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14/05/2018 | FRANCE | N°C4119

France | France, Tribunal des conflits, 14 mai 2018, C4119


Vu, enregistrée à son secrétariat le 8 février 2018, l'expédition de la décision du 5 février 2018 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi par la société Batimap d'un pourvoi formé contre une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 19 octobre 2017 ayant rejeté comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître les demandes de la société Batimap dirigées contre la commune de Nogent sur Seine, et tendant au paiement, à titre de provision, de la somme de 11 305 544,98 euros à titre principal,

et de celle de 6 472 989 euros à titre subsidiaire, avec intérêts mor...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 8 février 2018, l'expédition de la décision du 5 février 2018 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi par la société Batimap d'un pourvoi formé contre une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 19 octobre 2017 ayant rejeté comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître les demandes de la société Batimap dirigées contre la commune de Nogent sur Seine, et tendant au paiement, à titre de provision, de la somme de 11 305 544,98 euros à titre principal, et de celle de 6 472 989 euros à titre subsidiaire, avec intérêts moratoires et capitalisation, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu, enregistrées à son secrétariat le 14 mars 2018, les observations présentées pour la commune de Nogent-sur-Seine, tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente, au motif que la convention tripartite, conclue pour permettre l'exécution du contrat de crédit bail, est un contrat de droit privé, qu'il existe un principe de primauté de la responsabilité contractuelle, et que la créance n'a pas été acceptée ;

Vu, enregistrées à son secrétariat le 19 mars 2018, les observations présentées pour la société Batimap, tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, au motif que la créance cédée, née de l'exécution du contrat de partenariat, est de nature administrative, que la convention tripartite n'est que l'accessoire du contrat de partenariat, avec lequel elle forme un ensemble indivisible, et à raison des exigences d'une bonne administration de la justice ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et au garde des sceaux, ministre de la justice, qui n'ont pas produit de mémoire;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code général des collectivités territoriales,

Vu le code monétaire et financier,

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Bénédicte FARTHOUAT-DANON , membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Foussard, Froger pour la société BATIMAP ;

- les observations de la SCP Lyon-Caen pour la commune de Nogent-sur- Seine ;

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

Considérant que, le 8 mars 2012, la commune de Nogent-sur-Seine a conclu avec la société Nogent Musée un contrat de partenariat ayant pour objet le transfert, la restructuration et l'agrandissement du musée Dubois-Boucher ; que, pour financer cette opération, la société Nogent Musée a, le 15 juin 2012, conclu avec la société Batimap un contrat de crédit-bail ; que, le même jour, une convention tripartie a été conclue entre les sociétés Nogent Musée, Batimap, et la commune de Nogent-sur-Seine ;

Considérant que, selon le contrat de partenariat, d'une part, la société Nogent Musées peut céder les créances relatives aux coûts d'investissement et de financement qu'elle détient sur la commune en vertu du contrat de partenariat à un ou plusieurs établissements de crédit, d'autre part, dans l'hypothèse d'une fin anticipée du contrat, quelle qu'en soit la cause, les droits des cessionnaires de la créance cédée ne sont pas affectés, la commune pouvant, soit se libérer de ses engagements en payant l'indemnité irrévocable aux cessionnaires, soit poursuivre les paiements aux cessionnaires selon l'échéancier prévu pour le loyer irrévocable ; que par ailleurs, en vertu de l'article 4 de la convention tripartite, en cas de résolution, d'annulation ou de fin anticipée du contrat de partenariat, la commune devra soit substituer au titulaire initial un nouveau titulaire, soit se substituer elle-même au titulaire initial et payer dans les termes et conditions convenus entre le titulaire et le crédit bailleur les redevances dues, soit acquérir immédiatement les ouvrages financés par le crédit-bailleur en lui versant l'indemnité irrévocable prévue par le contrat de partenariat ;

Considérant que, par deux actes de cession de créances professionnelles des 31 octobre 2014 et 13 avril 2015, la société Nogent Musée a cédé à la société Batimap, dans les conditions prévues par l'article L 313-29-1 du code monétaire et financier, les créances correspondant au loyer irrévocable et à l'indemnité irrévocable prévus par le contrat de partenariat ; que, par lettre du 30 novembre 2016, la commune a résilié le contrat de partenariat ; que la société Batimap a demandé au juge des référés du tribunal administratif de condamner la commune de Nogent-sur-Seine à lui verser, à titre de provision, le montant de l'indemnité irrévocable prévue par le contrat de partenariat, tant sur le fondement de la cession de créance que sur celui de la convention tripartite ;

Considérant que le contrat de partenariat est un contrat administratif ; que la nature de la créance que le titulaire détient sur la personne publique en exécution de ce contrat n'est pas modifiée par la cession dont elle peut être l'objet ; que l'action du crédit-bailleur, cessionnaire de la créance du titulaire, dirigée contre la personne publique, et tendant au paiement de cette créance, relève donc de la compétence de la juridiction administrative ;

Considérant, par ailleurs, que la convention tripartite prévoit notamment, afin de préciser les conséquences à tirer d'une résiliation du contrat de partenariat, l'acquisition par la commune des ouvrages financés par le crédit-bailleur contre versement de l'indemnité irrévocable prévue par ce contrat; que l'action par laquelle le crédit-bailleur demande, sur le fondement de cette stipulation, le paiement de cette indemnité, relève de la compétence de la juridiction administrative ;

Considérant que le litige né de l'action introduite par la société Batimap contre la commune de Nogent-sur-Seine relève de la compétence de la juridiction administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : la juridiction administrative est compétente pour connaître de l'action de la société Batimap ;

Article 2 : la présente décision sera notifiée à la société Batimap, à la commune de Nogent-sur-Seine et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C4119
Date de la décision : 14/05/2018
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR DES TEXTES SPÉCIAUX - ATTRIBUTIONS LÉGALES DE COMPÉTENCE AU PROFIT DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES - CONTRAT DE PARTENARIAT FINANCÉ PAR UN CRÉDIT-BAIL - ACTION EN PAIEMENT INTRODUITE PAR LE CRÉDIT-BAILLEUR - CESSIONNAIRE DE LA CRÉANCE DU TITULAIRE DU CONTRAT DE PARTENARIAT - DIRIGÉE CONTRE LA PERSONNE PUBLIQUE - COMPÉTENCE ADMINISTRATIVE - DÈS LORS QUE LA NATURE DE LA CRÉANCE N'EST PAS MODIFIÉE PAR LA CESSION DONT ELLE PEUT ÊTRE L'OBJET.

17-03-01-01 Contrat de partenariat ayant pour objet le transfert, la restructuration et l'agrandissement d'un musée, autorisant le titulaire à céder les créances relatives aux coûts d'investissement et de financement qu'il détient sur la commune en vertu du contrat à un ou plusieurs établissements de crédit.... ,,Le contrat de partenariat est un contrat administratif. La nature de la créance que le titulaire détient sur la personne publique en exécution de ce contrat n'est pas modifiée par la cession dont elle peut être l'objet. L'action du crédit-bailleur, cessionnaire de la créance du titulaire, dirigée contre la personne publique, et tendant au paiement de cette créance, relève donc de la compétence de la juridiction administrative.

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - CONTRATS - CONTRATS ADMINISTRATIFS - CONVENTION TRIPARTITE CONCLUE ENTRE UNE PERSONNE PUBLIQUE - LE TITULAIRE D'UN CONTRAT DE PARTENARIAT ET UN CRÉDIT-BAILLEUR PRÉVOYANT NOTAMMENT - EN CAS DE RÉSILIATION DU CONTRAT DE PARTENARIAT - L'ACQUISITION PAR LA PERSONNE PUBLIQUE DES OUVRAGES FINANCÉS PAR LE CRÉDIT-BAILLEUR CONTRE LE VERSEMENT DE L'INDEMNITÉ IRRÉVOCABLE PRÉVUE PAR LE CONTRAT DE PARTENARIAT - CONTRAT ADMINISTRATIF - EXISTENCE - CONSÉQUENCE - ACTION INTRODUITE PAR LE CRÉDIT-BAILLEUR SUR LE FONDEMENT DE CETTE STIPULATION POUR OBTENIR LE PAIEMENT DE CETTE INDEMNITÉ - COMPÉTENCE ADMINISTRATIVE.

17-03-02-03-02 Contrat de partenariat signé par une commune ayant pour objet le transfert, la restructuration et l'agrandissement d'un musée, financé par un crédit-bail.... ,,Convention tripartite conclue entre la commune, le titulaire du contrat de partenariat et un crédit-bailleur stipulant que, en cas de résolution, d'annulation ou de fin anticipée du contrat de partenariat, la commune devra soit substituer au titulaire initial un nouveau titulaire, soit se substituer elle-même au titulaire initial et payer dans les termes et conditions convenus entre le titulaire et le crédit bailleur les redevances dues, soit acquérir immédiatement les ouvrages financés par le crédit-bailleur en lui versant l'indemnité irrévocable prévue par le contrat de partenariat.... ,,Cette convention tripartite prévoit notamment, afin de préciser les conséquences à tirer d'une résiliation du contrat de partenariat, l'acquisition par la commune des ouvrages financés par le crédit-bailleur contre versement de l'indemnité irrévocable prévue par ce contrat. L'action par laquelle le crédit-bailleur demande, sur le fondement de cette dernière stipulation, le paiement de cette indemnité, relève de la compétence de la juridiction administrative.


Composition du Tribunal
Président : M. Maunand
Rapporteur ?: Mme Bénédicte FARTHOUAT-DANON
Rapporteur public ?: Mme Cortot-Boucher

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2018:C4119
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