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18/02/2009 | FRANCE | N°07/00415

France | France, Tribunal de grande instance d'Auch, Ct0062, 18 février 2009, 07/00415


N Minute :
TRIBUNAL
DE GRANDE INSTANCE
D'AUCH
Par M. BENON

N R. G. : 07 / 00415

JUGEMENT RENDU LE 18 FEVRIER 2009

AFFAIRE
Marc X...
(UDAF 32)
Marie-Laure X...
C /
Alain Bernard René Y...
A. T. G.
S. C. P. B... Z...
Jean Odet A...
COVEA RISKS
L'ETAT

1) Marc X...
né le 2 juin 1936 à Constantine (Algérie)
demeurant...
...
pris en la personne de L'UNION DES ASSOCIATIONS FAMILIALES du Gers :
UDAF 32
9 Rue Edouard Lartet
BP 206
32004 AUCH CEDEX

Représenté par la SCP HA

NDBURGER-PLENIER, avocats au barreau d'AUCH (postulant) et Me François DELMOULY, avocat au barreau d'AGEN (plaidant)

DEMANDEUR

2) Marie-Laure X.....

N Minute :
TRIBUNAL
DE GRANDE INSTANCE
D'AUCH
Par M. BENON

N R. G. : 07 / 00415

JUGEMENT RENDU LE 18 FEVRIER 2009

AFFAIRE
Marc X...
(UDAF 32)
Marie-Laure X...
C /
Alain Bernard René Y...
A. T. G.
S. C. P. B... Z...
Jean Odet A...
COVEA RISKS
L'ETAT

1) Marc X...
né le 2 juin 1936 à Constantine (Algérie)
demeurant...
...
pris en la personne de L'UNION DES ASSOCIATIONS FAMILIALES du Gers :
UDAF 32
9 Rue Edouard Lartet
BP 206
32004 AUCH CEDEX

Représenté par la SCP HANDBURGER-PLENIER, avocats au barreau d'AUCH (postulant) et Me François DELMOULY, avocat au barreau d'AGEN (plaidant)

DEMANDEUR

2) Marie-Laure X...
née le 6 août 1961 à TOULOUSE (31)
demeurant...
...

Représentée par la SCP LAGAILLARDE, avocats au barreau d'AUCH

INTERVENANTE VOLONTAIRE

3) Alain Bernard René Y...
né le 22 Janvier 1950 à TOURRENQUETS (32390)
demeurant...
...

représenté par la SCP MOULETTE-SAINT YGNAN-VAN HOVE, avocats au barreau d'AUCH

DÉFENDEUR

4) ASSOCIATION TUTELAIRE DU GERS (A. T. G.)
Domaine de la Remonte
Rue Jeanne d'Albret
32000 AUCH

représentée par la SCP ABADIE MORANT DOUAT DUBOIS, avocats au barreau d'AUCH (postulant) et la Selarl LASPALLES, avocats au barreau de TOULOUSE (plaidant)

APPELÉE EN CAUSE

5)- S. C. P. Raoul B... Michel Z...
Société civile professionnelle titulaire d'un office notarial
...
...
- Jean Odet A...
Notaire
...
...

représentés par Me Isabelle BRU, avocat au barreau d'AUCH (postulant) et Me Georges LURY, avocat au barreau d'AGEN (plaidant)

APPELÉS EN GARANTIE

6) COVEA RISKS
Société anonyme dont le siège social est
19-21 allées de l'Europe
92616 CLICHY CEDEX

Représentée par la SCP DU PUY DE GOYNE-HARAMBURU (postulant) et la SELAS CLAMENS CONSEIL, avocats au barreau de TOULOUSE (plaidant)

APPELÉE EN GARANTIE

7) L'ETAT
pris en la personne de l'Agent judiciaire du Trésor
Direction Affaires Juridiques, Ministère de l'Economie
6 rue Louise Weiss
75013 PARIS CEDEX 13

Représentée par la SCP SEGUY-BOURDIOL-DAUDIGEOS-LABORDE, avocats au barreau d'AUCH

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Magistrats ayant délibéré :

Président : Dominique BENON,
Assesseur : Hervé LECLAINCHE,
Assesseur : Christine CATUGIER,
Greffier : Joëlle BONMARTIN, présente aux débats

DÉBATS :

Vu l'ordonnance de clôture du 20 novembre 2008 ayant fixé l'audience de plaidoiries au 17 décembre 2008 où l'affaire a été plaidée et mise en délibéré au 18 février 2009

JUGEMENT :

Prononcé par mise à disposition au greffe, conformément au second alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

FAITS :

Marc X... est né le 2 juin 1936.

En 1997, il a été victime d'un grave accident vasculaire cérébral qui a provoqué une hémiplégie droite avec aphasie, et qui l'a contraint à cesser son activité d'exploitant agricole exercée sur une surface de près de 130 ha.

En 1999, une procédure de mise sous un régime de protection a été ouverte à son profit.

Le 26 juillet 2000, le juge des tutelles d'Auch a considéré que l'état médical de M. X..., qui présentait d'importantes manifestations séquellaires sur le plan aphasique et moteur générant des incertitudes sur ses capacités de compréhension, nécessitait qu'il soit conseillé ou contrôlé dans les actes de la vie civile et a prononcé sa mise sous curatelle en désignant l'Association Tutélaire du Gers (ATG) en qualité de curateur d'Etat.

Par acte sous seing privé du 25 novembre 2003, M. X..., assisté de Mme E... représentant l'ATG, et de son avocat, Me FRANCOIS, a déclaré vendre à Alain Y... une propriété bâtie consistant en un bâtiment d'habitation, dépendances, prairies, bois et taillis, dénommée " Château d'Aragues " située sur la commune de l'Isle Jourdain.

Le transfert de propriété a été contractuellement différé au jour de la réitération de l'acte en la forme authentique.

Le prix a été fixé à 579 306 € payable comptant au jour de la réitération.

Diverses conditions suspensives ont été stipulées ainsi qu'une clause pénale de 58 000 € destinée à sanctionner toute partie qui ne respecterait pas ses engagements.

Le prix d'acquisition et les conditions de la vente ont été négociés avec le cabinet TRADITION IMMOBILIER et MM. G... et H..., agents immobiliers.

Cet acte sous seing privé a été établi par Me Z..., notaire à l'Isle Jourdain, notaire personnel de M. X....

Il a été convenu que l'acte authentique de vente serait établi par Me A..., notaire conseil D... de M. Y..., avec le concours de Me Z....

Par lettre du 9 janvier 2004, Me Z... a indiqué à l'ATG que le prix de vente du Château d'Aragues " correspond au marché immobilier local, compte tenu de l'état d'entretien du bâtiment ".

Le 19 janvier 2004, Marie-Laure X..., fille de Marc X..., a déposé une requête au juge des tutelles afin de voir renforcer la mesure de protection de son père, en demandant à Me Z... de surseoir à toutes opérations.

Me A... a alors demandé l'avis du juge des tutelles.

Par lettre du 9 février 2004, M. Y... a proposé à Me FRANCOIS de reporter la signature de l'acte authentique.

Par lettre recommandée du 24 février 2004, Me FRANCOIS a refusé et mis l'acheteur en demeure de se présenter le 28 février en l'étude de Me A... pour signer l'acte authentique, indiquant qu'à défaut, M. X... demanderait l'application de la clause pénale.

Le 26 février 2004, le Dr I..., mandaté par le juge des tutelles, a déposé un rapport d'examen de M. X... dans lequel il a indiqué qu'en raison de la détérioration intellectuelle de celui-ci, de son hémiplégie et de son aphasie, une curatelle aggravée de l'article 512 du code civil pouvait être envisagée.

Par lettre du 27 février 2004 (affectée d'une erreur matérielle quant à sa date), le juge des tutelles a confirmé au notaire la possibilité de recevoir l'acte authentique de vente.

Par acte authentique établi le 28 février 2004 en l'étude de Me A..., avec le concours de Me Z..., M. X... assisté de son curateur, a réitéré la vente du Château d'Aragues pour le prix convenu, lequel a été payé comptant.

Par jugement du 26 mars 2004, le juge des tutelles a maintenu la curatelle simple.

Sur recours de Marie-Laure X... et après nouvel examen médical confié au Dr J..., par jugement du 19 janvier 2005, ce tribunal a converti la curatelle en tutelle d'Etat et a désigné l'ATG en qualité de tuteur.

Par ordonnance du 2 mars 2006, le juge des tutelles a désigné le Pr K... pour procéder à l'examen de M. X..., afin de décrire son état actuel, de rechercher si, le 25 novembre 2003, il disposait d'un discernement lui permettant d'appréhender les conditions essentielles de la vente et d'exprimer un consentement libre et éclairé et, dans l'affirmative, d'indiquer si son entourage pouvait avoir connaissance de son état.

Par ordonnance du 6 juillet 2006, le juge des tutelles a désigné l'UDAF en qualité de tuteur ad hoc de M. X... afin de saisir ce tribunal d'une demande fondée sur les articles 489 et 503 du code civil afin de voir prononcer la nullité de la vente du Château d'Aragues.

Par acte du 4 avril 2007, l'UDAF, agissant au nom de Marc X..., a fait assigner M. Y... devant ce tribunal afin de voir prononcer la nullité de la vente.

M. Y... a constitué avocat et, par acte du 31 août 2007, a appelé en garantie l'ATG, la SCP B... Z... et Me A....

Par acte du 28 mars 2008, l'ATG a appelé en garantie son assureur de responsabilité civile, la S. A. COVEA RISKS.

Par acte du 15 mai 2008, M. Y... a également appelé en cause l'Agent Judiciaire du Trésor afin d'être garanti par l'Etat de toute condamnation, du fait d'éventuelles fautes dans le fonctionnement du régime de protection.

Le 28 mai 2008, Marie-Laure X... a déposé des conclusions d'intervention volontaire.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Par conclusions récapitulatives du 21 mars 2008, qui valent abandon des prétentions et moyens antérieurs, l'UDAF réitère sa demande d'annulation sur le fondement principal de l'article 489 du code civil et, subsidiairement de l'article 503, en indiquant que ces textes sont applicables même si à l'époque de l'acte, M. X... était placé sous un régime de curatelle, dès lors que les expertises médicales, et particulièrement celle réalisée par le Pr K..., attestent qu'à cette période, M. X... était atteint d'une affection mentale suffisamment grave pour altérer sérieusement en lui le sens et la portée de l'acte auquel il consentait.

*
**

Par conclusions récapitulatives du 30 juillet 2008, qui valent également abandon des prétentions et moyens antérieurs, M. Y... indique en premier lieu que la vente du
Château d'Aragues a été conforme aux intérêts de M. X..., qui n'était plus en mesure d'y habiter depuis la fin de l'année 1999, et qui souhaitait le vendre depuis 2001, de sorte que le demandeur n'a aucun intérêt à poursuivre la nullité de la vente.

En deuxième lieu, M. Y... explique que M. X... avait une lucidité suffisante pour manifester son consentement à une vente qui n'a pas été réalisée dans la précipitation, et dont les modalités ont été mises au point par son avocat, Me FRANCOIS et son notaire, Me Z....

En troisième lieu, le défendeur déclare, d'une part, que l'article 489 du code civil ne protège un individu qu'avant qu'il ne soit soumis à un régime de protection de sorte que ce texte n'est pas applicable à la situation de M. X... et, d'autre part, que l'article 503 ne peut être appliqué à un acte réalisé régulièrement avec l'assistance du curateur, comme l'explique le Doyen Honoraire Jacques L... dans une consultation qui lui a été demandée.

M. Y... rappelle en quatrième lieu que selon le jugement rendu le 19 janvier 2005, ce n'est qu'à partir du 29 novembre 2004 que l'ouverture d'une tutelle a été médicalement justifiée.

En cinquième lieu, il estime que l'ATG a confirmé l'acte en qualité de tuteur.

Le défendeur conclut au rejet de l'action en nullité.

Ensuite, il explique que du fait de la procédure en annulation de la vente, il a été contraint d'interrompre les travaux de sauvegarde et d'amélioration du Château dont il est privé de la jouissance, ce qui représente une perte de 75 000 € arrêtée au 31 juillet 2008, puis de 3 000 € par mois.

Il sollicite la condamnation de l'UDAF et de Marie-Laure X... à lui payer cette somme ainsi que 15 000 € pour procédure abusive, déclarant que l'intérêt à agir de cette dernière devra faire l'objet d'une appréciation.

A titre subsidiaire, M. Y... demande à être garanti de toute condamnation par l'UDAF, l'ATG, Marie-Laure X..., les notaires et l'Etat, et réclame, dans cette hypothèse, 1 043 147, 42 € au titre de l'ensemble des dépenses qu'il a exposées, arrêtées au 31 juillet 2008.

Il réclame enfin 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que le prononcé de l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

*
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Dans ses conclusions d'intervention volontaire, Marie-Laure X... indique que lors de la vente du Château d'Aragues, l'état médical de son père ne lui permettait pas de comprendre les conditions essentielles de la vente, ni de signer l'acte et que, selon le Dr J..., il aurait dû être placé sous tutelle et non sous curatelle.

Elle précise qu'un mandat de vente proposait le prix du Château à 704 400 €.

Elle ajoute être la seule future héritière de Marc X....

Marie-Laure X... déclare s'associer à l'action intentée par l'UDAF et demande également que l'ensemble des défendeurs et appelés en cause soient déclarés solidairement responsables des préjudices découlant de l'acte nul.

Elle réclame enfin 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

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Par conclusions récapitulatives du 4 novembre 2008, l'ATG indique que M. X... avait toute capacité pour signer l'acte de vente et déclare s'associer aux explications données par M. Y..., en indiquant que l'UDAF doit justifier avoir publié son assignation à la conservation des hypothèques.

Elle ajoute que la vente a été conclue dans l'intérêt du protégé, que le juge des tutelles en a été étroitement informé et rappelle que lors de la vente, M. X... était également assisté de son avocat, de son notaire, de sa concubine et de trois agents immobiliers.

L'ATG indique enfin n'avoir commis aucune faute dans l'exercice de sa mission.

A titre très subsidiaire, elle demande à être relevée indemne de toute condamnation par son assureur de responsabilité civile, COVEA RISKS.

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Par conclusions récapitulatives du 9 octobre 2008, la SCP B... Z... et Me A... concluent à l'irrecevabilité de la demande faute de justification de sa publication à la conservation des hypothèques.

Ils expliquent ensuite que selon le traité de droit des incapacités de M. Jacques L..., lorsqu'un majeur sous curatelle a passé un acte avec l'assistance de son curateur, l'acte a la même valeur que s'il avait été passé par une personne disposant de toutes ses capacités de sorte que les articles 489 et 503 du code civil ne peuvent être utilement invoqués.

Les notaires déclarent n'avoir commis aucune erreur d'appréciation et avoir scrupuleusement appliqué les procédures légales, avec l'accord du juge des tutelles matérialisé par la lettre du 27 février 2004.

Ils concluent au rejet des demandes présentées à leur encontre et sollicitent 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

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Par conclusions du 16 octobre 2008, COVEA RISKS indique que l'action intentée par l'UDAF relève de la pétition de principe au seul vu d'expertises réalisées très postérieurement aux actes en question.

L'assureur indique que tous les documents de la cause attestent que le prix de vente du Château d'Aragues est conforme à sa valeur et précise que son assuré n'a commis aucune faute dans l'exécution de son mandat.

COVEA RISKS conclut au rejet de la demande d'annulation, subsidiairement au rejet des demandes formées contre l'ATG et enfin, précise qu'en tout état de cause, sa garantie est plafonnée à 80 000 €.

L'assureur réclame enfin 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

*
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Par conclusions du 15 septembre 2008, l'Agent Judiciaire du Trésor explique que l'article 473 alinéa 2 du code civil, qui institue la responsabilité de l'Etat en cas de faute dans le fonctionnement de la tutelle, ne profite qu'à la personne protégée et non aux tiers, comme M. Y....

L'Agent Judiciaire du Trésor explique ensuite que l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire, applicable en cas de fonctionnement défectueux du service public de la justice, ne profite qu'aux " usagers " de la justice et qu'en tout état de cause, le juge des tutelles a toujours statué à chaque étape de la procédure dans des délais raisonnables sur le choix de la mesure de protection, au vu des éléments médicaux dont il disposait à l'époque.

L'Agent Judiciaire du Trésor conclut à l'irrecevabilité des demandes formées à son encontre et, subsidiairement, à leur rejet.

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DISCUSSION :

1) Sur l'intervention volontaire accessoire formée par Marie-Laure X... :

Attendu que selon l'article 330 du code de procédure civile, l'intervention accessoire n'est recevable que si son auteur a un intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie ;

Et attendu en l'espèce que Marie-Laure X... n'a pas été partie à l'acte de vente du Château d'Aragues dont elle n'a d'ailleurs jamais été propriétaire ;

Que son patrimoine n'est donc pas concerné par l'action en nullité de l'acte de vente intentée par l'UDAF pour le compte de son père, laquelle ne concerne que le patrimoine de ce dernier ;

Qu'en outre, à aucun moment, elle n'a été désignée pour représenter son père ;

Que par conséquent, elle n'a pas d'intérêt à agir et son intervention volontaire doit être déclarée irrecevable ;

2) Sur la recevabilité de l'assignation délivrée par l'UDAF :

Vu l'article 28- 4o- c du décret no 55-22 du 4 janvier 1955,

Attendu que l'UDAF justifie que son assignation en annulation a été publiée à la conservation des hypothèques d'Auch le 23 avril 2007 (volume 2007 P No 2462) ;

Que par conséquent, la demande est recevable au regard de ce texte ;

3) Au fond :

a : article 489 du code civil :

Attendu en premier lieu qu'aux termes de ce texte, devenu l'article 414-1 du même code en vertu de la loi du 5 mars 2007, pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit et c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence du trouble mental au moment de l'acte ;

Que toutefois, ces dispositions sont destinées à protéger les personnes qui ne sont pas soumises à un régime de protection, et, par suite, ne sont pas applicables à une personne placée sous curatelle ;

Qu'en effet, dans sa version antérieure à la modification instaurée par la loi du 5 mars 2007, ce texte précisait : " du vivant de l'individu, l'action en nullité ne peut être exercée que par lui, son tuteur ou son curateur, s'il lui en a été ensuite nommé un ", ce qui indique clairement que le législateur n'a entendu instituer cette nullité qu'au profit des personnes qui, au moment de l'acte litigieux, ne bénéficiaient pas d'un régime de curatelle ou de tutelle ;

Qu'en outre, aucun des textes relatifs à la curatelle ne renvoie à l'application de cet article, contrairement aux dispositions de l'ancien article 491-2 alinéa 2 du code civil, relatives à la simple sauvegarde de justice qui y font référence ;

Que de plus, conformément à l'article 510 du code civil, dès lors qu'une personne est placée sous curatelle, elle ne dispose plus de la possibilité d'effectuer seule les actes qui, sous le régime de la tutelle des majeurs, nécessiteraient une autorisation du conseil de famille ;

Qu'en vertu de l'article 510-1, si cette personne fait néanmoins seule un acte pour lequel l'assistance du curateur était requise, le prononcé de la nullité n'a qu'un caractère facultatif, de sorte que suivre l'UDAF dans son argumentation aboutirait à faire prononcer automatiquement une nullité pour un acte effectué avec l'assistance, et donc avec l'accord, du curateur, alors qu'un acte effectué sans l'assistance, pourtant légalement requise, du curateur, ne serait soumis qu'à un régime de nullité facultative ;

Qu'une totale insécurité juridique serait ainsi introduite dans les actes effectués, avec l'assistance du curateur, par les personnes placées sous curatelle au motif, précisément, que leurs facultés mentales sont altérées par une maladie, une infirmité ou un affaiblissement dû à l'âge, en vertu de l'ancien article 490, repris au nouvel article 425 du code civil ;

Que lorsqu'une curatelle aurait été ouverte, tous les actes passés par le majeur protégé assisté de son curateur seraient, par principe, menacés d'annulation ;

Que d'ailleurs, l'arrêt du 24 février 1998 invoqué par l'UDAF dans ses conclusions, a approuvé l'application de l'article 503 du code civil, et non de l'article 489, pour annuler des actes passés avant la mise en oeuvre d'une mesure de protection ;

Qu'il faut donc en conclure que lorsqu'une personne placée sous curatelle a fait un acte avec l'assistance de son curateur, conformément aux règles de fonctionnement de la curatelle, aucune nullité ne peut être encourue sur le fondement de l'article 489 du code civil ;

Attendu en deuxième lieu et au surplus que le trouble mental visé à l'article 489 doit, pour entraîner la nullité de l'acte, " être d'une gravité suffisante pour que celui dont il affecte le jugement ne soit plus en état d'exprimer une volonté consciente " (B. Teyssié), de sorte que le trouble en question doit altérer tant " la lucidité ", c'est à dire l'aptitude à comprendre, que " la volonté ", c'est à dire l'aptitude à décider (Terré, Simler et Lequette) ;

Or, attendu en l'espèce que le 10 décembre 2004, le médecin traitant de M. X... a attesté que " sa compréhension ne paraît nullement altérée " ;

Que dans un examen réalisé le 23 février 2004, le Dr I..., psychiatre, a constaté que M. X... ne présentait " pas de trouble psychiatrique, important, pas d'hallucination, pas d'idée délirante " et que, s'il présentait alors une détérioration intellectuelle et une aphasie, il avait tout de même conservé " une bonne lucidité " lui permettant de donner son accord lors du compromis de vente du 25 novembre 2003 ;

Qu'en août 2004 le Dr J..., psychiatre, a également examiné M. X... et a indiqué qu'il partageait l'avis du Dr I..., ajoutant que M. X... était très dépendant de son entourage, étant précisé, comme il a été noté dans le jugement rendu le 19 janvier 2005 que l'examen réalisé par le Dr J... est intervenu après une hospitalisation causée par une grave chute qui a entraîné un traumatisme crânien ;

Que dans l'expertise réalisée le 21 mars 2006 par le Pr K..., neuropsychiatre, il a été indiqué que le fait que M. X... a pu donner son avis sur la vente de son château était " une évidence " du fait qu'il était en mesure de répondre par oui ou par non à une question simple ;

Attendu également que M. X... n'était plus en mesure d'habiter le Château d'Aragues depuis 1999 et souhaitait le vendre, comme l'indique par exemple Christian M... ;

Qu'ainsi, dès 2001, il avait mis en vente le Château d'Aragues, une annonce très détaillée avait été passée dans la revue d'annonces " Cabinet Occitan " et fin 2002, C... s'était montré intéressé par l'achat et avait même signé un premier compromis de vente qui n'avait pu avoir de suite du fait d'une difficulté élevée par la SAFER ;

Que dès fin 2002, une première offre d'achat émanant M. Y... avait été rejetée par M. X..., sous la plume de Me FRANCOIS ;

Qu'en effet, conscient de ses difficultés de santé, M. X... avait confié la défense de ses intérêts et la mise au point de la vente à son avocat Me FRANCOIS, dont les multiples courriers produits aux débats, attestent qu'elle a parfaitement exécuté son mandat ;

Qu'en outre, Me Z..., notaire personnel de M. X... suivait également ses affaires ;

Qu'enfin, son curateur, l'ATG était également en charge des intérêts de M. X... ;

Que par conséquent, l'acte sous seing privé du 25 novembre 2003 établi, en présence de Me FRANCOIS, de l'ATG et de Me Z..., était parfaitement conforme à la volonté de M. X... de vendre la propriété dont il n'avait plus aucune utilité et a été négocié par les parties qu'il avait mandatées à cette fin ;

Attendu en définitive qu'il ne peut être question d'annuler la vente en application de l'article 489 du code civil ;

b : article 503 du code civil :

Attendu qu'aux termes de ce texte, les actes antérieurs à la tutelle pourront être annulés si la cause qui a déterminé l'ouverture de la tutelle existait notoirement à l'époque où ils ont été faits ;

Que le prononcé de cette nullité ne présente toutefois qu'un caractère facultatif ;

Attendu ensuite qu'il résulte des dispositions du nouvel article 464 issu de la loi du 5 mars 2007, que les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la mesure de protection ne peuvent être annulés que s'il est justifié d'un préjudice subi par la personne protégée ;

Et attendu en l'espèce en premier lieu que les dispositions, tant de l'ancien article 503 que de l'article 464, sont inapplicables aux actes régulièrement effectués à une époque où la personne faisait l'objet d'une mesure de curatelle ;

Qu'en effet, en décider autrement reviendrait à annuler systématiquement de tels actes puisque par hypothèse la cause ayant donné lieu à l'ouverture de la mesure était antérieure à la tutelle et même notoire ;

Attendu en deuxième lieu qu'en tout état de cause, il est établi que les conditions et le prix de vente étaient parfaitement normaux et conformes aux intérêts de la personne protégée ;

Qu'ainsi, M. X... n'avait plus aucune utilité du Château d'Aragues qu'il n'était plus en mesure d'habiter depuis plusieurs années et qui se dégradait, comme l'atteste le constat d'huissier établi le 13 juillet 2006 par Me N... ;

Que la vente a permis à M. X... de se loger dans un appartement confortable à l'Isle Jourdain et de placer son argent afin d'en percevoir les revenus ;

Que le Château d'Aragues a pu être vendu pour un prix de 579 306 € payé comptant, alors que, quelques années auparavant, il avait été mis en vente pour une somme de 487 837 € ;

Que ce prix a été considéré comme très intéressant pour M. X..., tant par son avocat Me FRANCOIS, que par Me Z... dans sa lettre du 9 janvier 2004 ;

Que les agences immobilières CABINET FREGOLENT et RIVE GAUCHE IMMOBILIER ont même attesté que compte tenu de son état en 2003, la propriété ne pouvait excéder, pour la première la valeur de 530 000 € et, pour la seconde, la valeur de 550 000 € ;

Que TRADITION IMMOBILIER a précisé que le prix obtenu " est tout à fait correct et conforme à la partie haute de la fourchette de nos estimations ", étant précisé que les commissions dues aux agences immobilières ont été mises à la charge de M. Y... ;

Qu'en outre, la vente a pu être réalisée en réglant le problème de parcelles acquises par un voisin, M. Q..., qui avait donné lieu à un contentieux avec la SAFER et qui a abouti à l'établissement d'une seconde vente également passée le 25 novembre 2003, dont la nullité n'est d'ailleurs pas demandée, en vertu de laquelle M. Q... a revendu à M. Y... une parcelle de bois avec bâtiment vétuste ;

Attendu par conséquent qu'il ne peut être question d'annuler la vente sur le fondement de l'ancien article 503 du code civil, ce qui rend sans objet les appels en garantie ;

4) Sur la demande reconventionnelle formée par M. Y... :

Attendu que le préjudice dont allègue M. Y... est lié au fait qu'il a décidé d'interrompre les travaux de réfection du château ;

Que toutefois, cette décision lui est purement personnelle et ne constitue pas une suite nécessaire de l'action en nullité de la vente qui a été intentée, laquelle n'est en tout état de cause pas fautive ;

Qu'il s'ensuit que la demande reconventionnelle doit être rejetée ;

Et attendu enfin que l'équité impose, d'une part, de condamner Marc X..., pris en la personne de son tuteur, à payer à M. Y... la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, d'autre part, de condamner Marie-Laure X... à payer, sur le même fondement, la somme de 1 000 € à M. Y... ;

Que par contre, il n'y a pas lieu de faire application de ce texte au profit des personnes appelées en cause ou en garantie ;

PAR CES MOTIFS, le tribunal :

- Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

- DECLARE l'intervention volontaire formée par Marie-Laure X... irrecevable ;

- DECLARE la demande en nullité de vente formée par l'UDAF au nom de Marc X... recevable, mais statuant au fond, REJETTE cette demande ;

- REJETTE la demande reconventionnelle ;

- CONDAMNE Marc X..., pris en la personne de son tuteur l'Association Tutélaire du Gers, à payer à Alain Y... la somme de 4 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE Marie-Laure X... à payer à Alain Y... la somme de 1 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE Marc X..., pris en la personne de son tuteur l'Association Tutélaire du Gers, aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance d'Auch
Formation : Ct0062
Numéro d'arrêt : 07/00415
Date de la décision : 18/02/2009

Analyses

MAJEUR PROTEGE - Dispositions générales - Actes - Nullité - Action en nullité - Domaine d'application - Exclusion - Cas - // JDF

Lorsqu'une personne placée sous curatelle a fait un acte avec l'assistance de son curateur, conformément aux règles de fonctionnement de la curatelle, aucune nullité ne peut être encourue sur le fondement de l'article 489 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007


Références :

article 489 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.auch;arret;2009-02-18;07.00415 ?
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