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10/04/1997 | FRANCE | N°932743;932744

France | France, Tribunal administratif de Nantes, 10 avril 1997, 932743 et 932744


Vu 1°, sous le n° 93.2743, la requête enregistrée au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 1993, présentée par la S.A.R.L. Denkavit France, ayant son siège Z.I. de Méron - B.P. 9 - ... - Bapeaume-lès-Rouen - 76380 Canteleu ;
La S.A.R.L. Denkavit France demande :
- la restitution des retenues à la source qui ont été prélevées par le directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique au cours des années 1988 et 1989 pour un montant total de 675.000 F ;
- l'annulation de la décision du directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique en date du 29 juillet 199

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- que le tribunal condamne l'administration au paiement des dépens ...

Vu 1°, sous le n° 93.2743, la requête enregistrée au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 1993, présentée par la S.A.R.L. Denkavit France, ayant son siège Z.I. de Méron - B.P. 9 - ... - Bapeaume-lès-Rouen - 76380 Canteleu ;
La S.A.R.L. Denkavit France demande :
- la restitution des retenues à la source qui ont été prélevées par le directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique au cours des années 1988 et 1989 pour un montant total de 675.000 F ;
- l'annulation de la décision du directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique en date du 29 juillet 1993 ;
- que le tribunal condamne l'administration au paiement des dépens de l'instance et au versement des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

Vu 2°, sous le n° 93.2744, la requête enregistrée au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 1993, présentée par la société Denkavit International B.V., ayant son siège Z.I. de Méron - B.P. 9 - ... - Bapeaume-lès-Rouen - 76380 Canteleu ;
La société Denkavit International B.V. demande :
- la restitution des retenues à la source qui ont été prélevées par le directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique au cours des années 1987, 1988 et 1989 pour un montant total de 725.000 F ;
- l'annulation de la décision du directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique en date du 29 juillet 1993 ;
- que le tribunal condamne l'administration au paiement des dépens de l'instance et au versement des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
Vu les décisions, en date du 29 juillet 1993, par lesquelles le directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique a statué sur les réclamations préalables de la S.A.R.L. Denkavit France et la société Denkavit International B.V. ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention franco-néerlandaise du 16 mars 1973 ;
Vu le traité de Rome ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et le protocole n° 1 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 1997 le rapport de M. Monnier, rapporteur,
les observations de Me Kryvian, avocat de la S.A.R.L. Denkavit France et la société Denkavit International B.V.,
et les conclusions de Mme Jacquier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les deux requêtes émanent de deux sociétés appartenant au même groupe et présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Considérant que la S.A.R.L. Denkavit France et la société Denkavit International B.V. demandent la restitution des retenues à la source, qui, sur le fondement des dispositions combinées de l'article 119 bis 2 du code général des impôts et de l'article 10 de la convention franco-néerlandaise du 16 mars 1973, ont été acquittées en 1987, 1988 et 1989 par l'intermédiaire de la Société générale auprès de la recette principale des impôts de Nantes Nord-Est ; que si les deux sociétés ne contestent pas que les dividendes distribués par la filiale française à sa société-mère néerlandaise étaient imposables en vertu desdites dispositions, elles soutiennent que l'imposition litigieuse viole les principes de non-discrimination prévus, en premier lieu, par l'article 25 de la convention susmentionnée, en deuxième lieu, par les articles 52 et 221 du traité de Rome, et en troisième lieu, par l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, combiné avec l'article 1er du protocole n° 1 ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique pour la requête n° 93.2743 :
Considérant que l'établissement payeur, redevable des retenues à la source, est recevable à contester le supplément de prélèvement mis à sa charge bien qu'il n'en soit pas le bénéficiaire ; que, par suite, le directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique n'est pas fondé à soutenir que la requête n° 93.2743 est irrecevable ;

Sur le bien-fondé des impositions :
Sans qu'il soit-besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : "2. ... les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par le 1 de l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France." ; et qu'aux termes de l'article 10 de la convention franco-néerlandaise : "1. Les dividendes payés par une société qui est un résident de l'un des Etats à un résident de l'autre Etat sont imposables dans cet autre Etat. 2. Toutefois, ces dividendes peuvent être imposés dans l'Etat dont la société qui paie les dividendes est un résident et selon la législation de cet Etat, mais l'impôt ainsi établi ne peut excéder : a) 5% du montant brut des dividendes si le bénéficiaire est une société par actions ou à responsabilité limitée qui dispose directement d'au moins 25% du capital de la société qui paie les dividendes ..." ;
Considérant, d'autre part qu'aux termes de l'article 52 du traité de Rome : "... les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont progressivement supprimées au cours de la période de transition. Cette suppression progressive s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre. La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprise, et notamment de sociétés au sens de l'article 58, alinéa 2, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants ..." ; qu'il résulte des dispositions précitées, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de Justice des Communautés européennes, qu'elles visent à assurer le bénéfice du traitement national à tout ressortissant d'un Etat membre qui s'établit, ne serait-ce qu'à titre secondaire, dans un autre Etat membre pour y exercer une activité non salariée et interdit toute discrimination fondée sur la nationalité résultant des législations en tant que restriction à la liberté d'établissement ; qu'il suit de là que l'article 52 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un Etat membre applique à une société-mère d'un autre Etat membre disposant d'une filiale dans l'Etat membre, un taux d'impôt sur les dividendes bruts distribués par la filiale supérieur à celui applicable à ceux versés par une filiale à une société-mère résidentes de l'Etat membre dès lors qu'il n'existe aucune différence de situation objective entre ce contribuable et le contribuable résident susceptible de justifier pareille différence de traitement ;

Considérant que les dividendes bruts versés par la S.A.R.L. Denkavit France auraient été exonérés d'impôts si la société Denkavit International B.V. avait son siège en France ; que le moyen tiré par le directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique de ce que la situation de la société Denkavit International B.V. est différente de celle d'une société française n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée ; qu'admettre qu'un Etat membre puisse librement appliquer un traitement différent en raison du seul fait que le siège d'une société est situé dans un autre Etat membre viderait de son contenu les dispositions précitées de l'article 52 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par les décisions du 29 juillet 1993, le directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique a rejeté les réclamations préalables de la S.A.R.L. Denkavit France et la société Denkavit International B.V. ; que, par suite, il y a lieu de prononcer la restitution à la société Denkavit International B.V. de la somme de 725.000 F indûment retenue à la source et, en tout état de cause, de rejeter les conclusions du directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique tendant à dire l'imposition bien-fondée ;
Sur les conclusions de la S.A.R.L. Denkavit France et la société Denkavit International B.V. tendant à l'annulation des décisions en date du 29 juillet 1993 et sur les conclusions du directeur des services fiscaux tendant à la confirmation desdites décisions :
Considérant que les décisions attaquées ne constituent pas des actes détachables de la procédure d'imposition en faisant, par elles-mêmes, grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, les conclusions susvisées sont irrecevables et ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au versement par l'Etat d'intérêts moratoires :
Considérant que les intérêts dus au contribuable en vertu de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, en cas de remboursements effectués en raison de dégrèvements d'impôt prononcés par un tribunal ou par l'administration des impôts à la suite d'une réclamation sont, en application de l'article R. 208-1 du même livre, "payés d'office en même temps que les sommes remboursées au contribuable par le comptable chargé du recouvrement des impôts" ; qu'il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et le requérant concernant lesdits intérêts ; que, dès lors, les conclusions susanalysées ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions tendant au paiement des dépens :
Considérant que la présente instance n'a pas donné lieu à dépens ; que, dès lors, ces conclusions ne peuvent être que rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le surplus des conclusions des requêtes de la S.A.R.L. Denkavit France et la société Denkavit International B.V., ainsi que les conclusions du directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique ne peuvent être que rejetés ;
Article 1 : Il est accordé restitution à la société Denkavit International B.V. d'un montant d'impôt retenu à la source de 725.000 F.
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes n° 93.2743 et 93.2744 est rejeté.
Article 3 : Les conclusions du directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique tendant à ce que le Tribunal confirme sa décision du 29 juillet 1993 et dise bien-fondée l'imposition litigieuse sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la S.A.R.L. Denkavit France, à la société Denkavit International B.V. et au directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique.


Synthèse
Tribunal : Tribunal administratif de Nantes
Numéro d'arrêt : 932743;932744
Date de la décision : 10/04/1997
Sens de l'arrêt : Restitution
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFERENTES CATEGORIES D'ACTES - ACCORDS INTERNATIONAUX - APPLICATION PAR LE JUGE FRANCAIS - Traité de Rome - Article 52 - Applicabilité directe.

01-01-02-02, 01-04-01, 15-03-03-01, 15-05-11, 19-01-01-05, 19-04-02-03-01-01-02 Si la combinaison des stipulations de l'article 10 de la convention franco-néerlandaise du 16 mars 1973 et des dispositions de l'article 119 bis-2 du code général des impôts (applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 1991 qui a transposé en droit interne la directive 90/435 du 23 juillet 1990) prévoient que les dividendes versés à une société mère néerlandaise par sa filiale française peuvent être assujettis à une retenue à la source a au taux de 5 %, cette possibilité méconnaît l'article 52 du Traité de Rome, tel qu'interprété par la Cour de justice des Communautés européennes, dès lors que les dividendes versés par une filiale à une société mère française sont exonérés d'impôt.

- RJ1 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA REGLE DE DROIT - TRAITES ET DROIT DERIVE - Traité de Rome - Article 52 - Principe de non-discrimination - Violation - Retenue à la source perçue sur des dividendes versés par une filiale française à une société mère néerlandaise (1).

- RJ1 COMMUNAUTES EUROPEENNES - APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANCAIS - PRISE EN COMPTE DES DECISIONS DE LA COUR DE JUSTICE - INTERPRETATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE - Article 52 du Traité de Rome - Liberté d'établissement - Principe de non-discrimination - Retenue à la source perçue sur des dividendes versés par une filiale française à sa société mère néerlandaise (1).

- RJ1 COMMUNAUTES EUROPEENNES - REGLES APPLICABLES - FISCALITE - Retenue à la source perçue sur des dividendes versés par une filiale française à sa société mère néerlandaise - Liberté d'établissement (article 52 du Traité de Rome) - Principe de non-discrimination - Violation (1).

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - CONVENTIONS INTERNATIONALES - Traité de Rome - Liberté d'établissement (article 52) - Principe de non-discrimination - Violation - Retenue à la source perçue sur des dividendes versés par une filiale française à sa société mère néerlandaise (1).

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - REVENUS DES CAPITAUX MOBILIERS ET ASSIMILABLES - REVENUS DISTRIBUES - NOTION DE REVENUS DISTRIBUES - IMPOSITION PERSONNELLE DU BENEFICIAIRE - Retenue à la source perçue sur des dividendes versés par une filiale française à sa société mère néerlandaise - Traité de Rome - Liberté d'établissement (article 52) - Principe de non-discrimination - Violation (1).


Références :

CGI 119 bis, 52
CGI Livre des procédures fiscales L208, R208-1
Convention du 16 mars 1973 franco-néerlandaise art. 25
Traité du 25 mars 1957 Rome art. 52, art. 58

1.

Rappr. CJCE, 1986-01-28, n° 270/83


Composition du Tribunal
Président : M. Roy
Rapporteur ?: M. Monnier
Rapporteur public ?: Mme Jacquier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.administratif.nantes;arret;1997-04-10;932743 ?
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