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26/03/2024 | FRANCE | N°23/05364

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 26 mars 2024, 23/05364


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]


Copie exécutoire délivrée
le :
à :Me Marion HOCHART
Me Christophe PRENEY

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/05364 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2GK3

N° MINUTE :
4 JCP






JUGEMENT
rendu le mardi 26 mars 2024


DEMANDERESSE
Madame [I] [B], demeurant [Adresse 1]
comparante en personne assistée de Me Marion HOCHART, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #D1494


DÉFENDERESSE
Madame [R] [S], demeurant [Adresse 2

]
comparante en personne assistée de Me Christophe PRENEY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #C1225



COMPOSITION DU TRIBUNAL
Laura LABAT, Juge, juge des contentieu...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]

Copie exécutoire délivrée
le :
à :Me Marion HOCHART
Me Christophe PRENEY

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/05364 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2GK3

N° MINUTE :
4 JCP

JUGEMENT
rendu le mardi 26 mars 2024

DEMANDERESSE
Madame [I] [B], demeurant [Adresse 1]
comparante en personne assistée de Me Marion HOCHART, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #D1494

DÉFENDERESSE
Madame [R] [S], demeurant [Adresse 2]
comparante en personne assistée de Me Christophe PRENEY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #C1225

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Laura LABAT, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Aline CAZEAUX, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 26 janvier 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 26 mars 2024 par Laura LABAT, Juge assistée de Aline CAZEAUX, Greffier

Décision du 26 mars 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/05364 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2GK3

Par acte sous seing privé en date du 31 mai 2016, Madame [I] [B] a donné en location à Madame [R] [S] un logement situé [Adresse 1] moyennant un loyer mensuel de 1050 euros, outre une provision sur charges de 100 euros.

Par actes de commissaire de justice délivrés les 24 mai et 14 juin 2023, Madame [I] [B] a fait assigner Madame [R] [S] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris afin d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, sa condamnation :
- à lui payer la somme de 1276,65 euros au titre des loyers et charges impayés, outre les intérêts au taux légal à compter du commandement de payer ;
- à lui payer la somme de 29439,17 euros au titre des travaux rendus nécessaires de son fait ;
- à lui payer la somme de 5000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- aux dépens, en ce compris les coûts des commandements, des constats et des procédures d'exécution forcée, et à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

A l'audience, Madame [I] [B], assistée de son conseil, s'est référée à ses conclusions, auxquelles il est renvoyé, aux termes desquelles elle sollicite :
- que les prétentions de Madame [R] [S] soient déclarées irrecevables en application du principe de l'estoppel,
- le rejet des prétentions de Madame [R] [S], que les pièces 19, 21, 22, 31, 38 et 42 soient écartées des débats.

Elle réitère en outre ses demandes initiales en actualisant sa demande au titre des loyers et charges à la somme de 226,35 euros. Elle s'est opposée à la demande de délais de paiement formée par Madame [R] [S].

Madame [R] [S], assistée de son conseil, s'est référée à ses conclusions, auxquelles il est renvoyé, aux termes desquelles elle sollicite :
- in limine litis, :
- le prononcé de la péremption de l'instance,
- que Madame [I] [B] soit déclarée irrecevable en ses demandes en raison du principe dévolutif de l'appel interjeté par celle-ci, de l'autorité de la chose jugée du jugement rendu le 9 novembre 2021 et de la prescription ;
- sur le fond, le rejet des prétentions de Madame [I] [B] et, à titre reconventionnel, sa condamnation à lui payer les sommes de :
- 4900 euros en répétition des provisions sur charges,
- 1050 euros en restitution du dépôt de garantie,
- 225 euros en remboursement du coût du timbre fiscal devant la Cour d'appel de Paris,
- 5000 euros en réparation de son préjudice moral,
- 110 euros en remboursement des frais bancaires subis ;
- en tout état de cause, la condamnation de Madame [I] [B] aux dépens et à lui payer la somme de 6000 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle a en outre sollicité un délai de 24 mois pour régler les sommes éventuelles dues.
L'affaire a été mise en délibéré au 26 mars 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS

Sur la fin de non recevoir tirée de l'estoppel,

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En application de ce texte, il est établi que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui et que les parties à un procès qui adopteraient des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions induisant en erreur son adversaire sur ses intentions doivent être déclarées irrecevables (Civ. 2e, 15 mars 2018, no 17-21.991).

En l'espèce, Madame [I] [B] oppose le principe de l'estoppel aux demandes de Madame [R] [S] tendant à ce qu'il soit constaté que l'instance est périmée ou à ce qu'elle soit déclarée irrecevable en ses demandes en raison de l'effet dévolutif de l'appel ou de l'autorité de la chose jugée. Toutefois, dans ses conclusions, Madame [R] [S] émet différentes hypothèses et oppose en conséquence des arguments différents. Ainsi, s'il était considéré que l'assignation délivrée le 14 juin 2023 est la réitération de la citation primitive, elle soutient que cette instance est périmée ou que l'effet dévolutif de l'appel s'oppose à cette réitération. S'il était considéré que l'assignation n'était pas la réitération de l'assignation initiale, Madame [R] [S] oppose l'autorité de la chose jugée. Si ces prétentions reposent sur des moyens contradictoires, elles visent la même finalité : qu'il ne soit pas statué au fond sur les demandes de Madame [I] [B]. Par ailleurs, Madame [R] [S] prend le soin de classer ses demandes de sorte que les demandes suivantes ne sont à étudier que si les précédentes n'aboutissent pas. Ainsi, le positionnement de Madame [R] [S] n'est pas de nature à induire Madame [I] [B] en erreur sur ses intentions.

Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée de l'estoppel doit être rejetée.

Sur la péremption de l'instance,

Aux termes de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

Il résulte de l'article 478 du code de procédure civile que le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois de sa date. La procédure peut être reprise après réitération de la citation primitive.

En l'espèce, par acte d'huissier délivré le 29 octobre 2020, Madame [I] [B] a fait assigner Madame [R] [S] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris afin d'obtenir sa condamnation :
- à lui payer la somme de 1276,65 euros au titre des loyers et charges impayés, outre les intérêts au taux légal à compter du commandement de payer ;
- à lui payer la somme de 29439,17 euros au titre des travaux rendus nécessaires de son fait ;
- aux dépens, en ce compris les coûts des commandements, des constats et des procédures d'exécution forcée, et à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par jugement en date du 9 novembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a condamné Madame [R] [S] à payer à Madame [I] [B] :
- la somme de 1100,01 euros au titre des loyers et charges arrêtés au 14 mai 2020 ;
- la somme de 12425,58 euros au titre des réparations locatives ;
- les dépens et à lui payer la somme de 300 euros au titre des frais irrépétibles.
Un appel a été interjeté le 6 janvier 2022 à l'encontre de cette décision.

Parallèlement, par un jugement en date du 12 janvier 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a notamment annulé la signification du jugement du 9 novembre 2021 et, en conséquence, a déclaré ce jugement non avenu en l'absence de notification dans le délai de 6 mois prévu à l'article 478 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 21 février 2023, la Cour d'appel de Paris a ordonné la radiation de l'affaire après avoir constaté le caractère non avenu du jugement en date du 9 novembre 2021.

Par assignation délivrée le 14 juin 2023, Madame [I] [B] a fait assigner Madame [R] [S] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris afin d'obtenir sa condamnation :
- à lui payer la somme de 1276,65 euros au titre des loyers et charges impayés, outre les intérêts au taux légal à compter du commandement de payer ;
- à lui payer la somme de 29439,17 euros au titre des travaux rendus nécessaires de son fait ;
- à lui payer la somme de 5000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- aux dépens, en ce compris les coûts des commandements, des constats et des procédures d'exécution forcée, et à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

Il convient de constater que les demandes, bien que fondées sur le même bail, sont différentes dans la mesure où l'assignation du 14 juin 2023 ajoute une demande en réparation d'un préjudice moral. Par ailleurs, cette assignation ne précise pas qu'elle réitère une citation primitive. Elle n'évoque d'ailleurs pas la procédure initiale. Ainsi, il convient de considérer que cette assignation n'a pas repris la précédente instance mais a bien introduit une nouvelle instance de sorte que l'article 478 du code de procédure civile n'est pas applicable.

Par conséquent, la demande tendant au constat de la péremption d'instance doit être rejetée.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'effet dévolutif de l'appel,

En application des articles 561 et 562 du code de procédure civile, l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel. Il est statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du présent code. L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En l'espèce, Madame [R] [S] soutient que Madame [I] [B] est irrecevable en ses demandes en raison de l'appel qu'elle a interjeté à l'encontre du jugement rendu le 9 novembre 2021. Toutefois, ce jugement a été déclaré non avenu par le juge de l'exécution par un jugement du 12 janvier 2023, ce qui a été constaté par la Cour d'appel de Paris dans son ordonnance du 21 février 2023 ayant ordonné la radiation de cet appel.

Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée de l'effet dévolutif de l'appel doit être écartée.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée,

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 1355 du code civil dispose que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

En l'espèce, Madame [R] [S] oppose l'autorité de la chose jugée du jugement rendu le 9 novembre 2021. Cependant, ce jugement a été déclaré non avenu par un jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris le 12 janvier 2023 de sorte qu'il n'est plus revêtu de l'autorité de la chose jugée.

Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée doit être rejetée.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

L'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que toutes actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit.

Il résulte de l'article 478 du code de procédure civile que si le jugement réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel est réputé non avenu s'il n'est pas notifié dans les six mois de sa date, l'assignation initiale conserve son effet interruptif (Civ. 2e, 18 décembre 2008).
S'agissant des demandes de Madame [I] [B],

En l'espèce, Madame [I] [B] sollicite le paiement de réparations locatives. Elle produit au soutien de ses prétentions un constat établi par un huissier de justice le 1er juillet 2020. Cependant, il résulte des photographies intégrées dans son courrier du 25 février 2020, qu'elle avait déjà connaissance d'une partie des désordres allégués à cette date.

Toutefois, si le jugement en date du 9 novembre 2021 est réputé non avenu, l'assignation délivrée le 29 octobre 2020 conserve son caractère interruptif de sorte qu'elle a fait courir un nouveau délai de trois ans.

Ainsi, l'assignation du 14 juin 2023 a été délivrée avant l'expiration de ce nouveau délai de prescription de sorte qu'il convient de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

S'agissant des demandes de Madame [R] [S],

Au cours de l'audience du 26 janvier 2024, Madame [R] [S] a sollicité le remboursement des provisions sur charges réglées depuis la conclusion du bail.
Par courrier en date du 11 juin 2020, Madame [I] [B] a informé Madame [R] [S] d'une régularisation des charges à son profit pour les années 2016, 2017 et 2018. Madame [R] [S] ne conteste pas avoir reçu ce courrier. En revanche, elle soutient que cette régularisation n'étant pas étayée des pièces justificatives, elle ne vaut pas régularisation. Cependant, c'est à compter de cette date que Madame [R] [S] a été informée de la régularisation pratiquée par Madame [I] [B] de sorte que c'est à compter de cette date qu'elle aurait pu la contester. Ainsi, le délai de prescription a expiré le 11 juin 2023 pour les années 2016, 2017 et 2018.

En revanche, il n'est pas contesté qu'aucune régularisation n'a été réalisée pour les années 2019 et 2020 de sorte que le délai de prescription n'a pas commencé à courir.

Par conséquent, il convient de déclarer irrecevable la demande tendant au remboursement des provisions sur charges réglées pour les années 2016, 2017 et 2018.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande relative aux frais bancaires,

Aux termes de l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En l'espèce, Madame [I] [B] soutient que la demande en remboursement des frais bancaires résultant de la saisie-attribution n'est pas en lien avec la présente instance. Cependant, la saisie attribution a été effectuée sur le fondement du jugement réputé non avenu par le juge de l'exécution de sorte que sa nullité a été prononcée. Madame [I] [B] réitère certaines des demandes formulées devant le premier juge.

Dès lors, le lien entre les demandes principales et cette demande reconventionnelle est suffisant et cette demande est recevable.

Sur la pièce 31 de Madame [R] [S],

L'article 9 du code civil dispose que chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé.

En l'espèce, Madame [I] [B] sollicite que la pièce 31 de Madame [R] [S] soit écartée des débats en ce qu'elle contient une photographie de son frère alors que celui-ci est opposé à la prise de cette photographie et à sa production en justice. Toutefois, il convient de constater que la pièce 31 versée aux débats est composée de plusieurs photographies sur lesquelles aucun individu n'apparaît.

Dès lors, la demande tendant à ce que cette pièce soit écartée pour ce motif doit être rejetée.

Sur les pièces 19, 21, 22, 38 et 42 de Madame [R] [S],

L'article 111 de l'ordonnance du 25 août 1939 énonce : « Et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l'intelligence des mots latins contenus esdits arrests, nous voulons d'oresnavant que tous arrests, ensemble toutes autres procédures, soient de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soient de registres, enquestes, contrats, commissions, sentences testaments, et autres quelconques, actes et exploicts de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françois et non autrement ».

Cet article impose l'emploi du français pour la rédaction des décisions de justice. En revanche, il n'évoque pas les pièces produites par les parties. En tout état de cause, Madame [I] [B] propose une traduction libre des pièces contenant des parties rédigées en langue anglaise. Si l'absence de traduction certifiée peut avoir une influence sur la valeur probante des pièces, elle ne s'oppose pas à la recevabilité des pièces.

Par conséquent, la demande tendant à ce que les pièces 19, 21, 22, 38 et 42 soient écartées des débats doit être rejetée.

Sur le paiement des loyers et des provisions sur charges,

Aux termes de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.

L'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que le dépôt de garantie est restitué au locataire, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, aux lieu et place du locataire, sous réserve qu'elles soient dûment justifiées

Il résulte des articles 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil que les parties doivent prouver les faits et les obligations nécessaires au succès de leurs prétentions.

En l'espèce, le bail stipule un loyer de 1050 euros outre une provision sur charges de 100 euros par mois. Il est constant que les parties ont convenu de fixer le loyer à la somme de 1000 euros pour les mois de janvier et février 2020. En revanche, Madame [R] [S] ne justifie pas du maintien allégué de cet accord pour la période postérieure.

Ainsi, les sommes exigibles pour la période du mois de janvier 2020 au mois de juin 2020 sont de 6600 euros. Madame [R] [S] justifie du paiement de la somme totale de 5000 euros. En effet, le montant de 1000 euros allégué pour le mois de janvier 2020 correspond en fait à un versement créditeur sur son compte et non à un débit au profit de Madame [I] [B].

Madame [I] [B] déduit la somme de 499,99 euros au titre de la régularisation des charges pour les années 2016, 2017 et 2018.

Madame [I] [B] réclame également le paiement de la somme de 157,37 euros au titre du commandement de payer. Cette demande sera toutefois analysée au titre des dépens.

Elle sollicite également la somme de 18,97 euros au titre des intérêts. Cependant, les intérêts devront être calculés conformément à ce qui est prévu par le présent jugement.

Un dépôt de garantie d'un montant de 1050 euros a été payé par Madame [R] [S] qu'il convient de déduire des sommes effectivement dues par cette dernière.

La somme déduite au titre des régularisations de charge sera appréciée à ce titre.
Par conséquent, il convient de condamner Madame [R] [S] à payer à Madame [I] [B] la somme de 50,01 euros au titre des loyers et charges impayés, dépôt de garantie déduit, outre les intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2020.

Dès lors, il convient de rejeter la demande de Madame [R] [S] tendant à la restitution du dépôt de garantie.

Sur les régularisations de charges,

Selon les dispositions de l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989, les charges récupérables, sommes accessoires au loyer principal, sont exigibles sur justification en contrepartie :
1° Des services rendus liés à l'usage des différents éléments de la chose louée ;
2° Des dépenses d'entretien courant et des menues réparations sur les éléments d'usage commun de la chose louée. Sont notamment récupérables à ce titre les dépenses engagées par le bailleur dans le cadre d'un contrat d'entretien relatif aux ascenseurs et répondant aux conditions de l'article L. 125-2-2 du code de la construction et de l'habitation, qui concernent les opérations et les vérifications périodiques minimales et la réparation et le remplacement de petites pièces présentant des signes d'usure excessive ainsi que les interventions pour dégager les personnes bloquées en cabine et le dépannage et la remise en fonctionnement normal des appareils ;
3° Des impositions qui correspondent à des services dont le locataire profite directement.

La liste de ces charges est fixée par décret en Conseil d'Etat. Il peut y être dérogé par accords collectifs locaux portant sur l'amélioration de la sécurité ou la prise en compte du développement durable, conclus conformément à l'article 42 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 précitée.

Les charges locatives peuvent donner lieu au versement de provisions et doivent, en ce cas, faire l'objet d'une régularisation annuelle. Les demandes de provisions sont justifiées par la communication de résultats antérieurs arrêtés lors de la précédente régularisation et, lorsque l'immeuble est soumis au statut de la copropriété ou lorsque le bailleur est une personne morale, par le budget prévisionnel.

Il résulte des articles 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil que les parties doivent prouver les faits et les obligations nécessaires au succès de leurs prétentions.

La demande relative aux provisions sur charges est prescrite pour les années 2016, 2017 et 2018.

S'agissant des années 2019 et 2020, Madame [I] [B] ne produit aucune pièce justificative malgré les contestations soulevées par Madame [R] [S]. Ainsi, elle ne justifie pas des sommes appelées pour cette période.

Par conséquent, Madame [I] [B] est condamnée à payer à Madame [R] [S] la somme de 1800 euros au titre du remboursement des provisions sur charges.

Sur les réparations locatives,

L'article 7d) de la loi du 6 juillet 1989 dispose que le locataire doit prendre à sa charge l'entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat, les menues réparations ainsi que l'ensemble des réparations locatives définies par un décret en Conseil d'Etat, sauf si elles ont été occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure. L'existence de dégradations locatives s'apprécie par comparaison entre les états des lieux d'entrée et de sortie.
Aux termes de l'article 1731 du code civil, s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire.

En l'espèce, aucun état des lieux d'entrée n'a été établi par les parties. Toutefois, le bail du 31 mai 2016 stipule : « cf. photos annexes. Appartement vide, entièrement refait (travaux de peinture, ponçage, vitrification). Le bailleur doit fournir la plaque de cuisson, faire réparer la fuite sous l'évier, reposer persienne du salon, assurer la connexion avec le lave linge ».

Madame [R] [S] conteste l'état initial de l'appartement. Cependant, les photographies produites par Madame [R] [S] ne sont pas datables avec certitude. Par ailleurs, les angles choisis ne permettent pas de localiser avec certitude ces photographies. Elles ne sont dès lors pas de nature à renverser la présomption de bon état de réparations locatives et les mentions stipulées au bail. Il en est de même des échanges de courriers électroniques entre Madame [R] [S] et sa fille dont les dates ne sont pas certaines et qui reprennent les déclarations de Madame [R] [S] sans être étayées par des éléments objectifs.

Il est constant que Madame [R] [S] a quitté les lieux litigieux le 29 juin 2020. Madame [I] [B] verse aux débats un procès-verbal de constat du 1er juillet 2020.

Madame [I] [B] verse aux débats une facture de « remise en état de la porte principale » d'un montant de 1318,08 euros. Madame [R] [S] souligne que la facture porte sur l'appartement situé au 3e étage et non sur celui qu'elle a occupé. Cependant, l'adresse mentionnée est celle à laquelle l'entreprise a envoyé la facture, soit celle de Madame [I] [B]. Le procès-verbal de constat du 1er juillet 2020 note que les serrures ne fonctionnent pas. Compte tenu du faible délai écoulé entre la restitution des lieux et l'établissement de ce procès-verbal et de la nature du désordre invoqué, il est imputable à Madame [R] [S] qui devra donc rembourser à Madame [I] [B] la somme de 1318,08 euros.

Madame [I] [B] produit en outre un devis de la société SOMSOU PONS :
- s'agissant du tableau électrique, il n'est pas démontré que les désordres réparés sont imputables à Madame [R] [S]. Au contraire, ils relèvent des obligations du bailleur. Il en est de même de la vérification de l'intégralité de l'installation électrique ;
- s'agissant de la salle de bain, le remplacement des 2 réglettes n'est pas justifié ;
- s'agissant de la réalisation d'une alimentation électrique pour un volet roulant, ce poste démontre que le logement ne disposait pas de volet roulant lorsqu'il était occupé par Madame [R] [S] qui n'a donc pas à assumer ce coût. Il en est de même de la pose d'un détecteur de fumée ;
- s'agissant de la fourniture de prises dans l'appartement, le procès-verbal de constat ne note pas de dysfonctionnement des prises de l'appartement de sorte que ce poste est écarté ;
- s'agissant de la fourniture et de la pose d'appareillage, le devis n'est pas suffisamment précis pour permettre d'établir que le remplacement de ces appareillages relève des obligations de la locataire de sorte que ce poste est écarté.

La facture relative au volet roulant doit être rejetée dans la mesure où le logement ne disposait pas d'une telle installation lorsqu'il était occupé par Madame [R] [S].
Madame [I] [B] verse aux débats un devis relatif à des travaux de peinture dans tout l'appartement et à des travaux de plomberie dans la salle de bain et dans la cuisine (nettoyage, joints, remplacement du vidage, réouverture des ventilations, remplacement du vidage complet d'évier). Aux termes de son procès-verbal du 1er juillet 2020, l'huissier de justice a constaté que les murs étaient salis, présentaient des traces et étaient écaillés par endroit ; que certains équipements de la salle de bain ne fonctionnent pas et que la hotte et les ventilations de la cuisine ont été obstrués. Ainsi, compte tenu de leur nature, ces désordres sont imputables à la locataire et justifient le devis produit. Afin de tenir compte de l'état neuf des peintures à l'entrée dans les lieux, du bon état des installations mais aussi de la vétusté, le devis sera retenu à hauteur de 6914,16 euros.

Il n'est pas établi que Madame [R] [S] a été régulièrement convoquée à l'établissement de l'état des lieux de sortie de sorte que le coût du procès-verbal de constat ne saurait être mis à sa charge, y compris partiellement.

Le devis relatif à l'interphone et aux plaques de cuisson vitrocéramique doit être écarté dans la mesure où il n'est pas établi que le logement disposait de ces équipements lors de son occupation par Madame [R] [S].

Madame [I] [B] produit également un devis pour la réfection de la robinetterie de la baignoire et du lavabo.

Le devis relatif au remplacement de la chaudière sera également rejeté dans la mesure où les éléments produits ne permettent pas d'établir le dysfonctionnement du dispositif initial et son éventuel imputabilité à la locataire.

L'huissier de justice note, à plusieurs reprises, la saleté des lieux et des équipements. Compte tenu de l'ampleur de cette saleté, elle n'a pas pu apparaître entre la restitution des lieux et l'établissement de ce constat de sorte que c'est imputable à Madame [R] [S]. Ainsi, l'achat de serpillières est justifié pour 25,25 euros.

L'achat d'un dérouleur plastique n'est pas justifié de sorte qu'il sera écarté.

Madame [R] [S] ne justifie pas avoir fait entretenir la chaudière et ramoné la cheminée pendant son occupation des lieux. Dès lors, ces factures seront mises à sa charge (77 + 135).

Madame [I] [B] produit un devis pour la réfection des plinthes et la pose des prises électriques. Ce dernier poste a déjà été pris en compte. Le premier poste est en revanche justifié, l'huissier de justice ayant constaté la présence de cloquage sur les plinthes. Dès lors, ce poste sera pris en compte à hauteur de 400 euros.

Les factures d'achat d'équipements et de matériaux pour la réalisation de prestations qui ont été confiées à un professionnel, notamment les travaux de peinture, ne sauraient être prises en compte une deuxième fois.

Il n'est pas non plus établi que l'inversion des différentiels est imputable à Madame [R] [S] de sorte que cette facture est également écartée.

S'agissant du parquet, il convient de rappeler que le bail stipule qu'il venait d'être poncé et vitrifié. L'huissier de justice a constaté : « le vernis de ce parquet est dégradé au-delà de l'usure normale (…) je note la présence de rayures en de nombreux endroits, de taches et de marques ». Dans la chambre, il constate en outre des auréoles et des traces blanchâtres. Compte tenu de la nature et de l'ampleur de ces désordres, ils n'ont pas pu apparaître entre le 29 juin et le 1e juillet 2020 de sorte qu'ils sont imputables à Madame [R] [S]. Afin de tenir compte de la vétusté, le devis sera pris en compte à hauteur de 1912,30 euros.

Le remplacement des fenêtres par des fenêtres PVC n'est pas justifié dans la mesure où seul un défaut d'entretien est constaté par l'huissier de justice le 1er juillet 2020.

Par conséquent, Madame [R] [S] est condamnée à payer à Madame [I] [B] la somme de 10781,79 au titre des réparations locatives.

Il est établi que Madame [I] [B] a dû faire procéder à des travaux de remise en état de son logement suite au départ des lieux de Madame [R] [S]. Le suivi de ces démarches et l'avance du coût lui ont causé un préjudice qu'il convient de réparer à hauteur de 500 euros.

Sur le préjudice moral de Madame [R] [S],

Il résulte de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. Il est en outre obligé de délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement et d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués.

Aux termes de l'article L. 129-8 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige, le propriétaire d'un logement installe dans celui-ci au moins un détecteur de fumée normalisé et s'assure, si le logement est mis en location, de son bon fonctionnement lors de l'établissement de l'état des lieux mentionné à l'article 3-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

En l'espèce, il résulte des devis produits et ci-dessus rappelés que le logement ne comportait pas de détecteur de fumée et une électricité aux normes, et notamment d'un raccordement à la terre et d'un différentiel conforme, lorsqu'il était occupé par Madame [R] [S] ce qui lui a nécessairement causé un préjudice.

Par conséquent, Madame [I] [B] est condamnée à payer à Madame [R] [S] la somme de 1500 euros en réparation de son préjudice moral.

Sur le remboursement du timbre fiscal,

En l'espèce, Madame [R] [S] ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par Madame [I] [B] dans son droit d'interjeter appel d'une décision. La caducité de l'appel résulte de la décision obtenue par Madame [R] [S] devant le juge de l'exécuté qui a réputé non avenu le jugement de première instance. Dès lors, cette demande est rejetée.

Sur les frais de saisie attribution,

Selon les dispositions de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Contrairement à ce qu'invoque Madame [I] [B], Madame [R] [S] produit un relevé des frais bancaires qui lui ont été facturés par son établissement bancaire entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2022 et qui mentionne des frais de saisie attribution d'un montant de 110 euros (pièce 116). La saisie-attribution litigieuse a été réalisée le 2 août 2022, soit pendant cette période. La nullité de cette saisie-attribution a été prononcée par le juge de l'exécution, le titre la fondant étant réputé non avenu en raison d'une irrégularité portant sur sa signification par Madame [I] [B] à Madame [R] [S].

Par conséquent, Madame [I] [B] est condamnée à payer à Madame [R] [S] la somme de 110 euros au titre du remboursement de ces frais bancaires.

Sur les délais de paiement,

Il résulte de l'article 1343-5 du code civil que le juge peut, dans la limite de deux années, échelonner le paiement des sommes dues compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier.

Madame [R] [S] sollicite l'autorisation de régler les sommes dues en vingt-quatre mois. Cependant, elle ne produit aucun élément relatif à sa situation financière de sorte que la nécessité de ces délais n'est pas établie.

Par conséquent, la demande de délais de paiement est rejetée.

Sur les demandes accessoires,

En application de l'article 514 du code de procédure civile, il convient de rappeler que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, Madame [R] [S], qui perd le procès, est condamnée aux dépens. Leur délivrance n'étant pas exigée par la loi comme préalable à une action en paiement, le coût des commandements et constats ne sont pas inclus dans les dépens.

Sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité commande, au regard de la situation respective des parties et des solutions retenues, de rejeter les demandes formées au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS
LE JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION

Statuant par jugement contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe :

REJETTE la demande de Madame [R] [S] tendant au constat de la péremption de l'instance ;
DECLARE IRRECEVABLE la demande de Madame [R] [S] tendant à la restitution des provisions sur charges portant sur les années 2016, 2017 et 2018 ;

REJETTE le surplus des fins de non-recevoir ;

CONDAMNE Madame [R] [S] à payer à Madame [I] [B] la somme de 50,01 euros au titre des loyers et charges impayés, déduction faite du dépôt de garantie, outre les intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2020 ;

CONDAMNE Madame [I] [B] à payer à Madame [R] [S] la somme de 1800 euros au titre du remboursement des provisions sur charges non justifiées ;

CONDAMNE Madame [R] [S] à payer à Madame [I] [B] la somme de 10781,79 au titre des réparations locatives ;

CONDAMNE Madame [R] [S] à payer à Madame [I] [B] la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral ;

CONDAMNE Madame [I] [B] à payer à Madame [R] [S] la somme de 1500 euros en réparation de son préjudice moral ;

CONDAMNE Madame [I] [B] à payer à Madame [R] [S] la somme de 110 euros en réparation de son préjudice financier ;

REJETTE le surplus des demandes ;

CONDAMNE Madame [R] [S] aux dépens ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

La GreffièreLa Juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/05364
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;23.05364 ?
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