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28/06/2011 | FRANCE | N°10/02374

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 28 juin 2011, 10/02374


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 28 JUIN 2011



(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président)

(PH)





N° de rôle : 10/02374









Monsieur [G] [T]

c/



Société Gascogne Laminates venant aux droits de la SA Sopal













Nature de la décision : SUR RENVOI DE CASSATION











No

tifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,









Grosse délivrée le :



à


...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 28 JUIN 2011

(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président)

(PH)

N° de rôle : 10/02374

Monsieur [G] [T]

c/

Société Gascogne Laminates venant aux droits de la SA Sopal

Nature de la décision : SUR RENVOI DE CASSATION

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à

Décision déférée à la Cour : arrêt rendu le 16 décembre 2009 par la Cour de Cassation cassant l'arrêt de la Cour d'Appel de Pau en date du 5 février 2007, suite à un jugement rendu le 28 juin 2005 par le Conseil de Prud'hommes de Dax, suivant déclaration de saisine en date du 12 mars 2010,

DEMANDEUR SUR RENVOI DE CASSATION :

Monsieur [G] [T], demeurant [Adresse 2],

[Localité 3],

Représenté par Maître Anne Proust substituant la SCP Catherine Darrieumerlou-Blanco, avocats au barreau de Pau,

DEFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION :

Société Gascogne Laminates venant aux droits de la SA Sopal, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 1],

Représentée par Maître Nicole Labede, avocat au barreau de Mont de Marsan,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 mai 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le 25 juillet 2001, M. [G] [T] et d'autres salariés de la société Sopal saisissaient le conseil de prud'hommes de Dax aux fins de réclamer des rappels de salaire et des dommages-intérêts en soutenant que leur employeur ne respectait pas l'accord du 23 mars 1982 et ne faisait pas une application correcte de l'accord relatif à la réduction du temps de travail.

L'affaire faisait l'objet d'une radiation et le 6 mai 2004, 113 salariés dont M. [T] formaient une nouvelle saisine, reprenant leurs demandes au titre de la violation de l'accord du 23 mars 1982, et demandant également paiement des heures de grève sur la période du 30 novembre au 17 décembre 2001 ainsi que des dommages-intérêts.

Certains salariés développaient en outre des demandes particulières.

Par jugement en date du 28 juin 2005, le conseil de prud'hommes de Dax statuant sous la présidence du juge départiteur a fait droit à certaines demandes particulières des salariés mais a débouté M. [T] et ses collègues de leurs demandes liées à la non application de l'accord du 23 mars 1982 et de leurs demandes relatives à l'exercice du droit de grève du 30 novembre au 17 décembre 2001.

Sur appel des salariés, la cour d'appel de Pau, par arrêt en date du 5 février 2007, a sursis à statuer sur un certain nombre de points en invitant les parties à fournir d'autres explications mais a débouté M. [T] et les autres salariés de leurs demandes relatives aux paiement des heures de grève.

Sur pourvoi formé par M. [T] et d'autres salariés, la cour de cassation par arrêt en date du 16 décembre 2009, a rejeté le pourvoi sur les autres demandes qui lui étaient soumises mais sur la question du rappel de salaire et des dommages-intérêts pour la période de grève, elle a relevé que la cour d'appel de Pau s'était fondée à tort sur le protocole d'accord de fin de grève qui ne prévoyait pas le paiement des journées non travaillées. Elle a estimé que les salariés avaient été contraints de faire grève du fait des manquements de l'employeur sur l'accord collectif de 2000 et elle a cassé l'arrêt d'appel au motif que c'était à tort que le premier juge avait privé M. [T] et les autres salariés de leur rappel de salaire et des dommages-intérêts sur les jours de grève.

M. [T] ainsi que 80 autres salariés ont saisi la cour d'appel de Bordeaux, cour de renvoi.

La présente procédure a fait l'objet d'une disjonction par mention au dossier d'origine.

Par conclusions déposées le 4 novembre 2010 , développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, il demande que la société anonyme Gascogne Laminates venant aux droits de la société Sopal soit condamnée à lui verser :

- 759,05 euros au titre de rappel de salaire

- 75,90 euros au titre des congés payés afférents

- 1.000,00 euros au titre des dommages-intérêts

- 500,00 euros au titre de l'indemnité du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 9 novembre 2011, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la société Gascogne Laminates venant aux droits de la société Sopal demande que M. [T] soit débouté de l'ensemble de ses réclamations, soutenant que les conditions pour faire droit à ses demandes ne sont pas remplies.

Motifs de la décision

Il est constant que M. [T] a exercé son droit de grève sur la période du 30 novembre au 17 décembre 2001 et qu'il n'a pas été rémunéré sur ces journées non travaillées, le protocole de fin à la grève n'ayant pas prévu que les salariés grévistes perçoivent leur salaire sur cette période.

 La grève ayant pour effet de suspendre l'exécution du contrat de travail, l'employeur n'est pas tenu de payer le salaire pendant la période de cessation du travail  et ce n'est que dans le cas où les salariés se sont trouvés dans une situation contraignante telle qu'ils ont été obligés de cesser le travail pour faire respecter leurs droits essentiels, directement lésés par suite d'un manquement grave et délibéré de l'employeur à ses obligation, que celui-ci peut être condamné à payer aux grévistes une indemnité compensant la perte de leurs salaires.

Si une situation contraignante est caractérisée, elle a pour effet de rendre inopposable au gréviste le protocole d'accord de fin de grève, conclu entre l'employeur et l'ensemble des organisations syndicales représentatives impliquées dans le mouvement collectif, qui stipule le non-paiement des heures de grèves.

Il y a donc lieu de rechercher si en l'espèce, M. [T] comme les autres salariés grévistes de la société Sopal s'est trouvé dans une situation contraignante telle qu'il a été obligé de cesser le travail, cette condition étant indispensable pour lui permettre d'obtenir paiement des salaires et éventuellement de dommages-intérêts sur la période de grève.

Devant la cour d'appel de Bordeaux, cour de renvoi, M. [T] soutient que la situation de contrainte est caractérisée par le refus de l'employeur de respecter le décompte des jours de RTT découlant d'un accord d'entreprise conclu en 2000 en application de la loi du 13 juin 1998 relative à la réduction du temps de travail. M. [T] précise que l'employeur se refusait à ce que la moitié des jours de RTT soient affectés au choix des salariés.

La société Gascogne Laminates, venant aux droits de la société Sopal, quant à elle soutient, sans remettre en cause la position de principe retenue par l'arrêt de la cour de cassation, qu'en l'espèce la situation de contrainte n'est nullement caractérisée, dans la mesure où la violation par l'employeur de ses obligations sur le décompte des jours de RTT n'est pas établie et ne peut être démontrée aucun accord sur la réduction du temps de travail n'ayant été conclu en 2000.

Il ressort des éléments du dossier soumis à l'examen de la cour de renvoi que le mouvement de grève du mois de novembre 2001 a été décidé en raison de sanctions disciplinaires prises contre des salariés et surtout du fait du non respect par l'employeur du comptage des jours de RTT découlant d'un accord d'entreprise conclu en 2000 en application de la loi du 13 juin 1998 sur la régularisation du temps de travail.

Le seul élément produit au dossier pouvant être considéré comme un accord collectif au sens des articles L 2231-1 et suivants du code du travail sur lequel M. [T] appuie sa revendication est le protocole de fin de conflit en date du 18 novembre 2000, par lequel l'employeur s'est engagé à soumettre aux organisations syndicales sous un délai d'un mois un projet d'accord de réduction du temps de travail. Si ce protocole a effectivement été signé par les syndicats représentatifs et l'employeur, il n'est pas établi qu'il ait fait l'objet d'un dépôt auprès de l'administration compétente mais il se déduit des éléments de l'espèce que les parties ont commencé à le mettre en oeuvre.

Le protocole du 18 novembre 2000 prévoit que le passage aux 35 heures fera l'objet d'un accord collectif qui reprendra les points suivants :

- une réduction effective du temps de travail avec le maintien intégral des salaires par revalorisation du taux horaire ;

- une durée de travail hebdomadaire spécifiquement aménagée pour le travail posté ;

- la fixation du nombre de jours de travail effectif sur l'année ;

- les 'jours d'ancienneté conventionnels', seront pris à 50 % à la convenance des salariés et à 50 % soumis à l'autorisation de la direction de la société ;

- la RTT devait s'accompagner d'une embauche de 12 personnes ;

- le projet d'accord RTT sera soumis aux organisations syndicales dans le délai d'un mois.

Si des dispositions précises sur les modalités de prise des jours de RTT

ne figuraient pas dans l'accord, celui ci peut être éclairé par une note d'information en date du 9 novembre 2000 soit neuf jours avant la conclusion du protocole d'accord litigieux, diffusée à l'ensemble du personnel ; la direction de la société affirmait « À ce jour, nous sommes tombés d'accord sur un certain nombre de points : (') La réduction du temps de travail prendrait la forme de JRTT (Jours de congés pour Réduction du Temps de Travail) : 50 % à la convenance du salarié, 50 % à la convenance de l'employeur, sauf accord particulier avec le Chef d'entreprise ('). » Ce document unilatéral et extrinsèque à l'accord d'entreprise litigieux, peut permettre de considérer que les parties avaient souhaité procéder à une réduction du temps de travail au moyen de jours de RTT dont la prise serait pour moitié à la convenance du salarié et pour moitié subordonnée à l'autorisation de l'employeur.

Conformément à cet accord, la société Sopal a soumis à l'ensemble du personnel, le 22 décembre 2000, un accord dit 'd'aménagement et de réduction du temps de travail'.

Ce projet s'appuyait sur la durée légale de 35 heures, déterminait le rythme de travail selon les catégories de salariés et posait le principe que les jours de RTT étaient pris à 50 % des droits à la convenance de l'intéressé et 50 % des droits à la convenance de la direction, le délai réciproque d'information étant de 10 jours calendaires.

Il était organisé le maintien de la rémunération et l'embauche de nouveaux salariés du fait de la réduction du temps de travail.

Un autre projet de protocole, signé par la société et les organisations syndicales CFDT, CGT et CGC, prévoyait de soumettre le projet résumé ci-dessus à un référendum. Il était prévu que si le résultat du référendum s'avérait favorable, employeur et syndicats s'engageaient à signer l'accord.

Le 5 janvier 2001 la question suivante était posée aux salariés :

'Etes vous favorable à l'application au sein de l'établissement Sopal Dax de l'accord définitif sur l'aménagement et la réduction du temps de travail négocié par les partenaires sociaux ''

Les salariés dans leur majorité refusaient l'accord ainsi proposé.

Le 10 janvier 2001, l'employeur diffusait une note d'information à l'ensemble du personnel dans laquelle il faisait un constat d'échec des négociations préalables et qui concluait que la durée du travail restait à 39 heures pour les salariés non postés et 38 heures 50 pour les travailleurs postés, les heures de travail au delà des 35 heures étant majorées de 25 %.

L'employeur n'a pris aucune autre initiative jusqu'au mouvement de grève faisant l'objet de la présente instance.

Or l'employeur reconnait lui même dans ses écritures que le syndicat CGT avait appelé à voter contre le projet d'accord et il verse un tract syndical distribué entre le 22 décembre 2000, jour où l'employeur a rendu public son projet d'accord et le 5 janvier 2001, jour du réferendum, dans lequel la CGT explique les raisons de son refus, à savoir la fixation de certains indices de salaire et le défaut de reformulation des jours de RTT à dispositions des salariés postés en cycles.

Dès lors, en ne reprenant pas les négociations et en restant sur une durée du travail de 39 heures certes avec majoration de salaires, mais par définition, sans aucune RTT, alors qu'il s'était engagé à le faire par accord du 18 novembre 2000, l'employeur a manqué de façon grave et délibérée à ses obligations, créant ainsi pour M. [T] et ses collègues de travail une situation contraignante telle qu'il a été obligé de cesser le travail pour obtenir le respect de ses droits, la saisine du conseil de prud'hommes de Dax au mois de juillet 2002 par de nombreux salariés n'ayant entraîné de la part de l'employeur aucune reprise des négociations.

Le jugement du conseil de prud'hommes de Dax en date du 28 juin 2005 qui avait débouté M. [T] de sa demande de paiement de salaire sur la période de grève du 30 novembre au 17 décembre 2001 sera réformé et la société Gascogne Laminates venant aux droits de la société Sopal sera condamnée à payer à M. [T] :

- 759,05 euros au titre du rappel de salaire

- 75,90 euros au titre des congés payés afférents.

En revanche, M. [T] ne justifie pas de l'existence d'un préjudice matériel et moral particulier qui subsiste après le paiement des salaires.

Il sera débouté de cette demande.

L'équité commande d'allouer à M. [T] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 50 euros.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant sur renvoi de cassation,

' réforme le jugement prononcé le 28 juin 2005 par le conseil de prud'hommes de Dax en ce qu'il avait débouté M. [T] de sa demande de rappel de salaire sur la période de grève du 30 novembre au 17 décembre 2001,

statuant à nouveau :

' condamne la société Gascogne Laminates venant aux droits de la société Sopal à verser à M. [T] :

- 759,05 euros au titre des rappels de salaire

- 75,90 euros au titre des congés payés afférents

' le déboute de sa demande de dommages-intérêts.

' condamne la société Gascogne Laminates venant aux droits de la société Sopal à verser à M. [T] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 50 euros,

' la condamne aux dépens de la procédure d'appel.

Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M. Lacour-Rivière M-P Descard-Mazabraud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 10/02374
Date de la décision : 28/06/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-28;10.02374 ?
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