La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2024 | FRANCE | N°22400307

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 04 avril 2024, 22400307


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


FD






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 4 avril 2024








Cassation




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 307 F-D


Pourvoi n° B 22-22.008








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
r>


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 AVRIL 2024


La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 22-22.008 contre l'arrêt rendu le 28 avril 2022 par la cou...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 avril 2024

Cassation

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 307 F-D

Pourvoi n° B 22-22.008

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 AVRIL 2024

La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 22-22.008 contre l'arrêt rendu le 28 avril 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l'opposant à la société Grande brasserie du Waux Hall, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Grande brasserie du Waux Hall, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 février 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 avril 2022) et les productions, la société Grande brasserie du Waux Hall, exploitant un fonds de commerce de restaurant, a souscrit le 3 février 2008 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance multirisque professionnelle garantissant notamment les pertes d'exploitation.

2. À la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid -19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décrets du 14 avril 2020 et 11 mai 2020, et renouvelée par décret du 29 octobre 2020, la société Grande brasserie du Waux Hall a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».

3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre, en raison de la clause excluant : « ... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

4. La société Grande brasserie du Waux Hall a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce, à fin de garantie.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. L'assureur fait grief à l'arrêt de déclarer non écrite la clause d'exclusion de garantie selon laquelle « sont exclues les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de décision de la fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique, d'ordonner une expertise, et de la condamner à payer à la société Grande brasserie du Waux Hall la somme provisionnelle de 200 000 euros au titre des pertes d'exploitation subies lors de la fermeture de l'établissement du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 puis du 30 octobre 2020 jusqu'à sa réouverture dans une limite de trois mois, alors :
« que les seules clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées et qu'une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation ; que la cour d'appel constate que la clause d'exclusion stipule : « sont exclues les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique » ; que pour énoncer qu'elle ne pouvait se prévaloir de la clause d'exclusion, la cour d'appel retient que « si le terme « épidémie », que le contrat ne définit pas, invoqué comme « cause identique » de fermeture administrative, doit être soumis à interprétation, il en résulte nécessairement que la clause d'exclusion qui le vise indirectement ne peut être qualifiée de formelle au sens des dispositions de l'article L. 113-1, alinéa 1, du code des assurances », qu'elle ajoute « que l'emploi du seul terme « épidémie » sans qu'elle ne l'ait défini, susceptible de définitions diverses invoquées au gré des prétentions des parties, ne saurait dès lors garantir la nécessaire information de l'assuré lui permettant de déterminer les cas pour lesquels le risque n'est pas couvert » et conclut qu'il « convient de dire que les premiers juges ont à bon droit retenu que la clause d'exclusion de garantie litigieuse nécessitait une interprétation du terme « épidémie » visé dans la clause d'exclusion comme « cause identique », de sorte qu'elle n'est pas formelle et limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances » ; qu'en statuant ainsi quand la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances » ;

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

7. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

8. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

9. Pour réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont l'assureur se prévaut, l'arrêt énonce que même si le mot « épidémie » ne figure pas dans la clause d'exclusion, celle-ci s'y réfère nécessairement, puisqu'elle vise le cas où au moins un autre établissement fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative « pour une cause identique », et que cette dernière formule ne se comprend qu'en se référant à la liste d'événements figurant dans la clause de garantie comme ouvrant seuls droit à la garantie lorsque l'un d'eux a conduit à la décision de fermeture administrative.

10. Il constate que le contrat ne définit pas l'épidémie et relève qu'il existe plusieurs acceptations de ce terme, ce dont il déduit qu'il existe d'autres interprétations que celle proposée par l'assureur.

11. Il en conclut que la clause d'exclusion n'est pas formelle.

12. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assurée, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

13. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées et qu'une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire ; que pour statuer comme elle l'a fait, la cour d'appel retient que « la clause susvisée vise tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, la notion " d'autre établissement " étant particulièrement large ; qu'elle porte un territoire géographiquement étendu au sein duquel exercent un nombre très important d'établissements, de sorte que l'hypothèse de l'assureur selon laquelle cette clause s'appliquerait en cas d'épidémie pour un nombre limité de personnes à l'intérieur d'un seul et unique établissement au sein d'un département, rend illusoire la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, et aboutit à vider le contrat de sa substance en supprimant toute hypothèse de garantie du risque » ; qu'en statuant ainsi quand la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

14. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie, qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque, doivent être formelles et limitées.

15. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

16. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que, la notion « d'autre établissement » est particulièrement large et que l'hypothèse selon laquelle cette clause s'appliquerait en cas d'épidémie pour un nombre limité de personnes, à l'intérieur d'un seul et unique établissement au sein d'un département, rend illusoire la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie et aboutit à vider la garantie de sa substance.

17. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Grande brasserie Waux Hall aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400307
Date de la décision : 04/04/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, 28 avril 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 04 avr. 2024, pourvoi n°22400307


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (président)
Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert, SCP Boutet et Hourdeaux

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400307
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award