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24/04/2017 | FRANCE | N°C4075

France | France, Tribunal des conflits, 24 avril 2017, C4075


Vu, enregistrée à son secrétariat le 16 novembre 2016, l'expédition de l'arrêt du 8 novembre 2016 par lequel la cour d'appel de Paris, saisie d'un appel du syndicat mixte des aéroports de Charente contre une ordonnance du 5 septembre 2012 du délégué du président du tribunal de grande instance de Paris revêtant de l'exequatur, à la demande des sociétés Ryanair Limited et Airport Marketing Services Limited, une sentence arbitrale rendue le 18 juin 2012 dans un litige relatif à la résiliation de conventions conclues le 8 février 2008 entre le syndicat mixte et les sociétés, a r

envoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 2...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 16 novembre 2016, l'expédition de l'arrêt du 8 novembre 2016 par lequel la cour d'appel de Paris, saisie d'un appel du syndicat mixte des aéroports de Charente contre une ordonnance du 5 septembre 2012 du délégué du président du tribunal de grande instance de Paris revêtant de l'exequatur, à la demande des sociétés Ryanair Limited et Airport Marketing Services Limited, une sentence arbitrale rendue le 18 juin 2012 dans un litige relatif à la résiliation de conventions conclues le 8 février 2008 entre le syndicat mixte et les sociétés, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu, enregistré à son secrétariat le 3 janvier 2017, le mémoire présenté pour le syndicat mixte des aéroports de Charente, tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente pour connaître du litige relatif à l'exequatur de la sentence arbitrale ;

Vu, enregistré à son secrétariat le 20 janvier 2017, le mémoire présenté pour les sociétés Ryanair Limited et Airport Marketing Services Limited, tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente pour connaître de ce litige ;

Vu les pièces du dossier dont il résulte que la saisine du Tribunal a été communiquée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui n'a pas produit d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu la convention pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, signée à New York le 10 juin 1958, notamment ses articles III, V et VII ;

Vu le code des marchés publics ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Chauvaux , membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre pour le syndicat mixte des aéroports de Charente ;

- les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano pour les sociétés Ryanair Limited et Airport Marketing Services Limited ;

- les conclusions de M. Hubert Liffran, rapporteur public ;

Considérant que le syndicat mixte des aéroports de Charente a conclu le 8 février 2008 avec les sociétés Ryanair Limited et Airport Marketing Services Limited deux conventions ayant pour objet le développement d'une liaison aérienne régulière entre les aéroports de Londres-Stansted et d'Angoulême ; que ces conventions prévoyaient que tout différend entre les parties, non résolu à l'amiable, serait soumis à un arbitre siégeant à Londres et statuant conformément aux règles de la Cour internationale d'arbitrage de Londres ; qu'en février 2010 les sociétés ont résilié unilatéralement les conventions ; qu'un différend a alors été porté devant un arbitre qui, après s'être reconnu compétent par une sentence avant dire droit du 22 juillet 2011, a admis la validité de la résiliation et mis les frais de la procédure à la charge du syndicat mixte par une sentence rendue le 18 juin 2012 ; qu'à la demande des sociétés cette sentence a été revêtue de l'exequatur par une ordonnance du 5 septembre 2012 du délégué du président du tribunal de grande instance de Paris ; que, saisi par le syndicat mixte d'un appel contre cette ordonnance, la cour d'appel de Paris a estimé que la détermination de l'ordre de juridiction compétent pour connaître de la demande d'exequatur présentait une difficulté sérieuse et a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin d'en décider ;

Considérant que lorsqu'une sentence arbitrale a été rendue sur le fondement d'une convention d'arbitrage, dans un litige né de l'exécution ou de la rupture d'un contrat conclu entre une personne morale de droit public française et une personne de droit étranger, exécuté sur le territoire français, mettant en jeu les intérêts du commerce international, il appartient en principe à la juridiction judiciaire, statuant dans les conditions prévues au titre II du livre IV du code de procédure civile, d'une part, de connaître d'un recours formé contre la sentence si elle a été rendue en France et, d'autre part, de se prononcer sur une demande tendant à ce que la sentence, rendue en France ou à l'étranger, soit revêtue de l'exequatur ; que, toutefois, dans le cas où le contrat à l'origine du litige sur lequel l'arbitre s'est prononcé est soumis aux règles impératives du droit public français relatives à l'occupation du domaine public ou à celles qui régissent la commande publique, le recours contre la sentence rendue en France et la demande d'exequatur relèvent de la compétence de la juridiction administrative ;

Considérant que les deux conventions conclues le 8 février 2008, qui forment un ensemble contractuel destiné à répondre aux besoins d'une personne morale de droit public moyennant le versement d'une rémunération à ses co-contractants, sont constitutives d'un marché public de services au sens de l'article 1er du code des marchés publics alors en vigueur ; que le contrat étant ainsi soumis aux règles impératives relatives à la commande publique, il appartient à la juridiction administrative de se prononcer sur l'exequatur de la sentence rendue dans le litige né de la résiliation des conventions ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande des sociétés Ryanair Limited et Airport Marketing Services Limited, tendant à l'exequatur de la sentence arbitrale rendue le 18 juin 2012, relève de la compétence de la juridiction administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La juridiction administrative est compétente pour connaître de la demande des sociétés Ryanair Limited et Airport Marketing Services Limited, tendant à l'exequatur de la sentence arbitrale rendue le 18 juin 2012.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat mixte des aéroports de Charente, aux sociétés Ryanair Limited et Airport Marketing Services Limited et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C4075
Date de la décision : 24/04/2017
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - CONTRATS - CONTRATS ADMINISTRATIFS - SENTENCE ARBITRALE RENDUE DANS UN LITIGE NÉ DE L'EXÉCUTION OU DE LA RUPTURE D'UN CONTRAT CONCLU ENTRE UNE PERSONNE PUBLIQUE FRANÇAISE ET UNE PERSONNE DE DROIT ÉTRANGER - EXÉCUTÉ SUR LE TERRITOIRE FRANÇAIS - METTANT EN JEU LES INTÉRÊTS DU COMMERCE INTERNATIONAL - 1) PRINCIPE - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE POUR CONNAÎTRE DU RECOURS CONTRE LA SENTENCE RENDUE EN FRANCE [RJ1] ET DE LA DEMANDE D'EXEQUATUR DE LA SENTENCE RENDUE EN FRANCE OU À L'ÉTRANGER - 2) EXCEPTION - CAS OÙ LE CONTRAT À L'ORIGINE DU LITIGE EST SOUMIS AUX RÈGLES IMPÉRATIVES DU DROIT PUBLIC FRANÇAIS RELATIVES À L'OCCUPATION DU DOMAINE PUBLIC OU À CELLES QUI RÉGISSENT LA COMMANDE PUBLIQUE - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF POUR CONNAÎTRE DU RECOURS CONTRE LA SENTENCE RENDUE EN FRANCE [RJ1] ET DE LA DEMANDE D'EXEQUATUR DE LA SENTENCE RENDUE EN FRANCE OU À L'ÉTRANGER [RJ2].

17-03-02-03-02 1) Lorsqu'une sentence arbitrale a été rendue sur le fondement d'une convention d'arbitrage, dans un litige né de l'exécution ou de la rupture d'un contrat conclu entre une personne morale de droit public française et une personne de droit étranger, exécuté sur le territoire français, mettant en jeu les intérêts du commerce international, il appartient en principe à la juridiction judiciaire, statuant dans les conditions prévues au titre II du livre IV du code de procédure civile, d'une part, de connaître d'un recours formé contre la sentence si elle a été rendue en France et, d'autre part, de se prononcer sur une demande tendant à ce que la sentence, rendue en France ou à l'étranger, soit revêtue de l'exequatur.,,,2) Toutefois, dans le cas où le contrat à l'origine du litige sur lequel l'arbitre s'est prononcé est soumis aux règles impératives du droit public français relatives à l'occupation du domaine public ou à celles qui régissent la commande publique, le recours contre la sentence rendue en France et la demande d'exequatur relèvent de la compétence de la juridiction administrative.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - COMPÉTENCE - SENTENCE ARBITRALE RENDUE DANS UN LITIGE NÉ DE L'EXÉCUTION OU DE LA RUPTURE D'UN CONTRAT CONCLU ENTRE UNE PERSONNE PUBLIQUE FRANÇAISE ET UNE PERSONNE DE DROIT ÉTRANGER - EXÉCUTÉ SUR LE TERRITOIRE FRANÇAIS - METTANT EN JEU LES INTÉRÊTS DU COMMERCE INTERNATIONAL - 1) PRINCIPE - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE POUR CONNAÎTRE DU RECOURS CONTRE LA SENTENCE RENDUE EN FRANCE [RJ1] ET DE LA DEMANDE D'EXEQUATUR DE LA SENTENCE RENDUE EN FRANCE OU À L'ÉTRANGER - 2) EXCEPTION - CAS OÙ LE CONTRAT À L'ORIGINE DU LITIGE EST SOUMIS AUX RÈGLES IMPÉRATIVES DU DROIT PUBLIC FRANÇAIS RELATIVES À L'OCCUPATION DU DOMAINE PUBLIC OU À CELLES QUI RÉGISSENT LA COMMANDE PUBLIQUE - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF POUR CONNAÎTRE DU RECOURS CONTRE LA SENTENCE RENDUE EN FRANCE [RJ1] ET DE LA DEMANDE D'EXEQUATUR DE LA SENTENCE RENDUE EN FRANCE OU À L'ÉTRANGER [RJ2].

39-08-005 1) Lorsqu'une sentence arbitrale a été rendue sur le fondement d'une convention d'arbitrage, dans un litige né de l'exécution ou de la rupture d'un contrat conclu entre une personne morale de droit public française et une personne de droit étranger, exécuté sur le territoire français, mettant en jeu les intérêts du commerce international, il appartient en principe à la juridiction judiciaire, statuant dans les conditions prévues au titre II du livre IV du code de procédure civile, d'une part, de connaître d'un recours formé contre la sentence si elle a été rendue en France et, d'autre part, de se prononcer sur une demande tendant à ce que la sentence, rendue en France ou à l'étranger, soit revêtue de l'exequatur.,,,2) Toutefois, dans le cas où le contrat à l'origine du litige sur lequel l'arbitre s'est prononcé est soumis aux règles impératives du droit public français relatives à l'occupation du domaine public ou à celles qui régissent la commande publique, le recours contre la sentence rendue en France et la demande d'exequatur relèvent de la compétence de la juridiction administrative.


Références :

[RJ1]

Cf. TC, C, 17 mai 2010, Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) c/ Fondation Letten F. Saugstad, n° 3754, p. 580 ;

TC, 11 avril 2016, Société Fosmax LNG c/ Société TCM FR, Tecnimont et Saipem, n° 4043, p. 585.,,

[RJ2]

Rappr. TC, C, 17 mai 2010, Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) c/ Fondation Letten F. Saugstad, n° 3754, p. 580 ;

TC, 11 avril 2016, Société Fosmax LNG c/ Société TCM FR, Tecnimont et Saipem, n° 4043, p. 585 ;

CE, 19 avril 2013, Syndicat mixte des aéroports de Charente, n°s 352750 362020, p. 102 ;

CE, Assemblée, 9 novembre 2016, Société Fosmax LNG, n° 388806, p. 466. Comp. Civ. 1ère, 8 juillet 2015, n° 13-25.846, Bull. Civ. I, n° 168 ;

lorsque la sentence arbitrale ne met pas en jeu les intérêts du commerce international, TC, 16 octobre 2006, Caisse centrale de réassurance c/ Mutuelle des Architectes Français, n° 3506, p. 639.


Composition du Tribunal
Président : M. Maunand
Rapporteur ?: M. Didier Chauvaux
Rapporteur public ?: Mme Vassallo-Pasquet

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2017:C4075
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