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20/11/2015 | FRANCE | N°14/00647

France | France, Cour d'appel de colmar, DeuxiÈme chambre civile - section a, 20 novembre 2015, 14/00647


BP
MINUTE No 699/ 2015

Copies exécutoires à

La SCP CAHN et ASSOCIÉS
La SELARL WEMAERE-LEVEN-LAISSUE

Le 20 novembre 2015

Le Greffier RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRÊT DU 20 novembre 2015

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 14/ 00647

Décision déférée à la Cour : jugement du 29 janvier 2014 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG

APPELANTE et demanderesse :

La S. A. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CH

AMPAGNE venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social 3 ...

BP
MINUTE No 699/ 2015

Copies exécutoires à

La SCP CAHN et ASSOCIÉS
La SELARL WEMAERE-LEVEN-LAISSUE

Le 20 novembre 2015

Le Greffier RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRÊT DU 20 novembre 2015

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 14/ 00647

Décision déférée à la Cour : jugement du 29 janvier 2014 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG

APPELANTE et demanderesse :

La S. A. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social 3 rue François de Curel 57000 METZ

représentée par la SCP CAHN et ASSOCIÉS, avocats à COLMAR

INTIMÉ et défendeur :

Maître François-Xavier Y... demeurant... 67000 STRASBOURG

représenté par la SELARL WEMAERE-LEVEN-LAISSUE, avocats à COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 02 octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Bernard POLLET, Président Madame Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller Monsieur Olivier DAESCHLER, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier ad hoc, lors des débats : Madame Astrid DOLLE

ARRÊT Contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Astrid DOLLE, greffier ad hoc, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte notarié en date du 23 décembre 2005, la Banque populaire d'Alsace a consenti à la SCI X... un prêt de 63 000 euros destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier dans un immeuble en copropriété. Le prêt était garanti par une hypothèque de premier rang sur ce bien et par un cautionnement de M. Erdinc X..., gérant de la SCI X....
La SCI X... ayant cessé de rembourser les échéances de l'emprunt, la Banque populaire d'Alsace a introduit une procédure d'exécution forcée immobilière qui a été ordonnée le 22 avril 2008. Le syndicat des copropriétaires, créancier de charges impayées par la SCI X..., a été admis à cette procédure par ordonnance du 13 novembre 2008.
Suivant acte reçu le 20 août 2009 par Me Y..., notaire, le bien immobilier appartenant à la SCI X... a été vendu de gré à gré à la SCI Z..., moyennant un prix de 65 000 euros, dont 10 000 euros compensés par une somme de même montant versée à la Banque populaire d'Alsace par M. Ekren X..., frère de M. Erdinc X..., prétendument en qualité de caution de la SCI X....
Le solde du prix, d'un montant de 55 000 euros, a été versé à hauteur de 16 883, 45 euros au syndicat des copropriétaires et à hauteur de 37 416, 55 euros à la Banque populaire d'Alsace, le surplus, d'un montant de 700 euros, correspondant aux frais de notaire.
Reprochant au notaire d'avoir tenu compte à tort de la somme de 10 000 euros versée par M. Ekren X... et d'avoir fait passer la créance du syndicat des copropriétaires avant la sienne, la Banque populaire d'Alsace a fait assigner Me Y... devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, lequel, par jugement en date du 29 janvier 2014, l'a déboutée de ses prétentions.
Le tribunal a considéré que le notaire a commis des fautes, d'une part en admettant à hauteur de 10 000 euros une compensation qui n'avait pas lieu d'être, d'autre part en payant prioritairement le syndicat des copropriétaires, alors que celui-ci n'avait pas pratiqué entre ses mains une opposition conforme aux dispositions de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965. Toutefois, le tribunal a estimé que la Banque populaire d'Alsace n'établissait pas son préjudice, dès lors qu'elle ne justifiait pas avoir mis en oeuvre des mesures d'exécution contre la SCI X... ni contre la caution.
*
La Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, venant aux droits de la Banque populaire d'Alsace, a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 6 février 2014.
Elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de condamner Me Y... à lui payer la somme de 23 583, 45 euros, avec intérêts légaux à compter du 8 juin 2012 capitalisés par années entières, ainsi que la somme de 2 500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la somme de 10 000 euros versée par M. Ekren X... ne pouvait être compensée avec le prix de vente de l'immeuble, d'une part parce que le versement n'émanait pas de l'acquéreur, d'autre part parce que la somme versée ne s'imputait pas sur la dette de la SCI X... au titre du financement du prêt du 23 décembre 2005, mais sur un autre prêt.
L'appelante ajoute qu'il ne pouvait être tenu compte du privilège du syndicat des copropriétaires, faute pour lui d'avoir formé régulièrement opposition au paiement du prix de vente entre les mains du notaire. Elle conteste en outre le montant de la créance du syndicat, dans laquelle ont été inclus, à tort selon elle, les honoraires du syndic et de l'huissier charge du recouvrement de la créance.
La Banque populaire Alsace Lorraine Champagne soutient enfin que, la responsabilité du notaire n'étant pas subsidiaire, elle n'a pas à justifier de l'irrecouvrabilité de sa créance à l'égard de la SCI débitrice principal et de la caution.
*
Me Y... conclut à la confirmation du jugement déféré et réclame à la Banque populaire une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il conteste avoir commis toute faute, affirmant avoir à bon droit tenu compte de la compensation avec la somme de 10 000 euros versée par M. Ekren X... et fait primer la créance du syndicat des copropriétaires, lequel, selon l'intimé, n'avait pas à régulariser une opposition conforme aux dispositions de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965 dès lors que la vente était intervenue dans le cadre d'une procédure d'exécution forcée.
Me Y... soutient que le préjudice allégué par la Banque populaire d'Alsace n'est pas en lien avec les fautes qui lui sont reprochées, la Banque populaire ayant donné son accord à la vente amiable et donné mainlevée de son hypothèque.
Me Y... conteste enfin le préjudice de la Banque populaire, au motif qu'elle n'a pas tenté de recouvrer sa créance contre la SCI X... et contre la caution.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises à la cour par voie électronique

-le 13 janvier 2015 pour la Banque populaire Alsace Lorraine Champagne,- le 30 juin 2014 pour Me Y....

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance en date du 14 janvier 2015.
MOTIFS
Sur les fautes du notaire
La compensation à hauteur de 10 000 euros sur le prix de vente
Me Y... a considéré que le prix de la vente dont il a reçu l'acte le 20 août 2009 était payé à concurrence de 10 000 euros par une somme de ce montant qui avait été versée à la Banque populaire d'Alsace par M. Ekren X....
Or, la compensation ne peut intervenir qu'entre deux mêmes personnes réciproquement créancière et débitrice l'une de l'autre. Tel n'était pas le cas en l'espèce. En effet, s'agissant du prix de vente de l'immeuble, le créancier était la SCI X..., venderesse, et le débiteur la SCI Z..., acquéreur, dont M. Ekren X... était le gérant. S'agissant de la somme de 10 000 versée par M. Ekren X..., le créancier était la Banque populaire d'Alsace et le débiteur la SCI X....
Au surplus, la somme versée par M. Ekren X... ne pouvait être imputée sur la créance de la Banque populaire d'Alsace au titre du prêt du 23 décembre 2005, car M. Ekren X... ne s'était pas porté caution en garantie de ce prêt, l'acte du 23 décembre 2005 ne comportant que le cautionnement de M. Erdinc X..., gérant de la SCI X..., ce que le notaire aurait pu aisément vérifier.
La compensation prise en compte par le notaire n'était donc pas fondée et celui-ci aurait du exiger le paiement entre ses mains de la totalité du prix, soit 65 000 euros.
Le paiement prioritaire de la créance du syndicat des copropriétaires
En raison du caractère occulte du privilège prévu en faveur du syndicat des copropriétaires par l'article 2374 du code civil, sa mise en oeuvre est soumise à des formalités rigoureuses destinées à ce que le notaire qui reçoit l'acte de vente soit informé de manière très précise du montant, de la nature et du caractère privilégié ou non des sommes réclamées par le syndicat.

L'article 20 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit ainsi que le syndicat doit former opposition au versement des fonds entre les mains du notaire. Cette opposition doit être faite par acte extrajudiciaire, comporter élection de domicile et, surtout, un état détaillé doit y être joint, conforme aux dispositions de l'article 5-1 du décret du 17 mars 1967, c'est-à-dire faisant apparaître la nature des sommes réclamées et la ventilation de la créance réclamée en quatre postes :

- les charges et travaux de l'année en cours et des deux années précédentes, qui bénéficient d'un " superprivilège ",- les charges et travaux des deux années antérieures, qui sont garantie par un privilège simple,- les sommes garanties par une hypothèque légale,- les sommes dues à titre chirographaires,

toutes informations qui sont indispensables pour que le notaire puisse procéder à la distribution des fonds.
Contrairement à ce qui est soutenu par Me Y..., ces dispositions sont applicables en cas de vente forcée, comme le prévoit expressément l'article 5-1, dernier alinéa, du décret du 17 mars 1967.
La saisie-attribution pratiquée par le syndicat des copropriétaires entre les mains du notaire le 13 octobre 2008, antérieurement à la vente, ne pouvait valoir opposition, le montant de la créance ayant pu évoluer entre la date de cet acte et celle de la vente, et le privilège du syndicat ne prenant effet qu'à la date de la mutation.
Me Y... a payé prioritairement la créance du syndicat des copropriétaires au vu d'un simple décompte, en date du 18 juin 2010, d'un montant de 16 883, 45 euros, comprenant, notamment, la reprise d'un " solde antérieur " au 1er juillet 2008 d'un montant de 18 642, 74 euros, ce qui ne permettait pas de déterminer s'il avait un caractère privilégié, et une somme de 1 000 euros à titre de provision sur frais à venir, qui ne pouvait pas bénéficier du privilège.
En s'abstenant de notifier la vente au syndicat des copropriétaires conformément aux dispositions de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965 et en payant la créance du syndicat en l'absence d'opposition en bonne et due forme, le notaire a commis une seconde faute.
Sur le lien de causalité
Selon Me Y..., le préjudice invoqué par la Banque populaire serait sans lien avec les fautes qu'il a commises, car la banque avait accepté la vente de gré à gré et donné mainlevée de son hypothèque.
S'il est certain que la Banque populaire d'Alsace a donné son accord à la vente amiable, elle n'a pas consenti à ce que le prix soit minoré de 10 000 euros en raison d'une prétendue compensation, ni à ce que le syndicat des copropriétaires soit payé prioritairement à hauteur d'une somme dont elle ignorait le montant.

Par ailleurs, il n'est pas établi que la Banque populaire d'Alsace ait donné mainlevée de son hypothèque, le courrier de son avocat en date du 1er juillet 2010 indiquant au contraire qu'elle attendait pour ce faire un règlement complémentaire.

Le préjudice de la Banque populaire d'Alsace, consistant en ce que son hypothèque ne lui a pas permis de recouvrer les sommes qui auraient du lui revenir, est donc en lien avec les fautes du notaire.
Sur le préjudice
Contrairement à ce qu'a énoncé le premier juge, le préjudice de la Banque populaire est constitué sans qu'elle ait à justifier avoir épuisé les voies de recouvrement dont elle disposait. En effet, comme le fait valoir l'appelante, la responsabilité du notaire n'est pas subsidiaire.
Au surplus, en l'espèce, la Banque populaire ayant été contrainte d'engager une procédure de vente forcée de l'immeuble hypothéqué, la SCI X..., débitrice principale, n'était manifestement pas en mesure de payer la créance, et la banque pouvait légitimement penser qu'elle serait payée grâce à son hypothèque de premier rang, sans avoir à engager des poursuites aléatoires contre la caution, M. Erdinc X..., à supposer que celui-ci fût solvable.
En tenant compte d'une compensation non fondée sur une partie du prix de vente, et en payant prioritairement le syndicat des copropriétaires, alors que celui-ci n'avait pas régulièrement mis en oeuvre son privilège, le notaire a privé la Banque populaire du bénéfice de son hypothèque de premier rang sur le montant de la compensation (10 000 euros) et sur la somme payée au syndicat des copropriétaires (16 883, 45 euros).
La demande de la Banque populaire à hauteur de 23 583, 45 euros est donc fondée. Cette somme lui sera allouée avec les intérêts au taux légal calculés, conformément à l'article 1153-1 du code civil, à compter du présent arrêt.
La capitalisation des intérêts année par année conformément à l'article 1154 du code civil est de droit dès lors qu'elle est sollicitée en justice.
Sur les frais et dépens
Me Y..., qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la Banque populaire, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de l'intimé tendant à être indemnisé de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique,
INFIRME le jugement rendu le 29 janvier 2014 par le tribunal de grande instance de Strasbourg,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE Me François-Xavier Y... à payer à la Banque populaire Alsace Lorraine Champagne
-la somme de 23 583, 45 ¿ (vingt trois mille cinq cent quatre-vingt trois euros et quarante cinq centimes) à titre de dommages intérêts,- la somme de 2 000 ¿ (deux mille euros) au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la Banque populaire Alsace Lorraine Champagne ;

DIT que les sommes ci-dessus porteront intérêts de retard au taux légal à compter du présent arrêt avec capitalisation de ces intérêts année par année ;
REJETTE la demande de Me François-Xavier Y... formée en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Me François-Xavier Y... aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : DeuxiÈme chambre civile - section a
Numéro d'arrêt : 14/00647
Date de la décision : 20/11/2015
Type d'affaire : Civile

Analyses

"Conformément à l'article 5-1 dernier alinéa du décret du 17 mars 1967, les dispositions de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965, relatives au formalisme de l'opposition du syndicat des copropriétaires au versement des fonds entre les mains du notaire chargé de la vente d'un lot de copropriété, sont applicables en cas de vente forcée" "En s'abstenant de notifier la vente au syndicat des copropriétaires conformément aux dispositions de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965 et en payant prioritairement le syndicat des copropriétaire, en l'absence d'opposition conforme aux dispositions de ce texte, le notaire a commis une faute en relation directe avec le préjudice subi par la banque, créancier hypothécaire de premier rang, consistant en ce que son hypothèque ne lui a pas permis de recouvrer les sommes qui auraient du lui revenir"


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 29 janvier 2014


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2015-11-20;14.00647 ?
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