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11/04/2022 | FRANCE | N°C4244

France | France, Tribunal des conflits, 11 avril 2022, C4244


Vu, enregistrée à son secrétariat le 27 janvier 2022, l'expédition du jugement du 26 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, saisi par le Centre hospitalier spécialisé de Cadillac d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint à l'association " Les sœurs Grées " de retirer de la plateforme internet www.sonetsoin.com l'intégralité des vidéos tournées dans le cadre de l'exécution de la convention du 8 mars 2019 et de ne les diffuser sur aucun autre support, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le

soin de décider de la question de compétence ;

Vu les observatio...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 27 janvier 2022, l'expédition du jugement du 26 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, saisi par le Centre hospitalier spécialisé de Cadillac d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint à l'association " Les sœurs Grées " de retirer de la plateforme internet www.sonetsoin.com l'intégralité des vidéos tournées dans le cadre de l'exécution de la convention du 8 mars 2019 et de ne les diffuser sur aucun autre support, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider de la question de compétence ;

Vu les observations, enregistrées le 24 février 2022, présentées par le Centre hospitalier de Cadillac. Le Centre hospitalier demande que la juridiction administrative soit déclarée compétente ;

Vu les observations, enregistrées le 1er avril 2022, présentées par le ministre des solidarités et de la santé. Le ministre s'en remet à la sagesse du Tribunal ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à l'association " Les Sœurs Grées " qui n'a pas produit d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. B... A..., membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Delamarre-Jehannin pour le centre hospitalier spécialisé de Cadillac ;

- les conclusions de M. Jean Lecaroz, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de son projet culturel 2016-2020, le centre hospitalier de Cadillac a conclu avec l'association " Les Sœurs Grées ", le 8 mars 2019, une convention relative à " la mise en œuvre d'une initiative culturelle transversale " dont il était précisé qu'elle n'aurait " aucune dimension thérapeutique dans ses objectifs ou modalités de mise en œuvre ". Par cette convention, le centre hospitalier a accepté de collaborer avec l'association à une animation culturelle comportant la mise en place, avec des patients de l'établissement, d'ateliers musicaux qui se sont déroulés entre le 17 et le 31 mars 2019. Lors de ces ateliers ont été tournées des vidéos, dont l'article 6 de la convention prévoyait qu'elles seraient diffusées sur la plateforme numérique de l'association et sur Youtube. Toutefois, le centre hospitalier, à qui ces vidéos ont été soumises avant leur diffusion, s'est opposé à celle-ci par un courrier du 15 janvier 2020, au motif qu'elles présentaient les techniques d'écoute musicale comme ayant une dimension thérapeutique, en méconnaissance des stipulations du 2ème alinéa de l'article 6 de la convention du 8 mars 2019. En dépit de ce refus, l'association a mis en ligne et diffusé les vidéos à compter du 6 avril 2020. Le 22 avril 2020, le centre hospitalier a saisi le tribunal administratif de Bordeaux, en tant que juge du contrat, pour lui demander d'enjoindre à l'association " Les Sœurs Grées " de retirer définitivement les vidéos de sa plateforme, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard. L'association a demandé au tribunal de rejeter la demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Par un jugement du 26 janvier 2022, le tribunal administratif de Grenoble a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, en vigueur lors de la signature de la convention litigieuse : " Les marchés publics relevant de la présente ordonnance passés par des personnes morales de droit public sont des contrats administratifs ". Aux termes du 2ème alinéa de l'article 4 de la même ordonnance : " Les marchés sont les contrats conclus à titre onéreux par un ou plusieurs acheteurs soumis à la présente ordonnance avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services ". Aux termes du III de l'article 5 de la même ordonnance, " Les marchés publics de services ont pour objet la réalisation de prestations de services ".

3. Il ne ressort ni des termes de la convention du 8 mars 2019, ni des écritures des parties que cette convention, bien que s'inscrivant dans le cadre d'une politique visant à ouvrir les établissements de santé aux pratiques culturelles, ait eu pour objet de répondre aux besoins du centre hospitalier en matière de services. Elle ne constitue donc pas un marché public au sens de l'article 4 de l'ordonnance du 23 juillet 2015.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 6111-1 du code de la santé publique : " Les établissements de santé publics, privés d'intérêt collectif et privés assurent, dans les conditions prévues au présent code, en tenant compte de la singularité et des aspects psychologiques des personnes, le diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, des blessés et des femmes enceintes et mènent des actions de prévention et d'éducation à la santé. / Ils délivrent les soins, le cas échéant palliatifs, avec ou sans hébergement, sous forme ambulatoire ou à domicile, le domicile pouvant s'entendre du lieu de résidence ou d'un établissement avec hébergement relevant du code de l'action sociale et des familles. / Ils participent à la coordination des soins en relation avec les membres des professions de santé exerçant en pratique de ville et les établissements et services médico-sociaux, dans le cadre défini par l'agence régionale de santé en concertation avec les conseils départementaux pour les compétences qui les concernent. / Ils participent à la mise en œuvre de la politique de santé et des dispositifs de vigilance destinés à garantir la sécurité sanitaire. / Ils mènent, en leur sein, une réflexion sur l'éthique liée à l'accueil et la prise en charge médicale. / Ils peuvent participer à la formation, à l'enseignement universitaire et post-universitaire, à la recherche et à l'innovation en santé. Ils peuvent également participer au développement professionnel continu des professionnels de santé et du personnel paramédical ".

5. La convention que le centre hospitalier de Cadillac a conclue avec l'association " Les Sœurs Grées " n'a pas pour objet l'organisation ou l'exécution d'une mission de service public incombant au centre hospitalier en vertu des dispositions citées ci-dessus. Elle ne comporte aucune clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, impliquerait, dans l'intérêt général, qu'elle relève du régime exorbitant des contrats administratifs.

6. Il résulte de ce qui précède que le contrat conclu le 8 mars 2019 entre le centre hospitalier de Cadillac et l'association " Les Sœurs Grées " présente le caractère d'un contrat de droit privé. Il appartient, par suite, à la juridiction judiciaire de connaître des litiges relatifs à son exécution.

D E C I D E :

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Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant le centre hospitalier de Cadillac à l'association " Les Sœurs Grées ".

Article 2 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier de Cadillac, à l'association " Les Sœurs Grées " et au ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C4244
Date de la décision : 11/04/2022
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. Schwartz
Rapporteur ?: M. Guillaume Goulard
Rapporteur public ?: M. Lecaroz

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2022:C4244
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