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28/01/2014 | ROUMANIE | N°250/1CC/2014

Roumanie | Roumanie, Haute cour de cassation et de justice, 1re chambre civile, 28 janvier 2014, 250/1CC/2014


LA HAUTE COUR DE CASSATION ET JUSTICE

1e SECTION CIVILE

Est examiné le recours du réclamant A.D.B.C. et des intervenants A.V., A.M. et A.C.M. contre la décision n° 93 A du 02 avril 2013 de la Cour d’Appel de Bucarest, IIIe section civile et pour les causes impliquant mineurs et famille.

A l’appel nominal est présent le requérant A.D.B.C. par son avocat, la requérante intervenante

A.V. personnellement et comme représentant conventionnel des requérants intervenants

A.M. et A.C.M. l’intimé-accusé Service de Renseignements Extérieurs, par son co

nseiller juridique, et l’intimé-accusé Etat roumain, par le Ministère des Finances Publiques, r...

LA HAUTE COUR DE CASSATION ET JUSTICE

1e SECTION CIVILE

Est examiné le recours du réclamant A.D.B.C. et des intervenants A.V., A.M. et A.C.M. contre la décision n° 93 A du 02 avril 2013 de la Cour d’Appel de Bucarest, IIIe section civile et pour les causes impliquant mineurs et famille.

A l’appel nominal est présent le requérant A.D.B.C. par son avocat, la requérante intervenante

A.V. personnellement et comme représentant conventionnel des requérants intervenants

A.M. et A.C.M. l’intimé-accusé Service de Renseignements Extérieurs, par son conseiller juridique, et l’intimé-accusé Etat roumain, par le Ministère des Finances Publiques, représenté par son conseiller juridique, en l’absence de l’intimée-accusée Municipalité de Bucarest, par le maire général.

Procédure de citation légalement remplie.

Le magistrat assistant présente le compte-rendu de la cause et indique que, à la date du 20.08.2013, l’intimé accusé S.I.E. avait déposé une plainte, communiquée aux autres parties et invoquant l’exception de nullité du recours. Il fait aussi référence au fait que le 22.01.2014, le requérant-réclamant A.D.B.C. avait déposé des conclusions par écrit. Il fait aussi référence au fait que la demande de pourvoi comporte une seule signature, indéchiffrable.

L’avocat M.A. précise que la signature sur la demande de pourvoi lui appartient, étant apposée pour le requérant-réclamant A.D.B.C., sa collègue, Maître A.V., déléguée pour représenter les requérants-intervenants A.M. et A.C.M. se trouvant dans la salle.

La Haute Cour, ayant vérifié la délégation d’avocat, exige que la requérante A.V. signe sa demande de recours, ce que celle-ci fait.

La Haute Cour constate que l’irrégularité processuelle de non-signature du recours par les délégations d’avocat et par le mandataire conventionnel a été corrigée. Elle soumet au débat des parties l’exception de nullité du recours, invoquée par l’intimé- accusé S.I.E. dans son mémoire.

Le conseiller juridique B.C., ayant la parole pour l’intimé-accusé S.I.E., soutient l’exception de nullité du recours indiquant que ne sont pas invoquées des raisons d’illégalité et que les critiques formulées ne sauraient être rattachées aux dispositions de l’art. 304 du Code de procédure civile.

Maître M.A., au nom du requérant-réclamant, demande le rejet de l’exception de nullité, comme infondée, les critiques formulées pouvant s’inscrire à l’art. 304 pt. 9 du Code de procédure civile.

Maître A.V. accepte les conclusions posées par le défenseur du requérant-réclamant. Le conseiller juridique G.P., au nom de l’Etat roumain, par son ministère de finances publiques, pose des conclusions admettant l’exception et constatant la nullité du recours.

Ne constatant pas l’existence d’autres questions préalables à débattre, la Haute Cour accorde la parole pour les conclusions sur le recours, l’instance devant se prononcer tant sur l’exception invoquée, que sur le fonds du recours.

Me M.A., ayant la parole pour le requérant-réclamant, demande l’admission du recours tel qu’il a été formulé, la modification de la décision de l’instance d’appel, au sens du renvoi de l’appel et, principalement, le changement intégral de la sentence du tribunal, et sur le fond, d’admettre l’action et subsidiairement, de casser la sentence avec renvoi pour un nouveau jugement, l’instance ayant aussi réglé la cause à partir d’exceptions, afin de régler sur le fonds les chefs d’accusation jugés comme exceptions. Il dit soutenir les critiques largement formulées dans la demande de pourvoi, les conclusions écrites, figurant au dossier, devant être aussi prises en compte. Il ne réclame pas de frais de justice.

Me A.V. approuve les conclusions posées par le défenseur du requérant-réclamant.

Le conseiller juridique B.C., ayant la parole pour l’intimé-accusé S.I.E., demande principalement que l’on constate la nullité du recours. Il demande, sur le fonds, le rejet du recours pour les raisons largement exposées dans le mémoire, qu’il soutient brièvement. Il estime que l’instance d’appel avait correctement interprété et appliqué les dispositions légales incidentes et qu’elle avait largement exposé ses considérations.

Le conseiller juridique G.P., au nom de l’Etat roumain par le Ministère des finances publiques, pose des conclusions de rejet du recours et de la décision de l’instance d’appel, comme légale et solide.

LA HAUTE COUR,

Vue la présente cause, constate ce qui suit :

Par la demande enregistrée au Tribunal de Bucarest le 29 janvier 2009, le réclamant A.D.B.C., a appelé en justice les accusés S.I.E., Municipalité de Bucarest par le Maire général et Etat roumain par le Ministère de l’Economie et des finances, demandant de les obliger, par la décision qui sera prise, de lui laisser l’entière propriété et possession du bien immeuble situé à Bucarest, Rue B. n° 33, bien immeuble d’une superficie de 1501 m.c. et de l’édifice qui y est bâti.

En motivant son action, fondée en droit sur les dispositions de l’art. 480 du Code civil et de l’art. 1 du Protocole n°1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, le réclamant indiquait qu’il était propriétaire d’un terrain d’une superficie de 1501 m.c., dont 783 m.c. construits, en qualité d’héritier de son auteur, qui avait acquis l’immeuble par le contrat d’achat-vente authentifié au n°40755 du 30 décembre 1941 au Tribunal d’Ilfov, section notariale. Le réclamant a aussi soutenu que son titre de propriété était plus ancien et préférable au titre de l’Etat, qui émanait, lui, d’un non dominus, exerçant une possession illégitime.

Par la demande d’intervention dans son propre intérêt, enregistrée le 9 mars 2009 et admise en principe au terme de jugement du 11 mai 2009, A.V., A.C.M., et A.M. ont appelé en justice les accusés Service d’Informations Extérieures, Municipalité de Bucarest par le maire général et Etat roumain par le Ministère des finances, en demandant donc, suite à la revendication par comparaison des titres, d’obliger les accusés à laisser la pleine propriété et possession de l’immeuble aux intervenants et au réclamant.

Dans la motivation de la demande d’intervention, ils ont indiqué qu’ils étaient les héritiers de l’auteur A.M., tout comme le réclamant A.D.B.C., en vertu des certificats d’héritiers et des documents d’Etat civil annexé, ce qui justifie leur intérêt.

Par la conclusion du 1er mars 2010, le tribunal a rejeté l’exception d’inadmissibilité de l’action invoquée par l’accusé Service d’Informations Extérieures et a rattaché l’exception de prescription acquisitive au fond de l’affaire.

L’accusé Etat roumain par le Ministère des finances publiques a invoqué les exceptions d’absence de timbre et l’inadmissibilité de l’action, par rapport à la base de droit invoquée, respectivement l’art. 480 du Code civil.

Pour ce qui est de la restitution du terrain d’une superficie de 1501 m.c., le même accusé a invoqué l’exception de manque de qualité processuelle passive de l’Etat roumain par le Ministère des finances publiques.

Par la demande ajoutée au terme de jugement du 15 octobre 2010, le réclamant a demandé d’ obliger l’accusé Etat roumain par le Ministère des finances publiques au paiement de la valeur de l’immeuble.

Au terme du 11 février 2011, le tribunal a rejeté les exceptions de manque de timbre sur la demande et l’inadmissibilité de l’action invoquée par l’Etat roumain par son Ministère des finances publiques, comme infondées, et il a rattaché l’exception d’absence de qualité processuelle passive de l’accusée Municipalité de Bucarest par le maire général.

Au terme du 9 décembre 2011, le tribunal a rattaché au fond l’exception de manque de qualité processuelle passive de l’Etat roumain par le Ministère des finances publiques.

Par sa sentence civile n°2072 du 16 novembre 2012, le Tribunal de Bucarest, Ve section civile a admis l’exception d’absence de qualité processuelle passive des accusés Municipalité de Bucarest par le maire général et Etat roumain par le Ministère des finances publiques et a rejeté le grief formulé par le réclamant A.D.B.C., dont l’objet est une revendication en nature, ayant pour contradicteur les accusés Municipalité de Bucarest par le maire général et Etat roumain par le ministère des finances publiques, ce grief étant promu contre une personne dépourvue de qualité processuelle.

Fut rejeté le grief de revendication en nature formulé par le réclamant Antonescu D.B.C., en contradicteur de l’accusé S.I.E., comme étant infondé.

Fut rejeté le grief concernant le paiement de la valeur en espèces de l’immeuble, en contradicteur de l’accusé Etat roumain par le Ministère des finances publiques, comme étant inadmissible.

Fut rejetée la demande d’intervention dans son propre intérêt formulée par les intervenants A.V., A.M. et A.C.M. en contradicteurs des accusés Municipalité de Bucarest par le maire général et Etat roumain par le Ministère des finances publiques, comme étant promue contre des personnes dépourvues de qualité processuelle et fut aussi rejetée la demande d’intervention dans son propre intérêt, formulée par les mêmes intervenants en contradicteurs de l’accusé S.I.E., comme infondée.

Pour rendre cette sentence, le tribunal a retenu que, par le contrat d’achat-vente authentifié au n° 40755 du 20 décembre 1941, le nommé M.A.A. a acquis droit de propriété sur l’immeuble situé à Bucarest, Rue B., n° 33, immeuble grevé des charges suivantes : une hypothèque de Ier rang en garantie de la créance de 1.000.000 francs français envers C.G., la poursuite générale des revenus, instituée par les huissiers du tribunal de l’Ilfov par procès verbal à partir de la date du 13 octobre 1931, l’expropriation partielle tant du bâtiment que du terrain, si la Municipalité de Bucarest ne renonçait pas au nouvel alignement de la rue B.

Même si le réclamant, aussi bien que l’accusé Service roumain d’Informations Extérieures ont soutenu que ces charges avaient été radiées, le juge de l’instance de fond a exprimé des doutes sur la situation.

En ce qui concerne la première charge mentionnée dans le contrat, le tribunal a retenu que les affirmations des parties ne correspondaient pas aux écritures du dossier car, bien que, selon l’extrait délivré par les Archives Nationales « l’hypothèque instituée en faveur du nommé C.G. pour l’immeuble de la rue B. au n° 33 contre le débiteur M. de L. avait été radiée conformément au Journal n° 24247 du 29 décembre 1941, ces mentions ont été jugées comme non concluantes, avec la remarque que l’extrait datait du 2 avril 1931.

D’autre part, dans ce texte écrit il est question de la radiation d’une hypothèque contre un autre débiteur que l’acheteur du contrat d’achat-vente authentifié au n° 40755 du 20 décembre 1941, respectivement M.A.A. Il a également été retenu que l’identification de l’objet du contrat n’était pas claire, puisque l’on ne mentionnait pas l’étendue du terrain, ce qui rendait opérante la simple présomption du fait que la radiation mentionnée par le journal n° 24247 du 29 décembre 1941, opérée à l’égard du vendeur de l’acte d’achat-vente visait une autre superficie de cet immeuble. D’autant plus que par le contrat d’achat –vente mentionné, l’acheteur M.A.A. avait aussi repris les charges de l’immeuble, la radiation de l’une d’entre elles devant être opérée à l’égard de l’actuel débiteur.

Les mêmes considérations ont été retenues par le tribunal concernant la deuxième charge, mentionnée dans le contrat d’achat-vente, celle instituée en faveur de l’Etat, en indiquant la réserve concernant la date de l’extrait mis à disposition du réclamant par les Archives Nationales, respectivement l’année 1940, le 3 décembre, bien que le document d’achatvente indiquait, pour le titre d’origine, la date de 1941. L’instance a donc statué du caractère douteux de cette radiation au bénéfice de M.A.A.

Le tribunal a encore constaté que par Décision des Usines Communales de Bucarest, le 2 avril 1942, sur le terrain et la construction en propriété de A.M., fut expropriée une superficie nécessaire aux travaux d’alignement des rues, que l’ont était revenu sur cette décision le 19 avril 1943, pour indiquer à cette occasion concrètement que la superficie expropriée concernait 196,88 m.c. de terrain, une construction d’une superficie de 9,70 m.c. et d’une hauteur de 14,50 m. La valeur des dédommagements a été établie de commun accord avec l’exproprié A.M.

Pour ce qui est de l’auteur premier du réclamant, l’instance a retenu que par la sentence pénale n° 17 du 17 mai 1946, rendue par le Tribunal du Peuple de Bucarest, A.M. avait été condamné pour « crimes concernant le désastre du pays et crimes de guerre », faits sanctionnés, par la Loi n° 312/1945, de la peine de mort, de la confiscation de tous les biens figurant à son patrimoine et ayant quitté son patrimoine après la date du 23 août 1944, ainsi que de la confiscation des biens et droits appartenant à son épouse et à ses descendants, biens et droits acquis après la date du 6 septembre 1940.

L’on constate ainsi qu’une partie de la fortune de l’auteur A.M. avait été expropriée pour cause d’utilité publique, la mesure étant accompagnée de dédommagements et qu’une autre partie avait été confisquée par la décision pénale mentionnée.

A partir de 1950, l’immeuble en litige a été utilisé et administré par l’Etat pour y loger différentes institutions et, c’est par le Décret n° 409 du 23 septembre 1955, que la première mention est faite de l’existence du droit de propriété en faveur de l’Etat.

Conformément aux relations communiquées par la Municipalité de Bucarest, le premier enregistrement cadastral date de 1986, lorsque figure comme possesseur de parcelle le Ministère des Affaires Etrangères, pour une superficie de 1501 m.c. de terrain et 783 m.c. de construction, propriété de l’Etat, la nature juridique du droit de propriété exercé par l’accusé S.I.E., à savoir celui de propriété publique, étant éclaircie par les dispositions de la Loi n° 366/2002.

Vu la nature de la condamnation de l’auteur du réclamant et des intervenants, furent rejetées tant la notification qu’ils ont formulée, que la contestation fondée sur les dispositions de la Loi n° 10/2001, par la sentence civile n°384 du 19 avril 2005, rendue par le Tribunal de Bucarest, en retenant que nulle confiscation de fortune faite en vertu de la Loi n° 312/1945 ne saurait faire l’objet de réparations par la Loi n° 10/2001. La décision juridique mentionnée bénéficie de la force de la chose jugée, les considérations qui y ont présidé ne pouvant plus être discutées par une autre instance.

La sentence pénale n°339 du 30 décembre 2018, rendue par la Cour d’appel de Bucarest a rejeté la demande formulée par le réclamant et l’intervenant A.C.M., portant sur la réhabilitation judiciaire du défunt A.M., la décision étant maintenue, suite au rejet du recours par la décision civile n° 1922 du 25 mai 2009, rendue par la Haute Cour de Cassation et Justice.

Il a encore été retenu que, selon le rapport d’expertise technique immobilière rédigé pour l’affaire, la superficie de terrain de l’immeuble mesure actuellement 644 m.c., question sur laquelle aucune des parties n’a soulevé d’objection.

Le Tribunal a rejeté le grief concernant la revendication en nature de l’immeuble, grief formulé en contradictoire avec les accusés Municipalité de Bucarest par le maire général et Etat roumain par le Ministère de l’économie et des finances, comme étant promu contre deux personnes dépourvues de qualité processuelle, vu que ces accusés n’exercent pas la possession de l’immeuble mis en évidence dans le patrimoine de l’accusé S.I.E.

La demande complémentaire, formulée par le réclamant au terme du 15 octobre 2010, où il demandait, en vertu de l’art. 480 du Code civil et de l’art. 1 du Protocole 1 de la CEDH, d’obliger l’accusé Etat roumain par le Ministère de l’économie et des finances à payer la contrevaleur de l’immeuble dont la restitution est impossible en nature, a été rejetée comme inadmissible par rapport aux considérations de la décision n° 27/2011 rendue par la Haute Cour de Cassation et Justice lors du recours dans l’intérêt de la loi.

L’on a en même temps estimé que, par rapport à l’hypothèse concrète du litige, vu que le réclamant s’était déjà prévalu des dispositions de la Loi n° 10/2001, il ne pouvait plus solliciter, par la voie du droit commun, d’obliger l’accusé Etat roumain par le Ministère de l’économie et des finances au paiement de la contrevaleur de l’immeuble, puisque la procédure administrative et judiciaire effectuée en vertu de la Loi n° 10/2001 statuait déjà que ce bien immeuble n’était pas circonscrit au domaine d’application de la loi spéciale.

Retenant que le réclamant n’avait prouvé ni l’étendue du droit de propriété, ni son existence au patrimoine du défunt A.M. au moment du décès, en 1946, le tribunal a jugé qu’il ne s’imposait pas de comparer les titres des parties, ni d’analyser la défense du fond, invoquée par la voie de l’exception de la prescription acquisitive par l’accusé S.I.E.

C’est pour l’identité de raisons, d’objet et de cause avec la solution rendue concernant l’action principale, qu’il a aussi été argumenté concernant la demande d’intervention principale.

Contre la sentence mentionnée se sont pourvus en appel le réclamant A.D.B.C. et les intervenants A.V., A.M. et A.C.M., la critiquant comme illégale et infondée. Le réclamant a critiqué le refus de comparer les droits des auteurs dont proviennent les titres de propriété et de constater que le leur serait préférable, comme plus ancien, authentique, invincible et imprescriptible, par rapport au titre de l’accusé, qui émanerait d’un non dominus, ayant exercé une possession illégitime.

Les appelants intervenants n’ont pas motivé leur pourvoi en appel, ce qui fait que, vue l’identité du droit et des intérêts de ces parties avec celles du réclamant, la Cour d’appel a analysé leur appel en appliquant les dispositions de l’art. 292 al.1 du Code de procédure civile, mais aussi compte tenu des affirmations contenues dans la motivation de l’appel principal.

Par la décision civile n°93 A du 2 avril 2013, la Cour d’appel de Bucarest, IIIe section civile et pour les causes impliquant mineurs et famille, a rejeté comme infondés les appels déclarés par le réclamant et les intervenants, retenant en essence qu’il ne s’imposait pas d’étudier l’action en revendication par la comparaison des titres puisque, des probatoires administrés, il résultait que le droit de propriété sur l’immeuble revendiqué avait quitté le patrimoine de l’auteur M.A. avant l’ouverture de la succession de ce dernier, qui avait lieu le 1er juin 1946, par la voie de l’expropriation pour utilité publique de la superficie de 196,88 m.c. de terrain et de la construction de 9,70 m.c. et suite à la confiscation, en guise de peine complémentaire de la peine de mort, par la sentence pénale n° 17 du 17 mai 1946 rendue par le Tribunal du Peuple, en ce qui concerne le restant des propriétés.

La Cour d’appel de Bucarest a remplacé la partie des considérations de la première instance, en vertu de laquelle, compte tenu de l’existence de plusieurs charges pesant sur l’immeuble revendiqué, le juge du fond a exprimé des réserves concernant le droit de propriété invoqué par le réclamant.

Il a été constaté en ce sens que les probatoires administrés ont confirmé l’appartenance ininterrompue du droit de propriété sur l’immeuble de la rue B. n° 33, à commencer par la date de son acquisition par achat, au patrimoine du nommé M.A.A., ainsi que le fait que sa reprise (du patrimoine de l’acheteur) partiellement par voie de l’expropriation pour raisons d’utilité publique et partiellement, suite à la confiscation, comme peine complémentaire, appliquée à l’auteur des appelants par la sentence pénale n° 17 du 17 mai 1946 du Tribunal du Peuple, en vertu des dispositions de la Loi n° 312/1945.

Il a été constaté en même temps que l’immeuble en litige n’entrait pas dans la sphère d’application de la Loi n° 10/2001, vu que l’auteur des appelants avait été accusé et condamné par la sentence mentionnée pour des actes ne pouvant être jugés comme étant une manifestation de son opposition au régime totalitaire communiste, comme le précise l’art. 2 al. 1 lettre b), mais pour ses actes et pour les conséquences politiques de la participation de la Roumanie à la Deuxième guerre mondiale aux côtés de l’Allemagne nazie.

La Cour d’appel a retenu que, par la sentence civile n° 384 du 19 avril 2005 du Tribunal de Bucarest, définitive et irrévocable, rejetant la contestation des intervenants contre la décision n° 21958 du 31 octobre 2003 du S.I.E., il avait été statué, avec la force de la chose jugée, que la situation de l’immeuble en litige n’était pas réglementée par la Loi n°10/2001, ceci étant la raison du rejet des notifications formulées en vertu de la loi spéciale.

La conséquence directe de cette solution est l’admissibilité de l’action en revendication promue par le réclamant et les intervenants, et le jugement de l’affaire dans les conditions du droit commun et non par l’application des prévisions de la Loi n° 10/2001 ou des raisonnements et critères qui sont à la base de la décision n° 33/2008 rendue par la Haute Cour de Cassation et Justice dans le recours dans l’intérêt de la loi.

Or, en appliquant le droit commun, l’instance d’appel a constaté que le droit de propriété sur l’immeuble de la rue B., n°33, 2e secteur de Bucarest, avait cessé d’exister au patrimoine de l’auteur des appelants, suite à son expropriation partielle et, pour ce qui est du restant de la propriété, suite à la confiscation disposée par la décision pénale mentionnée.

La Cour a retenu que les deux prises en possession, qui ont conduit à la cessation du droit de propriété sur l’immeuble en litige du patrimoine de M.A.A., avaient eu une base légitime, par rapport à la législation en vigueur au moment des confiscations.

L’instance d’appel a donc estimé que la solution de rejet comme infondée de la demande principale et celle d’intervention dans le propre intérêt étaient correctes et légales.

Contre la décision mentionnée se sont pourvus en recours le réclamant A.D.B.C., A.C.M. et A.M., la critiquant comme illégale pour la raison prévue à l’art. 304 pt. 9 du Code de procédure civile.

Développant les motifs de recours, les requérants ont soutenu que l’acte de confiscation abusive n’avait jamais eu d’effet légaux, étant uniquement une justification des abus de l’Etat communiste, ce qui fait que, selon l’art. 1 du Protocole n° 1 additionnel du Conseil de l’Europe des Droits de l’Homme, corroboré à l’art. 480 du Code civil, ils ont justifié leur qualité de propriétaires de l’immeuble de la rue B. n° 33.

Les requérants ont souligné que le titre de propriété de leur auteur était plus ancien, préférable et imprescriptible, ce qui fait qu’il ne se soit pas éteint par le non usage.

L’intimé accusé S.I.E. a formulé un mémoire, demandant le rejet du recours déclaré par le réclamant et les intervenants, comme infondé.

Il a, en même temps, été soutenu par l’intimé que le développement des raisons de recours ne respectait pas les conditions du fond, imposées par l’art. 304 du Code de procédure civile, puisqu’elles reproduisaient ad litteram les raisons de l’appel, sans la moindre argumentation des critiques par les faits et par le droit, de manière à relever l’illégalité de la décision attaquée.

Dans la phase processuelle du recours, nulle nouvelle preuve n’a été apportée. En examinant de façon prioritaire l’exception de nullité du recours, invoquée par l’accusé intimé SIE, conformément aux dispositions de l’art. 137 du Code de procédure civile, la Cour constatera que celle-ci était infondée et devait être rejetée. Conformément aux dispositions de l’art. 306, al. ultime du Code de procédure civile, il sera constaté qu’il était possible de situer les critiques apportées par les requérants à la décision de l’instance d’appel dans le cadre du motif d’illégalité prévu par l’art.304 pt. 9 du Code de procédure civile, ces critiques étant partiellement circonscrites à ce motif.

Examinant les critiques formulées dans les motifs de recours, la Cour constatera que, même sommairement exposées, ces critiques visaient l’illégalité du refus de comparer les titres de propriété des parties, et le fait de ne pas avoir constaté le caractère préférable du titre du réclamant et des intervenants.

La Cour retiendra que l’instance d’appel avait correctement établi que le droit de propriété sur l’immeuble de Bucarest, rue B. n°33, était sorti du patrimoine de l’auteur commun du réclamant et des intervenants, M.A.A., par des modalités prévues dans la législation en vigueur au moment des prises en possession et non pas de manière abusive, comme il est affirmé dans les motifs de recours.

Ainsi, le premier prélèvement a-t-il été réalisé par la voie de l’expropriation à des fins d’utilité publique, en vertu de la Décision n°2834 du 19 avril 1943, avec l’accord de l’ancien propriétaire M.A.A. concernant la fixation et le paiement des dédommagements, effectivement versés par le propriétaire - la Mairie de la ville de Bucarest.

Le deuxième prélèvement fut l’effet de la condamnation à la peine complémentaire de confiscation de la fortune, en vertu de la sentence pénale n°17 du 17 mai 1946 du Tribunal du Peuple et, suite à la mise en oeuvre des dispositions de la Loi n° 312/1945, ne pouvant être écarté que par la suppression de la décision de justice respective, dans les voies d’attaque extraordinaires.

Les écritures figurant au dossier ont prouvé que les instances judiciaires avaient définitivement rejeté la demande de réhabilitation en justice du professeur d’université M.A.A. Quant à la suppression de la sentence pénale de condamnation, elle n’a été ni évoquée, ni prouvée.

Les requérants n’ont donc pas justifié leur raison de faire reconnaître et protéger un droit qui ne leur avait pas été légué par voie successorale par leur auteur, puisque ce droit n’existait pas dans son patrimoine, au moment de l’ouverture de la succession, le 1er juin 1946.

Dans ces conditions, les instances du fond et de l’appel ont correctement estimé qu’une recherche sur l’action en revendication par comparaison des titres ne s’imposait pas, aussi longtemps que les probatoires administrés dans la cause avaient mis en évidence que le droit de propriété était sorti du patrimoine de l’auteur de M.A. avant l’ouverture de sa succession, dans le cadre des modalités prévues par la législation en vigueur à ce moment-là.

Dans ce contexte, il a été correctement retenu que les mêmes considérations, qui avaient conduit la première instance à la solution de rejet des demandes de revendication comme infondées, offraient des arguments pour le rejet comme infondée de la demande complémentaire et subsidiaire d’octroi de dédommagements pour l’immeuble en litige.

L’analyse de la critique, concernant la non homologation du rapport d’expertise ayant permis d’identifier l’immeuble et de fixer sa valeur sur le marché, ne s’imposait donc pas, d’autant plus que ce rapport n’était pas circonscrit au motif d’illégalité prévu à l’art. 304 pt.9 du Code de procédure civile, visant la manière de juger les preuves, qui ne sont pas motifs de cassation ni de modification de la décision dans l’actuelle réglementation de l’art. 304 du Code de procédure civile.

Pour toutes ces considérations, la Cour constatera que le recours est infondé et, en vertu de l’art. 312 al. 1 du Code de procédure civile, elle le rejettera.

POUR CES RAISONS

AU NOM DE LA LOI

LA COUR DECIDE

Rejette l’exception de nullité du recours invoquée par l’intimé-accusé S.I.E.

Rejette comme infondé le recours déclaré par le réclamant A.D.B.C. et les intervenants A.V., A.M. et A.C.M. contre la décision n° 93 A du O2 avril 2013 de la Cour d’appel de Bucarest, IIIe section civile et pour des causes impliquant mineurs et famille.

Définitive

Rendue en audience publique, en ce 28 janvier 2014.

Sens de la décision : rejet

Décision attaquée 1
Juridiction : Cour d’Appel de Bucarest
Date de la décision (au format jj/mm/aaaa) : 02.04.2013


Synthèse
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 250/1CC/2014
Date de la décision : 28/01/2014

Analyses

Droit civil. Droits réels. Action en revendication

La prise en possession de biens par l’Etat par l’effet de la condamnation à une peine complémentaire de confiscation de la fortune, en vertu d’une sentence pénale, suite à l’application des dispositions de la Loi n°312/1945, (loi visant les poursuites et sanctions contre les responsables du désastre qui a frappé le pays ou de crimes de guerre) n’est pas une reprise abusive, aussi longtemps que la décision de justice en question n’a pas été supprimée par une voie d’attaque extraordinaire, et que la demande de réhabilitation de la personne condamnée à la peine capitale en vertu du document normatif susmentionné a été rejetée par les instances judiciaires. Ainsi donc, vu que le droit de propriété est sorti du patrimoine de la personne avant l’ouverture de la succession, selon les modalités prévues par la législation en vigueur à ce moment-là, les héritiers ne justifient pas de la reconnaissance et de la protection d’un droit qui ne leur a pas été transmis par voie de succession par leur auteur


Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ro;haute.cour.cassation.justice;arret;2014-01-28;250.1cc.2014 ?
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