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23/11/2017 | FRANCE | N°15-18097

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 23 novembre 2017, 15-18097


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X... et à la Selarl Sarthe, mandataire à la liquidation judiciaire ouverte par jugement du 11 mai 2017, de leur reprise d'instance ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 411-31, I du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 24 février 2015), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 30 octobre 2013, pourvoi n° 12-22.310), que, le 17 décembre 1998, Norbert Y... et son épouse ont donné à bail à long terme à M. et Mme X..

. une ferme constituée de terres et de bâtiments à usage d'exploitation et d'habitation ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X... et à la Selarl Sarthe, mandataire à la liquidation judiciaire ouverte par jugement du 11 mai 2017, de leur reprise d'instance ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 411-31, I du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 24 février 2015), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 30 octobre 2013, pourvoi n° 12-22.310), que, le 17 décembre 1998, Norbert Y... et son épouse ont donné à bail à long terme à M. et Mme X... une ferme constituée de terres et de bâtiments à usage d'exploitation et d'habitation ; que Mme Fabienne Y... et M. Emmanuel Y..., venus aux droits de Norbert Y... décédé, et Mme Monique Y... (les consorts Y...) ont demandé la résiliation du bail, pour défaut de paiement de fermages, à l'égard de M. X..., resté seul exploitant des lieux loués ;

Attendu que, pour prononcer la résiliation du bail et ordonner l'expulsion du preneur, l'arrêt retient qu'il est suffisamment justifié qu'un défaut de paiement de fermages a persisté trois mois après la délivrance de chacun des commandements de payer respectivement signifiés les 10 décembre 2007 et 4 décembre 2008 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les manquements du preneur devaient être appréciés au jour de la demande de résiliation formée le 5 mai 2009, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Condamne les consorts Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts Y... et les condamne à payer à M. X... et à la Selarl Sarthe mandataire à la liquidation judiciaire la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Delamarre, avocat aux Conseils, pour M. X... et la Selarl Sarthe mandataire, ès qualités.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résiliation du bail à long terme du 17 décembre 1998, dit que Monsieur Jean-Louis X... devra libérer les lieux dans les trois mois de la signification de l'arrêt, et de l'avoir condamné jusqu'à la libération effective des lieux, à payer à Madame Monique Z... veuve Y..., Madame Fabienne Y... et Monsieur Emmanuel Y..., pris ensemble, une indemnité d'occupation égale au montant du fermage, des loyers et des charges, et dit qu'à défaut pour Monsieur X... d'avoir libéré les lieux dans le délai imparti, les bailleurs seront autorisés à faire procéder à son expulsion ainsi que de tous occupants de son chef au besoin avec le concours de la force publique ;

AUX MOTIFS QUE

« Monsieur X... invoque l'imprécision des commandements de payer quant au bail objet de ceux-ci ; que cependant, le 17 décembre 1998, il a conclu avec Monsieur Norbert Y... et son épouse Madame Monique Z... un bail à long terme, et le même jour, un bail à ferme avec treize membres de la famille Y... ; que le commandement de payer du 10 décembre 2007 a été délivré à la demande de Madame Monique Z... veuve Y... et de se enfants, Fabienne et Emmanuel, ayants-droits de leur père décédé, lesquels n'étaient pas parties au bail à ferme ; que ce commandement délivré par les consorts Y... ne pouvait donc se rapporter qu'au bail à long terme ; qu'en outre, pour s'opposer à la résiliation devant le tribunal paritaire des baux ruraux, la cour d'appel et la Cour de cassation, Monsieur X... n'a jamais prétendu que le commandement de payer du 10 décembre 2007 portait sur le bail à ferme, invoquant seulement la référence de la loi du 6 juillet 1989 figurant exclusivement dans le bail à long terme ; que dans ces conditions, l'intimé ne peut utilement soutenir avoir ignoré que les commandements de payer et la demande de résiliation ne portaient que sur le bail à long terme ; que ce contrat indique, au paragraphe concernant la clause résolutoire pouvant être invoquée par le bailleur en cas de non-paiement du loyer et des charges, que l'expulsion du locataire « pourra être demandée par simple ordonnance conformément aux dispositions des alinéas 2 à 4 de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 » ; qu'il résulte de l'arrêt de la Cour de cassation rendu le 30 octobre 2013 que, nonobstant cette référence, les bailleurs peuvent invoquer, à l'appui de la demande de résiliation à la fois le défaut de paiement des fermages et celui des loyers pour les bâtiments d'habitation puisque « les biens objets du litige étaient loués en vertu d'un unique bail soumis au statut du fermage et que les dispositions relatives aux prix du fermage, lequel est constitué des loyers fixés distinctement pour les biens à usage agricole et à usage d'habitation, sont d'ordre public » ; que dans ces conditions, Monsieur X... ne peut utilement prétendre faire primer, en ce qui concerne la résiliation du bail, les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 sur celles du code rural et affirmer que le commandement de payer du 10 décembre 2007 ne pouvait valablement revendiquer le paiement de loyers à hauteur de 2544,48 €, sans respecter les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 ; que l'article L 411-31 I 1° du code rural et de la pêche maritime dispose que, à l'appui de sa demande de résiliation du bail, le bailleur doit justifier de deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits lui revenant ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance ; qu'en l'espèce, il appartient à la cour de déterminer si les consorts Y... justifient que Monsieur X... n'a pas intégralement réglé, dans le délai de trois mois, les causes des deux commandements de payer tant en ce qui concerne les arriérés de fermages que les arriérés de loyers ; qu'au jour du commandement de payer du 10 décembre 2007, les parties s'accordent pour évaluer à la somme de 3881,57 € le montant des arriérés relatifs aux fermages de novembre 2005, novembre 2006, mai 2007 et novembre 2007 ; que compte tenu de l'arriéré de loyer à hauteur de 2544,48 €, le montant des arriérés de fermage et de loyer s'élevait donc à 6426,05 € ; que les époux Y... ne contestent pas que Monsieur X... a versé, avant le 10 mars 2008, la somme totale de 5113,74 € ; qu'au jour du commandement de payer du 4 décembre 2008, Monsieur X... admet qu'il restait devoir 6181,67 € correspondant aux fermages échus le 1er novembre 2008 et qu'il n'a réglé en janvier et février 2009 que la somme totale de 5000 € ; qu'il est ainsi suffisamment justifié qu'un défaut de paiement de fermages a persisté trois mois après la délivrance de chacun des commandements de payer à hauteur de 1312,31 € pour le commandement du 10 décembre 2007 et à hauteur de 1181,67 € pour le commandement du 4 décembre 2008 ; qu'en conséquence, en application de l'article L 411-31 I 1° du code rural, la demande de résiliation du bail à long terme présentée par les consorts Y... est fondée en droit ; que Monsieur X... affirme ne pas encourir cette résiliation sur le fondement du même texte qui interdit au bailleur d'invoquer un défaut de paiement des fermages au soutien de sa demande de résiliation du bail en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes ; qu'il fait valoir qu'il a géré seul son exploitation suite à la séparation de son couple au début des années 2000, que son exploitation est correctement entretenue, que grâce à son travail, il a augmenté sa production laitière ; qu'il a embauché un salarié en 2009 et que la moitié de son cheptel a dû être abattue à cause de la paratuberculose ; que cependant si Monsieur X... prouve la bonne qualité de sa production en quantité et en qualité ainsi que la bonne tenue de son exploitation, il ne rapporte pas la preuve que des raisons sérieuses et légitimes l'ont empêché de procéder au paiement des fermages de 2005 à 2008 ; qu'en effet, il n'explique pas en quoi le projet de création d'EARL avec son fils constituerait une raison sérieuse et légitime à l'inexécution de ses obligations contractuelles jusqu'en mars 2009 ; qu'en tout état de cause, ce projet est postérieur aux défauts de paiement réitérés causes de la demande de résiliation ; qu'il en est de même de l'embauche d'un salarié en 2010, d'un emprunt contracté fin 2011 et de l'achat de bestiaux en 2011 et 2012 dont rien ne prouve qu'il correspond au remplacement de bêtes mortes de maladie ; que par ailleurs, Monsieur X... ne produit pas les bilans comptables de son exploitation pour les exercices 2005 à 2008, se limitant à produire un document intitulé « budget de trésorerie 2010 » dont l'auteur est inconnu ainsi qu'un état de ses emprunts faisant apparaître des annuités de 45.408 € en 2008 et de 37.760 € en 2009 dont il est impossible de déduire qu'elles ne lui ont pas permis de régler intégralement les loyers et fermages ; qu'enfin s'il est prouvé que la Société SODIAAL UNION lui a enjoint de réaliser des travaux pour permettre la poursuite du ramassage du lait, il résulte du procès-verbal de constat du 14 février 2009 que ces travaux n'avaient pas été réalisés à cette date et que leur coût n'a donc pas pu être à l'origine des défauts de paiement objets de la présente procédure ; qu'au surplus, l'intimé ne produit aux débats aucun courrier adressé aux bailleurs sollicitant des délais de paiement en raison de la précarité de la situation financière et personnelle » (arrêt p. 5 à 7) ;

ALORS, D'UNE PART, QUE

Le bailleur d'un bail rural peut demander la résiliation du bail s'il justifie de deux défauts de paiement du fermage ou de la part du produit revenant au bailleur, ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance ; que les deux défauts de paiement ayant persisté plus de trois mois, qui permettent de prononcer la résiliation, doivent être appréciés à la date de la demande en justice ; qu'en affirmant néanmoins qu'il était suffisamment justifié qu'un défaut de paiement de fermages avait persisté trois mois après la délivrance de chacun des commandements de payer à hauteur de 1312,31 € pour le commandement du 10 décembre 2007 et à hauteur de 1181,67 € pour le commandement du 4 décembre 2008, quand les motifs de la résiliation devaient être appréciés à la date de la demande, soit le 5 mai 2009, de sorte qu'elle était tenue de constater qu'à la date de la demande de résiliation les fermages étaient demeurés impayés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 411-31 du Code rural et de la pêche maritime ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE

Les juges du fond ne peuvent relever d'office un moyen sans inviter au préalable les parties à en débattre contradictoirement ; qu'en retenant que Monsieur X... ne rapportait pas la preuve que des raisons sérieuses et légitimes l'avaient empêché de procéder au paiement des fermages de 2005 à 2008, sans inviter les parties à en débattre contradictoirement, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN, QUE

Les juges du fond ne peuvent relever d'office un moyen sans inviter au préalable les parties à en débattre contradictoirement ; qu'en affirmant encore que Monsieur X... ne produisait aux débats aucun courrier adressé au bailleur sollicitant des délais de paiement, en raison de la précarité de sa situation financière et personnelle, sans inviter les parties à en débattre contradictoirement, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-18097
Date de la décision : 23/11/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 24 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 23 nov. 2017, pourvoi n°15-18097


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Delamarre, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.18097
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