande en paiement de dommages-intérêts en réparation ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique qui est recevable :

Vu l'article 2262 du code civil alors applicable et l'article 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [C] a été engagé le 1er février 1972 par la Mutualité sociale agricole Sèvres et Vienne (la MSA) en qualité de technicien ; qu'il a exercé, entre 1977 et 2012 les fonctions de délégué du personnel et de délégué syndical ; qu'il a pris sa retraite le 1er octobre 2012 ; que le 28 février 2013, il a saisi a juridiction prud'homale d'une demande en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice économique subi résultant d'une discrimination syndicale ;

Attendu que pour déclarer cette demande irrecevable, l'arrêt retient que le salarié avait non seulement, de façon certaine à compter de 2005, la connaissance des éléments de nature à établir une comparaison entre le déroulement de sa carrière professionnelle et celle des autres salariés placés dans la même situation que lui, mais aussi, la conscience d'être victime d'une discrimination syndicale qu'il entendait voir reconnaître devant la juridiction prud'homale ; qu'il s'ensuit qu'à la date de la saisine du conseil de prud'hommes, le 28 février 2013, son action était prescrite, en vertu de l'article L. 1134-5 du code du travail comme étant acquise depuis 2010 ;

Attendu cependant, d'une part, qu'avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination était soumise à la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction alors applicable, d'autre part que selon l'article 26 II de la loi susvisée, les dispositions qui réduisent le délai de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que l'action engagée le 28 février 2013 en réparation du préjudice résultant de faits de discrimination allégués commis en 2005 était soumise à la prescription trentenaire, réduite à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, qui n'était pas acquise au jour de l'entrée en vigueur de cette loi, de sorte que l'action n'était pas prescrite à la date de la saisine de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne la Mutualité sociale agricole Sèvres et Vienne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Mutualité sociale agricole Sèvres et Vienne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé et prononcé par Mme Slove, conseiller le plus ancien non empêché, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. [C]

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré l'action de monsieur [C], en réparation du préjudice résultant d'une discrimination syndicale, irrecevable comme prescrite ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L. 1134-5 du code du travail, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel ; que la révélation n'est pas la simple connaissance de la discrimination par le salarié ; qu'elle correspond au moment où il dispose de tous les éléments de comparaison lui permettant de mettre en évidence la discrimination ; que la société MSA oppose à monsieur [C] cette exception de procédure, présentée avant toute défense au fond, au motif que le salarié qui a porté son action le 28 février 2013 devant le conseil de prud'hommes disposait de tous les éléments de comparaison lui permettant de mettre en évidence la discrimination dont il estime être victime avant le 28 février 2008 du fait des informations diffusées sur le site intranet de la MSA sur l'avancement du personnel, de ses fonctions de représentant du personnel et du compte rendu d'un entretien individuel d'évaluation en date du 15 décembre 2005 faisant état du mécontentement de monsieur [C] quant à son évolution de carrière par rapport aux autres salariés ; que monsieur [C] soutient que la prescription n'est pas acquise car, s'il avait, le 15 décembre 2005, la connaissance de ce qu'il s'estimait victime d'une discrimination, il n'est pas établi, cependant, qu'il détenait, alors, les éléments de comparaison mettant en évidence la discrimination ; qu'il résulte, cependant, des pièces du dossier que monsieur [C] disposait de ces éléments de comparaison depuis 1986, année à partir de laquelle la MSA a publié chaque année par affichage dans les locaux de l'entreprise et à partir de 2000, sur le site intranet, la liste des salariés ayant bénéficié des points d'évolution et des avancements d'échelon par catégorie de personnel (pièces 7 à 32) ; qu'en sa double qualité de délégué du personnel et de délégué syndical, il ne pouvait ignorer les règles présidant à ces déroulements de carrière ; qu'il a, d'ailleurs, exprimé sa parfaite connaissance de ces règles et de la révélation qu'il n'en bénéficiait pas pour des raisons liées, selon lui, à une discrimination syndicale, dans le cadre des entretiens annuels d'évaluation dès 2005, en faisant les observations écrites suivantes : « cela fait maintenant plus de trente-trois ans que je travaille au sein de la caisse de mutualité sociale agricole de la Vienne. Durant toutes ces années, j'ai été un des rares salariés de cette entreprise à travailler comme technicien dans l'ensemble des services techniques. Je constate avec amertume et colère que ce parcours professionnel et cette très forte mobilité ne se sont à aucun moment traduits dans mon déroulement de carrière. Je suis aujourd'hui classé au coefficient 150/niveau 2, ce qui est très largement inférieur à la moyenne de déroulement de carrière des salariés embauchés en même temps que moi, je précise également que je suis un des seuls salariés de l'entreprise à n'avoir bénéficié d'aucun point d'échelon et d'évolution depuis l'année 1986, je considère, donc, être victime d'une discrimination latente et d'un préjudice financier important » ; que lors de l'entretien d'évaluation 2006, monsieur [C] a réitéré ces remarques tout en ajoutant que « ces propos tenus en 2005 n'ayant toujours pas eu d'écho de la part de la direction (pas de rendez-vous, aucun contact), je me réserve d'engager une action prud'homale » ; qu'ainsi, non seulement monsieur [C] avait, de façon certaine à compter de 2005, la connaissance des éléments de nature à établir une comparaison entre le déroulement de sa carrière professionnelle et celle des autres salariés placés dans la même situation que lui mais il avait, aussi, la conscience d'être victime d'une discrimination syndicale qu'il entendait voir reconnaître devant la juridiction prud'homale ; que c'est, donc, à tort, que les premiers juges ont déduit de ces constatations que le salarié ne disposait pas des éléments de comparaison mettant en évidence une discrimination ; qu'il s'ensuit qu'à la date de la saisine du conseil de prud'hommes, le 28 février 2013, l'action de monsieur [C] était prescrite, en vertu de l'article L 1134-5 du code du travail comme étant acquise depuis 2010 ; que le jugement déféré sera, en conséquence, infirmé et la demande de monsieur [C] sera déclarée irrecevable ;

1°) ALORS QU' avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination était soumise à la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil ; que pour dire l'action de M. [C] prescrite depuis 2010, la cour d'appel a retenu qu'à compter du jour où il avait eu la connaissance certaine d'être victime de discrimination, en 2005, le salarié bénéficiait d'un délai de cinq ans pour saisir la juridiction prud'homale ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°) ALORS QU' en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination était soumise à la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil ; qu'en jugeant que l'action en réparation de la discrimination syndicale introduite par monsieur [C] le 28 février 2013 était prescrite, quand elle retenait que le salarié avait eu connaissance des éléments de nature à établir une comparaison entre le déroulement de sa carrière professionnelle et celle des autres salariés placés dans la même situation et qu'il avait conscience d'être victime d'une telle discrimination à compter de 2005, la cour d'appel a violé les articles L. 1134-5 du code du travail, 2222 du code civil et 2262 du code civil dans sa rédaction alors applicable, ensemble l'article 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

3°) ET ALORS, subsidiairement, QUE les agissements discriminatoires commis par l'employeur ou un de ses préposés postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 se prescrivent par cinq ans ; que monsieur [C] faisait expressément valoir que les agissements discriminatoires de l'employeur avaient perduré au cours de l'année 2008 et jusqu'à son départ en retraite en 2012, sa carrière continuant de stagner et l'employeur faisant explicitement mention dans les entretiens annuels d'évaluation des années 2008 à 2010 de son absentéisme dû à l'exercice de ses activités représentatives et syndicales (cf. conclusions d'appel pages 7 et 8) ; qu'en jugeant l'action du salarié introduite le 28 février 2013 entièrement prescrite, sans rechercher si ces faits postérieurs à 2005 l'étaient également, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1134-5 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-23640
Date de la décision : 22/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 17 juin 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 mar. 2017, pourvoi n°15-23640


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.23640
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