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21/12/2023 | FRANCE | N°32300834

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 21 décembre 2023, 32300834


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3


MF






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 21 décembre 2023








Cassation partielle sans renvoi




Mme TEILLER, président






Arrêt n° 834 F-D


Pourvoi n° B 22-14.740








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
____

_____________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 DÉCEMBRE 2023


M. [K] [I], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° B 22-14.740 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2022 par la cour d'appe...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 décembre 2023

Cassation partielle sans renvoi

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 834 F-D

Pourvoi n° B 22-14.740

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 DÉCEMBRE 2023

M. [K] [I], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° B 22-14.740 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2022 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Tokio marine Europe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3] (Luxembourg), société luxembourgeoise, venant aux droits de la société de droit anglais HCC International Insurance Company Plc, ayant son siège [Adresse 1] (Royaume-Uni), prise en sa succursale française située [Adresse 4],

2°/ à la société Asteren, en la personne de M. [Z] [M], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Groupe Diogo Fernandes, en remplacement de la société MJA, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

Les sociétés Tokio marine Europe et la société Asteren, ès qualités, ont formé, chacune, un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

Les demanderesses aux pourvois incidents invoquent, respectivement, à l'appui de leur recours, trois et deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [I], de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Tokio marine Europe, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Asteren, ès qualités, après débats en l'audience publique du 14 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Intervention volontaire

1. Il est donné acte à la société Asteren, prise en la personne de M. [M], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Groupe Diogo Fernandes, désignée en remplacement de la société MJA, de son intervention volontaire.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 janvier 2022), M. [I] a conclu avec la société Groupe Diogo Fernandes deux contrats de construction de maison individuelle avec fourniture du plan pour l'édification de deux maisons.

3. La société HCC International Insurance Compagny (la société HCC), aux droits de laquelle vient la société Tokio marine Europe, a accordé une garantie de livraison.

4. Se plaignant de retards, de désordres et de l'absence de chiffrage de certains travaux, M. [I] a, après expertise, assigné les sociétés Groupe Diogo Fernandes et HCC en indemnisation de ses préjudices. Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal et sur le premier moyen du pourvoi incident de la société Tokio marine Europe

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

6. M. [I] fait grief à l'arrêt de condamner la société Groupe Diogo Fernandes à lui payer la somme de 43 235,70 euros seulement au titre des travaux mis à la charge du maître de l'ouvrage et non ou mal chiffrés dans la notice descriptive et de condamner la société Tokio marine Europe in solidum avec la société Groupe Diogo Fernandes au paiement de cette somme dans la limite de 27 349,85 euros, alors :

« 1°/ que sont indispensables à l'implantation de l'immeuble au sens de l'article 231-4 du code de la construction et de l'habitation tous les travaux nécessaires à sa construction ; qu'en retenant, pour débouter M. [I] de sa demande de prise en charge par le constructeur des travaux d'aménagement de l'accès au chantier qui n'avaient pas été chiffrés dans la notice descriptive, que ces travaux n'étaient pas indispensables à l'implantation et à l'utilisation des maisons, quand la construction de ces maisons ne pouvaient être réalisés sans que soit aménagé un accès suffisant au chantier, de sorte que ces travaux étaient indispensables à la construction, la cour d'appel a violé les articles L. 231-2 et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'annexe de l'arrêté du 27 novembre 1991 fixant la notice descriptive prévue par les articles R. 231-4 et R. 232-4 du code de la construction et de l'habitation relatifs au contrat de construction d'une maison individuelle ;

2°/ que la régularité d'un contrat de construction de maison individuelle avec
plan et de la notice descriptive qui doit l'accompagner doivent s'apprécier au jour où ils ont été conclus et établis ; qu'en retenant, pour débouter M. [I] de sa demande de prise en charge par le constructeur des travaux d'aménagement de l'accès au chantier qui n'avaient pas été chiffrés dans la notice descriptive, que « M. [I] avait indiqué au constructeur par courrier du 25 septembre 2011 que le terrain à construire était accessible en passant par le terrain de sa s?ur », quand il s'évince de ses propres constatations que cette lettre est postérieure à la conclusion du contrat et à l'établissement de la notice descriptive, la cour d'appel a violé les articles L. 231-2 et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'annexe de l'arrêté du 27 novembre 1991 fixant la notice descriptive prévue par les articles R. 231-4 et R. 232-4 du code de la construction et de l'habitation relatifs au contrat de construction d'une maison individuelle ;

3°/ que sont indispensables à l'implantation de l'immeuble au sens de l'article 231-4 du code de la construction et de l'habitation tous les travaux nécessaires à sa construction ; qu'en retenant, pour débouter M. [I] de sa demande de prise en charge par le constructeur des travaux d'aménagement de l'accès au chantier qui n'avaient pas été chiffrés dans la notice descriptive, que « M. [I] avait indiqué au constructeur par courrier du 25 septembre 2011 que le terrain à construire était accessible en
passant par le terrain de sa s?ur », sans rechercher si, malgré cet accès, il n'avait pas été nécessaire de réaliser des travaux d'aménagement pour accéder au chantier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 231-2 et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'annexe de l'arrêté du 27 novembre 1991 fixant la notice descriptive prévue par les articles R. 231-4 et R. 232-4 du code de la construction et de l'habitation relatifs au contrat de construction d'une maison individuelle. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel, qui a constaté que les deux contrats de construction de maison individuelle comportaient au regard de l'indication « accès au terrain : le terrain devra être accessible aux poids lourds de 38 tonnes pour l'approvisionnement des matériaux de construction » la mention « sans objet » et que M. [I] avait adressé une lettre au constructeur, le 25 septembre 2011, pour lui indiquer que le terrain à construire était accessible par un terrain appartenant à sa soeur, en a souverainement déduit, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que les modalités d'accès au terrain à bâtir n'étaient pas entrées dans le champ contractuel, de sorte que la demande de M. [I] tendant à voir mettre à la charge du constructeur et du garant de livraison le coût d'aménagement de cet accès ne pouvait être accueillie.

8. Le moyen, inopérant en sa deuxième branche, dès lors que M. [I] ne poursuivait pas la nullité des deux contrats de construction de maison individuelle, n'est donc pas fondé pour le surplus.

Sur le deuxième moyen du pourvoi incident de la société Tokio marine Europe et sur le premier moyen du pourvoi incident de la société MJA, ès qualités, rédigés en termes similaires, réunis Enoncé des moyens

9. Par son deuxième moyen, la société Tokio marine Europe fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la société Groupe Diogo Fernandes, à payer une certaine somme à M. [I] au titre des pénalités de retard, alors « qu'en cas de défaillance du constructeur, le garant prend à sa charge les pénalités forfaitaires prévues au contrat en cas de retard de livraison excédant trente jours, le montant et le seuil minimum de ces pénalités étant fixées par décret ; que les pénalités de retard sont dues jusqu'à la livraison du bien laquelle s'entend de la mise à disposition d'une maison en état d'être habitée ; qu'en énonçant qu'« il est constant qu'à la date du 29 octobre 2012 les maisons n'étaient pas reliées à l'électricité, elles n'étaient donc pas habitables. Si le constructeur avait effectivement fait établir les consuels en avril 2012, il ne les avait pas remis à M. [I] et avait au contraire illicitement subordonné cette remise au paiement des sommes dues à l'achèvement des travaux, privant le maître de l'ouvrage de la possibilité de solliciter le raccordement chez un fournisseur d'énergie avant la date fixée, de façon à ce que, à cette date, les maisons soient habitables » sans rechercher si les consuels attestaient de la conformité des installations électriques depuis les 3 et 12 avril 2012, l'expert judiciaire ayant retenu que les deux pavillons « pouvaient être considérés comme livrables (...) avec réserves », en rappelant par ailleurs que les différents raccordement n'étaient pas compris dans le marché et les branchements à l'eau et l'électricité étant imputables au demandeur, celui-ci les ayant commandés et réglés directement au concessionnaire, et que rien ne permettait de déterminer si la société Groupe Diogo Fernandes n'avait pas procédé aux raccordements au mois d'octobre 2012, date à laquelle le constructeur avait convoqué le maître de l'ouvrage pour leur réception, d'où il résultait que la rétention des consuels par le constructeur était sans incidence, s'agissant de la garantie de livraison, sur l'état d'habitabilité des deux constructions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 231-2 et L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation. »

10. Par son premier moyen, la société MJA, ès qualités, fait grief à l'arrêt de condamner la société Groupe Diogo Fernandes, in solidum avec la société Tokio marine Europe, à payer à M. [I] une certaine somme au titre des pénalités de retard, alors :

« 1°/ que les pénalités de retard sont dues jusqu'à la livraison du bien, laquelle s'entend de la mise à disposition d'une maison en état d'être habitée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le constructeur avait fait établir les Consuels attestant de la conformité des installations électriques en avril 2012 et que, par courriers du 19 octobre 2012, la société Groupe Diogo Fernandes avait convoqué M. [I] pour le 29 octobre suivant en vue de la réception des maisons et qu'il y avait lieu de considérer qu'à cette date, les biens devaient également être livrés par la remise des clés ; qu'en retenant, pour condamner la société Groupe Diogo Fernandes à des pénalités pour retard de livraison, que les maisons ne pouvaient être considérées comme habitables avant le 13 mai 2013, date de leur raccordement effectif à l'électricité, quand il était acquis aux débats que le maître de l'ouvrage s'était réservé les branchements à l'eau et l'électricité,
lesquels n'étaient donc pas compris dans le marché, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles L. 231-2 et R. 231-14 du code de la construction et de l'habitation dans leur rédaction applicable à la cause ;

2°/ que les pénalités de retard sont dues jusqu'à la livraison du bien, laquelle s'entend de la mise à disposition d'une maison en état d'être habitée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le constructeur avait fait établir les Consuels en avril 2012 attestant de la conformité des installations électriques et que, par courriers du 19 octobre 2012, la société Groupe Diogo Fernandes avait convoqué M. [I] pour le 29 octobre suivant en vue de la réception des maisons ; qu'en retenant, pour condamner la société Groupe Diogo Fernandes à des pénalités pour retard de livraison, que les maisons ne pouvaient être considérées comme habitables avant le 13 mai 2013, date de leur raccordement effectif à l'électricité, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si M. [I] n'avait pas abusivement refusé de recevoir les ouvrages le 29 octobre 2012, date à laquelle les Consuels établis en avril 2012, attestant de la conformité des installations électriques, lui auraient été nécessairement remis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 231-2 et R. 231-14 du code de la construction et de l'habitation dans leur rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

11. La cour d'appel, qui a justement énoncé que les pénalités de retard sont dues jusqu'à la livraison du bien, laquelle s'entend de la mise à disposition d'une maison en état d'être habitée, a relevé qu'au 29 octobre 2012, date à laquelle M. [I] avait été convoqué par le constructeur pour prendre livraison des maisons, celles-ci n'étaient pas reliées au réseau électrique, et que le constructeur avait illicitement subordonné la remise au maître de l'ouvrage des consuels établis en avril 2012 au paiement des sommes dues à l'achèvement des travaux, privant ainsi M. [I] de la possibilité de solliciter le raccordement auprès d'un fournisseur d'énergie.

12. Elle a, encore, relevé que la société Groupe Diogo Fernandes et son dirigeant avaient été condamnés par la juridiction pénale du chef du délit de perception anticipée de fonds par le constructeur de maison individuelle, pour avoir exigé le versement de fonds au titre de l'achèvement des travaux au 26 octobre 2012, alors que les maisons n'étaient pas, à cette date, alimentées en eau et électricité.

13. Elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, ni de suivre l'avis de l'expert qui ne la liait pas, que les maisons ne pouvaient pas être considérées comme habitables avant le 13 mai 2013, date de leur raccordement, et fixer, en conséquence, la somme due au titre des pénalités de retard au regard de cette date.

14. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

Mais sur le troisième moyen du pourvoi incident de la société Tokio marine Europe

15. La société Tokio marine Europe fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la société Groupe Diogo Fernandes, à payer à M. [I] certaines sommes au titre de la reprise des désordres et de la non-conformité des constructions en rejetant sa demande tendant à voir appliquer la franchise stipulée au contrat sur ces sommes, alors « qu'en cas de défaillance du constructeur, le garant prend à sa charge le coût des dépassements du prix convenu dès lors qu'ils sont nécessaires à l'achèvement de la construction, la garantie apportée à ce titre pouvant être assortie d'une franchise n'excédant pas 5 % du prix convenu ; qu'en énonçant que « la franchise n'a pas lieu de s'appliquer sur le coût des travaux de reprise des réserves et sur les coûts découlant des conséquences des non conformités, ces sommes étant mises à la charge du garant au titre des conséquences du fait du constructeur ayant abouti à un supplément de prix prévu à l'article L. 231-6 b), lequel ne prévoit pas de franchise » quand la société Tokio marine Europe était fondée à se prévaloir de la franchise contractuelle s'agissant du coût des travaux de reprise des désordres et des non-conformités, la cour d'appel a violé les articles L. 231-1 et L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 231-6, alinéa 2, du code de la construction et de l'habitation :

16. Aux termes de ce texte, en cas de défaillance du constructeur, le garant prend à sa charge : a) Le coût des dépassements du prix convenu dès lors qu'ils sont nécessaires à l'achèvement de la construction, la garantie apportée à ce titre pouvant être assortie d'une franchise n'excédant pas 5 % du prix convenu ; b) Les conséquences du fait du constructeur ayant abouti à un paiement anticipé ou à un supplément de prix.

17. Il en résulte qu'une franchise peut être stipulée s'agissant du dépassement du prix convenu, et non s'agissant du supplément de prix.

18. Il est jugé que le dépassement de prix objet de la garantie est constitué par la différence entre le coût total réel de la construction et le prix global stipulé au contrat (3e Civ., 20 janvier 1993, pourvoi n° 91-11.905, Bull. 1993, III, n° 6 ; 3e Civ., 7 octobre 2008, pourvoi n° 07-17.623), de sorte que la franchise s'applique au coût de réparation des malfaçons, en cas d'exécution défectueuse du marché (3e Civ.,19 juin 1996, pourvoi n° 94-14.996, Bull.1996, III, n° 151) et au coût de la levée de réserves (3e Civ., 30 mars 2023, pourvoi n° 21-21.453), lesquels constituent des dépassements de prix et non des suppléments de prix au sens du texte susvisé.

19. L'arrêt retient que la franchise n'est pas applicable au coût des travaux de reprise des désordres réservés et aux coûts résultant des conséquences des non-conformités.

20. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen du pourvoi incident de la société MJA, ès qualités

Enoncé du moyen

21. La société MJA, ès qualités, fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement ayant rejeté la demande de la société Tokio marine Europe d'application de la franchise sur le coût des travaux à la charge du maître de l'ouvrage non ou mal chiffrés dans la notice descriptive, et de condamner celle-ci, in solidum avec la société Groupe Diogo Fernandes, au paiement d'une somme, déduction faite, pour ce qui la concerne, de la franchise, alors « qu'en cas de défaillance du constructeur, une franchise n'excédant pas 5 % du prix convenu peut être stipulée par le garant s'agissant du coût du dépassement du prix convenu de travaux nécessaires à l'achèvement de la construction mais non s'agissant du coût des conséquences du fait du constructeur ayant abouti à un supplément de prix ; qu'en l'espèce, en retenant, pour limiter la condamnation in solidum de la société Tokio marine Europe avec la société Groupe Diogo Fernandes au titre des travaux à la charge du maître de l'ouvrage non ou mal chiffrés dans la notice descriptive, que la franchise était applicable, ces travaux ayant, par définition, pour effet le dépassement du prix convenu, la cour d'appel a violé l'article L. 231-6 du même code, dans sa rédaction applicable à la cause issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005. » Réponse de la Cour

Vu l'article L. 231-6, alinéa 2, du code de la construction et de l'habitation :

22. Aux termes de ce texte, en cas de défaillance du constructeur, le garant prend à sa charge : a) Le coût des dépassements du prix convenu dès lors qu'ils sont nécessaires à l'achèvement de la construction, la garantie apportée à ce titre pouvant être assortie d'une franchise n'excédant pas 5 % du prix convenu ; b) Les conséquences du fait du constructeur ayant abouti à un paiement anticipé ou à un supplément de prix.

23. Il en résulte qu'une franchise peut être stipulée s'agissant du dépassement du prix convenu, et non s'agissant du supplément de prix.

24. Le coût résultant pour le maître de l'ouvrage de la réalisation de travaux qui, mentionnés sur la notice descriptive comme étant à sa charge, n'ont pas été chiffrés ou l'ont été insuffisamment, constitue un supplément de prix, et non un dépassement de prix, de sorte que la franchise ne lui est pas applicable.

25. L'arrêt fait application de la franchise au coût de travaux dont le maître de l'ouvrage s'était réservé l'exécution non chiffrés ou insuffisamment chiffrés sur la notice descriptive.

26. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquence de la cassation

27. M. [I] s'étant associé, dans le délai légal, au second moyen du pourvoi incident de la société MJA, ès qualités, à une date où il ne pouvait plus reprendre celui-ci dans son propre mémoire ampliatif, la cassation doit être étendue au chef du dispositif de l'arrêt limitant à la somme de 27 349,85 euros la condamnation de la société Tokio marine Europe, in solidum avec la société Groupe Diogo Fernandes, à lui payer cette somme au titre des travaux à la charge du maître de l'ouvrage non ou mal chiffrés dans la notice descriptive.

28. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

29. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

30. Pour les motifs exposés au point 17, la société Tokio marine Europe étant bien fondée à opposer la franchise de 15 885,85 euros au titre du coût de reprise des désordres, retenu pour la somme de 45 495,33 euros, elle sera condamnée, in solidum avec la société Groupe Diogo Fernandes, à payer de ce chef la somme de 29 609,48 euros à M. [I].

31. Pour les motifs exposés au point 23, la société Tokio marine Europe sera condamnée, in solidum avec la société Groupe Diogo Fernandes, représentée par la société MJA, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de celle-ci, à payer à M. [I] la somme de 43 235,70 euros au titre des travaux à la charge du maître de l'ouvrage non ou mal chiffrés dans la notice descriptive.

32. La franchise ayant été déduite du coût de la reprise des désordres, la demande de la société Tokio marine Europe tendant à son application au titre de la non-conformité des constructions n'a plus d'objet et celle-ci sera, par conséquent, condamnée, in solidum avec la société Groupe Diogo Fernandes, à payer à M. [I] la somme de 24 890,40 euros de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne, in solidum avec la société Groupe Diogo Fernandes, la société Tokio marine Europe à payer à M. [I] la somme de 45 495,33 euros au titre de la reprise des désordres et la somme de 24 890,40 euros au titre de la non-conformité des constructions et en ce qu'il condamne la société Tokio marine Europe, in solidum avec la société Groupe Diogo Fernandes, au paiement de la somme de 43 235,70 euros au titre des travaux à la charge du maître de l'ouvrage non ou mal chiffrés dans la notice descriptive, dans la limite de la somme 27 349,85 euros, l'arrêt rendu le 10 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne, in solidum avec la société Groupe Diogo Fernandes, la société Tokio marine Europe à payer à M. [I], sur la somme de 45 495,33 euros retenue au titre de la reprise des désordres, la somme de 29 609,48 euros ;

Condamne, in solidum avec la société Groupe Diogo Fernandes, la société Tokio marine Europe à payer à M. [I] la somme de 43 235,70 euros au titre des travaux à la charge du maître de l'ouvrage non ou mal chiffrés dans la notice descriptive ;

Condamne, in solidum avec la société Groupe Diogo Fernandes, la société Tokio marine Europe à payer à M. [I] la somme de 24 890,40 euros au titre de la non-conformité des constructions ;

Laisse à chaque demandeur les dépens afférents à son pourvoi ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 32300834
Date de la décision : 21/12/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 10 janvier 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 21 déc. 2023, pourvoi n°32300834


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Cabinet Briard, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:32300834
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