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15/12/2021 | FRANCE | N°19-20011

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 décembre 2021, 19-20011


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 décembre 2021

Cassation

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1430 F-D

Pourvoi n° U 19-20.011

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 DÉCEMBRE 2021

Mme [E] [T], domiciliée [Adresse 1

], a formé le pourvoi n° U 19-20.011 contre l'arrêt rendu le 20 mars 2019 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 décembre 2021

Cassation

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1430 F-D

Pourvoi n° U 19-20.011

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 DÉCEMBRE 2021

Mme [E] [T], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 19-20.011 contre l'arrêt rendu le 20 mars 2019 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant à la société Outlander, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [T], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Outlander, après débats en l'audience publique du 4 novembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 mars 2019), la société Outlander (la société) a conclu, le 10 octobre 2009, avec une société dénommée CB Conseil un accord de collaboration afin de contribuer au développement de nouveaux produits de puériculture pour une durée de deux années, moyennant le versement d'honoraires comportant une partie fixe mensuelle pour deux jours de travail par semaine et une part variable.

2. A la suite d'un litige relatif au versement des honoraires, Mme [T], dirigeante de la société CB Conseil, soutenant avoir été engagée par la société Outlander en qualité de directrice artistique salariée, a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant principalement à la requalification de la relation contractuelle en un contrat de travail à durée déterminée et à temps complet, au versement de rappels de salaire et de commissions et de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat, outre diverses demandes subséquentes.

Examen des moyens

Sur le quatrième moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que son contrat de travail était à temps partiel, en conséquence de limiter à certaines sommes le montant des condamnations dont l'employeur est redevable envers elle aux titres d'un rappel de salaire pour la période du 30 septembre 2009 au 14 octobre 2010, de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, enfin, de rejeter sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, alors :

« 1°/ qu'aux termes d'un mail daté du 2 septembre 2010, Mme [T] a communiqué à son employeur un tableau récapitulatif des jours travaillés de fin septembre 2009 à fin août 2010 en indiquant qu'il correspondait à un ''forfait mensuel'' correspondant à ''une moyenne de huit jours convenus par mois'' ; que le tableau communiqué comporte un nombre de jours effectués variant d'un mois sur l'autre (de 3 à 10 jours) et mentionne pour les mois de février et juin des semaines comportant 3 jours travaillés (8/9/11 février et 16/17/18 juin) et pour le mois d'août une semaine comportant 5 jours travaillés (du 23 au 27 juin) ; qu'en relevant, pour dire que la société avait renversé la présomption de travail à temps complet résultant de l'absence de tout travail écrit, que dans son mail du 2 septembre 2010, Mme [T] faisait ''référence aux deux jours de travail par semaine convenus avec l'entreprise'' et qu'il ressortait du tableau récapitulatif dressé par ses soins qu'elle avait fait un décompte précis de son activité professionnelle ''qui n'a pas excédé les deux jours par semaine initialement convenus'', la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce courriel en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

2°/ que pour renverser la présomption de travail à temps complet résultant de l'absence de contrat de travail écrit, l'employeur ne peut se borner à établir que le salarié a été occupé à temps partiel ; qu'en retenant qu'il résultait de la facture établie par Mme [T] en septembre 2010 qu'elle n'avait travaillé que 80 jours pendant les dix mois de sa relation avec la société Outlander, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif impropre à renverser la présomption de travail à temps complet, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 3123-14 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause ;

3°/ qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, s'il n'était pas établi par les 130 mails versés aux débats que Mme [T] avait reçu, émis et traité de manière quasi quotidienne, et non seulement deux jours par semaine, des dizaines de courriels dans le cadre de son activité au sein de la société Outlander, y compris les samedis, dimanches et jours fériés, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 3123-14 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause ;

4°/ que selon les constatations de l'arrêt attaqué, les nombreux mails versés aux débats attestent de l'étendue de l'activité professionnelle de la salariée et montrent également qu'elle n'agissait pas de manière indépendante mais devait, au contraire, informer régulièrement les dirigeants de la société de l'avancement de chacune des opérations qui lui étaient confiées et leur rendre compte en permanence, Mme [T] se rendait aux rendez-vous clientèle ou fournisseurs de la marque, son rôle ne se limitait pas au conseil de création mais qu'il lui était également demandé de surveiller les opérations de fabrication, les livraisons et mettre en place les collections dans la grande distribution, comme ce fût le cas pour l'opération ''Mamas et Papas'' aux Galeries Lafayette évoquée dans plusieurs mails du mois de novembre 2009 ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si concrètement Mme [T] n'accomplissait pas une partie de ses missions en dehors de ses deux jours de présence hebdomadaire dans l'entreprise et si elle ne devait pas, compte tenu de la diversité et de l'ampleur de ses tâches, se tenir à la disposition constante de son employeur, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 3123-14 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

5. Sous le couvert de griefs non fondés de dénaturation et de défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond de la valeur et de la portée des éléments produits de laquelle ils ont déduit que, sur l'ensemble de la période contractuelle, l'employeur rapportait la preuve, d'une part, de la durée exacte convenue, d'autre part, de ce que la salariée n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition, ce dont elle a exactement déduit que l'employeur renversait la présomption de travail à temps complet.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter à certaines sommes le montant des condamnations dont l'employeur lui était redevable au titre de sa rémunération variable et des congés payés afférents, et de limiter en conséquence à diverses sommes le montant des autres condamnations aux titres du rappel de salaire pour la période du 30 septembre 2009 au 14 octobre 2010, de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rejeter sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, alors « d'une part, que lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire ; qu'en faisant grief à la salariée de ne fournir aucun élément chiffré à l'appui de la somme réclamée en paiement de sa rémunération variable calculée en pourcentage du chiffre d'affaires et sans constater que l'employeur produisait les éléments utiles au calcul de cette rémunération, la cour d'appel a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

7. Selon cet article, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de prouver celle-ci et, réciproquement, à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

8. Il en résulte que lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.

9. Pour débouter la salariée de sa demande de rappel au titre de la part variable de sa rémunération calculée sur le chiffre d'affaires généré par les collections créées avec sa collaboration, l'arrêt énonce que l'intéressée ne produit, à l'appui de ses allégations, aucun élément chiffré expliquant son mode de calcul.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

11. La salariée fait à l'arrêt le même grief qu'en son premier moyen, alors « que conformément à l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le premier moyen, relatif à la requalification du contrat en contrat de travail à temps plein et à son incidence sur le salaire mensuel, ou sur le second moyen, relatif au rappel des commissions dues à la salariée sur le chiffre d'affaires, entraînera la cassation des chefs de dispositifs ayant limité les condamnations de la société Outlander au titre des rappels de salaire, de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au rejet de la demande de la salariée en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

12. La cassation prononcée sur le deuxième moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif de l'arrêt ayant limité à certaines sommes l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, l'indemnité conventionnelle de licenciement, les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

13. La cassation prononcée n'atteint pas, en revanche, les chefs de dispositif de l'arrêt ayant dit que le contrat de travail de la salariée était à temps partiel, ayant limité le montant des condamnations de l'employeur au titre du rappel de salaire et des congés payés afférents dus pour la période du 30 septembre 2009 au 14 octobre 2010 et ayant rejeté la demande de la salariée au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la condamnation de la société Outlander à verser à Mme [T] la somme de 584,76 euros au titre de la rémunération variable, outre les congés payés afférents, et limite en conséquence à la somme de 9 000 euros l'indemnité compensatrice de préavis, outre 900 euros de congés payés afférents, à celle de 600 euros l'indemnité conventionnelle de licenciement et à celle de 10 000 euros les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 20 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Outlander aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Outlander et la condamne à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [T]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que le contrat de travail de Mme [T] était à temps partiel, D'AVOIR en conséquence limité le montant des condamnations dont la société Outlander est redevable envers Mme [E] [T] aux sommes de 37 500 € à titre de rappel de salaire pour la période du 30 septembre 2009 au 14 octobre 2010, 3 750 € correspondant aux congés payés y afférents, 9 000 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 900 € correspondant aux congés payés y afférents, 600 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et 10 000 € au titre du des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et D'AVOIR rejeté la demande de Mme [T] en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE
« Considérant qu'en l'espèce, Mme [T] soutient que, sous couvert d'un contrat souscrit le 10 octobre 2009 avec la société CB Conseil pour échapper au paiement des charges sociales et aux contraintes de la législation du travail, la société Outlander l'a en réalité engagée pour accomplir un travail salarié de directrice artistique à temps partiel pour une durée de 2 ans ;

Considérant que les parties reconnaissent qu'à cette date, la société CB Conseil n'était pas encore immatriculée et n'avait donc aucune existence juridique ;

Considérant que pour établir que sa contribution à la création des nouvelles collections commandées par la société Outlander n'a pas été effectuée de manière indépendante mais, au contraire, sous l'autorité de cette société, Mme [T] indique qu'elle avait l'obligation de se rendre aux rendez-vous clientèle ou fournisseurs de la marque, qu'elle se présentait et était traitée comme la directrice artistique d'Outlander ;

Considérant que pour en justifier, elle produit la carte de visite qui lui a été remise sur laquelle figure son nom et sa qualité de directrice artistique ; qu'elle disposait aussi d'une adresse mail au nom d'Outlander.tm.fr et ses coordonnées professionnelles étaient celles du lieu où était établi le siège social de la société à [Localité 3] ;

Considérant ensuite qu'elle verse aux débats de nombreux mails attestant de l'étendue de son activité professionnelle pour le compte de la société Outlander et du fait que cette activité était dirigée par la société ;

Considérant qu'ainsi, le mail du 29 décembre 2009 lui fixe le planning des réunions professionnelles internes à l'entreprise auxquelles elle doit assister en même temps que les autres salariés ; qu'il s'agit de réunions opérationnelles se tenant deux jeudis par mois et il lui est demandé de retenir ces dates sur son agenda ;

Considérant qu'il ressort également des échanges de mails que le rôle de Mme [T] ne se limitait pas au conseil de création mais qu'il lui était également demandé de surveiller les opérations de fabrication, les livraisons et de mettre en place les collections dans la grande distribution, comme ce fut le cas pour l'opération "Manias et Papas" aux Galeries Lafayette évoquée dans plusieurs mails du mois de novembre 2009 ;

Considérant qu'à la lecture de ces mails, il apparaît également qu'elle était amenée à donner son avis sur les recrutements effectués par la société, à apprécier la qualité des stagiaires de l'entreprise et à valider le prix de certaines fournitures ;

Considérant qu'ainsi, elle a participé de l'intérieur à la vie de l'entreprise et son rôle n'a donc pas été celui d'un prestataire externe comme le soutient aujourd'hui la société Outlander ;

Considérant ensuite que les nombreux échanges avec les autres salariés de l'entreprise montrent également qu'elle n'agissait pas de manière indépendante mais devait, au contraire, informer régulièrement les dirigeants de la société de l'avancement de chacune des opérations qui lui étaient confiées et leur rendre compte en permanence ;

Considérant enfin que sa participation au sein de l'entreprise était strictement encadrée et contrôlée puisqu'il lui était demandé d'effectuer deux jours de travail par semaine et que la société Outlander a refusé de lui payer ce qu'elle réclamait au motif qu'elle n'avait pas accompli le nombre de jours auxquels elle était tenue, les bureaux étant fermés le 11 novembre 2009 et le 15 juillet 2010 ;

Considérant qu'ainsi, Mme [T] n'était pas libre d'organiser son temps comme elle le souhaitait mais devait venir au bureau où son activité était contrôlée et pouvait être sanctionnée ;

Considérant que, comme le fait également observer l'intimée, dans la lettre du 13 octobre 2010, la société Outlander reconnaît que sa rémunération lui est versée mensuellement en fonction du travail effectivement réalisé au sein de la société et ne constitue pas une rémunération à la vacation ; qu'elle était donc traitée de la même façon que les autres employés de la société ;
Considérant que, dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu qu'en contrepartie d'une rémunération mensuelle, Mme [T] avait exercé son activité professionnelle sous l'autorité de la société Outlander qui en contrôlait l'exécution » ;

ET AUX MOTIFS QUE
« Considérant qu'à défaut de convention conclue conformément aux dispositions légales relatives aux contrats à durée déterminée, le contrat de travail de Mme [T] est réputé à durée indéterminée ;

Considérant qu'en revanche, si le contrat à temps partiel doit nécessairement faire l'objet d'un contrat écrit mentionnant obligatoirement la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue ainsi que la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois sous peine d'être présumé avoir été conclu à temps complet, cette présomption peut être détruite lorsque l'employeur rapporte la preuve contraire ;

Considérant qu'en l'espèce, la société Outlander établit que la durée de travail était égale à deux jours par semaine et qu'en dehors des jours convenus avec Mme [T], en fonction de ses disponibilités, elle n'avait pas à se tenir en permanence à sa disposition et pouvait avoir d'autres occupations ;

Considérant qu'il résulte en effet de la facture établie par Mme [T] en septembre 2010 que celle-ci n'a travaillé que 80 jours pendant les 10 mois de sa relation avec la société Outlander ;

Considérant que l'appelante produit également le tableau récapitulatif dressé par la salariée sur lequel figure à côté de chaque mois la date exacte des jours travaillés ; que l'intéressée a donc fait elle-même le décompte précis de son activité professionnelle qui n'a pas excédé les deux jours par semaine initialement prévus ;

Considérant ensuite qu'il ne ressort pas des nombreux mails échangés entre la société Outlander et Mme [T] que celle-ci était dans l'impossibilité de prévoir à l'avance le rythme de son travail et se tenait en permanence à la disposition de son employeur ;

Considérant qu'au contraire, son mail du 2 septembre 2010 qui fait référence aux deux jours de travail par semaine convenus avec l'entreprise, laisse clairement entendre que son rythme de travail était défini d'un commun accord avec l'entreprise et qu'en dehors de ces journées de travail, elle était entièrement libre de son emploi du temps ; que cela est confirmé par les nombreux extraits de correspondance montrant que les parties s'entendaient à l'avance sur la date des journées de travail ;
Considérant que c'est donc à tort que les premiers juges ont retenu qu'il était dû à la salarié une rémunération calculée sur la base d'un temps complet alors que l'employeur apportait la preuve de ce que la durée de travail ne dépassait pas les 80 jours convenus à l'avance d'un commun accord et qu'en dehors de ces journées, elle n'avait pas à se tenir à sa disposition et pouvait vaquer librement à d'autres occupations » ;

1°) ALORS QUE aux termes d'un mail daté du 2 septembre 2010, Mme [T] a communiqué à son employeur un tableau récapitulatif des jours travaillés de fin septembre 2009 à fin août 2010 en indiquant qu'il correspondait à un « forfait mensuel » correspondant à « une moyenne de huit jours convenus par mois » ; que le tableau communiqué comporte un nombre de jours effectués variant d'un mois sur l'autre (de 3 à 10 jours) et mentionne pour les mois de février et juin des semaines comportant 3 jours travaillés (8/9/11 février et 16/17/18 juin) et pour le mois d'août une semaine comportant 5 jours travaillés (du 23 au 27 juin) ; qu'en relevant, pour dire que la société Outlander avait renversé la présomption de travail à temps complet résultant de l'absence de tout travail écrit, que dans son mail du 2 septembre 2010, Mme [T] faisait « référence aux deux jours de travail par semaine convenus avec l'entreprise » et qu'il ressortait du tableau récapitulatif dressé par ses soins qu'elle avait fait un décompte précis de son activité professionnelle « qui n'a pas excédé les deux jours par semaine initialement convenus », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce courriel en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

2°) ALORS QUE pour renverser la présomption de travail à temps complet résultant de l'absence de contrat de travail écrit, l'employeur ne peut se borner à établir que le salarié a été occupé à temps partiel ; qu'en retenant qu'il résultait de la facture établie par Mme [T] en septembre 2010 qu'elle n'avait travaillé que 80 jours pendant les dix mois de sa relation avec la société Outlander, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif impropre à renverser la présomption de travail à temps complet, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 3123-14 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause ;

3°) ALORS QU'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, s'il n'était pas établi par les 130 mails versés aux débats que Mme [T] avait reçu, émis et traité de manière quasi quotidienne, et non seulement deux jours par semaine, des dizaines de courriels dans le cadre de son activité au sein de la société Outlander, y compris les samedis, dimanches et jours fériés, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 3123-14 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause ;

4°) ALORS QUE selon les constatations de l'arrêt attaqué, les nombreux mails versés aux débats attestent de l'étendue de l'activité professionnelle de la salariée et montrent également qu'elle n'agissait pas de manière indépendante mais devait, au contraire, informer régulièrement les dirigeants de la société de l'avancement de chacune des opérations qui lui étaient confiées et leur rendre compte en permanence, Mme [T] se rendait aux rendez-vous clientèle ou fournisseurs de la marque, son rôle ne se limitait pas au conseil de création mais qu'il lui était également demandé de surveiller les opérations de fabrication, les livraisons et mettre en place les collections dans la grande distribution, comme ce fût le cas pour l'opération « Mamas et Papas » aux Galeries Lafayette évoquée dans plusieurs mails du mois de novembre 2009 ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si concrètement Mme [T] n'accomplissait pas une partie de ses missions en dehors de ses deux jours de présence hebdomadaire dans l'entreprise et si elle ne devait pas, compte tenu de la diversité et de l'ampleur de ses tâches, se tenir à la disposition constante de son employeur, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 3123-14 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
:

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR limité le montant des condamnations dont la société Outlander était redevable envers Mme [T] au titre de sa rémunération variable à la somme de 584,76 € et à celle de 58,47 € correspondant aux congés payés afférents, D'AVOIR en conséquence limité le montant des condamnations dont la société Outlander est redevable envers Mme [E] [T] aux sommes de 37 500 € à titre de rappel de salaire pour la période du 30 septembre 2009 au 14 octobre 2010, 3 750 € correspondant aux congés payés y afférents, 9 000 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 900 € correspondant aux congés payés y afférents, 600 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et 10 000 € au titre du des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et D'AVOIR rejeté la demande de Mme [T] en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE
« Considérant que Mme [T] se prévaut également de l'accord du 10 octobre 2009 pour réclamer à la société Outlander le paiement de sa rémunération variable calculée en pourcentage du chiffre d'affaires ;
Considérant cependant qu'à l'appui de cette prétention, elle ne fournit aucun élément chiffré expliquant son mode de calcul et la société Outlander fait là encore observer que la demande de Mme [T] se fonde sur une convention entachée de nullité absolue ;

Considérant qu'elle reconnaît toutefois l'application volontaire de la clause prévoyant cette rémunération variable puisqu'en novembre 2011, elle a établi à l'attention de son adversaire un tableau comprenant les éléments justificatifs du chiffre d'affaires réalisés aux termes duquel la commission s'élève à la somme de 584,76 € ;

Considérant qu'il convient de réformer le jugement sur ce point et de condamner la société Outlander à payer la somme de 584,76 € au lieu de 15 000 € au titre du rappel de commission et celle de 58,47 € au lieu de 1 500 € au titre des congés payés y afférents » ;

1°) ALORS, d'une part, QUE lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire ; qu'en faisant grief à Mme [T] de ne fournir aucun élément chiffré à l'appui de la somme réclamée en paiement de sa rémunération variable calculée en pourcentage du chiffre d'affaires et sans constater que l'employeur produisait les éléments utiles au calcul de cette rémunération, la cour d'appel a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;

2°) ALORS, d'autre part, QUE nul ne peut ne peut se constituer de preuve à soi-même ; que pour limiter à la somme de 584,76 € la commission sur le chiffre d'affaires due à Mme [T], la cour d'appel s'est fondée sur un tableau réalisé par la société Outlander elle-même et adressé à la salariée sans pièce comptable justificative pour étayer le chiffre d'affaires réalisé ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a de plus fort violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que le contrat de travail de Mme [T] était à temps partiel, D'AVOIR en conséquence limité le montant des condamnations dont la société Outlander est redevable envers Mme [E] [T] aux sommes de 37 500 € à titre de rappel de salaire pour la période du 30 septembre 2009 au 14 octobre 2010, 3 750 € correspondant aux congés payés y afférents, 9 000 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 900 € correspondant aux congés payés y afférents, 600 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et 10 000 € au titre du des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et D'AVOIR rejeté la demande de Mme [T] en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ;

ALORS QUE conformément à l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le premier moyen, relatif à la requalification du contrat en contrat de travail à temps plein et à son incidence sur le salaire mensuel, et/ou sur le second moyen, relatif au rappel des commissions dues à Mme [T] sur le chiffre d'affaires, entrainera la cassation des chefs de dispositifs ayant limité les condamnations de la société Outlander au titre des rappels de salaire, de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au rejet de la demande de Mme [T] en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme [T] de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé,

AUX MOTIFS QUE Mme [T] demande le paiement de l'indemnité forfaitaire équivalente à six mois de salaire au motif que la société Outlander aurait sciemment dissimulé son emploi ; que cependant il n'est pas justifié que cette société ait voulu dissimuler l'emploi de la salariée en la contraignant à former une société et en lui faisant signer l'accord du 10 octobre 2009 ; que le caractère intentionnel de la dissimulation ne se déduit pas du seul fait qu'une relation contractuelle sera qualifiée en contrat de travail ; que contrairement à ce que soutient Mme [T], il n'est pas établi que la société Outlander ait eu connaissance du fait que la société CB Conseils n'était pas immatriculée au moment où la convention du 10 octobre 2009 a été conclue et les risques juridiques résultant d'un tel engagement laissent supposer le contraire ; qu'il n'est donc pas rapporté la preuve que cette société se soit intentionnellement soustraite à ses obligations en matière de déclarations sociales ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il déboute la salariée de sa demande en paiement de l'indemnité de travail dissimulé (arrêt attaqué p. 13 ; voir également : jugement entrepris p. 7) ;

ALORS QUE la salariée ne se bornait pas à faire valoir que la société CB Conseils n'existait pas à la date du 10 octobre 2009, qu'elle soutenait en effet que cette Eurl n'avait jamais eu de clients et n'avait jamais réalisé le moindre chiffre d'affaires auparavant, ce que savait pertinemment la société Oultlander qui n'avait d'ailleurs, avant que naisse le litige, reçu aucune facture, et qu'en outre la convention litigieuse, présentée comme un contrat commercial, dérogeait à toutes les exigences de forme d'un tel contrat (absence de numéro de RCS, de raison sociale, de capital social, de numéro de TVA, etc?) ce que la société Outlander, rédactrice de ce contrat, ne pouvait ignorer (conclusions d'appel de Mme [T] p. 26 à 28) ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces conclusions, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-20011
Date de la décision : 15/12/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 20 mars 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 déc. 2021, pourvoi n°19-20011


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.20011
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