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07/12/2017 | FRANCE | N°16-15109;16-15110

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 décembre 2017, 16-15109 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° 16-15.109 et 16-15.110 ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et le principe d'égalité de traitement ;

Attendu que, sauf disposition légale contraire, un accord collectif ne peut modifier le contrat de travail d'un salarié, seules les dispositions plus favorables de cet accord pouvant se substituer aux clauses du contrat ; qu'il en résulte que cette règle co

nstitue un élément objectif pertinent propre à justifier la différence de traitement ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° 16-15.109 et 16-15.110 ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et le principe d'égalité de traitement ;

Attendu que, sauf disposition légale contraire, un accord collectif ne peut modifier le contrat de travail d'un salarié, seules les dispositions plus favorables de cet accord pouvant se substituer aux clauses du contrat ; qu'il en résulte que cette règle constitue un élément objectif pertinent propre à justifier la différence de traitement entre les salariés engagés antérieurement à l'entrée en vigueur d'un accord collectif et ceux engagés postérieurement, et découlant du maintien, pour les premiers, des stipulations de leur contrat de travail ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. D... a été engagé le 3 mai 1994 en qualité de kinésithérapeute par le centre de rééducation fonctionnelle Te Tiare (le centre) moyennant un salaire mensuel brut fixé par son contrat de travail ; qu'un accord d'entreprise du 22 novembre 1994 a instauré une grille salariale prévoyant un indice maximum de 390 pour les kinésithérapeutes ; qu'afin de maintenir la rémunération contractuellement prévue pour M. D..., l'employeur lui a affecté l'indice maximum de 390 augmenté d'un complément permanent d'indice de 172 points ; que Mme Z... épouse A... et M. Y..., engagés les 8 avril 2003 et 7 février 2006 en qualité de kinésithérapeutes par le centre, ont perçu une rémunération correspondant à la grille salariale fixée par l'accord d'entreprise du 22 novembre 1994 ; qu'invoquant une différence de traitement au regard de la rémunération servie à M. D..., ils ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de salaire ;

Attendu que pour faire droit à cette demande, les arrêts retiennent que le fait que le centre ne puisse modifier la rémunération de M. D... sans son accord, s'agissant d'un élément essentiel du contrat de travail, n'est pas à lui seul de nature à rendre légitime une disparité de traitement entre des salariés effectuant le même travail ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile et après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent le centre de rééducation fonctionnelle Te Tiare à payer à Mme A... et M. Y... un rappel de salaire correspondant à une majoration mensuelle d'indice de 172 points, les arrêts rendus le 7 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute Mme A... et M. Y... de leur demande en paiement d'un rappel de salaire correspondant à une majoration mensuelle d'indice de 172 points ;

Condamne Mme A... et M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen commun produit aux pourvois n° D 16-15.109 et E 16-15.110 par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour le Centre de rééducation fonctionnelle Te Tiare.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SA Centre de rééducation fonctionnelle Te Tiare à verser à M. Frédéric Y... un rappel de salaire correspondant à une majoration mensuelle d'indice de 172 points depuis le mois de juillet 2007 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'employeur est impérativement tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'entreprise s'ils sont placés dans une situation identique ; que le principe « à travail égal salaire égal » qu'il doit respecter est rappelé à l'article 31 de l'accord d'entreprise du 5 décembre 1994 selon lequel : « pour un même travail, de qualification professionnelle et de rendement, l'égalité de rémunération doit être garantie à tous les salariés quels que soient leur origine, leur âge, leur situation de famille et leur statut » ; que la situation professionnelle de Frédéric Y... ne saurait être comparée à celle de Patrick E... et de Stéphane F... qui exercent respectivement les fonctions de surveillant du service de kinésithérapie et de cadre de santé alors qu'il exerçait les fonctions de masseur-kinésithérapeute ; mais que bien qu'exerçant les mêmes fonctions que Régis D... engagé à compter du 1er mai 1994, Frédéric Y..., engagé à compter du 8 février 2006, percevait un salaire calculé suivant l'accord d'entreprise du 5 décembre 1994 et auquel n'était pas affecté le complément d'indice de 172 que l'employeur avait octroyé à Régis D... afin de lui éviter la diminution de sa rémunération que la grille salariale du 22 novembre 1994 entraînait ; qu'il est de jurisprudence constante qu'en vertu du principe « à travail égal salaire égal », le seul fait que des salariés aient été engagés avant ou après l'entrée en vigueur d'un accord collectif ne suffit pas à justifier des différences de rémunération entre eux, à moins que ledit accord n'ait pour objet de compenser un préjudice subi par les salariés présents dans l'entreprise lors de son entrée en vigueur et qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve des raisons objectives à la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ; qu'or, le tribunal du travail a pertinemment relevé que l'accord d'entreprise n'est pas destiné à réparer un préjudice subi par Régis D... et qu'il ne fait pas référence aux kinésithérapeutes embauchés avant son entrée en vigueur, ni à un complément d'indice permettant le maintien de leur salaire ; qu'il a également pertinemment relevé que Régis D... bénéficie de la prime d'ancienneté et de revalorisations salariales comme l'ensemble du personnel ; qu'il n'est pas établi, ni même prétendu que ses responsabilités et sa qualification soient supérieures à celles de Frédéric Y... ; que par ailleurs, la différence de rémunération dénoncée par celui-ci ne provient pas de droits acquis par Régis D... avant une modification dans la situation juridique de l'employeur, un changement de qualification du salarié ou une réorganisation du service ; qu'outre qu'elle n'en rapporte pas la preuve, la SA Centre de rééducation fonctionnelle Te Tiare ne saurait, pour justifier le salaire de Régis D..., se prévaloir de charges de travail plus importantes ou de contraintes liées au contexte socio-économique dans la mesure où l'accord d'entreprise et la grille salariale d'après lesquels est calculé le salaire de Frédéric Y... datent de 1994 qui est l'année durant laquelle a été embauché Régis D... ; qu'enfin, le fait que la SA Centre de rééducation fonctionnelle Te Tiare ne puisse modifier la rémunération de Régis D... sans son accord, s'agissant d'un élément essentiel du contrat de travail, n'est pas à lui seul de nature à rendre légitime une disparité de traitement entre des salariés effectuant le même travail ; qu'en effet, il lui était possible soit de rechercher l'accord de Régis D..., ce qu'elle ne démontre pas, ni ne prétend, avoir fait ; soit de tirer les conséquences d'un refus du salarié ; soit de négocier une grille salariale prenant en considération le salaire de Regis D... ; soit d'aligner sur ce salaire celui de Frédéric Y... ; que dans ces conditions, la SA Centre de rééducation fonctionnelle Te Tiare ne démontre pas l'existence de raisons objectives expliquant la différence de rémunération entre Frédéric Y... et Régis D... et le principe « à travail égal salaire égal » a ainsi été méconnu ; qu'il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la SA Centre de rééducation fonctionnelle Te Tiare à payer à Frédéric Y... un rappel de salaire correspondant à une majoration mensuelle d'indice de 172 points depuis le mois de juillet 2007 ;

ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSES ADOPTES, QUE l'employeur ne conteste pas la force du principe « à travail égal, salaire égal ; que cette règle est d'ailleurs inscrite à l'article 31 de l'accord d'établissement ; que surtout et depuis l'arrêt Ponsolle du 29 octobre 1996, ce principe à la valeur d'une règle impérative, refusant à l'employeur un pouvoir discrétionnaire en matière de fixation des rémunérations ; que sur cette base, la jurisprudence a depuis précisé que la seule circonstance que les salariés aient été engagés avant ou après l'entrée en vigueur d'un accord collectif ne saurait suffire à justifier des différences de traitement entre eux, pour autant que cet accord collectif n'a pas pour objet de compenser un préjudice subi par les salariés présents dans l'entreprise lors de son entrée en vigueur ; qu'en l'espèce, l'accord d'établissement n'a pas eu pour objet de compenser un préjudice subi par M. D... embauché avant sa négociation ; que notamment il ne prévoit pas que les kinésithérapeutes recrutés avant son entrée en vigueur soient affectés de l'indice maximum de cet emploi et bénéficient de manière permanente d'une majoration d'indice leur permettant de conserver leur rémunération antérieure ; qu'en outre, l'ancienneté, d'ailleurs fort relative de M. D..., recruté moins d'un an avant l'instauration de la grille salariale, est déjà prise en compte au travers de la prime d'ancienneté, qui évolue de la même manière pour les salariés ; qu'il a de plus bénéficié des revalorisations du point d'indice à l'instar du reste du personnel ; qu'il n'est justifié ni même allégué que M. D... assume des responsabilités ou dispose d'un niveau de qualification supérieur à ceux de ses collègues kinésithérapeutes ; qu'il n'est pas reproché à l'employeur d'avoir garanti son salaire contractuel à M. D... mais de ne pas avoir aligné les autres kinésithérapeutes sur son niveau de rémunération ; que la situation ne peut être comparée à celle d'un transfert des contrats de travail d'une entreprise à une autre, qui peut justifier des disparités salariales au titre des avantages acquis, ces disparités s'expliquant par le fait qu'initialement les salariés ne relevaient même pas de la même communauté de personnel et du même employeur ; qu'en effet, en l'espèce, il n'est pas soutenu que le centre Te Tiare ait absorbé d'autres entreprises ; qu'on peut admettre que dans le cadre de l'inscription de M. D... dans la grille salariale nouvellement conçue, il lui ait été attribué le plafond d'indice des kinésithérapeutes, sans que soit porté atteinte au principe d'égalité ; qu'en effet, l'article 34 de l'accord collectif ne prévoit pas un avancement automatique à l'ancienneté, mais laisse la décision à l'employeur, sur avis d'une commission paritaire ; qu'en revanche, le bénéfice permanent de 172 points supplémentaires est discriminatoire à l'égard des autres kinésithérapeutes, qui peuvent légitimement en réclamer l'avantage pour la période non prescrite ; qu'il sera donc fait droit, à cette hauteur et dans cette mesure, à la requête de M. Y..., sans qu'il y ait lieu en l'état à astreinte ;

ALORS QUE, D'UNE PART, constitue une raison objective justifiant une différence de traitement entre salariés effectuant un même travail ou un travail de travail égal l'obligation pour l'employeur de maintenir le niveau de rémunération d'un salarié tel que fixé dans son contrat de travail avant l'entrée en vigueur d'un accord d'entreprise instaurant une grille salariale ; qu'en jugeant le contraire, la cour viole le principe « à travail égal salaire égal » ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, et en toute hypothèse, l'article 5 de l'accord d'entreprise du 5 décembre 1994 prévoit que cet accord ne peut entraîner la réduction des avantages de toute nature individuelle, acquis antérieurement à son entrée en vigueur ; qu'en vertu de ce texte, l'employeur était donc tenu de maintenir à un salarié le niveau de rémunération fixé par son contrat de travail de travail antérieurement à son entrée en vigueur, le cas échéant en complétant le salaire tel que prévu par la grille salariale instaurée par l'accord ; qu'en jugeant néanmoins que l'accord ne fait pas référence aux salariés engagés avant son entrée en vigueur et ne prévoit pas de complément permettant le maintien du salarié, la cour viole le texte précité, ensemble le principe « à travail égal salaire égal ».


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-15109;16-15110
Date de la décision : 07/12/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION - Salaire - Egalité des salaires - Atteinte au principe - Défaut - Conditions - Eléments objectifs justifiant la différence de traitement - Cas - Respect des droits que le salarié tient de son contrat de travail - Portée

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Dispositions générales - Disposition modifiant le contrat de travail - Possibilité - Conditions - Détermination

Sauf disposition légale contraire, un accord collectif ne peut modifier le contrat de travail d'un salarié, seules les dispositions plus favorables de cet accord pouvant se substituer aux clauses du contrat. Cette règle constitue un élément objectif pertinent propre à justifier la différence de traitement entre les salariés engagés antérieurement à l'entrée en vigueur d'un accord collectif et ceux engagés postérieurement, et découlant du maintien, pour les premiers, des stipulations de leur contrat de travail


Références :

article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016

principe d'égalité de traitement

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 07 janvier 2016

Sur l'impossibilité pour l'employeur de modifier les stipulations contractuelles des salariés embauchés avant l'entrée en vigueur d'un accord collectif constituant ainsi un élément objectif justifiant une différence de traitement, à rapprocher :Soc., 1er décembre 2005, pourvoi n° 03-47197, Bull. 2005, V, n° 347 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 déc. 2017, pourvoi n°16-15109;16-15110, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat(s) : SCP Leduc et Vigand, Me Balat, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.15109
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