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14/02/2024 | FRANCE | N°52400184

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 février 2024, 52400184


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CZ






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 14 février 2024








Cassation




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 184 F-D


Pourvoi n° G 22-20.634








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 FÉVRIER 2024


Mme [S] [P], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 22-20.634 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2022 par la cour d'...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 février 2024

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 184 F-D

Pourvoi n° G 22-20.634

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 FÉVRIER 2024

Mme [S] [P], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 22-20.634 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Bluelink, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Douxami, conseiller, les observations de la SCP Gury & Maitre, avocat de Mme [P], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Bluelink, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Douxami, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 juin 2022), Mme [P] a été engagée en qualité d'agent de service commercial, à compter du 19 juin 2000, par la société Bluelink.

2. Licenciée pour faute grave par lettre du 15 mars 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le premier moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes de la salariée au titre d'un licenciement nul et tendant à la réintégration et au paiement de diverses sommes à ce titre, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes au titre d'un licenciement nul comme étant discriminatoire, en réintégration et en paiement d'indemnités subséquentes formées en cause d'appel, de confirmer son licenciement pour faute grave et de la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, alors « qu'aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; que des demandes formées par un salarié devant le conseil de prud'hommes au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse tendant, à titre principal, à sa réintégration, et à titre subsidiaire à l'indemnisation des conséquences de son licenciement estimé injustifié, tendent aux mêmes fins que la demande au titre de la nullité du licenciement pour discrimination syndicale sollicitant, à titre principal, la réintégration du salarié, et à titre subsidiaire à l'indemnisation des conséquences du licenciement estimé injustifié car atteint de nullité ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes afin de voir "constater le caractère sans cause réelle ni sérieuse" de son licenciement et afin de voir, "en conséquence, à titre principal, ordonner la réintégration de Mme [P] au sein de la société Bluelink, à titre subsidiaire, condamner la société Bluelink à lui verser les sommes suivantes : indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse 42 432,24 euros, indemnité compensatrice de préavis 3 536,02 euros, congés payés y afférents 353,60 euros, indemnité légale de licenciement 7 484,57 euros, rappel de salaires au titre de la mise à pied à titre conservatoire 1 060,80 euros, congés payés y afférents 106,08 euros, dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail 80 000 euros"; que devant la cour d'appel, Mme [P] a revendiqué l'existence d'une discrimination syndicale, "à tout le moins l'exécution déloyale du contrat de travail" et a sollicité à titre principal que son licenciement soit jugé discriminatoire et que sa réintégration soit ordonnée et, à titre subsidiaire, le paiement de la somme de 42 434,24 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, outre des sommes relatives au rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire, l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, ainsi que l'indemnité légale de licenciement ; qu'il résultait de ces constatations que les demandes relatives à la nullité du licenciement pour discrimination et les demandes indemnitaires y afférentes, ainsi que les demandes relatives à l'existence d'une discrimination syndicale et à tout le moins relatives à l'exécution déloyale du contrat de travail, n'étaient pas nouvelles dès lors qu'elles tendaient aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique était différent ; qu'en déboutant cependant Mme [P] de ses demandes en énonçant qu' "en application de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions sous peine d'irrecevabilité. Tel est le cas en l'espèce, et en conséquence seront déclarées irrecevables la demande de dommages-intérêts pour discrimination, la demande de voir déclarer le licenciement discriminatoire, la demande de voir ordonner la réintégration au poste de travail pour discrimination, la demande d'indemnité d'éviction pour la période du licenciement à la réintégration, la demande de dommages-intérêts pour licenciement nul la cour d'appel a violé l'article 565 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 565 du code de procédure civile :

4. Selon ce texte, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

5. Pour déclarer irrecevable la demande de nullité du licenciement pour discrimination et les demandes indemnitaires subséquentes tendant au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul, à sa réintégration au poste de travail et au paiement d'une indemnité d'éviction formées par la salariée en cause d'appel, l'arrêt retient qu'en application de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions sous peine d'irrecevabilité et que tel est le cas en l'espèce.

6. En statuant ainsi, alors que les demandes formées par la salariée, au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, puis d'un licenciement nul, tendaient à la réparation, par l'indemnisation dans un cas, par la reprise du lien contractuel dans l'autre, des conséquences de son licenciement qu'elle estimait injustifié, en sorte que ces demandes tendaient aux mêmes fins et que la demande en nullité du licenciement était recevable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le premier moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande de dommages-intérêts pour discrimination, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

7. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en paiement de dommages-intérêts pour discrimination, alors « que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; que pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou produire de nouvelles preuves ; qu'en l'espèce, Mme [P] invoquait l'application des articles 563, 565 et 566 du code de procédure civile, sur la question de la recevabilité de ses demandes et faisait valoir, notamment, que les demandes n'étaient pas nouvelles mais que Mme [P] avait seulement développé de nouveaux moyens au soutien de ses demandes, certaines pièces relatives à la preuve de la discrimination syndicale étant par ailleurs postérieures au jugement du conseil de prud'hommes ; qu'en se bornant à énoncer, pour déclarer les demandes de Mme [P] irrecevables, "qu'en application de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions sous peine d'irrecevabilité. Tel est le cas en l'espèce, et en conséquence seront déclarées irrecevables la demande de dommages-intérêts pour discrimination, la demande de voir déclarer le licenciement discriminatoire, la demande de voir ordonner la réintégration au poste de travail [pour] discrimination, la demande d'indemnité d'éviction pour la période du licenciement à la réintégration, la demande de dommages-intérêts pour licenciement nul sans rechercher, comme il lui était demandé, si en application des articles 563, 565 et 566 du code de procédure civile, les demandes relatives à la discrimination n'étaient pas irrecevables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 563, 565 et 566 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 564 et 566 du code de procédure civile :

8. La cour d'appel est tenue d'examiner, au regard de chacune des exceptions prévues aux textes susvisés, si la demande est nouvelle. Selon le premier de ces textes, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Selon le second, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

9. Pour déclarer irrecevable la demande en paiement de dommages-intérêts pour discrimination, l'arrêt retient qu'elle est nouvelle en cause d'appel et comme telle irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, même d'office, si la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice résultant de la discrimination présentée en appel par la salariée n'était pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celle présentée au premier juge, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevables les demandes formées par la salariée en appel tendant à juger le licenciement discriminatoire, ordonner sa réintégration à son poste de travail pour discrimination et condamner l'employeur à des dommages-intérêts pour discrimination, une indemnité d'éviction pour la période du licenciement à la réintégration et des dommages-intérêts pour licenciement nul entraîne la cassation des chefs de dispositif confirmant le licenciement pour faute grave, déboutant la salariée de l'ensemble de ses demandes et la condamnant aux dépens qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Bluelink aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Bluelink et la condamne à payer à Mme [P] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400184
Date de la décision : 14/02/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 juin 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 fév. 2024, pourvoi n°52400184


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boucard-Maman, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Gury & Maitre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400184
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