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04/07/2022 | FRANCE | N°C4247

France | France, Tribunal des conflits, 04 juillet 2022, C4247


Vu, enregistrée à son secrétariat le 28 mars 2002, l'expédition de la décision du même jour par laquelle le Conseil d'Etat, saisi du pourvoi formé par les sociétés Allianz global corporate et specialty et Aéroport Toulouse Blagnac tendant à l'annulation de l'arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'administrative d'appel de Bordeaux dans le litige les opposant aux sociétés Spie industrie tertiaire et Ingérop conseil et ingénierie, a renvoyé au Tribunal, en application de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de comp

étence ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribu...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 28 mars 2002, l'expédition de la décision du même jour par laquelle le Conseil d'Etat, saisi du pourvoi formé par les sociétés Allianz global corporate et specialty et Aéroport Toulouse Blagnac tendant à l'annulation de l'arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'administrative d'appel de Bordeaux dans le litige les opposant aux sociétés Spie industrie tertiaire et Ingérop conseil et ingénierie, a renvoyé au Tribunal, en application de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée aux sociétés Allianz global corporate et specialty, Aéroport Toulouse Blagnac, Spie industrie tertiaire et Ingérop conseil et ingénierie et au ministre de l'économie, des finances et de la relance, qui n'ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu le code des transports ;

Vu le décret n° 2007-244 du 27 février 2007 relatif aux aérodromes appartenant à l'Etat et portant approbation du cahier des charges type applicable à la concession de ces aérodromes ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. B... A..., membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan pour les sociétés Allianz global corporate et specialty et Aéroport Toulouse Blagnac ;

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

- Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 juin 2022, présentée par les sociétés Allianz global corporate et specialty et Aéroport Toulouse Blagnac ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Aéroport Toulouse Blagnac, concessionnaire de l'aérodrome du même nom, a conclu le 11 mai 2009 un contrat de maîtrise d'œuvre avec la société Ingérop conseil et ingénierie en vue de la rénovation des approches des pistes de l'aérodrome. Elle a conclu le 9 juillet 2010 un marché de travaux avec la société Spie Sud-Ouest pour la réalisation de travaux de rénovation du balisage lumineux de l'approche de ces pistes. Un aéronef de la compagnie Corsair ayant, le 26 octobre 2010, heurté une balise temporaire d'une piste, la société Allianz global corporate et specialty, assureur de la société Aéroport Toulouse Blagnac, a conclu le 23 février 2015 un accord transactionnel avec la compagnie Corsair et son assureur et a indemnisé le préjudice subi par celle-ci. La société Allianz global corporate et specialty a recherché devant le tribunal administratif de Toulouse la responsabilité des sociétés Ingérop conseil et ingénierie et Spie Sud-Ouest, à titre principal sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en se prévalant de sa qualité de subrogée dans les droits de la société Aéroport Toulouse Blagnac, et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, en se prévalant de sa qualité de subrogée dans les droits de la compagnie Corsair. Par un jugement du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, condamné solidairement les sociétés Ingérop conseil et ingénierie et Spie Sud-Ouest à payer la somme de 171 273,13 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2015 et de la capitalisation des intérêts à compter du 30 septembre 2016 et, d'autre part, condamné ces deux sociétés à se garantir réciproquement à hauteur de 50 % des condamnations mises à leur charge. Par un arrêt du 17 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la société Spie industrie tertiaire, venant aux droits de la société Spie Sud-Ouest, et de la société Ingérop conseil et ingénierie, annulé ce jugement et rejeté comme portée devant une juridiction incompétente la demande formée par la société Allianz global corporate et specialty. Saisi du pourvoi tendant à l'annulation de cet arrêt, le Conseil d'Etat a, par une décision du 28 mars 2022, renvoyé au Tribunal, en application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence.

SUR L'ACTION EN RESPONSABILITE CONTRACTUELLE

2. Une personne morale de droit privé qui, ayant obtenu de l'Etat la concession d'un aérodrome, est chargée de l'exploitation de celui-ci et de la fourniture du service aéroportuaire ne saurait être regardée comme un mandataire de l'Etat. Il ne peut en aller autrement que s'il résulte des stipulations qui définissent la mission du concessionnaire ou d'un ensemble de conditions particulières prévues pour l'exécution de celle-ci que la concession doit en réalité être regardée, en partie ou en totalité, comme un contrat de mandat, par lequel l'Etat demande seulement à son cocontractant d'agir en son nom et pour son compte, notamment pour conclure avec d'autres personnes privées les contrats nécessaires.

3. La concession, par l'Etat, de l'exploitation de l'aérodrome de Toulouse Blagnac est soumise au cahier des charges type de concession annexé au décret n° 2007-244 du 23 février 2007, qui confie au concessionnaire le soin d'assurer l'aménagement et le développement de l'aérodrome et prévoit les conditions dans lesquelles s'exécutent les travaux de création, d'aménagement et d'entretien des pistes, voies de circulation et aires de stationnement. Ni la définition des missions confiées à la société Aéroport Toulouse Blagnac par cette concession pour l'exécution des travaux d'aménagement d'installations aéroportuaires, ni les conditions prévues pour leur exécution ne permettent de la regarder comme ayant en réalité pour objet de confier à la société Aéroport Toulouse Blagnac le soin d'agir non pas en son nom propre mais au nom et pour le compte de l'Etat.

4. Il en résulte que les contrats passés par cette société pour la réalisation des travaux de rénovation du balisage lumineux des pistes de l'aérodrome sont des contrats de droit privé et que les litiges y afférents relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire.

SUR L'ACTION EN RESPONSABILITE EXTRACONTRACTUELLE

5. Les dommages dont la société Allianz global corporate et specialty demande réparation n'ont pas été causés par l'exercice de prérogatives de puissance publique.

6. La compagnie Corsair, à laquelle est subrogée la société Allianz global corporate et specialty, doit être regardée comme étant usager du service public industriel et commercial géré par la société Aéroport Toulouse Blagnac, consistant à mettre à la disposition des compagnies aériennes, moyennant le paiement de redevances, une infrastructure de transport permettant le décollage, l'atterrissage et le stationnement des aéronefs.

7. Par suite, les litiges relatifs à la réparation des dommages subis par un aéronef circulant sur une piste à raison d'une balise temporaire installée sur celle-ci relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, alors même qu'ils seraient imputables à des travaux publics ou à un ouvrage public.

D E C I D E :

--------------

Article 1er: La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant les sociétés Allianz global corporate et specialty aux sociétés Spie industrie tertiaire et Ingérop conseil et ingénierie.

Article 2 : La présente décision sera notifiée aux sociétés Allianz global corporate et specialty, Aéroport Toulouse Blagnac, Spie industrie tertiaire et Ingérop conseil et ingénierie et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C4247
Date de la décision : 04/07/2022
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - CONTRATS - CONTRATS DE DROIT PRIVÉ - CONTRATS CONCLUS ENTRE PERSONNES PRIVÉES - CONTRATS CONCLUS PAR LE TITULAIRE D€™UNE CONCESSION D€™EXPLOITATION D€™UN AéRODROME AVEC D€™AUTRES ENTREPRISES €“ 1) NATURE DU CONTRAT DE CONCESSION €“ CONTRAT DE MANDAT €“ ABSENCE - SAUF STIPULATIONS DéFINISSANT SA MISSION OU CONDITIONS PARTICULIèRES DONT IL RéSULTE QUE L€™ETAT DEMANDE AU CONCESSIONNAIRE D'AGIR EN SON NOM ET POUR SON COMPTE [RJ1] €“ 2) CONSéQUENCE €“ NATURE DE CES CONTRATS €“ CONTRATS DE DROIT PRIVé €“ COMPéTENCE DU JUGE JUDICIAIRE [RJ2].

17-03-02-03-01-01 1) Une personne morale de droit privé qui, ayant obtenu de l’Etat la concession d’un aérodrome, est chargée de l’exploitation de celui-ci et de la fourniture du service aéroportuaire ne saurait être regardée comme un mandataire de l’Etat. Il ne peut en aller autrement que s’il résulte des stipulations qui définissent la mission du concessionnaire ou d’un ensemble de conditions particulières prévues pour l’exécution de celle-ci que la concession doit en réalité être regardée, en partie ou en totalité, comme un contrat de mandat, par lequel l’Etat demande seulement à son cocontractant d’agir en son nom et pour son compte, notamment pour conclure avec d’autres personnes privées les contrats nécessaires. ...2) Concession soumise au cahier des charges types de concession annexé au décret n° 2007 244 du 23 février 2007, dont ni la définition des missions confiées au concessionnaire, ni les conditions prévues pour leur exécution ne permettent de la regarder comme ayant en réalité pour objet de confier à son concessionnaire le soin d’agir non pas en son nom propre mais au nom et pour le compte de l’État....Il en résulte que les contrats passés par le titulaire de la concession pour la réalisation des travaux de rénovation du balisage lumineux des pistes de l’aérodrome sont des contrats de droit privé. Par suite, compétence du juge judiciaire pour connaître des litiges y afférents.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - NOTION DE CONTRAT ADMINISTRATIF - NATURE DU CONTRAT - CONTRATS N'AYANT PAS UN CARACTÈRE ADMINISTRATIF - CONTRATS PASSÉS ENTRE PERSONNES PRIVÉES - CONTRATS CONCLUS PAR LE TITULAIRE D€™UNE CONCESSION D€™EXPLOITATION D€™UN AéRODROME AVEC D€™AUTRES ENTREPRISES €“ 1) NATURE DU CONTRAT DE CONCESSION €“ CONTRAT DE MANDAT €“ ABSENCE - SAUF STIPULATIONS DéFINISSANT SA MISSION OU CONDITIONS PARTICULIèRES DONT IL RéSULTE QUE L€™ETAT DEMANDE AU CONCESSIONNAIRE D'AGIR EN SON NOM ET POUR SON COMPTE [RJ1] €“ 2) CONSéQUENCE €“ NATURE DE CES CONTRATS €“ CONTRATS DE DROIT PRIVé €“ COMPéTENCE DU JUGE JUDICIAIRE [RJ2].

39-01-02-02-05 1) Une personne morale de droit privé qui, ayant obtenu de l’Etat la concession d’un aérodrome, est chargée de l’exploitation de celui-ci et de la fourniture du service aéroportuaire ne saurait être regardée comme un mandataire de l’Etat. Il ne peut en aller autrement que s’il résulte des stipulations qui définissent la mission du concessionnaire ou d’un ensemble de conditions particulières prévues pour l’exécution de celle-ci que la concession doit en réalité être regardée, en partie ou en totalité, comme un contrat de mandat, par lequel l’Etat demande seulement à son cocontractant d’agir en son nom et pour son compte, notamment pour conclure avec d’autres personnes privées les contrats nécessaires. ...2) Concession soumise au cahier des charges types de concession annexé au décret n° 2007 244 du 23 février 2007, dont ni la définition des missions confiées au concessionnaire, ni les conditions prévues pour leur exécution ne permettent de la regarder comme ayant en réalité pour objet de confier à son concessionnaire le soin d’agir non pas en son nom propre mais au nom et pour le compte de l’État....Il en résulte que les contrats passés par le titulaire de la concession pour la réalisation des travaux de rénovation du balisage lumineux des pistes de l’aérodrome sont des contrats de droit privé. Par suite, compétence du juge judiciaire pour connaître des litiges y afférents.

TRANSPORTS - TRANSPORTS AÉRIENS - AÉROPORTS - CONTRATS CONCLUS PAR LE TITULAIRE D€™UNE CONCESSION D€™EXPLOITATION D€™UN AéRODROME AVEC D€™AUTRES ENTREPRISES €“ 1) NATURE DU CONTRAT DE CONCESSION €“ CONTRAT DE MANDAT €“ ABSENCE - SAUF STIPULATIONS DéFINISSANT SA MISSION OU CONDITIONS PARTICULIèRES DONT IL RéSULTE QUE L€™ETAT DEMANDE AU CONCESSIONNAIRE D'AGIR EN SON NOM ET POUR SON COMPTE [RJ1] €“ 2) CONSéQUENCE €“ NATURE DE CES CONTRATS €“ CONTRATS DE DROIT PRIVé €“ COMPéTENCE DU JUGE JUDICIAIRE [RJ2].

65-03-04 1) Une personne morale de droit privé qui, ayant obtenu de l’Etat la concession d’un aérodrome, est chargée de l’exploitation de celui-ci et de la fourniture du service aéroportuaire ne saurait être regardée comme un mandataire de l’Etat. Il ne peut en aller autrement que s’il résulte des stipulations qui définissent la mission du concessionnaire ou d’un ensemble de conditions particulières prévues pour l’exécution de celle-ci que la concession doit en réalité être regardée, en partie ou en totalité, comme un contrat de mandat, par lequel l’Etat demande seulement à son cocontractant d’agir en son nom et pour son compte, notamment pour conclure avec d’autres personnes privées les contrats nécessaires. ...2) Concession soumise au cahier des charges types de concession annexé au décret n° 2007 244 du 23 février 2007, dont ni la définition des missions confiées au concessionnaire, ni les conditions prévues pour leur exécution ne permettent de la regarder comme ayant en réalité pour objet de confier à son concessionnaire le soin d’agir non pas en son nom propre mais au nom et pour le compte de l’État....Il en résulte que les contrats passés par le titulaire de la concession pour la réalisation des travaux de rénovation du balisage lumineux des pistes de l’aérodrome sont des contrats de droit privé. Par suite, compétence du juge judiciaire pour connaître des litiges y afférents.


Références :

[RJ1]

Rappr., s’agissant d’une convention d’aménagement, TC, 11 décembre 2017, Commune de Capbreton, n° 4103, p. 416. ...

[RJ2]

Comp., pour lorsque la mission confiée à la société cocontractante est réalisée pour le compte de l’État et sous son autorité, CE, 3 juin 2009, Société Aéroports de Paris, n° 323594, p. 216.


Composition du Tribunal
Président : M. Schwartz
Rapporteur ?: M. Laurent Jacques
Rapporteur public ?: M. Victor

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2022:C4247
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