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08/06/2020 | FRANCE | N°C4182

France | France, Tribunal des conflits, 08 juin 2020, C4182


Vu, enregistrée à son secrétariat le 23 décembre 2019, l'expédition de l'arrêt du 16 décembre 2019 par lequel le Conseil d'État, saisi de la question préjudicielle de la légalité des arrêtés des 20 avril et 3 août 2017 par lesquels les ministres chargés de la sécurité sociale et du budget ont étendu, d'une part, l'accord relatif au régime des frais de santé des salariés intérimaires du 14 décembre 2015 et son avenant n° 1 du 30 septembre 2016, d'autre part, son avenant n° 2 du 9 décembre 2016, a renvoyé au Tribunal, en application de l'article 32 du décret n° 2015-

233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de la compétence ...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 23 décembre 2019, l'expédition de l'arrêt du 16 décembre 2019 par lequel le Conseil d'État, saisi de la question préjudicielle de la légalité des arrêtés des 20 avril et 3 août 2017 par lesquels les ministres chargés de la sécurité sociale et du budget ont étendu, d'une part, l'accord relatif au régime des frais de santé des salariés intérimaires du 14 décembre 2015 et son avenant n° 1 du 30 septembre 2016, d'autre part, son avenant n° 2 du 9 décembre 2016, a renvoyé au Tribunal, en application de l'article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de la compétence ;

Vu le jugement du 24 mai 2018 par lequel le tribunal de grande instance d'Epinal a sursis à statuer et saisi le Conseil d'Etat de cette question préjudicielle ;

Vu, enregistrés les 24 janvier et 11 mars 2020, les mémoires présentés par la CGT intérim, la fédération CFTC commerces et services, la fédération des services CFDT, la fédération nationale encadrement commerce et services CFE-CGC, la fédération des employés et cadres Force ouvrière et Prism'emploi, tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente et à ce que le Tribunal des conflits statue au fond, par les motifs que tant l'accord que les avenants étendus par les arrêtés des 20 avril et 3 août 2017 présentent un caractère de droit privé et qu'il existe un risque de contrariété de décisions de fond puisque la question posée a été tranchée, de manière irrévocable, par le Conseil d'État, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision de refus d'abroger l'arrêté du 20 avril 2017 et l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2017 ;

Vu, enregistré le 31 janvier 2020, le mémoire présenté par les sociétés Sup intérim 01, Sup intérim 16 et Sup intérim 88 tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, par les motifs qu'il appartient au Conseil d'État saisi de la question préjudicielle d'y répondre telle qu'elle est formulée, sans la modifier ni l'étendre ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à la ministre des solidarités et de la santé et à la ministre du travail, qui n'ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code du travail ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. B... A..., membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez pour la CGT intérim, la fédération CFTC commerces et services, la fédération des services CFDT, la fédération nationale encadrement commerce et services CFE-CGC, la fédération des employés et cadres Force ouvrière, Prism'emploi ;

- les observations de la SCP Bouzidi, Bouhanna pour les sociétés Sup intérim 01, Sup intérim 16 et Sup intérim 88 ;

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 14 décembre 2015, les organisations syndicales des salariés du secteur du travail temporaire et l'organisation professionnelle des employeurs de ce secteur ont signé un accord relatif aux frais de santé des salariés intérimaires, qui a été modifié par avenants des 30 septembre et 9 décembre 2016. Par arrêtés des 20 avril et 3 août 2017, les ministres chargés de la sécurité sociale et du budget ont étendu l'accord du 14 décembre 2015 et son avenant du 30 septembre 2016, puis son avenant du 9 décembre 2016.

2. Les sociétés de travail temporaire Sup intérim 01, Sup intérim 16 et Sup intérim 88 ayant résilié leur adhésion à l'organisation professionnelle des employeurs et le contrat qui les liait aux assureurs recommandés par l'accord du 14 décembre 2015, les organisations signataires de cet accord les ont été assignées devant le tribunal de grande instance d'Epinal afin qu'elles soient condamnées, sous astreinte, à respecter leurs obligations.

3. Par jugement du 24 mai 2018, le tribunal de grande instance, relevant l'existence d'une difficulté sérieuse, a sursis à statuer et demandé au Conseil d'État de se prononcer sur la question de savoir si la possibilité, instaurée par l'accord du 14 décembre 2015 modifié en 2016, du remboursement, à l'employeur qui doit en assurer le financement en vertu de l'article L. 911-7-1 du code de la sécurité sociale, du " versement santé " par un fonds de solidarité financé en partie par des cotisations salariales, faisait obstacle à ce que les arrêtés des 20 avril et 3 août 2017 aient pu légalement étendre l'accord et ses avenants. Estimant que la question relevait de la compétence de la juridiction judiciaire, le Conseil d'État a sursis à statuer et saisi le Tribunal des conflits sur le fondement de l'article 32 du décret du 27 février 2015.

4. L'accord collectif du 14 décembre 2015 et ses avenants, sur la nature juridique desquels les arrêtés ministériels d'extension sont sans incidence, ont été adoptés en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale et de celles de l'article L. 911-3 du même code, qui renvoient aux dispositions du code du travail suivant lesquelles s'exerce le droit des salariés à la négociation collective de l'ensemble de leurs conditions d'emploi, de formation professionnelle et de travail ainsi que de leurs garanties sociales, et ont été conclus entre personnes privées. Ils ont, dès lors, le caractère d'actes de droit privé dont la validité ne peut être appréciée que par la juridiction judiciaire.

5. La question renvoyée par le tribunal de grande instance d'Epinal porte sur la validité de l'accord du 14 décembre 2015 et de ses avenants, sans qu'aucun vice propre ne soit invoqué contre les arrêtés d'extension des 20 avril et 3 août 2017. Par suite, cette question relève de la compétence de la juridiction judiciaire.

6. La décision de ce tribunal, qui se borne, avant dire droit, à surseoir à statuer sur le fond du litige jusqu'à la décision sur la question préjudicielle et celle rendue le 16 décembre 2019 par le Conseil d'État, qui rejette le recours pour excès de pouvoir formé par plusieurs sociétés de travail temporaire, dont Sup intérim 01, Sup intérim 16 et Sup intérim 88, à l'encontre du refus d'abrogation des arrêtés d'extension, ne présentent pas de contrariété conduisant à un déni de justice au sens de l'article 15 de la loi du 24 mai 1872. La demande des organisations syndicales tendant à ce qu'il soit statué au fond ne saurait donc être accueillie.

D E C I D E :

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Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour se prononcer, dans le litige opposant la CGT intérim, la fédération CFTC commerces et services, la fédération des services CFDT, la fédération nationale encadrement commerce et services CFE-CGC, la fédération des employés et cadres Force ouvrière et Prism'emploi aux Sociétés Sup intérim 01, Sup intérim 16 et Sup intérim 88, sur la question de la validité de l'accord du 14 décembre 2015 et de ses avenants.

Article 2 : Le jugement du tribunal de grande instance d'Epinal du 24 mai 2018 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant le tribunal judiciaire d'Epinal.

Article 3 : La procédure suivie devant le Conseil d'État est déclarée nulle et non avenue, à l'exception de la décision qu'il a rendue le 16 décembre 2019.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la CGT intérim, à la fédération CFTC commerces et services, à la fédération des services CFDT, à la fédération nationale encadrement commerce et services CFE-CGC, à la fédération des employés et cadres Force ouvrière, à Prism'emploi, aux Sociétés Sup intérim 01, Sup intérim 16 et Sup intérim 88, au ministre des solidarités et de la santé et à la ministre du travail.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C4182
Date de la décision : 08/06/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - CONTRATS - CONTRATS DE DROIT PRIVÉ - CONTRATS CONCLUS ENTRE PERSONNES PRIVÉES - ACCORDS COLLECTIFS RELATIFS AUX GARANTIES COMPLÉMENTAIRES DES SALARIÉS (ART - L - 911-1 ET L - 911-3 DU CSS) - 1) ACTES DE DROIT PRIVÉ [RJ1] - 2) ESPÈCE - CONTESTATION PORTANT SUR LA VALIDITÉ D'UN ACCORD COLLECTIF - SANS QUE SOIT INVOQUÉ UN VICE PROPRE DE L'ARRÊTÉ D'EXTENSION - COMPÉTENCE DE LA JURIDICTION JUDICIAIRE.

17-03-02-03-01-01 1) Les accords collectifs adoptés en application des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de la sécurité sociale (CSS), qui renvoient aux dispositions du code du travail suivant lesquelles s'exerce le droit des salariés à la négociation collective de l'ensemble de leurs conditions d'emploi, de formation professionnelle et de travail ainsi que de leurs garanties sociales, et ont été conclus entre personnes privées, ont le caractère d'actes de droit privé dont la validité ne peut être appréciée que par la juridiction judiciaire.,,,2 ) La question de savoir si la possibilité, instaurée par l'accord relatif aux frais de santé des salariés intérimaires du 14 décembre 2015 modifié en 2016, du remboursement, à l'employeur qui doit en assurer le financement en vertu de l'article L. 911-7-1 du CSS, du versement santé par un fonds de solidarité financé en partie par des cotisations salariales faisait obstacle à ce que les ministres chargés de la sécurité sociale et du budget aient pu légalement étendre l'accord et ses avenants, porte sur la validité de l'accord du 14 décembre 2015 et de ses avenants, sans qu'aucun vice propre ne soit invoqué contre les arrêtés d'extension. Par suite, cette question relève de la compétence de la juridiction judiciaire.

TRAVAIL ET EMPLOI - CONVENTIONS COLLECTIVES - ACCORDS COLLECTIFS RELATIFS AUX GARANTIES COMPLÉMENTAIRES DES SALARIÉS (ART - L - 911-1 ET L - 911-3 DU CSS) - 1) ACTES DE DROIT PRIVÉ [RJ1] - 2) ESPÈCE - CONTESTATION PORTANT SUR LA VALIDITÉ D'UN ACCORD COLLECTIF - SANS QUE SOIT INVOQUÉ UN VICE PROPRE DE L'ARRÊTÉ D'EXTENSION - COMPÉTENCE DE LA JURIDICTION JUDICIAIRE.

66-02 1) Les accords collectifs adoptés en application des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de la sécurité sociale (CSS), qui renvoient aux dispositions du code du travail suivant lesquelles s'exerce le droit des salariés à la négociation collective de l'ensemble de leurs conditions d'emploi, de formation professionnelle et de travail ainsi que de leurs garanties sociales, et ont été conclus entre personnes privées, ont le caractère d'actes de droit privé dont la validité ne peut être appréciée que par la juridiction judiciaire.,,,2 ) La question de savoir si la possibilité, instaurée par l'accord relatif aux frais de santé des salariés intérimaires du 14 décembre 2015 modifié en 2016, du remboursement, à l'employeur qui doit en assurer le financement en vertu de l'article L. 911-7-1 du CSS, du versement santé par un fonds de solidarité financé en partie par des cotisations salariales faisait obstacle à ce que les ministres chargés de la sécurité sociale et du budget aient pu légalement étendre l'accord et ses avenants, porte sur la validité de l'accord du 14 décembre 2015 et de ses avenants, sans qu'aucun vice propre ne soit invoqué contre les arrêtés d'extension. Par suite, cette question relève de la compétence de la juridiction judiciaire.


Références :

[RJ1]

Rappr., s'agissant de la charte de football professionnel présentant le caractère d'une convention collective, TC, 20 octobre 1997, Association Paris Racing I, n° 3074, p. 539 ;

s'agissant d'une décision intervenue pour l'application du régime conventionnel d'assurance-chômage, TC, 23 octobre 2000, M. Gaucher, n° 3091, p. 770,.


Composition du Tribunal
Président : M. Ménéménis
Rapporteur ?: M. Laurent Jacques
Rapporteur public ?: M. Polge

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2020:C4182
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