La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/04/2024 | FRANCE | N°22-20.415

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation de section, 24 avril 2024, 22-20.415


SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 avril 2024




Cassation partielle


M. SOMMER, président



Arrêt n° 412 FS-B

Pourvoi n° V 22-20.415



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 AVRIL 2024

La société Eiffage énergie systèmes - indus Provence, sociétÃ

© par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Eiffage énergie Vallée du Rhône, a formé le pourvoi n° V 22-20.415 contre l'arrêt...

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 avril 2024




Cassation partielle


M. SOMMER, président



Arrêt n° 412 FS-B

Pourvoi n° V 22-20.415



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 AVRIL 2024

La société Eiffage énergie systèmes - indus Provence, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Eiffage énergie Vallée du Rhône, a formé le pourvoi n° V 22-20.415 contre l'arrêt rendu le 21 juin 2022 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 5e chambre sociale PH), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Y] [U], domicilié [Adresse 4],

2°/ au syndicat CGT Forclum PACA, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ au syndicat Union régionale CGT des salariés de la construction du bois et du bâtiment CGT PACA, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Eiffage énergie systèmes - indus Provence, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [U], du syndicat CGT Forclum PACA et du syndicat Union régionale CGT des salariés de la construction du bois et du bâtiment CGT PACA, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 13 mars 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Rouchayrole, Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 21 juin 2022), M. [U] a été engagé en qualité d'ouvrier professionnel, à compter du 1er avril 2008, par la société Forclum Vallée du Rhône. Le contrat de travail, soumis à la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment non visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est-à-dire occupant plus de 10 salariés) du 8 octobre 1990, a été transféré à compter du 1er avril 2015 à la société Eiffage énergie Vallée du Rhône, aux droits de laquelle se trouve la société Eiffage énergie systèmes - indus Provence.

2. Dans le courant de l'année 2016, le salarié a été placé en activité partielle.

3. Le 9 janvier 2017, il a été licencié.

4. Le salarié ainsi que le syndicat CGT Forclum PACA et l'Union régionale CGT des salariés de la construction, du bois et du bâtiment CGT PACA (les syndicats) ont saisi la juridiction prud'homale le 16 juin 2017 de diverses demandes de nature salariale et indemnitaire.

Examen des moyens

Sur les troisième et quatrième moyens

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt d'annuler la mise à pied disciplinaire, de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer au salarié diverses sommes à titre de rappel d'indemnité de grand déplacement, de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire, de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, et de le condamner à payer à chacun des syndicats une somme à titre de dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que l'article 8.21 de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est-à-dire occupant jusqu'à 10 salariés) du 8 octobre 1990, énonce qu' Est réputé en grand déplacement l'ouvrier qui travaille sur un chantier métropolitain dont l'éloignement lui interdit - compte tenu des moyens de transport en commun utilisables - de regagner chaque soir le lieu de résidence, situé dans la métropole, - qu'il a déclaré lors de son embauchage et qui figure sur sa lettre d'engagement ; - ou qu'il a fait rectifier en produisant les justifications nécessaires de son changement de résidence."(...) ; que selon l'article 8-22 de la même convention collective, L'indemnité de grand déplacement correspond aux dépenses journalières normales qu'engage le déplacé en sus des dépenses habituelles qu'il engagerait s'il n'était pas déplacé. Le montant de ces dépenses journalières, qui comprennent : a) Le coût d'un second logement pour l'intéressé ; b) Les dépenses supplémentaires de nourriture, qu'il vive à l'hôtel, chez des particuliers ou dans tout autre type de logement proposé par l'employeur ; c) Les autres dépenses supplémentaires qu'entraîne pour lui l'éloignement de son foyer, est remboursé par une allocation forfaitaire égale aux coûts normaux de logement et de nourriture (petit déjeuner, déjeuner, dîner) qu'il supporte. (...). . ; que l'article 8.23 de la convention collective prévoit que le remboursement des dépenses définies à l'article 8.22 est obligatoire pour tous les jours de la semaine, ouvrables ou non, pendant lesquels l'ouvrier reste à la disposition de son employeur sur les lieux de déplacement ; qu'il résulte de ces textes que l'indemnité de grand déplacement est destinée à couvrir les dépenses supplémentaires de nourriture et de logement effectivement exposées par un salarié en déplacement professionnel sur un chantier dont l'éloignement lui interdit, compte tenu des moyens de transport en commun utilisables, de regagner chaque soir le lieu de résidence qu'il a déclaré et que le salarié ne peut prétendre à une indemnité de grand déplacement qu'au titre de ses frais de repas pour les jours où il a la possibilité de regagner son lieu de résidence le soir ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait que pour les journées du vendredi, il versait seulement une indemnisation de 18 euros (au lieu de 90 euros du lundi au jeudi) correspondant aux seuls frais de repas, dès lors que M. [U] finissant plus tôt ce jour-là, il pouvait regagner son domicile le soir et ne pouvait donc prétendre à l'indemnisation de frais de logement qu'il ne justifiait pas avoir engagés pour ce soir-là ; qu'en jugeant que la journée du vendredi étant également travaillée et le salarié restant à la disposition de l'employeur sur le lieu du déplacement, ce dernier était tenu de verser l'indemnité complète de grand déplacement, peu important que M. [U] ne démontre pas qu'il aurait été à la disposition de son employeur le vendredi soir et empêché de regagner son domicile, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°/ que le principe d'égalité ne s'applique qu'entre salariés placés dans une situation identique au regard de l'avantage en cause ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que M. [J], autre salarié de la société placé dans une situation identique, avait bénéficié d'une indemnité journalière de 90 euros le vendredi lorsqu'il travaillait sur le même chantier ce qui laissait supposer une inégalité de traitement dont l'employeur ne fournissait pas d'élément justificatif, sans constater que M. [J] pouvait, comme M. [U], finir plus tôt le vendredi et rentrer sur son lieu de résidence le vendredi soir, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'identité de situation des deux salariés au regard de l'indemnité de grand déplacement et a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article 8.21 de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment non visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est-à-dire occupant plus de 10 salariés) du 8 octobre 1990, est réputé en grand déplacement l'ouvrier qui travaille sur un chantier métropolitain dont l'éloignement lui interdit - compte tenu des moyens de transport en commun utilisables - de regagner chaque soir le lieu de résidence, situé dans la métropole, qu'il a déclaré lors de son embauchage et qui figure sur sa lettre d'engagement ou qu'il a fait rectifier en produisant les justifications nécessaires de son changement de résidence.

8. Selon l'article 8.22 de la même convention, l'indemnité de grand déplacement correspond aux dépenses journalières normales qu'engage le déplacé en sus des dépenses habituelles qu'il engagerait s'il n'était pas déplacé. Le montant de ces dépenses journalières, qui comprennent a) le coût d'un second logement pour l'intéressé, b) les dépenses supplémentaires de nourriture, qu'il vive à l'hôtel, chez des particuliers ou dans tout autre type de logement proposé par l'employeur, c) les autres dépenses supplémentaires qu'entraîne pour lui l'éloignement de son foyer, est remboursé par une allocation forfaitaire égale aux coûts normaux de logement et de nourriture (petit déjeuner, déjeuner, dîner) qu'il supporte.

9. Selon l'article 8.23 de la même convention, le remboursement des dépenses définies à l'article 8.22 est obligatoire pour tous les jours de la semaine, ouvrables ou non, pendant lesquels l'ouvrier reste à la disposition de son employeur sur les lieux du déplacement.

10. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a retenu que le salarié s'était trouvé en situation de grand déplacement sur un chantier situé à [Localité 5] (Var), pendant la période du 11 janvier 2016 au 17 juin 2016, durant laquelle il avait perçu une indemnité journalière de 90 euros du lundi au jeudi, et de seulement 18 euros le vendredi, alors que cette journée était également travaillée et qu'il restait à disposition de l'employeur sur le lieu du déplacement.

11. Elle en a déduit à bon droit que l'employeur était tenu de verser au salarié l'indemnité complète de grand déplacement.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

13. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié certaines sommes à titre de rappel d'indemnité d'activité partielle et d'incidence sur treizième mois, alors « qu'aux termes de l'article R. 5122-18 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-551 du 26 juin 2013, le salarié placé en activité partielle reçoit une indemnité horaire, versée par son employeur, correspondant à 70 % de sa rémunération brute servant d'assiette de l'indemnité de congés payés telle que prévue au II de l'article L. 3141-22 ramenée à un montant horaire sur la base de la durée légale du travail applicable dans l'entreprise ou, lorsqu'elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat de travail ; qu'il en résulte que l'indemnité d'activité partielle se calcule sur la base de la rémunération brute servant d'assiette au calcul de l'indemnité de congés payés et non sur celle de l'indemnité de congés payés ; qu'en calculant l'indemnité d'activité partielle à partir du montant de l'indemnité de congés payés, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 5122-18, alinéa 1er, du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-1551 du 18 novembre 2016, et les articles L. 3141-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3141-24 du même code, dans sa rédaction issue de ladite loi :

14. Aux termes du premier de ces textes, le salarié placé en activité partielle reçoit une indemnité horaire, versée par son employeur, correspondant à 70 % de sa rémunération brute servant d'assiette de l'indemnité de congés payés telle que prévue au II de l'article L. 3141-22 ramenée à un montant horaire sur la base de la durée légale du travail applicable dans l'entreprise ou, lorsqu'elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat de travail.

15. Selon les deux derniers, l'indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence à laquelle le congé annuel prévu par l'article L. 3141-3 ouvre droit ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler. Cette rémunération, sous réserve du respect des dispositions légales, est calculée en fonction : 1° Du salaire gagné dû pour la période précédant le congé ; 2° De la durée du travail effectif de l'établissement.

16. Il résulte de ces dispositions que l'indemnité d'activité partielle se calcule sur la base de la rémunération brute servant d'assiette au calcul de l'indemnité de congés payés, selon la règle dite du maintien du salaire.

17. Pour condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre d'indemnité d'activité partielle, l'arrêt retient que cette indemnité a été versée au salarié sur la base d'un taux horaire brut de 8,43 euros (12,044 x 70 %), alors qu'elle aurait dû être calculée sur la base d'un taux brut de 10,44 euros (14,92 x 70 %), ce que justifie l'intéressé par la production des attestations de paiement établies par la caisse de congés payés du bâtiment, faisant ressortir que sa prime de vacances était incluse dans l'assiette de l'indemnité de congés payés, laquelle s'élevait en dernier lieu à un montant total brut de 522,40 euros pour cinq jours et trente-cinq heures de travail, soit un taux horaire brut de 14,92 euros.

18. En se déterminant ainsi, en se référant aux attestations délivrées par la caisse de congés payés, sans vérifier quelle serait, lors de la mise en activité partielle, l'indemnité de congé payé due selon la règle du maintien du salaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

19. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, qui sont justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de l'employeur et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Eiffage énergie vallée du Rhône à payer à M. [U] la somme de 1 557,75 euros à titre de rappel d'indemnités d'activité partielle et celle de 216,88 euros à titre d'incidence de treizième mois, l'arrêt rendu le 21 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne M. [U] ainsi que le syndicat CGT Forclum PACA et l'Union régionale CGT des salariés de la construction, du bois et du bâtiment CGT PACA aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation de section
Numéro d'arrêt : 22-20.415
Date de la décision : 24/04/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Analyses

Il résulte des articles R. 5122-18, alinéa 1, L. 3141-22 et L. 3141-24 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-1551 du 18 novembre 2016, le deuxième dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le troisième dans sa rédaction issue de cette loi, que l'indemnité d'activité partielle se calcule sur la base de la rémunération brute servant d'assiette au calcul de l'indemnité de congés payés, selon la règle dite du maintien du salaire. Ne donne pas de base légale à sa décision, au regard de ces textes, la cour d'appel qui condamne l'employeur au paiement d'une indemnité d'activité partielle en se référant aux attestations délivrées par la caisse de congés payés, sans vérifier quelle serait, lors de la mise en activité partielle, l'indemnité de congé payé due selon la règle du maintien du salaire

travail reglementation - remuneration.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nimes


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation de section, 24 avr. 2024, pourvoi n°22-20.415, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 25/04/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22.20.415
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award