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01/07/2011 | FRANCE | N°10/06019

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 01 juillet 2011, 10/06019


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 1er JUILLET 2011



(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 10/06019











Monsieur [W] [N]



c/



SARL Orion 24 venant aux droits de la SARL Brico Bergerac













Nature de la décision : AU FOND






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Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :
...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 1er JUILLET 2011

(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 10/06019

Monsieur [W] [N]

c/

SARL Orion 24 venant aux droits de la SARL Brico Bergerac

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 septembre 2010 (R.G. n° F 09/00207) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bergerac, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 13 octobre 2010,

APPELANT :

Monsieur [W] [N], né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 5], de

nationalité Française, demandeur d'emploi, demeurant [Adresse 4],

Représenté par Maître Philippe Lafaye substituant Maître Doriane Dupuy, avocats au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

SARL Orion 24 venant aux droits de la SARL Brico Bergerac, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, '[Adresse 3],

Représentée par Maître David Vayssie, avocat au barreau de Narbonne,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 mai 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

M. [W] [N] a été engagé par la société Brico Loisirs 2000 à [Localité 2], le 10 mai 1982. Cette société a été rachetée par le groupe Albert qui exploite l'enseigne Tridome le 30 janvier 2009.

M. [N] a été repris en qualité de directeur avec un salaire mensuel brut de 4.410 euros.

Après une mise à pied conservatoire en date du 11 juin 2009, il a été licencié pour faute grave le 27 juin 2009.

Le 24 septembre 2009, il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bergerac pour contester son licenciement

Par jugement en date du 23 septembre 2010, le Conseil de Prud'hommes de Bergerac, section Encadrement, a considéré que les faits reprochés à M. [N], soit son comportement avec M. [F] et le fait qu'il aurait pris des vacances sans demander d'autorisation, à un moment où un supérieur hiérarchique avait annoncé sa venue, étaient bien constitutifs de faute grave.

Il a débouté M. [N] de ses demandes et l'a condamné à 1 euro pour procédure abusive et 1.000 euros pour indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [N] a régulièrement relevé appel du jugement.

Par conclusions déposées le 24 novembre 2010, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, il soutient que les faits reprochés sont soit prescrits soit inexistants. En outre, il avait déjà fait l'objet d'un avertissement en date du 26 mai 2009.

Il soutient également que ses attributions et ses responsabilités lui ont été peu à peu retirées.

Il forme les demandes suivantes :

- 13.494,03 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 1.349,40 euros au titre des congés payés afférents

- 44.349,59 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- 441,00 euros au titre du rappel de salaire sur le mois de juin 2009

- 44,10 euros au titre des congés payés afférents

- 110.000,00 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et

sérieuse

- 1.800,00 euros au titre de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 11 février 2011, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la société Orion 24 venant aux droits de la société Brico Bergerac demande confirmation du jugement dans toutes ses dispositions et réclame une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour ce qui est des faits reprochés à M. [N] vis à vis de M. [F], il estime que la prescription ne peut courir qu'à compter de la lettre de M. [F] en date du 6 juin qui se plaint de ce que le comportement de M. [N] est toujours le même.

L'employeur estime rapporter des faits de violence envers d'autres salariés qui se sont plaints à leur employeur.

Enfin, il est exact que M. [N] a fait preuve d'insubordination.

Motifs de la décision

La lettre de licenciement adressée le 27 juin 2009 à M. [N] dont les motifs fixent les limites du litige est longuement rédigée et reprend les éléments suivants :

- il lui est reproché d'avoir donné une gifle à un salarié M. [F], le 4 décembre 2008 devant la clientèle.

Ces faits auraient été portés à la connaissance de l'employeur courant mars 2009 et auraient donné lieu à une instance pénale.

M. [N] aurait persisté dans son attitude négative envers M. [F], qui aurait obligé ce dernier à réécrire à son employeur le 6 juin.

- il était précisé que le climat social de l'établissement se serait fortement dégradé depuis la reprise du magasin par le groupe Albert, traitant une salariée de 'con' et disant aux représentants du personnel d''aller se faire foutre',

- enfin, il aurait pris une semaine de congés du 25 au 30 mai 2009 alors que le directeur général avait prévu des rendez vous sur son établissement.

Pour retenir que le licenciement était bien fondé sur une faute grave, le premier juge a considéré que l'employeur n'avait eu connaissance des faits qu'au mois de mars 2009. Il a ensuite retenu l'échange des courriers entre les parties, mettant en exergue le fait que M. [N] ne s'était jamais expliqué sur les faits commis à l'encontre de M. [F].

L'employeur ayant allégué l'existence d'une faute grave a la charge de la preuve.

Sur les faits commis à l'encontre de M. [F], soit une gifle donnée devant la clientèle le 4 décembre 2008, leur réalité matérielle n'est pas contestée.

Ces faits ont été portés à la connaissance de l'employeur par le courrier de M. [F] adressé le 12 décembre 2008, dans lequel M. [F] s'explique de manière précise sur les faits allégués.

Aux termes de l'article L.1332-4 du Code du Travail, aucun fait fautif ne

peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaire au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.

Dans un courrier qui a été adressé à M. [F], le 17 décembre, l'employeur confirme avoir eu connaissance des faits allégués et explique qu'il s'en est entretenu avec M. [N], que celui ci n'a pas contesté l'incident, a dit s'en excuser et le ton général de la lettre de la société démontre que l'employeur estime avoir fait ce qu'il devait en ayant évoqué la plainte de M. [F] avec M. [N].

Il s'en déduit que l'employeur était parfaitement informé de ce fait et qu'il n'a pas entendu y donner une suite disciplinaire.

De ce fait, la prescription était acquise à compter du délai de deux mois, soit le 17 février 2009, l'employeur ne pouvant invoquer qu'il n'était pas informé de cette situation puisqu'en réalité, il y a eu seulement un changement dans la répartition du capital social.

L'employeur fait également état de poursuites pénales qui ont conduit à un rappel à la loi prononcé à l'égard de M. [N] le 20 mars 2009, pour les faits commis à l'encontre de M. [F].

Il est exact qu'en application de l'article L 1332-4 du code du travail, 'le délai de deux mois ne court pas lorsque les faits ont donné lieu à l'exercice de poursuites pénales'.

L'existence de poursuites pénales implique que l'action publique ait été mise en mouvement. La convocation devant un délégué du procureur pour un rappel à la loi constituant une alternative aux poursuites ne peut donc être interprétée comme la mise en mouvement de l'action publique.

Dès lors la prescription était acquise au moment de la mise en oeuvre du licenciement.

Enfin, à supposer que le rappel à la loi constitue une modalité d'exercice de l'action publique, le prononcé du rappel à la loi en date du 20 mars a fait courir une nouvelle prescription de deux mois et elle s'est trouvée acquise au 20 mai.

La seule lettre de M. [F] adressée le 6 juin 2009 à l'employeur qui fait suite à un entretien téléphonique avec la direction, se borne à rappeler la plainte initiale, à dire que M. [N] persiste dans son comportement mais ne fait état d'aucun fait précis et d'aucune date.

Ce courrier ne peut donc, comme le prétend la société Orion 24, venant aux droits de la société Brico Bergerac, faire courir un nouveau délai de prescription.

Il s'en déduit que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, les faits du 4 décembre 2008 commis sur la personne de M. [F] par M. [N] ne peuvent être retenus pour justifier le licenciement comme étant prescrits.

Sur les plaintes de salariés du magasin dénonçant les méthodes de management de M. [N], pour attester de la réalité de ces reproches, la société Orion 24 produit deux attestations de Mesdames [T] et [C].

L'attestation de Mme [C] est datée du 20 mars 2009 et relate par nature, des faits antérieurs qui se trouvent donc prescrits au moment de l'engagement des poursuites disciplinaires.

L'attestation de Mme [T] se rapporte à des faits qu'elle date des 13 et 14 janvier 2009. Si son attestation est datée du 27 avril 2009, l'employeur n'apporte aucune précision pouvant établir qu'il aurait eu connaissance de ces incidents dans les deux mois précédant la mise en oeuvre de la procédure de licenciement.

En outre, M. [N] produit une pétition et des témoignages de salariés du magasin de [Localité 2], vantant ses qualités de directeur et lui apportant leur soutien.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, ces allégations ne pouvaient constituer un motif du licenciement.

Enfin, pour ce qui est de l'absence de M. [N] entre le 25 et le 30 mai 2009, il sera relevé que le 26 mai 2009, la société lui adressait un courrier recommandé avec accusé réception dans lequel il mentionnait notamment :

'Ces nouveaux faits viennent confirmer le comportement non coopératif que vous entretenez avec nous dans le cadre de la réalisation du transfert du magasin de [Localité 2].

Nous sommes au regret de constater une nouvelle fois les difficultés que nous rencontrons quant à la gestion unilatérale que vous pratiquez dans ce magasin qui désorganise le fonctionnement du groupe auquel vous appartenez actuellement.

Nous vous demandons pour l'avenir de respecter strictement ces consignes...'

Aucun des faits allégués dans la lettre de licenciement n'étant postérieur à ce courrier, celui-ci constitue, en tout cas de manière non équivoque pour l'absence du 25 au 30 mai, une sanction disciplinaire dont les termes interdisaient à l'employeur de les réévoquer à nouveau à l'appui d'un licenciement.

Il sera relevé qu'il ressort des divers échanges de correspondances entre M. [N] et sa direction sur les mois de mars, avril et mai 2009, que M. [N] était peu à peu mis à l'écart et se voyait privé d'un certain nombre de ses prérogatives, l'employeur souhaitant mettre en oeuvre la culture d'entreprise du groupe ayant racheté une partie du capital.

La Cour constate qu'à l'appui de son licenciement pour faute grave. L'employeur n'a articulé que des faits qui se trouvaient prescrits ou qui avaient déjà fait l'objet d'une sanction dans des termes tels qu'ils ne pouvaient être retenus à nouveau.

Le jugement qui a retenu que le licenciement était justifié par une faute grave sera réformé dans toutes ses dispositions et la société Orion 24 venant aux droits de la société Brico Bergerac sera condamnée à lui verser les sommes suivantes :

- 13.494,03 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 1.349,40 euros au titre des congés payés afférents

- 44.349,59 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- 441,00 euros au titre du rappel de salaire sur le mois de juin 2009

- 44,10 euros au titre des congés payés afférents

dont les montants ne sont pas contestés.

En outre, la Cour dispose des éléments suffisants, l'âge de M. [N] au moment de son licenciement, son ancienneté dans l'entreprise et ses difficultés à retrouver un emploi, pour fixer l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 100.000 euros.

Compte tenu des motifs retenus ci-dessus, le jugement qui a condamné M. [N] à une indemnité pour procédure abusive et à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera également réformé sur ces points, la société Orion 24 étant déboutée de toutes ses demandes.

L'équité commande d'allouer à M. [N] une somme de 1.500 euros au titre de l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' réforme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau :

' condamne la société Orion 24 venant aux droits de la société Bergerac Bricolage au paiement des sommes suivantes :

- 13.494,03 euros (treize mille quatre cent quatre vingt quatorze euros et trois

centimes) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.349,40 euros (mille trois cent quarante neuf euros et quarante centimes) au titre

des congés payés afférents,

- 44.349,59 euros (quarante quatre mille trois cent quarante neuf euros et cinquante

neuf centimes) au titre de l'indemnité de licenciement,

- 441,00 euros (quatre cent quarante et un euros) au titre du rappel de salaire sur

le mois de juin 2009,

- 44,10 euros (quarante quatre euros et dix centimes) au titre des congés payés

afférents,

- 100.000,00 euros (cent mille euros) au titre de l'indemnité pour licenciement sans

cause réelle et sérieuse,

- 1.500,00 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'indemnité de l'article 700 du

code de procédure civile,

' ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités chômage qui ont du être exposées pour le compte de M. [N] à concurrence de quatre mois,

' dit que, conformément aux dispositions de l'article R 1235-2 du code du travail, le Greffe transmettra copie de la présente décision à la Direction Générale de Pôle Emploi, [Adresse 6],

' met les dépens de la procédure de première instance et d'appel à la charge de la société Orion 24.

Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M. Lacour-Rivière M-P Descard-Mazabraud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 10/06019
Date de la décision : 01/07/2011

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°10/06019 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-07-01;10.06019 ?
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