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30/04/2024 | FRANCE | N°22/07599

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 7ème chambre civile, 30 avril 2024, 22/07599


N° RG 22/07599 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W75A

7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 30 Avril 2024
50C

N° RG 22/07599
N° Portalis DBX6-W-B7G-W75A

Minute n° 2024/





AFFAIRE :

S.C.I. [Adresse 7]
C/
S.A.R.L. BY OPTIM,
S.C.I. VELASQUEZ,
MMA ASSURANCES MUTUELLES IARD

INTERVENANT VOLONTAIRE :
S.A. MMA IARD










Grosse Délivrée
le :
à
Avocats :
la SCP BAYLE - JOLY
la SELA

RL LEXYMORE
la SELARL TEN FRANCE BORDEAUX
la SCP TMV
N° RG 22/07599 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W75A





COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibéré :
Madame Anne MURE, Vice-Présidente,
M...

N° RG 22/07599 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W75A

7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 30 Avril 2024
50C

N° RG 22/07599
N° Portalis DBX6-W-B7G-W75A

Minute n° 2024/

AFFAIRE :

S.C.I. [Adresse 7]
C/
S.A.R.L. BY OPTIM,
S.C.I. VELASQUEZ,
MMA ASSURANCES MUTUELLES IARD

INTERVENANT VOLONTAIRE :
S.A. MMA IARD

Grosse Délivrée
le :
à
Avocats :
la SCP BAYLE - JOLY
la SELARL LEXYMORE
la SELARL TEN FRANCE BORDEAUX
la SCP TMV
N° RG 22/07599 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W75A

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibéré :
Madame Anne MURE, Vice-Présidente,
Madame Marie-Elisabeth BOULNOIS, Vice-Présidente,
Madame Sandrine PINAULT, Juge

Lors des débats et du prononcé :
Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier

DEBATS :

à l’audience publique du 27 Février 2024

JUGEMENT :

Contradictoire
En premier ressort
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe

DEMANDERESSE

S.C.I. [Adresse 7]
[Adresse 6]
[Localité 10]

représentée par Maître Caroline PRUNIERES-LE MOIGNE de la SELARL LEXYMORE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

DEFENDERESSES

S.A.R.L. BY OPTIM anciennement REALTIS INGENIERIE
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Maître Claude MOULINES de la SELARL TEN FRANCE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Maître Alexandre BRUGIERE de la SCP D’AVOCATS TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS, avocat plaidant

S.C.I. VELASQUEZ
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Paul-André VIGNÉ de la SCP TMV, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

MMA ASSURANCES MUTUELLES IARD en sa qualité d’assureur de la SARL BY OPTIM
[Adresse 2]
[Localité 9]

représentée par Maître Christophe BAYLE de la SCP BAYLE - JOLY, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

PARTIES INTERVENANTES

S.A. MMA IARD en sa qualité d’assureur de la SARL BY OPTIM
[Adresse 2]
[Localité 9]

représentée par Maître Christophe BAYLE de la SCP BAYLE - JOLY, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
****************************

Par acte authentique du 31 juillet 2017, la SCI VELASQUEZ a conclu avec la SCI [Adresse 7] un contrat de vente en état futur d’achèvement d’un immeuble à usage d’école situé [Adresse 8] à [Localité 11]. L’acte de vente en état futur d’achèvement prévoyait une date de livraison de l’ouvrage le 17 août 2018.

La S.C.I. VELASQUEZ a confié une mission de maitrise d'œuvre d'exécution et OPC à la SARL REALTIS INGENIERIE devenue ensuite la SARL BY OPTIM. Celle-ci était assurée auprès des MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et SA MMA IARD.

L’ouvrage a été livré avec retard à la SCI [Adresse 7] le 8 janvier 2019.

Suivant acte en date du 13 septembre 2022, la SCI [Adresse 7] a fait délivrer assignation au fond à la SCI VELASQUEZ afin de la voir condamnée à lui payer des pénalités de retard.

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Suivant acte en date des 25 et 26 janvier 2023, la SCI VELASQUEZ a fait délivrer une assignation à la SARL BY OPTIM et à la MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES afin de les voir condamner à la garantir et relever indemne de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre du chef de la SCI [Adresse 7].

Les procédures ont été jointes le 17 février 2023.

Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 février 2024, la SCI [Adresse 7] demande au Tribunal de :

Vu les articles 1103 et suivants du Code civil,
Vu l’article 1170 du Code civil,
Vu les articles L.212-1 et suivants du Code de la consommation,
A TITRE PRINCIPAL,
CONDAMNER la SCI Velasquez à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 634.500 euros TTC au titre des pénalités de retard stipulées dans le contrat VEFA du 31 juillet 2017 ;
A TITRE SUBISIDIAIRE,
CONDAMNER la SCI Velasquez à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 501.500 euros TTC au titre des pénalités de retard stipulées dans le contrat VEFA du 31 juillet 2017 ;
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,
CONDAMNER la SCI Velasquez à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 239.000 euros TTC au titre des pénalités de retard stipulées dans le contrat VEFA du 31 juillet 2017 ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE
CONDAMNER la SCI Velasquez à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Elle fait valoir que la clause du contrat qui prévoit des causes légitimes de suspension doit être réputée non écrite, que les différents motifs invoqués pour justifier le retard ne sont pas légitimes et que la seule attestation du maître d'œuvre s'agissant des intempéries ne justifie pas le retard.

Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 février 2024, la SCI VELASQUEZ demande au Tribunal de :

Dire et juger la S.C.I. [Adresse 7] mal fondée en ses demandes à l’encontre de la S.C.I. VELASQUEZ, En conséquence, débouter la S.C.I. [Adresse 7] de toutes ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la S.C.I. VELASQUEZ,
A titre subsidiaire, Vu les dispositions de l’article de l’article 1231-5 du Code civil, réduire à l’euro symbolique la somme réclamée.
Vu les articles 1231-1 et suivants du Code civil,
Condamner la société BY OPTIM et son assureur les sociétés MMA ASSURANCES MUTUELLES IARD et MMA IARD à garantir et relever indemne la S.C.I. VELASQUEZ de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.
Condamner la S.C.I. [Adresse 7] à payer à la S.C.I. VELASQUEZ la somme de 6000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que la clause prévoyant les causes et durée de suspension prévue au contrat est valable, que l'attestation du maître d 'œuvre est elle aussi valable pour légitimer le retard, et que la SCI [Adresse 7] est pour partie responsable du retard, s’étant immiscé dans le chantier et ayant tardé à prendre livraison de l'immeuble.
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Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 févier 2024, la SARL BY OPTIM demande au Tribunal de :

Rejeter les demandes présentées à titre principal par la SCI [Adresse 7] les jugeant mal fondées.
Rejeter l'appel en garantie de la SCI VELASQUEZ dirigée à l'encontre de la concluante la jugeant mal fondée.
À titre subsidiaire, condamner la compagnie MMA à garantir la société BY OPTIM venant au droit de la société REALTIS INGENIERIE à la relever indemne de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre.
En conséquence, condamner la SCI VELASQUEZ à payer à la société BY OPTIM la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'elle est tiers au contrat et s’en rapporte au sujet de la validité de la clause contractuelle prévue dans l'acte de vente, que les parties ont souhaité s'en remettre exclusivement à l'attestation fournie par le maître d'œuvre de l'opération concernant la détermination des jours d'intempéries affectant le chantier, que faute de motivation particulière, le recours en garantie sera rejeté, et que la compagnie MMA ASSURANCES MUTUELLES IARD sera tenue de la garantir dans l’hypothèse où sa responsabilité serait retenue.

Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 février 2024, la société d'assurance mutuelle MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la SA MMA IARD demandent au Tribunal de :

Déclarer l’intervention volontaire des MMA IARD recevable et bien fondée.
Juger que la société BY OPTIM n’a commis aucun manquement.
Juger que les garanties souscrites auprès des MMA IARD et des MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES n’ont pas vocation à s’appliquer au présent litige.
En conséquence
Débouter la SCI VELASQUEZ de toutes ses demandes en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre des MMA IARD et des MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES.
Débouter toutes les parties qui formuleraient des demandes en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre des MMA IARD et des MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, dont notamment la société BY OPTIM.
A TITRE RECONVENTIONNEL
Condamner la SCI VELASQUEZ ou toute partie succombante à régler aux MMA IARD et aux MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,
Dire n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Elles font valoir que la SARL BY OPTIM a parfaitement respecté sa mission en établissant une attestation récapitulant les jours d’intempéries et en y annexant les relevés de suivi météorologique, que la SCI VELASQUEZ ne démontre nullement un manquement de la part de la SARL BY OPTIM qui pourrait entrainer leur garantie, que sont exclus de cette garantie les dommages résultant du retard ou du défaut de livraison ou réception dans les délais convenus sauf si ce retard est la conséquence d’un événement accidentel ayant entraîné le bris, la destruction ou la détérioration des biens nécessaires à la réalisation de la prestation de l’assuré.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 février 2024

MOTIFS :

Sur l'intervention volontaire de la SA MMA IARD :

La SA MMA IARD, assureur de BY OPTIM a qualité pour agir det son intervention est donc recevable.

Sur le fond :
L’article 1103 du Code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L'article 1601-1 du code civil dispose que la vente d'immeubles à construire est celle par laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat. Elle peut être conclue à terme ou en l'état futur d'achèvement.

En principe tenue d'indemniser les acquéreurs en application des articles 1601-1, 1611 et 1231-1 du code civil en cas de retard de livraison, la SCI VELASQUEZ, vendeur professionnel, débitrice d'une obligation de résultat, ne peut s'exonérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère constitutive de force majeure, ou de l'une des causes contractuellement prévues et énoncées.

En application de l’article 1170 du Code civil, toute clause qui vide de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite.

l’article L.212-1 du Code de la consommation dispose que : « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

Enfin, l’article 1231-5 du code civil dispose : « Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent. Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite. Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure ».

En l'espèce, l'acte de vente en état de futur achèvement comporte une clause relative aux causes légitimes de suspension du délai de livraison qui prévoit que :
« sont notamment considéré(e)s comme causes légitimes de report de délai de livraison, les événements suivants :
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- intempéries constatées par l’architecte ou le Maître d’œuvre empêchant les travaux ou l’exécution des « Voies ou Réseaux Divers » (V.R.D) selon la réglementation ou les fournisseurs ;
- grève générale ou partielle qui entrainerait l’arrêt du chantier ou les fournisseurs ;
- retard résultat de la liquidation des biens, l’admission au régime du règlement judiciaire, du redressement judiciaire, de la liquidation judiciaire des ou de l'une des entreprises (…) ;
- retard provenant de la défaillance d’une entreprise ;
- retards enchaînés par la recherche et la désignation d’une nouvelle entreprise se substituant à une entreprise défaillante et à l’approvisionnement du chantier par celle-ci ;
- difficultés ou rupture d’approvisionnement de matériaux ou de fournitures indispensables à la bonne continuation du chantier ;
- (…)
Ces différentes circonstances auront donc pour effet de retarder la livraison des biens vendus d’un temps égal au double de celui effectivement enregistré en raison de la répercussion sur l’organisation générale du chantier.
Le vendeur fera ses meilleurs efforts pour informer l’acquéreur dans les meilleurs délais de la survenance de toute cause légitime de suspension du délai de livraison.
Dans un tel cas la survenance de la justification de l’un de ces événements sera apportée par le vendeur à l’acquéreur, au moyen d’une lettre établie par le maître d’œuvre en attestant de la réalité du ou des retards de livraison.
( … )
Etant précisé ici qu'en dehors des cas énumérés ci-dessus, tout retard imputable au Vendeur ou sans production de justificatif entrainera le paiement à l'acquéreur d'une indemnité forfaitaire par jour ouvré de retard calculé forfaitairement à la somme de 2000 euros TTC par jour de retard pour le 1er mois de retard et 7500 euros TTC par jour de retard au delà du premier mois.
Les pénalités de retard courront jusqu'à la date de convocation pour la livraison […] ».

Sur la validité de la clause :

La SCI [Adresse 7] soutient que cette clause de causes légitimes de suspension est abusive en ce qu'elle crée un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au terme duquel le vendeur pourrait échapper à toute responsabilité en cas de retard dans la livraison de l’ouvrage, et doit être réputée non écrite.

Quand bien même la SCI VELASQUEZ soutient que la SCI [Adresse 7] doit être considérée comme un professionnel, cela ne l'empêcherait pas de se prévaloir de l'article 1170 du code civil.

Le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat.

En l'espèce, la clause relative aux causes légitimes de suspension du délai de livraison ne contrevient à aucune règle d'ordre public, ne remet pas en cause l'obligation essentielle de livrer le bien dans un délai convenu et ne comporte aucun élément susceptible de créer un déséquilibre significatif des obligations nées du contrat, au détriment de l'acquéreur, sans que l’utilisation de l’adverbe notamment permette de caractériser un abus quelconque car la preuve des événements suspensifs, énoncés de manière quasi complète, doit être rapportée par un courrier du maître d’œuvre dont la teneur est soumise à contrôle juridictionnel.

En conséquence, il n'y a pas lieu de l'écarter.
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Sur le retard de livraison :

La SCI [Adresse 7] fait valoir que le retard de livraison est dû à une mauvaise gestion du chantier par la SCI VELASQUEZ. Cependant, il 'y a pas lieu d'examiner des causes de retard alléguées par la SCI [Adresse 7] dans la mesure où c'est à la SCI VELASQUEZ de justifier de la légitimité d'un retard.

Sur les intempéries :

La SCI VELASQUEZ et la SARL BY OPTIM soutiennent qu'une partie du retard est justifié par les jours d'intempérie subis au cours du chantier.

La SCI [Adresse 7] fait valoir que certains jours d'intempéries ne doivent pas être pris en compte dans la mesure où ces jours sont des week-end, et que pour certains jours les intempéries ne sont pas suffisamment caractérisées selon son interprétation des bulletins météorologiques et que la cause réelle du retard n'est pas celle-ci.

Par courriers recommandés des 3 avril et 25 octobre 2018, la SCI VELASQUEZ a informé la SCI [Adresse 7] que la société REALTIS INGENIERIE avait comptabilisé 37 jours d’intempéries entre novembre 2017 et janvier 2018, entraînant un retard justifié de 74 jours dans la date de livraison de l’ouvrage, repoussant ainsi la date de livraison au 30 octobre 2018.

Est jointe à ce courrier une attestation de la société REALTIS INGENIERIE qui atteste en tant que maître d'œuvre « d'un cumul de 37 jours d’intempéries de novembre 2017 à janvier 2018 ». Sont également joints les bulletins météorologiques entre le 1er novembre 2017 et le 31 janvier 2018. Cependant, contrairement à ce qui est prévu à l'acte de vente, l'attestation du maître d'œuvre, se contentant de comptabiliser les jours d'intempéries, ne précise pas que ceux-ci ont empêché les travaux ou l'exécution des VRD ni en quoi, alors qu'il appartenait à la SCI VELASQUEZ de veiller à la conformité de l'attestation au contrat

En conséquence, il n'est pas justifié de jours de retards liés aux intempéries.

Sur les autres causes invoquées de retard :

En sus des intempéries, la SCI VELASQUEZ fait valoir que la SCI [Adresse 7] s'est immiscée dans le chantier par l'intermédiaire de son architecte, Monsieur [V] qui aurait fait intervenir ses propres entreprises, ce qui aurait fait « bénéficier la SCI [Adresse 7] d'un gain de temps de 2 mois et demi en réalisant des travaux en temps caché». Elle produit à l'appui une attestation à en tête de la société BET ADBET 33 selon laquelle «  les travaux de courant faible (…. ) demandés par le preneur (… ) et réalisés par l'électricien en même temps que les travaux de courant fort auraient nécessité un travail de 2 mois et demi complémentaire ». Outre qu'il est difficile de comprendre en quoi cela justifie un retard de chantier, à la supposer établie, il n'est pas démontré que cette intervention invoquée d'une autre entreprise aurait entraîné un retard dans l'exécution du chantier par un motif soit qui revêtirait les caractéristiques de la force majeures ou qui entre dans l'une des causes de retard légitimes prévues au contrat.

De même, il n'est pas justifié qu'un retard pris par la SCI [Adresse 7] pour signer un contrat d'abonnement « MIXENER » aurait entrainé un retard dans l'avancement des travaux, soit en revêtant les caractéristiques de la force majeure, soit en entrant dans l'une des causes légitimes prévues au contrat, soit pour une autre cause.
Enfin, la SCI VELASQUEZ fait valoir qu'une partie du retard ne lui ait pas imputable alors que la SCI [Adresse 7] a de son fait retardé la livraison de l’immeuble et que l’acte de vente stipule que les éventuelles pénalités courront jusqu’à la date de convocation pour la livraison.

Dans un courrier du 25 octobre 2018 la SCI VELASQUEZ a indiqué à la SCI [Adresse 7] qu'elle mettait à sa disposition son immeuble le 8 novembre 2018 et lui demandait de confirmer sa disponibilité pour cette date. Dans un nouveau courir du 23 novembre 2018, la SCI VELASQUEZ a indiqué à la SCI [Adresse 7] qu'elle lui mettait à sa disposition l'immeuble pour le 30 novembre 2018 et demandait de confirmer sa disponibilité pour cette date. Un troisième courrier a été adressé le 14 décembre 2018 à la SCI [Adresse 7] dans lequel la SCI VELASQUEZ lui indiquait que « l'entreprise de plomberie LHOUMEAU ( … ) n'a pas pu se rendre sur le chantier durant 8 jours ayant subi les barrages des « gilets jaunes » » et que cela constituait à son sens une cause légitime de suspension du délai de livraison. Elle ajoutait mettre à disposition le bien à compter de ce jour. Etait jointe à ce courrier une attestation du gérant de la SARL LHOUMEAU qui disait avoir été empêché de se rendre sur le chantier en raison des barrages des gilets jaunes les 19, 20, 21, 22, 23 et 24 novembre et les 1er et 8 décembre 2018. Il s'en déduit que les travaux n'étaient pas terminés au 8 décembre 2018 et que les dates de livraisons précédentes proposées ne peuvent être retenues. La date définitive de convocation pour la livraison est ainsi le 14 décembre 2018.

Il résulte en outre du constat d'huissier du 17 décembre 2018 que l'immeuble était en état d'être reçu à cette date.

La SCI VELASQUEZ ne fait pas valoir les manifestations des « gilets jaunes » comme cause légitime de retard.

Il ressort d'un mail en date du 21 décembre 2018 écrit par Monsieur [V] qu'une liste de réserves avait été dressée dont il était demandé la levée avant une réception le 7 ou 8 janvier 2019. Cependant, en l'absence de son caractère contradictoire et au vu du constat d'huissier susvisé, cela ne remet pas en cause la mise à disposition de l'immeuble depuis le 14 décembre 2018.

Il en résulte que la fin de la période de retard non justifié doit être fixée au 14 décembre 2018, date à laquelle la SCI [Adresse 7] pouvait prendre possession de l'immeuble.

En conséquence, le retard non justifié indemnisable a couru entre le 17 août et le 14 décembre 2018.

Sur les pénalités :

Il est stipulé à l'acte de vente :
« Dans l’hypothèse où la date de l’achèvement ci-dessus visée, éventuellement décalée par l’application d’une cause légitime de suspension de délai ou dans le cas de force majeure ainsi qu’il est indiqué ci-dessus, n’était pas respectée, des pénalités de retard pourront être dues par le Vendeur.
Etant précisé ,qu’en dehors des cas énumérés ci-dessus, tout retard imputable au Vendeur ou sans production de justificatif entrainera le paiement à l’acquéreur d’une indemnité forfaitaire par Jour Ouvré de retard calculé forfaitairement à la somme de 2.000 euros TTC par jour de retard pour le premier (1er) mois de retard et 7.500 euros TTC par jours de retard au-delà du premier (1er) mois (…). Les pénalités de retard courront jusqu'à la date de convocation pour la livraison ». 

Ainsi, les pénalités de retard calculées selon la clause pénale sont les suivantes :

- du 18 août au 18 septembre 2018 :
22 jours ouvrés x 2.000 = 44 000 euros

- du 19 septembre au 14 décembre 2018 :
62 jours ouvrés x 7.500 euros = 465 000 euros,

soit un total de 509 000 euros.

La SCI VELASQUEZ fait valoir que le montant des pénalités doit être réduit, la SCI [Adresse 7] ne justifiant pas d'un préjudice réel.

Il n'est pas contesté que le bâtiment avait, conformément à ce qui est indiqué dans l'acte de vente, vocation à usage d'école. Si la SCI [Adresse 7] fait valoir qu'il était primordial que la date contractuelle de livraison soit respectée pour permettre d'assurer la rentrée scolaire et qu'elle a dû louer d'autres locaux dans l'attente, elle ne justifie ni d'un report de la rentrée scolaire ni de la location d'autres locaux, et ne produit aucune pièce notamment comptable sur le montant de son préjudice. La question des malfaçons, qui a donné lieu à une procédure avec l'assureur dommages-ouvrage, est par ailleurs étrangère à celle du retard de livraison.

Ainsi, au regard de la durée du retard et du préjudice de la SCI [Adresse 7] qui, s'il est réel du fait du retard subi, doit néanmoins être relativisé, il convient, en application de l’article 1231-5 du code civil, de réduire le montant de l'indemnisation accordée à la somme de 50 000 euros.

Sur l’appel en garantie de la SCI VELASQUEZ :

Ni les comptes rendus de chantier ni aucun élément ne permettent de caractériser un manquement à l'encontre de la SARL BY OPTIM qui aurait contribué au retard indemnisable et il convient en conséquence de débouter la SCI VELASQUEZ de sa demande de relevé indemne à l'encontre de la SARL BY OPTIM et de ses assureurs.

Il n'y a alors pas lieu d'examiner la demande de la SARL BY OPTIM d'être relevée indemne par la société d'assurance mutuelle MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la SA MMA IARD.

Sur les demandes annexes :

La SCI VELASQUEZ, partie perdante, sera condamnée aux dépens.

Au titre de l'équité, elle sera condamnée à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre à payer à la SARL BY OPTIM une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au titre de l'équité, il convient de débouter la société d'assurance mutuelle MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la SA MMA IARD de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, l'exécution provisoire est de droit et il n'y a pas lieu de l'écarter, celle-ci n'étant pas incompatible avec la nature de l'affaire.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

DECLARE recevable l'intervention volontaire de la SA MMA IARD.

CONDAMNE la SCI VELASQUEZ à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 50 000 euros à titre de pénalités de retard.

DEBOUTE la SCI VELASQUEZ du surplus de ses demandes.

CONDAMNE la SCI VELASQUEZ à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

DEBOUTE la SCI [Adresse 7] du surplus de ses demandes.

CONDAMNE la SCI VELASQUEZ à payer à la SARL BY OPTIM une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

DEBOUTE la société d'assurance mutuelle MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la SA MMA IARD de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SCI VELASQUEZ aux dépens.

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit et DIT n'y avoir à l'écarter.

La présente décision est signée par Madame Anne MURE, Vice-Présidente, et Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 7ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/07599
Date de la décision : 30/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-30;22.07599 ?
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