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09/06/2021 | FRANCE | N°19-23656

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 juin 2021, 19-23656


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2021

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 706 F-D

Pourvoi n° F 19-23.656

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUIN 2021

La société Ferropem, société par actions simpli

fiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 19-23.656 contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2019 par la cour d'appel...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2021

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 706 F-D

Pourvoi n° F 19-23.656

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUIN 2021

La société Ferropem, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 19-23.656 contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2019 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à M. [F] [J], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Ferropem, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. [J], après débats en l'audience publique du 14 avril 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 12 septembre 2019), M. [J], engagé par la société Ferropem (la société), qui était classé dans la catégorie agent de maîtrise, coefficient 325 avenant 3 groupe 4 de la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, est retraité depuis le 31 décembre 2014.

2. Le 16 mars 2015, invoquant le principe d'égalité de traitement, il a attrait son employeur devant la juridiction prud'homale aux fins que soit ordonnée, sous astreinte, son affiliation ainsi que celle de son épouse, au contrat collectif de prévoyance santé, la complémentaire santé « Adrea », du groupe des retraités aux mêmes conditions que celles afférentes aux employés retraités partis à la retraite en même temps que lui.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt d'ordonner l'inscription de M. et Mme [J] au contrat collectif de prévoyance santé auprès du groupe Adrea, dans un délai de trente jours à compter de la notification, sous peine d'astreinte, alors «qu'en raison des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, qui reposent sur une évaluation des risques garantis, en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en oeuvre la garantie d'un organisme extérieur à l'entreprise, l'égalité de traitement ne s'applique qu'entre les salariés relevant d'une même catégorie professionnelle ; qu'en l'espèce, la société Ferropem a conclu deux contrats de prévoyance santé distincts, l'un pour les salariés cadres et assimilés cadres, classés « articles 4 et 4 bis » géré par le groupe Malakoff et l'autre pour les salariés classés « non articles 4 et 4 bis », géré par le groupe Adea, l'employeur ne prenant en charge la mutuelle après le départ en retraite que pour cette deuxième catégorie de salariés ; qu'ayant constaté que M. [J], du fait de son passage au coefficient 325 est assimilé cadre « article 4 bis » et appartient à une catégorie professionnelle distincte et en ordonnant cependant son inscription et celle de son épouse au contrat collectif de prévoyance santé auprès du groupe Adrea réservé aux seuls salariés classés « non articles 4 et 4 bis » au motif inopérant que la société Ferropem ne justifie pas de la pertinence du critère retenu pour opérer une différence de traitement entre les salariés en matière de maintien du régime frais de santé à la retraite, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement. »

Réponse de la Cour

Vu le principe d'égalité de traitement :

4. En raison des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, qui reposent sur une évaluation des risques garantis, en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en oeuvre la garantie d'un organisme extérieur à l'entreprise, l'égalité de traitement ne s'applique qu'entre les salariés relevant d'une même catégorie professionnelle.

5. Pour ordonner l'inscription du retraité et de son épouse au contrat collectif de prévoyance santé « Adrea » réservé aux salariés et retraités de la catégorie « non articles 4 et 4 bis », l'arrêt énonce que le critère retenu par l'employeur n'est pas étranger à toute considération professionnelle, le coefficient permettant en effet de distinguer les salariés en fonction de leur niveau de compétence et des responsabilités exercées sans intervention d'un facteur personnel, que l'employeur n'explicite pas en quoi ce critère est pertinent pour opérer une différence de traitement en matière de couverture santé, que le coefficient attribué à un salarié est au contraire sans rapport avec le niveau de protection qui doit être accordé en matière de frais de santé, que l'inégalité de traitement est caractérisée faute pour l'employeur de justifier de la pertinence du critère retenu pour opérer une différence de traitement entre les salariés en matière de maintien du régime de frais de santé à la retraite.

6. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié, du fait de son passage au coefficient 325 en 1999, était assimilé cadre en application de l'article 4 bis de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et appartenait en conséquence à une catégorie de personnel distincte de celle des salariés classés « non articles 4 et 4 bis » de la même convention, relevant de la couverture de santé maintenue à ces derniers lors de leur retraite, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constations, a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne M. [J] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Ferropem

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR ordonné l'inscription de M. et Mme [J] au contrat collectif de prévoyance santé auprès du groupe Adrea, dans un délai de trente jours à compter de la notification, sous peine d'une astreinte de 50 ? par jour de retard passé ce délai ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la rupture d'égalité de traitement au titre de la mutuelle :
en vertu du principe d'égalité de traitement, des salariés placés dans une situation comparable ne peuvent être traités différemment sans que cette différence ne repose sur une raison objective et pertinente.
Il est de principe qu'en raison des particularités des régimes de prévoyance incluant la protection sociale complémentaire, qui reposent sur une évaluation des risques garantis, en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, qui prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en oeuvre la garantie d'un organisme extérieur à l'entreprise, l'égalité de traitement ne s'applique qu'entre les salariés d'une même catégorie professionnelle.
Sur le fond, M. [J] prétend que la différence de traitement était opérée en fonction du coefficient et non en fonction de l'appartenance à une catégorie professionnelle.
M. [J] était en effet agent de maîtrise depuis de nombreuses années lorsqu'il est passé coefficient 325, en 1999.
Il est demeuré agent de maîtrise jusqu'à sa retraite.
Cependant, l'employeur expose qu'en application de la convention collective nationale de la chimie, en date du 14 mars 1947, du fait de son passage au coefficient 325, le salarié est assimilé cadre article 4 bis, ce qui résulte effectivement de ladite convention collective.
Il soutient qu'en application de la lettre circulaire n°2005-130, le régime de retraite ou de prévoyance institué par l'entreprise doit revêtir un caractère collectif, c'est à dire bénéficier de façon générale et impersonnelle à l'ensemble du personnel salarié ou à certaines catégories objectives de personnel. Par catégories de personnel, il convient d'entendre celles qui sont retenues pour l'application du droit du travail : ouvriers, employés, agents de maîtrise, ingénieurs et cadres.
D'autres catégories s'inspirant des usages (constants, généraux et fixes) et des accords collectifs en vigueur dans la profession peuvent être retenues dès lors que celles-ci sont déterminées à partir de critères objectifs, non restrictifs et clairement définis.
Il s'ensuit que la catégorie assimilé cadre 4 bis établie sur des critères objectifs, non restrictifs et clairement définis, à savoir le passage au coefficient 325, dans la convention collective sus citée, est bien une catégorie de personnel.
Mais en application de l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale, les garanties collectives dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayant droits en complément de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale sont déterminées par voie de convention d'accords collectifs, soit à la suite de la ratification à la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise, soit par une décision unilatérale du chef d'entreprise constatée dans un écrit remis par celui-ci à chaque intéressé.
En l'espèce, il existe une décision unilatérale du chef d'entreprise en date du 12 décembre [2008] instituant la mise en conformité d'un régime de remboursement de frais de santé responsable qui s'applique à l'ensemble des collaborateurs 4 et 4 Bis de la convention collective nationale du 14 mars 1947.
Cependant, l'employeur ne prouve pas la remise de cet écrit au salarié, l'exemplaire qu'il produit n'étant pas signé.
Par ailleurs ce document n'indique pas que la prévoyance santé sera supprimée à la retraite.
De plus, la protection et l'accès à la santé relevant enfin d'un domaine où est mis en oeuvre le droit de l'Union européenne, la charge de la preuve de l'atteinte au principe d'égalité ne saurait reposer sur le seul salarié demandeur. Il appartient donc à l'employeur de démontrer que la différence de traitement opérée en fonction du coefficient était fondée sur des motifs objectifs, pertinents et étrangers à toute discrimination.
En l'espèce, le critère retenu par la société Ferropem, n'est pas étranger à toute considération de nature professionnelle. Le coefficient permet en effet de distinguer les salariés en fonction de leur niveau de compétence et des responsabilités exercées sans intervention d'un facteur personnel.
Cependant, la société Ferropem n'explicite pas en quoi ce critère est pertinent pour opérer une différence de traitement en matière de couverture santé. Elle ne développe aucun moyen visant à expliquer le lien entre l'avantage refusé et le critère retenu pour en octroyer ou en refuser le bénéfice aux salariés concernés. Il apparaît à l'inverse que le coefficient attribué à un salarié est sans rapport avec le niveau de protection qui doit être accordé en matière de frais de santé.
Faute pour la société Ferropem de justifier de la pertinence du critère retenu pour opérer une différence de traitement entre les salariés en matière de maintien du régime frais de santé à la retraite, l'inégalité de traitement est caractérisée » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés du jugement : « Il n'existe pas dans l'établissement concerné de grille de critères de répartition des avantages sociaux concernant la mutuelle. A titre indicatif, sur la liste des bénéficiaires de ce contrat figure l'épouse d'un cadre de l'usine d'un coefficient supérieur à 300 et qui est décédé avant d'arriver à l'âge de la retraite. Des veuves d'anciens salariés agents de maîtrise d'un coefficient supérieur à 300 sont également bénéficiaires. Avant 2008, tout le personnel de l'usine, hormis les cadres, faisaient partie de la même mutuelle. C'est par une décision unilatérale du 12 décembre 2008 que l'employeur a décidé d'opérer une distinction entre les coefficients pour opérer un tri parmi les bénéficiaires des mutuelles. Cette discrimination est basée sur l'appartenance à une catégorie de personnel et ne suffit en aucun cas à justifier la différence de traitement entre salariés. L'accord du contrat collectif n° E0596 du 13 décembre 2001 et la fiche de paye de M. [J] de mars 2015 faisant apparaître la catégorie agent de maîtrise coefficient 325, le conseil ordonne l'inscription de M. et Mme [J] au contrat collectif de prévoyance santé, sous astreinte » ;

ALORS QU'en raison des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, qui reposent sur une évaluation des risques garantis, en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en ?uvre la garantie d'un organisme extérieur à l'entreprise, l'égalité de traitement ne s'applique qu'entre les salariés relevant d'une même catégorie professionnelle ; qu'en l'espèce, la société Ferropem a conclu deux contrats de prévoyance santé distincts, l'un pour les salariés cadres et assimilés cadres, classés « articles 4 et 4 bis » géré par le groupe Malakoff et l'autre pour les salariés classés « non articles 4 et 4 bis », géré par le groupe Adea, l'employeur ne prenant en charge la mutuelle après le départ en retraite que pour cette deuxième catégorie de salariés ; qu'ayant constaté que M. [J], du fait de son passage au coefficient 325 est assimilé cadre « article 4 bis » et appartient à une catégorie professionnelle distincte et en ordonnant cependant son inscription et celle de son épouse au contrat collectif de prévoyance santé auprès du groupe Adrea réservé aux seuls salariés classés « non articles 4 et 4 bis » au motif inopérant que la société Ferropem ne justifie pas de la pertinence du critère retenu pour opérer une différence de traitement entre les salariés en matière de maintien du régime frais de santé à la retraite, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-23656
Date de la décision : 09/06/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 12 septembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 jui. 2021, pourvoi n°19-23656


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.23656
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