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02/04/2024 | FRANCE | N°22/09661

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 7ème chambre 1ère section, 02 avril 2024, 22/09661


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:


7ème chambre 1ère section

N° RG 22/09661
N° Portalis 352J-W-B7G-CXHA3

N° MINUTE :

Assignation du :
15 Juillet 2022






JUGEMENT
rendu le 02 Avril 2024
DEMANDERESSE

- Madame [I] [S]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Me Alice ANGELOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0047




DÉFENDERESSE

- S.A.R.L. BETTER AT HOME
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représent

e par Me Jean-louis JALADY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0389




COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Perrine ROBERT, Vice-Président
Madame Malika KOURAR, Juge
Monsieur Mathieu DELSOL, ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

7ème chambre 1ère section

N° RG 22/09661
N° Portalis 352J-W-B7G-CXHA3

N° MINUTE :

Assignation du :
15 Juillet 2022

JUGEMENT
rendu le 02 Avril 2024
DEMANDERESSE

- Madame [I] [S]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Me Alice ANGELOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0047

DÉFENDERESSE

- S.A.R.L. BETTER AT HOME
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représentée par Me Jean-louis JALADY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0389

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Perrine ROBERT, Vice-Président
Madame Malika KOURAR, Juge
Monsieur Mathieu DELSOL, Juge

assistée de Madame Ines SOUAMES, Greffier,

Décision du 02 Avril 2024
7ème chambre 1ère section
N° RG 22/09661 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXHA3

DÉBATS

A l’audience du 29 Janvier 2024 tenue en audience publique devant Monsieur DELSOL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé en audience publique
Contradictoire
en premier ressort
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues aux deuxième alinéa de l’article de l’article 450 du Code de procédure civile
Signé par Madame Perrine ROBERT, Présidente, et par Madame Inès SOUAMES, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [I] [S] est propriétaire d’un appartement au sein d’un immeuble situé [Adresse 1] , soumis au statut de la copropriété.

Elle a conclu avec la société BETTER AT HOME un contrat portant sur la rénovation de l’appartement, incluant notamment la démolition des conduits de cheminée, pour le prix total de 22.609,73 euros TTC.

Les travaux ont débuté le 8 juin 2021 par la suppression des conduits de cheminée.

Par courriels du 9 juin 2021, les copropriétaires occupants de l’immeuble ont informé Madame [I] [S] d’un défaut de protection et nettoyage des parties communes par la société BETTER AT HOME et d’un éboulement dans un conduit d’évacuation des fumées d’une chaudière d’un copropriétaire voisin, Monsieur [R].

Par courrier du 15 juillet 2021, Madame [I] [S] a adressé une mise en demeure à la société BETTER AT HOME en formulant diverses demandes.

Le 19 juillet 2021, une réunion d’expertise amiable a été organisée dans l’appartement en présence notamment du syndic, des assureurs des copropriétaires concernés et de la société BETTER AT HOME.

Par courrier recommandé du 20 août 2021, Madame [I] [S] a indiqué à la société BETER AT HOME qu’elle résiliait le contrat à ses torts.

Décision du 02 Avril 2024
7ème chambre 1ère section
N° RG 22/09661 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXHA3

C’est dans ce contexte que Madame [I] [S] a sollicité la mise en œuvre d’une expertise judiciaire devant le juge des référés du tribunal judiciaire de PARIS.

Par ordonnance du 22 septembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de PARIS a désigné Monsieur [M] [F] en qualité d’expert. Celui-ci a déposé son rapport le 11 mars 2022.

C’est ainsi que par acte d’huissier en date du 15 juillet 2022, Madame [I] [S] a assigné la société BETTER AT HOME devant le Tribunal Judiciaire de Paris.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 12 septembre 2023, Madame [I] [S] demande au Tribunal de :

« - DECLARER RECEVABLE ET BIEN FONDEE Madame [I] [S] en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- CONDAMNER la société BETTER AT HOME à régler à Madame [I] [S] la somme de 33.764,48 euros au titre du préjudice subi,
- DEBOUTER la société BETTER AT HOMME de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions,
- CONDAMNER la société BETTER AT HOME à la somme de 7000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
- CONDAMNER la même eux entiers dépens de l’expertise et de l’instance. »

Au soutien de ses prétentions, elle expose au visa de l’article 1231-1 du code civil que :

- la société BETTER AT HOME a abandonné le chantier suite à la démolition du conduit dans le débarras de l’appartement qui s’est avéré être le conduit d’évacuation des gaz de la chaudière d’un copropriétaire voisin ;
- la société BETTER AT HOME a également manqué à son devoir de conseil : il lui appartenait en effet de la renseigner sur les risques que comportaient les travaux et opérer toutes vérifications utiles avant leur commencement ; il ne peut être reproché à un maître de l’ouvrage non-professionnel de ne pas s’être adjoint les services d’un maître d’oeuvre ou d’un bureau d’études, ni d’avoir fourni les plans ;
- la société BETTER AT HOME a recouru à un sous-traitant non qualifié et non assuré pour ces travaux, sans l’en informer ;
- le litige lié à la démolition du conduit de cheminée n’est pas de son propre fait et ne justifiait pas l’abandon du chantier ;
- les manquements de la société BETTER AT HOME lui ont causé :

* un préjudice financier constitué par la location d’un appartement et d’un garde meuble, des frais d’huissier de justice, de charges de copropriété et d’acompte trop-versé ; elle précise qu’elle n’a pas pu intégrer son appartement, qu’elle a vécu en sous-location jusqu’en mars 2022 inclus, période d’achèvement des travaux par une nouvelle entreprise, qui n’a pu commencer les travaux qu’après autorisation de l’expert judiciaire qui devait notamment vérifier l’absence de dangerosité des travaux de démolition ;
* un préjudice de jouissance constitué par l’impossibilité de vivre dans l’appartement ;
* un préjudice moral.

Décision du 02 Avril 2024
7ème chambre 1ère section
N° RG 22/09661 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXHA3

*

Dans ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 15 mai 2023, la société BETTER AT HOME demande au Tribunal de :

« DECLARER débouter Madame [I] [S] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
CONDAMNER Madame [I] [S] à régler à la société Better At Home la somme de 3.500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de de l’instance. »

Au soutien de ses prétentions, elle expose que :
- Madame [I] [S] ne l’a pas mise en demeure de reprendre le chantier ;
- Madame [I] [S] a résilié unilatéralement le contrat en lui demandant de lui remettre les clefs de l’appartement ;
- l’expert a écarté tout risque d’effondrement des conduits de cheminée ;
- elle a effectué la démolition sur la base des plans fournis et falsifiés par Madame [I] [S] elle-même, qui prévoyait la démolition de trois conduits, alors que les plans validés par le syndic comprenaient la seule démolition de deux conduits, n’incluant pas le conduit du débarras ;
- l’incompétence de son sous-traitant au cours des travaux, alléguée par l’expert, ne repose sur aucun élément ; son K-BIS mentionne qu’elle peut recourir à la sous-traitance ;
- l’origine des factures produites au titre du préjudice de jouissance et leur paiement effectif ne sont pas justifiés ;
- le préjudice moral n’est pas démontré.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parteis pour un plus ample exposé des moyens développés.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 novembre 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 29 janvier 2024 et mise en délibéré au 02 avril 2024.

MOTIFS

A titre liminaire, il est rappelé que les demandes de “dire et juger” et “juger que” ne constituent pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile et que le tribunal, qui est chargé de trancher les différends, n'a pas à y répondre.

Sur la demande principale

Aux termes de l’article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

L’article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Selon l’article 1226 du code civil, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.

L’article 1229 du code civil dispose que la résolution met fin au contrat.
La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice.
Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.
Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

L’article 3 de la loi du 31 décembre 1975 prévoit que l'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande.
Lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant.

En l’espèce, l’expert judiciaire mentionne aux termes de son rapport que :

- les conduits de cheminée de la chambre et du séjour ont été démolis, ainsi qu’une partie des cloisons dans la cuisine, la salle d’eau et le débarras ;
- le conduit de cheminée situé dans le débarras a fait l’objet d’une démolition qui n’était pas prévue dans le marché et qui a été révélatrice d’une difficulté ayant mené d’une part à l’arrêt total du chantier et d’autre part à des difficultés avec la copropriété ;

- les conduits de cheminée ne font l’objet d’aucun risque de chute ; aucun affaissement ou fissure n’est apparu entre la démolition et les opérations d’expertise ;
- le chantier aurait pu reprendre sur les autres postes de travaux dès le lendemain de l’incident;
- le syndic a recouru à un bureau d’études techniques sans que ce dernier n’établisse de rapport ;
- la société BETTER AT HOME n’a jamais informé Madame [I] [S] du recours à un sous-traitant, la société AMA, uniquement assurée pour des activités de peinture et vitrerie ;
- il n’est pas possible d’identifier les plans réellement transmis à la société BETTER AT HOME ;
- la société BETTER AT HOME a perçu un acompte de 6.782,92 euros ;
- selon le contrat, les travaux engagés (démolition partielle, évacuation des gravats, reprises de plâtre et création de tranchées pour le sous-total de 1.680 euros HT) ne représentent que la somme de 1.000 euros environ ;
- “la non-maîtrise du sous-traitant non déclaré au maître de l’ouvrage” et l’abandon de chantier sont à l’origine des préjudices subis par Madame [I] [S] ;
- Madame [I] [S] n’a toujours pas pu disposer de son bien, ni reprendre ses travaux actuellement bloqués, le chantier ayant été abandonné le 09 juin 2021 ;
- les manquements de la société BETTER AT HOME ont empêché à Madame [I] [S] d’habiter le bien, l’ont contrainte à engager des frais de garde meuble, de charges courantes de copropriété, de relogement en sous-location, et ont entraîné une perte de jouissance.

Madame [I] [S] verse aux débats le devis signé de la société BETTER AT HOME portant sur la rénovation de l’appartement, incluant notamment des travaux de démolition pour la somme de 1.680 euros TTC. Aucune durée des travaux n’est mentionnée dans le devis (il est simplement fait état d’une durée de validité du devis). Il n’est pas contesté que Madame [I] [S] a versé à la société BETTER AT HOME la somme de 6.782,92 euros à titre d’acompte.

Elle produit également une lettre de mise en demeure du 15 juillet 2021 adressée par son conseil à la société BETTER AT HOME, rédigée dans les termes suivants :
« Par la présente et d’ores et déjà je vous mets en demeure dans l’intérêt de Madame [I] [S] :
1. d’avoir à assister à la réunion d’expertise amiable (…)
2. d’avoir à restituer à ma cliente d’une part, les clefs de s on appartement, et d’autre part, la somme de 6.782,92 euros qui vous a été versé à titre d’acompte de démarrage (…) ;
3. d’avoir à faire réaliser l’ensemble des travaux conservatoires et réparatoires qui s’imposent ; avant toute reprise du chantier ;
4. d’avoir à faire toutes déclarations de sinistres utiles (...) »

Madame [I] [S] produit en outre une seconde lettre de mise en demeure du 20 août 2020 adressée par son conseil à la société BETTER AT HOME, rédigée dans les termes suivants :
« - par courrier recommandé du 15 juillet 2021, vous avez été mis en demeure notamment de restituer :
- les clés de l’appartement de Madame [I] [S] ;
- l’acompte de 6.728,92 euros.
Si vous avez restitué les clés de l’appartement lors de la réunion d’expertise amiable du 19 juillet 2021 selon constat d’huissier, cela n’a pas été le cas de l’acompte.

Aucune réponse n’a d’ailleurs été adressée à cette mise en demeure.
Pourtant, il est manifeste que vous avez manqué à votre obligation de conseil envers Madame [I] [S] en ne vous adjoignant pas les conseils d’un BET ou d’un maître d’œuvre si vous ne vous considérez pas compétent pour étudier la faisabilité de ces travaux.
Il est donc incontestable que vous n’avez pas exécuté vos obligations contractuelles.
Cette inexécution cause un préjudice important à ma cliente dont l’appartement est actuellement inhabitable, outre un risque imminent d’effondrement.
Cette situation intolérable ne permet pas à ma cliente d’engager une poursuite du contrat de rénovation de l’appartement. C’est pourquoi je vous informe par la présente de la résiliation à vos torts exclusifs du contrat vous liant à Madame [I] [S] conformément à l’article 1226 du code civil, en raison de l’inexécution de celui-ci. »

Il résulte de la lecture de ces deux lettres que la résiliation du contrat n’est pas intervenue le 15 juillet 2021, comme le soutient la société BETTER AT HOME, mais bien le 20 août 2020. En effet, la circonstance que Madame [I] [S] ait demandé à la société BETTER AT HOME de lui restituer les clefs dans sa lettre du 15 juillet 2021 ne permet pas de conclure que le contrat a été résilié à cette date, puisqu’elle sollicitait dans ce même courrier la réalisation de l’ensemble des travaux conservatoires et réparatoires qui s’imposent, “avant toute reprise du chantier”, de sorte qu’elle n’avait manifestement pas l’intention de mettre un terme à la relation contractuelle à cette date.

Il est constant que la démolition du conduit de cheminée du débarras a conduit à un éboulement dans le tuyau d’évacuation de gaz de la chaudière d’un copropriétaire voisin, signalé dès le 09 juin 2021.

Madame [I] [S] produit une série de SMS qu’elle a échangés avec la société BETTER AT HOME, qui contiennent notamment les termes suivants, le 15 juillet 2021 : “Concernant les travaux vous comptes reprendre ? Ou ne pas poursuivrez (sic) ?” Le destinataire lui répond le même jour : “Bah l’idée est de poursuivre mais j’attend de voir ce qui en découlera des différentes expertises”

Elle produit également le constat d’huissier du 19 juillet 2021 réalisé pendant les opérations d’expertise amiable, selon lequel Monsieur [C], représentant de la société BETTER AT HOME, a remis les clefs de l’appartement et a déclaré “les travaux ne seront pas repris tant qu’il n’aura pas été apporté une issue définitive au litige.”

Il ressort de ce même constat d’huissier que lors de cette réunion d’expertise amiable, un ingénieur structure du bureau d’études techniques BIG, Monsieur [W], a déclaré : “qu’il existe un risque de fissuration sur le plancher de l’appartement du dessus. Il précise qu’un renfort doit être apposé de toute urgence pour éviter que les “boisseaux des conduits cassés ne descendent vers le bas” et “que les boisseaux en partie haute des douze conduits cassés sont à stabiliser car ils peuvent également s’écrouler dans l’appartement de Madame [I] [S] à tout moment.”

L’huissier de justice indique enfin “à l’issue du rendez-vous, les experts respectifs conviennent d’organiser une nouvelle réunion d’expertise sur site.”

C’est seulement lors de la mise en oeuvre des opérations d’expertise judiciaire que l’expert judiciaire a écarté, dans son rapport du 11 mars 2022, le risque d’effondrement.

Il résulte de cette chronologie que la société BETTER AT HOME a refusé de reprendre les travaux en raison des opérations d’expertise en cours et du risque d’effondrement allégué par le bureau d’études techniques.
C’est donc à tort que Madame [I] [S] soutient que la société BETTER AT HOME a abandonné le chantier, celui-ci ayant été interrompu suite à la réunion d’expertise amiable. Il est d’ailleurs relevé que Madame [I] [S] ne lui reproche pas d’abandon de chantier dans sa lettre de résiliation du 20 août 2021, mais le manquement à son devoir de conseil et l’absence de restitution de l’acompte versé. Elle ne produit d’ailleurs aucune mise en demeure de reprendre les travaux après la réunion d’expertise amiable.

En revanche, la société BETTER AT HOME, tenue à la fois d’une obligation de résultat et d’une obligation de conseil, a provoqué un éboulement dans le conduit d’évacuation des fumées de la chaudière d’un autre copropriétaire. Ce désordre résulte d’un manquement de la société BETTER AT HOME à son obligation de résultat, qui lui incombe de réaliser efficacement les travaux.
Au surplus, la société BETTER AT HOME aurait dû s’assurer qu’elle pouvait effectuer la démolition du conduit de cheminée du débarras dans les conditions de sécurité adéquates, en sollicitant si besoin le rapport d’un bureau d’études techniques ou d’un maître d’oeuvre. En vertu de son devoir de conseil, elle ne peut reprocher à Madame [I] [S], profane en matière de construction, de ne pas lui avoir fourni de plans ; il n’est pas non plus établi qu’elle lui aurait transmis des plans falsifiés.

Par ailleurs, il est établi que la société BETTER AT HOME a recouru à un sous-traitant, la société AMA, assurée pour les seules activités de peinture et de vitrerie, pour réaliser les travaux, sans en informer le maître de l’ouvrage, en dépit de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1975 précitée. La circonstance que le K-BIS de la société BETTER AT HOME indique qu’elle peut recourir à la sous-traitance ne l’exonère pas de son obligation de faire accepter son sous-traitant au maître de l’ouvrage.

Il résulte de ces éléments que la société BETTER AT HOME a manqué à ses obligations contractuelles.

Il convient désormais d’examiner les préjudices que les manquements de la société BETTER AT HOME auraient causés à Madame [I] [S].

Madame [I] [S] demande d’abord la restitution de l’acompte de 6.782,92 euros qu’elle a versé, en déduisant le montant des travaux de démolition, estimés à 1.000 euros par l’expert, pour la somme finale de 5.782,92 euros. Compte tenu de la résiliation intervenue et de l’exécution des seuls travaux de démolition et de la démolition partielle des cloisons, la somme de 5.782,92 euros doit être restituée à Madame [I] [S].

S’agissant du préjudice financier, à savoir les sommes engagées par Madame [I] [S] pour se loger jusqu’à l’achèvement des travaux, il est rappelé que la résiliation est intervenue à l’initiative de Madame [I] [S] par courrier du 20 août 2021.

En raison du manquement contractuel de la société BETTER AT HOME, qui a exécuté ses travaux en provoquant un éboulement dans le conduit de chaudière d’un copropriétaire voisin, Madame [I] [S] a légitimement craint un risque d’effondrement dans son appartement qui l’a empêchée de poursuivre les travaux et qui l’a contrainte à solliciter une mesure d’expertise judiciaire en référé et à se loger ailleurs, jusqu’à ce que cette expertise vienne écarter le risque d’effondrement.

Madame [I] [S] affirme avoir dû payé des frais de relogement en recourant à une sous-location pour la somme de 5.500 euros sur une période de 11 mois,du mois de juillet 2021 au mois de mars 2022. Cette période de 11 mois est justifiée par la date de dépôt du rapport d’expertise judiciaire et la production d’un devis émis par la société JC VILAR SARL portant sur des travaux de rénovation de l’appartement en remplacement de la société BETTER AT THOME. Ce devis est signé par Madame [I] [S] et mentionne une date de fin des travaux au 30 mars 2022. Elle démontre donc qu’elle n’a pu emménager dans l’appartement qu’à compter du mois d’avril 2022.
Cependant, les quittances de loyer de la sous-location ne sont pas versées au dossier du tribunal. Si l’expert judiciaire retient un préjudice de 5.500 euros au titre des frais de relogement, il ne mentionne pas sur quel élément il s’appuie. Il ne peut donc être fait droit à la demande.
En revanche, Madame [I] [S] justifie, factures à l’appui, avoir payé des frais de garde meuble pour un montant de 2.220 euros sur cette même période, qui doivent être indemnisés.

Concernant le préjudice de jouissance, le manquement contractuel de la société a empêché Madame [I] [S] d’occuper son appartement. Il convient d’évaluer ce préjudice, compte tenu de la période concernée et des pièces produites à la somme de 5.000 euros.

Quant aux charges de copropriété, elles ne résultent pas du manquement de la société BETTER AT HOME, mais de la seule qualité de copropriétaire de Madame [I] [S], qui aurait été débitrice de ces charges en tout état de cause, quelle que soit l’issue des travaux.

S’agissant des frais de constat d’huissier du 19 juillet 2021, ceux-ci constituent des frais au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Quant aux frais de délivrance de l’assignation, ils doivent être inclus dans les dépens, conformément à l’article 695 du code de procédure civile.

S’agissant enfin du préjudice moral, la situation provoquée par les manquements de la société BETTER AT HOME a causé à Madame [I] [S] des inquiétudes et tracas légitimes qu’il convient d’indemniser à hauteur de 3.000 euros.

En conclusion, la société BETTER AT HOME sera condamnée à payer à Madame [I] [S] la somme de 16 002, 92 euros.

Sur les demandes accessoires

•Sur les dépens :

Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, la société BETTER AT HOME sera condamnée aux dépens, en ce compris le coût de l’assignation et les frais d’expertise judiciaire.

•Sur les frais irrépétibles :

L’article 700 du Code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

En l’espèce, la société BETTER AT HOME sera condamnée à payer à Madame [I] [S] la somme de 5.000 euros.

•Sur l’exécution provisoire :

L’article 514 du Code de procédure civile, issu de l’article 3 du décret du 19 novembre 2019 applicable aux instances introduites au 01er janvier 2020, dispose que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

En conséquence, l’exécution provisoire est de droit et aucun élément ne justifie de l’écarter.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe :

CONDAMNE la société BETTER AT HOME à payer à Madame [I] [S] la somme de 16 002, 92 euros en réparation du préjudice subi ;

CONDAMNE la société BETTER AT HOME aux dépens en ce compris le coût de l’assignation et les frais d’expertise judiciaire ;

CONDAMNE la société BETTER AT HOME à payer à Madame [I] [S] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à Paris le 02 Avril 2024

Madame Inès SOUAMES Madame Perrine ROBERT
Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 7ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 22/09661
Date de la décision : 02/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-02;22.09661 ?
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