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03/12/2015 | MONACO | N°TS/2015-04

Monaco | Tribunal Suprême, 3 décembre 2015, s. TR. c/ État de Monaco, TS/2015-04


Motifs

Principauté de Monaco

TRIBUNAL SUPRÊME

__________

TS 2015-04

Affaire :

s. TR.

Contre :

État de Monaco

DÉCISION

Audience du 20 novembre 2015

Lecture du 3 décembre 2015

Requête en annulation présentée par M. s. TR. de la décision n° 03-81 du Ministre d'État en date du 9 octobre 2003, notifiée le 2 juillet 2014, prononçant son refoulement du territoire monégasque.

En la cause de :

Monsieur s. TR., né le 18 septembre 1960 à Chesterfield (Grande Bretagne), demeurant X (Grande-Bre

tagne).

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Deborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par la SE...

Motifs

Principauté de Monaco

TRIBUNAL SUPRÊME

__________

TS 2015-04

Affaire :

s. TR.

Contre :

État de Monaco

DÉCISION

Audience du 20 novembre 2015

Lecture du 3 décembre 2015

Requête en annulation présentée par M. s. TR. de la décision n° 03-81 du Ministre d'État en date du 9 octobre 2003, notifiée le 2 juillet 2014, prononçant son refoulement du territoire monégasque.

En la cause de :

Monsieur s. TR., né le 18 septembre 1960 à Chesterfield (Grande Bretagne), demeurant X (Grande-Bretagne).

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Deborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par la SELARL RICHARD & ASSOCIÉS AVOCATS, représentée par Maître Massimo LOMBARDI, avocat au Barreau de Nice.

Contre :

L'État de Monaco, ayant pour avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France.

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en assemblée plénière

Vu la requête enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 23 décembre 2014 sous le numéro TS2015-04 par laquelle M. s. TR. demande l'annulation de la mesure de refoulement prise à son encontre sous le numéro 03-81 le 9 octobre 2003 par le Ministre d'État de la Principauté de Monaco.

CE FAIRE :

Attendu que, condamné le 31 mars 2003 par la Cour d'Appel de Monaco à une peine d'emprisonnement de cinq ans, M. s. TR. a fait l'objet le 9 octobre 2003, d'une mesure de refoulement par le Ministre d'État au motif « que la présence de cet étranger sur le territoire monégasque est de nature à compromettre la tranquillité ou la sécurité publique ou privée » ;

Attendu que, le 2 juillet 2014, M. s. TR. a été interpellé sur le territoire monégasque par les autorités de police et conduit au sein des locaux de la Sûreté Publique où lui était notifiée ladite mesure de refoulement, soit plus de 10 ans après qu'elle ait été ordonnée ; que dans le procès-verbal dressé en cette occasion, il reconnaissait que faute de se conformer à la mesure administrative prise à son encontre, il se trouverait en infraction avec l'article 23 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964 règlementant l'entrée et le séjour des étrangers en Principauté de Monaco ;

Attendu que le 1er septembre 2014, M. s. TR. sollicitait le réexamen de cette mesure, sa demande d'annulation ayant été rejetée le 29 octobre 2014 au motif que « la gravité des faits ayant motivé cette mesure (la mesure de refoulement) ne permet pas de réserver une suite favorable à votre requête et conduit à considérer que la présence en Principauté de Monaco de M. TR. est encore à ce jour de nature à y compromettre la tranquillité et la sécurité publique ou privée » ;

Attendu que M. TR. a alors saisi le 23 décembre 2014 le Tribunal Suprême qu'il estimait compétent s'agissant d'une mesure de police administrative individuelle ;

Attendu qu'au soutien de l'annulation de la mesure de refoulement, M. TR. soulève tout d'abord au titre de la légalité externe les irrégularités qui affecteraient selon lui la notification ainsi que l'absence de mention des voies de recours ;

Qu'en effet, si l'article 22 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964 dispose « Le Ministre d'État peut, par mesure de police, ou en prenant un arrêté d'expulsion, enjoindre à tout étranger de quitter immédiatement le territoire monégasque ou lui interdire d'y pénétrer », pour autant l'autorité administrative serait tenue de motiver une telle décision, tant par application de l'article 13 du Pacte International relatif aux Droits Civiques et Politiques que la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales et ses Protocoles 1, 4, 6, 13 et tout particulièrement 7 en ce qui concerne les garanties procédurales en cas d'expulsion et refoulement d'étrangers ;

Attendu que M. TR. estime que la motivation vague et imprécise de la mesure de refoulement selon laquelle « la présence de cet étranger sur le territoire monégasque est de nature à compromettre la tranquillité ou la sécurité publique ou privée » ne satisfait pas aux dispositions de ces textes ; qu'en conséquence, il y aurait lieu d'annuler la mesure de refoulement critiquée dans la mesure où elle n'indique aucun motif précis, fondement de la décision contestée ;

Attendu qu'il est allégué qu'en violation des termes de l'article 22 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964, la décision de refoulement prise par le Ministre d'État le 9 octobre 2003 n'a été notifiée que le 2 juillet 2014, soit plus de dix ans après, soit un délai excessivement tardif ayant interdit au requérant de saisir la juridiction compétente et ainsi de faire valoir ses droits ; qu'en effet aux termes de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme « toute personne a le droit à ce que sa cause soit entendue…dans un délai raisonnable par un Tribunal » ; que de même en application de l'article 6 § 3 de la même Convention « tout accusé a droit notamment à : a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui » ;

Attendu que la notification d'une décision de refoulement permet au requérant d'avoir connaissance de la mesure prise à son encontre, dans le même temps où elle constitue le préalable d'un recours devant le Tribunal Suprême ou d'un recours gracieux ;

Que la notification de la mesure de refoulement ayant été effectuée plus de dix ans après qu'elle ait été prise, et ce alors même que M. TR. aurait été présent à plusieurs reprises sur le territoire de Monaco pour y avoir été convoqué devant le Tribunal du Travail dans le cadre d'un contentieux l'ayant opposé à son ancien employeur ; il y aurait lieu de constater qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu qu'aux termes de l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme « toute personne…à droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale… » ; qu'ainsi, selon le requérant, une notification ne mentionnant, ni les voies de recours ouvertes, ni les délais, constitue un obstacle aux droits de la défense ; qu'il convient dès lors d'assimiler la notification d'une décision, sans mention des voies de recours ouvertes, à une absence de notification ;

Attendu que M. TR. serait ainsi fondé à solliciter l'annulation de la mesure de refoulement en raison des violations manifestes au droit à un recours effectif commises par le Ministre d'État ;

Attendu, sur la légalité interne, qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale et au secret de sa correspondance » ;

Que l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme énonce quant à lui que :

« 1-Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2-Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et des libertés d'autrui » ;

Attendu que le Ministre d'État prétend que la présence de M. TR. sur le territoire monégasque serait de « nature à compromettre la tranquillité ou la sécurité publique ou privée » alors que le requérant a exécuté sa peine, n'a fait l'objet d'aucune condamnation pénale depuis celle prononcée le 31 mars 2003 par la Cour d'appel de Monaco et a néanmoins maintenu des liens étroits avec le territoire monégasque sans porter atteinte à l'ordre public ; qu'ainsi les doutes quant à la menace que pourrait représenter M. TR. devraient être écartés ;

Attendu qu'il est soutenu ensuite que le droit à l'oubli est devenu un garant d'un droit effectif à la vie privée ;

Qu'ainsi en raison du droit à l'oubli et du droit au respect de la vie privée, M. TR. sollicite l'annulation de la mesure de refoulement ;

Attendu enfin, que M. TR. sollicite la réhabilitation de ses droits compte tenu des conséquences disproportionnées qu'engendrerait la mesure de refoulement prononcée à son encontre, en application des termes de l'article 637 du Code de procédure pénale ;

Qu'au vu de l'ensemble des éléments cités, M. TR. s'estime fondé à solliciter l'annulation de la mesure de refoulement, et par conséquent, sa réhabilitation.

Vu la contre-requête enregistrée le 23 février 2015 au Greffe Général du Tribunal Suprême par laquelle le Ministre d'État commence par rappeler que M. TR., de nationalité anglaise et résidant en Grande-Bretagne a, par arrêt de la Cour d'Appel de Monaco du 31 mars 2003 devenu définitif, été condamné à une peine de cinq ans d'emprisonnement et une amende de 18.000 € en répression de 147 délits d'abus de confiance et de détournements de fonds ;

Qu'à la suite de cette condamnation, il a fait l'objet d'une mesure de refoulement le 9 octobre 2003 ; que celle-ci ne lui a pas été notifiée tant qu'il purgeait sa peine d'emprisonnement d'abord à Monaco puis en France, et ne l'a été que lorsqu'il est revenu sur le territoire monégasque le 2 juillet 2014 ; que M. TR. a formé le 1er septembre 2014 un recours gracieux contre la mesure de refoulement du 9 octobre 2003, rejeté par décision du Ministre d'État du 23 octobre 2014 ; que, par requête enregistrée le 23 décembre 2014, M. TR. a déféré cette mesure de refoulement à la censure du Tribunal Suprême ;

Attendu que le Ministre d'État soutient en premier lieu, sur la légalité externe, qu'il est constant que la légalité d'une décision administrative s'apprécie à la date de son édiction ; qu'est inopérant le grief pris du défaut de motivation de la décision attaquée dès lors que préalablement à l'entrée en vigueur de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006, aucun texte législatif n'imposait à Monaco la motivation des mesures de police ;

Attendu que, en ce qui concerne l'application de l'article 13 de l'Ordonnance Souveraine n° 13.330 du 12 février 1998 rendant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, exécutoire à Monaco, celui-ci précise qu'il « ne saurait porter atteinte aux textes en vigueur relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers en Principauté non plus qu'à ceux relatifs à l'expulsion des étrangers du territoire monégasque », le Tribunal Suprême considère que cet article ne peut être utilement invoqué pour soutenir qu'une procédure de refoulement serait intervenue à la suite d'une procédure irrégulière (TS 5 décembre 2006 Sieur R.W.) ;

Attendu que les articles 5 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les protocoles additionnels à cette convention sont sans rapport aucun avec la motivation des décisions de refoulement ;

Attendu que le Ministre d'État soutient ensuite que, en ce qui concerne le Protocole n° 7, relatif notamment aux garanties procédurales en cas d'expulsion d'étrangers, le requérant n'est pas recevable à s'en prévaloir dès lors qu'il n'est point résident à Monaco, d'où il n'a pas été expulsé mais simplement refoulé, et ce dans l'intérêt de l'ordre public exception expressément prévue par l'article 1er du Protocole n° 7 ; que le grief pris de l'absence de motivation de la décision attaquée est donc voué à l'échec ;

Attendu poursuit le Ministre d'État qu'il en est de même du grief tiré du retard dans la notification de la décision attaquée dès lors que le défaut de notification n'affecte que l'opposabilité de la décision à son destinataire et que le délai de recours ne court qu'à compter du jour de la notification ;

Attendu que M. TR. n'a nullement été « empêché » de saisir la juridiction compétente en violation des dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, dont le Tribunal Suprême au demeurant considère qu'elles sont inapplicables aux mesures de police administrative ;

Attendu qu'il ne peut être fait grief de l'absence de mention des voies de recours dans la notification, qui n'a nullement privé le requérant de son droit à un recours effectif, comme en témoigne sa saisine du Tribunal Suprême ;

Attendu, sur la légalité interne, ajoute le Ministre d'État, qu'à date où elle a été prise, la mesure de refoulement attaquée était justifiée par l'intérêt public au regard des 147 délits d'abus de confiance et de détournement de fonds ayant entraîné la condamnation de M. TR. à cinq années d'emprisonnement ; qu'au demeurant, on ne voit pas en quoi le refoulement porterait une atteinte illégale à son droit à une vie privée, et ce d'autant moins, qu'il vit en Grande-Bretagne ;

Attendu souligne le Ministre d'État que le requérant n'indique aucun fondement juridique au « droit à l'oubli » qu'il invoque, étant rappelé que la mesure de refoulement attaquée date du 9 octobre 2003 ;

Attendu enfin que le Tribunal Suprême est incompétent à connaître de la procédure de réhabilitation judicaire instituée par les articles 637 et suivants du Code de procédure pénale, sa compétence juridictionnelle étant strictement fixée par l'article 90 de la Constitution ;

Attendu qu'en conséquence le Ministre d'État conclut au rejet de la requête.

Vu le mémoire en réplique enregistré le 24 mars 2015 au Greffe General, dans lequel M. TR. conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens y ajoutant que l'obligation de motivation des décisions administratives fut dans un premier temps d'origine jurisprudentielle avant de devenir une obligation légale ; que d'ailleurs le rejet le 29 octobre 2014 du recours gracieux formé à l'encontre de la mesure de refoulement ne fait que reprendre la motivation vague et imprécise de la mesure de refoulement attaquée ;

Attendu que les conditions de la notification et de l'information du refoulé diligentées par l'État monégasque sont excessivement longues et contraires au droit européen, soit plus de 10 ans, ce qui est constitutif d'une atteinte à la légalité de la décision, contrairement aux assertions du Ministre d'État ;

Attendu que M. TR. soutient que la décision lui a été notifiée postérieurement à l'entrée en application sur le territoire de Monaco de la Convention européenne des droits de l'homme ; que l'absence de mention relative aux voies de recours constitue une atteinte au droit à un recours effectif et au droit de la défense, garantis par l'article 6.3 ;

Attendu que le requérant ajoute, sur la légalité interne, que la décision de rejet du recours gracieux le 29 octobre 2014 est motivée dans les mêmes termes que la mesure de refoulement alors qu'à cette date l'allégation selon laquelle sa présence serait un trouble à l'ordre public monégasque est devenue totalement inopérante ; que le Ministre d'État aurait dû apprécier in concreto la nouvelle situation de M. TR. lequel ne représente plus aucun danger pour n'avoir plus fait l'objet d'une condamnation pénale depuis plus de dix ans, tout en maintenant des liens étroits avec le territoire monégasque sans porter atteinte à l'ordre public ; que dès lors la décision prise est disproportionnée et qu'il y a lieu de l'annuler.

Vu le mémoire en duplique enregistré au Greffe Général le 24 avril 2015 par lequel le Ministre d'État persiste en tous ses moyens et conclusions de rejet de la requête y ajoutant, sur la légalité externe, que le requérant fait une lecture erronée de la jurisprudence « BA. » du Tribunal Suprême laquelle, après avoir expressément relevé qu'en l'absence de texte, une mesure de refoulement n'avait pas à être motivée, a rappelé qu'il lui appartenait néanmoins de contrôler l'exactitude et la légalité des motifs, tels qu'ils sont « donnés par le Ministre comme étant ceux de sa décision » ; qu'ainsi, aucune obligation jurisprudentielle de motivation antérieure à l'obligation légale résultant de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 ne peut être invoquée ;

Attendu que le Ministre d'État souligne en tout état de cause que la prétendue insuffisance de motivation de sa décision de rejet du 29 octobre 2014 du recours gracieux présenté par M. TR. est sans incidence sur la légalité de la mesure de refoulement du 9 octobre 2003, seule contestée dans le cadre de la présente requête ;

Attendu qu'en second lieu la légalité d'une décision administrative individuelle n'est pas affectée par les conditions de sa notification pour n'avoir d'effet que sur le point de départ du délai de recours contentieux ; qu'en troisième lieu l'absence d'indication des délais et voies de recours, lors de la notification de la décision querellée n'empêche nullement son destinataire de former un recours pour excès de pouvoir, comme l'a d'ailleurs fait M. TR. ;

Attendu enfin, sur la légalité interne, que la requête étant exclusivement dirigée contre la décision de refoulement du 9 octobre 2003, sa légalité ne peut s'apprécier qu'au regard des circonstances de droit et de fait existant à la date à laquelle elle a été prise ; que justifiée par les 147 délits d'abus de confiance et de détournement de fonds ayant entraîné sa condamnation à cinq ans d'emprisonnement, elle n'est nullement disproportionnée ;

Que dès lors le Ministre d'État conclut de plus fort au rejet de la requête.

SUR CE,

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution et notamment ses articles 22 et 90-B ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, relative à l'organisation et au fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu le Pacte International relatif aux droits civils et politiques rendu exécutoire en Principauté par Ordonnance n° 13330 du 12 décembre 1998 ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée le 4 novembre 1950, notamment ses articles 5, 6 et 8, ensemble ses protocoles additionnels rendus exécutoires par les Ordonnances Souveraines n° 408 et 411 du 15 février 2006 ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans la Principauté ;

Vu les articles 637 et suivants du Code de procédure pénale ;

Vu l'Ordonnance du 5 janvier 2015 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné M. Frédéric ROUVILLOIS, Membre suppléant, comme rapporteur ;

Vu l'Ordonnance du 20 août 2015 par laquelle le Président du Tribunal Suprême, rapportant l'Ordonnance du 5 janvier 2015, a désigné M. José SAVOYE, membre titulaire, comme rapporteur ;

Vu le procès-verbal de clôture de la procédure en date du 15 mai 2015 ;

Vu l'Ordonnance du 25 septembre 2015 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 20 novembre 2015 ;

Ouï M. José SAVOYE, membre titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï le Procureur Général en ses conclusions ;

Ouï Maître Massimo LOMBARDI, avocat au barreau de Nice pour M. s. TR. ;

Ouï Maître Jacques MOLINIE, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France pour le Ministre d'État.

APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ

Sur les conclusions aux fins d'annulation

Considérant que M. TR., sujet britannique, demeurant en Grande-Bretagne, demande l'annulation de la mesure de refoulement n°03-81 prise par le Ministre d'État le 9 octobre 2003 et notifiée le 2 juillet 2014 ;

Considérant que la légalité d'une décision administrative s'apprécie à la date de son édiction ; que la requête est exclusivement dirigée contre la décision du 9 octobre 2003, et non contre le refus opposé le 29 octobre 2014 à la demande de réexamen de celle-ci ;

Considérant qu'au 9 octobre 2003 il n'existait aucune obligation légale de motiver les mesures de police administrative à caractère individuel ; que toutefois il appartient au Tribunal Suprême de contrôler l'exactitude et le bien-fondé des motifs donnés par le Ministre d'État comme étant ceux de sa décision ;

Considérant qu'en estimant que la présence M. TR. sur le territoire monégasque était de nature à compromettre la tranquillité ou la sécurité publique ou privée en raison des faits pour lesquels il a été condamné à cinq ans d'emprisonnement par arrêt de la Cour d'appel de Monaco du 31 mars 2003 devenu définitif, le Ministre d'État n'a entaché sa décision ni d'inexactitude matérielle ni d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que la tardiveté de la notification de celle-ci, comme l'absence d'indication des voies et délais de recours, sont sans incidence sur la légalité de la mesure de refoulement prise ;

Considérant que l'article 13 de l'Ordonnance Souveraine n° 13.330 du 12 février 1998 rendant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, exécutoire à Monaco, précise qu'il « ne saurait porter atteinte aux textes en vigueur relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers en Principauté, non plus qu'à ceux relatifs à l'expulsion des étrangers du territoire monégasque » ; qu'à la date de la décision attaquée, la Principauté de Monaco, n'avait pas encore adhéré à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, ne peut être utilement invoquée la méconnaissance de ces conventions internationales ;

Sur les conclusions aux fins de réhabilitation

Considérant que la demande de réhabilitation fondée sur l'article 637 du Code de procédure pénale relève de la juridiction judiciaire ; qu'ainsi la demande ne peut qu'être rejetée.

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Les dépens sont mis à la charge de M. TR..

Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

Composition

Ainsi jugé et délibéré par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Didier LINOTTE, chevalier de l'Ordre de Saint Charles, Président, Jean-Michel LEMOYNE DE FORGES, officier de l'Ordre de Saint Charles, Vice-président, José SAVOYE, chevalier de l'Ordre de Saint Charles, rapporteur, Didier RIBES, membres titulaires, Madame Magali INGALL-MONTAGNIER, chevalier de l'Ordre de Saint Charles, membre suppléant,

et prononcé le trois décembre deux mille quinze en présence de Mademoiselle Cyrille COLLE, substitut du Procureur général, par Monsieur Didier LINOTTE, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, Président assisté de Madame Béatrice BARDY, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, Greffier en chef.

Le Greffier en Chef, le Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : TS/2015-04
Date de la décision : 03/12/2015

Analyses

Public - Général  - Police administrative  - Droit des étrangers  - International - Général.

CompétenceContentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel.


Parties
Demandeurs : s. TR.
Défendeurs : État de Monaco

Références :

loi n° 1.312 du 29 juin 2006
Code de procédure pénale
Ordonnance n° 13330 du 12 décembre 1998
article 90 de la Constitution
article 22 de la Constitution
Ordonnance du 20 août 2015
article 637 du Code de procédure pénale
Code de procédure pénale, article 637 -
Ordonnance du 25 septembre 2015
article 13 de l'Ordonnance Souveraine n° 13.330 du 12 février 1998
article 22 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964
Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963
Ordonnance du 5 janvier 2015
article 23 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964
Vu la Constitution
Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2015-12-03;ts.2015.04 ?

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