La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/11/2015 | FRANCE | N°14/06146

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre civile et commerciale, 05 novembre 2015, 14/06146


R.G : 14/06146







COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE



ARRET DU 05 NOVEMBRE 2015









DÉCISION DÉFÉRÉE :



11/5973

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 03 Décembre 2014





APPELANTE :




SAMCV MATMUT


[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée et assistée de Me Benoît PEUGNIEZ de la SCP DE BEZENAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN





INTIMES :




Monsieur

[K] [Y] assisté de son curateur, Monsieur [S] [Y] suivant décision rendue le 30 mai 2006 par le Juge des Tutelles du Tribunal d'instance de ROUBAIX.


né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 1]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



représe...

R.G : 14/06146

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 05 NOVEMBRE 2015

DÉCISION DÉFÉRÉE :

11/5973

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 03 Décembre 2014

APPELANTE :

SAMCV MATMUT

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée et assistée de Me Benoît PEUGNIEZ de la SCP DE BEZENAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

INTIMES :

Monsieur [K] [Y] assisté de son curateur, Monsieur [S] [Y] suivant décision rendue le 30 mai 2006 par le Juge des Tutelles du Tribunal d'instance de ROUBAIX.

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 1]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Emmanuel VERILHAC de la SCP SILIE VERILHAC ET ASSOCIES SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN, postulant

assisté de Me Philippe LEBOIS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

Organisme CPAM DU [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

régulièrement assigné par acte extra-judiciaire en date du 05 janvier 2015, qui n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 30 Septembre 2015 sans opposition des avocats devant Monsieur FARINA, Président, en présence de Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur FARINA, Président

Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller

Madame BERTOUX, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme LOUE-NAZE, Greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 30 Septembre 2015, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Novembre 2015.

ARRET :

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 Novembre 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur FARINA, Président et par Mme LOUE-NAZE, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Le 19 septembre 2000 M. [K] [Y] a été victime d'un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par Mme [W] assurée auprès de la Matmut.

Un premier protocole d'accord a été signé entre M. [K] [Y] et la compagnie d'assurances le 11/03/2004 aux termes duquel il était indemnisé de l'intégralité de ses préjudices corporels et matériels hormis les frais de logement et technique aménagement du véhicule et frais futurs.

Un second protocole est intervenu le 26 juin 2004 entre la Matmut et le père de la victime afin de lui allouer une indemnité pour l'aménagement de son domicile pour le préjudice moral et pour les frais de déplacement en réparation du préjudice résultant du handicap.

Par acte d'huissier du 9 décembre 2011 complété par des conclusions ultérieures, M. [K] [Y] a fait assigner la Matmut devant le tribunal de grande instance de Rouen en paiement des sommes suivantes :

- 183 709,95 € au titre des frais de logement adapté,

- 31 857,72 € au titre des aides techniques,

- 19 428,63 € au titre des soins futurs,

- 130 821,72 € au titre des frais de véhicule adapté.

Par jugement du 3 décembre 2013 le tribunal considérant que l'acquisition du logement apparaît en lien direct avec l'état physique et neurologique résultant de l'accident dont a été victime M. [Y] a :

- condamné la Matmut à payer à M. [Y] :

*164 600 € au titre des frais d'acquisition du logement

*13 833,60 € au titre des aménagements du logement

*31 857,72 € au titre des aides techniques

*19 428,63 € au titre des frais de soins futurs

- ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 50 000 €,

- condamné la Matmut à payer à M. [Y] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande,

- condamné la Matmut aux dépens.

La Matmut a relevé appel de ce jugement le 24 décembre 2014.

Dans ses dernières conclusions expressément visées en date du 1er

juillet 2015 elle demande à la Cour de:

- réformer le jugement dont appel,

- dire et juger qu'au regard du principe de la réparation intégrale du préjudice seule la somme de 13 833,60 € est justifiée au titre des frais de logement adapté,

- débouter M. [Y] de sa demande au titre des frais d'acquisition du logement

faire application du barème issu de l'arrêté du 11 février 2015 pour l'évaluation des aides techniques et des dépenses de santé futures,

- fixer ainsi le montant des aides techniques à la somme de 22 029,92 €,

- fixer ainsi le montant des dépenses de soins à la somme de 13 346,94 €,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de M. [Y] au titre de sa réclamation des frais de véhicule adapté ;

à titre subsidiaire :

- dire et juger qu'au titre des frais de véhicule adapté le différentiel d'acquisition ne saurait excéder la somme de 3500 € par rapport au véhicule qu'aurait pu acquérir la victime avec une durée de vie de huit ans représentant un amortissement annuel de 437,50 € ainsi qu'un coût moyen d'adaptation limité à 5000 € sans autre précision sur l'étendue nécessaire des adaptations liées au handicap représentant un amortissement annuel de 625 € au regard d'un renouvellement de huit ans,

- fixer le montant des renouvellements ainsi précisés à l'aide du barème issu de l'arrêté du 11 février 2015,

-lui donner acte de ce qu'elle offrirait de réparer les préjudices au titre des frais de logement adapté par un surcoût de l'acquisition correspondant à une surface complémentaire de 25 m² représentant une indemnité de 37 500 € en complément du coût des travaux d'aménagement ce qui représente au titre des frais de logement adapté la somme de 37 500 € + 13 883,60 €= 51 383,60 € arrondie à la somme de 55 000 €,

-dans tous les cas débouter M. [K] [Y] du surplus de ses demandes

le condamner en tous les dépens dont distraction au profit des avocats de la cause.

Dans ses dernières écritures expressément visées en date du 12 juin 2015 M. [Y] conclut à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a rejeté sa demande au titre du véhicule adapté, forme appel incident de ce chef et demande à la Cour de condamner la Matmut à lui verser la somme de 130 821,72 € ainsi qu'une indemnité de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens dont distraction au profit des avocats de la cause par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Régulièrement assignée la CPAM du [Localité 1] n'a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction est intervenue le 8/09/2015.

SUR CE

Sur la demande au titre de l'acquisition de l'immeuble adapté

Au soutien de son appel la compagnie d'assurances expose qu'en application du principe de la réparation intégrale l'indemnisation du préjudice de la victime au titre des frais de logement adapté doit être limitée aux frais d'aménagement spécial du logement en fonction des besoins de celle-ci, afin qu'elle puisse mener une vie normale sans ressentir de gêne ; que selon la nomenclature Dinthillac ainsi que la jurisprudence de la Cour de Cassation, le poste de préjudice frais de logement adapté inclut non seulement l'aménagement du domicile préexistant mais éventuellement celui découlant de l'acquisition d'un domicile mieux adapté prenant en compte le surcoût financier engendré par cette acquisition ;

Qu'en l'espèce le coût du projet immobilier de M. [Y] ne peut pas se confondre avec l'indemnisation des frais de logement adapté dès lors qu'il aurait dû engager de toute façon des frais pour se loger ;

Que les frais d'aménagement sont justifiés à hauteur de 13 833,60 € lesquels ont été indemnisés en première instance.

Subsidiairement si la Cour devait estimer que cette indemnisation à hauteur de 13 833,60 € est insuffisante pour couvrir les préjudices de M. [Y] elle offre pour réparer ce préjudice un surcoût de l'acquisition correspondant à une surface complémentaire ; que le surcroît d'espace nécessaire à l'utilisation d'un fauteuil roulant permet de comptabiliser une surface complémentaire de 23,5 m² arrondie à 25 m² ; que le prix moyen du mètre carré à [Localité 1] ville dans laquelle était domiciliée la victime au moment de l'accident, représente la somme de 1551 € soit 1500 € pour tenir compte d'une marge de négociation, de sorte que le préjudice qui en résulte s'élève à 25 m² x 1500 € =37 500 € ; qu'à cette somme s'ajoute le coût des travaux d'aménagement précités, ce qui représente au total une somme arrondie à 55 000 € ;

M. [Y] fait valoir en réponse qu'il est en droit de prétendre au paiement d'une indemnité couvrant le coût de l'acquisition de son logement laquelle constitue une conséquence de l'accident.

La victime de l'accident de la circulation ayant entraîné la survenance d'un handicap nécessitant un aménagement de son logement peut prétendre à l'indemnisation des frais de logement aménagé lesquels comprennent non seulement l'aménagement du domicile mais aussi le surcoût découlant de l'acquisition d'un domicile mieux adapté aux handicap permettant par exemple usage d'un fauteuil roulant ;

En l'espèce la victime aurait en tout état de cause exposé des frais pour se loger de sorte qu'en application du principe de la réparation intégrale du préjudice, l'indemnisation doit être limitée aux frais d'aménagement spécial du logement en fonction des besoins de celle-ci pour qu'elle puisse mener une vie normale sans ressentir de gêne.

Au vu des pièces du dossier ce préjudice représente la somme de 13 833,60 € déjà versée en première instance, mais aussi le surcoût correspondant à l'acquisition d'une surface complémentaire liée au handicap. Cette surface globale évaluée par la Matmut à 25 m² doit être fixée à 50 mètres carrés, ce qui représente la somme de 75 000 € à raison de 1500 € le mètre carré à [Localité 1] ville près de laquelle est domicilié l'intimé.

Il convient réformant de ce chef le jugement déféré de condamner la Matmut à verser à M. [Y] la somme de 88 833,60 € au titre des frais de logement adapté.

Sur les frais de véhicule adapté

Au soutien de son appel M. [Y] expose que selon le rapport de l'ergothérapeute et de l'assistante sociale en date du 24 juillet 2003 il devait pouvoir disposer d'un véhicule automobile adapté à ses besoins conduit par lui-même ou par un tiers; que le coût d'acquisition d'un véhicule Renault Kangoo permettant de transporter un fauteuil roulant est de 7900 € et son aménagement de 9895 € ; qu'au titre de la capitalisation pour l'avenir sur la base d'un renouvellement tous les cinq ans avec un premier renouvellement en 2016 il peut prétendre au paiement d'une indemnité de 113 026,72 € ;

La Matmut réplique que cette demande n'est pas davantage justifiée qu'en première instance ; que le handicap de M. [Y] ne lui permet pas de conduire ; qu'il se borne à verser au débat une offre commerciale sans préciser la nature des aménagements en relation avec le handicap ; qu'à titre subsidiaire elle revendique une réduction de l'indemnisation.

M.[Y] ne justifie pas être en possession du permis de conduire comme l'a déjà rappelé le premier juge. Au vu du rapport d'expertise faisant état d'une perte d'autonomie l'empêchant d'effectuer une quelconque tâche domestique ainsi que les actes de la vie civile, et de troubles comportementaux nécessitant incitation et surveillance, les perspectives pour M.[Y] de passer et de réussir cet examen sont inexistantes.

Par ailleurs, en première instance comme en cause d'appel, aucune des parties n'indique pas par quels moyens M. [K] [Y] se déplace actuellement et si ceux qui le transportent utilisent un véhicule adapté ou pas.

Il convient dans ces conditions de débouter M. [Y] de ce chef de demande et de confirmer le jugement sur ce point.

Sur l'indemnisation du poste des aides techniques et frais de soins futurs

Au soutien de son appel la compagnie d'assurances expose que le tribunal a retenu le barème de capitalisation publié à la gazette du palais des 27 et 28 mars 2013 qui prend en compte un taux d'intérêt net de 1,20 % alors qu'elle propose de retenir le barème issu de l'arrêté du 11 février 2015 ; que ce barème est utilisé obligatoirement lors de la présentation des créances de la caisse pour les appliquer sur les chefs de préjudice de droit commun strictement correspondants ; que le droit et l'équité commandent que ce même barème soit également utilisé pour le calcul du capital représentatif des chefs de préjudices futurs de la victime qui servent précisément d'assiette de recours à ces créances ;

Que l'inflation ne peut constituer un dommage indemnisable parce- que sans aucun lien de causalité avec l'accident, elle constitue un élément totalement extrinsèque dépendant uniquement de la sphère économique ; que la prise en compte de l'inflation future pour la période postérieure à la liquidation, n'est prévue dans aucun mécanisme légal ou jurisprudentiel.

L'intimée soutient en réponse que comme l'a dit le tribunal, doit être appliqué le barème de la gazette du palais publié en 2013 sur la base d'un taux d'intérêt de 1,20 % tenant compte de l'âge et du sexe de la victime.

Le barème proposé par la compagnie d'assurances n'apparaît pas applicable au présent poste de préjudice puisqu'il résulte de l'arrêté du 11 février 2015 relatif à la détermination du capital représentant des rentes d'accidents du travail et à la valeur forfaitaire des pensions d'invalidité en cas d'accident causé par un tiers.

C'est pourquoi il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu le barème publié par la gazette du palais des 27 et 28 mars 2013 et alloué à M. [Y], au vu des factures produites, la somme de 31 857,72 € au titre des aides techniques et celle de 19 428,63 € au titre des frais de soins futurs.

Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles et non compris dans les dépens en cause d'appel ; le jugement de première instance sera en revanche confirmé en sa disposition relative à l'indemnité de procédure.

Sur les dépens

Chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel celle des dépens de première instance n'étant pas modifiée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Matmut à verser à M. [K] [Y] les sommes de:

- 13 833,60 € au titre des frais d'aménagement du logement,

- 31 857,72 € au titre des aides techniques,

- 19 428,63 € au titre des frais de soins futurs,

- 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.

Le réforme pour le surplus.

Et statuant à nouveau,

Rejette la demande en paiement au titre des frais d'acquisition du logement.

Condamne la Matmut à payer à M. [Y] la somme de 75 000 € au titre de la surface complémentaire liée au handicap.

Y ajoutant,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Déclare la présente décision commune et opposable à la CPAM DU [Localité 1];

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre civile et commerciale
Numéro d'arrêt : 14/06146
Date de la décision : 05/11/2015

Références :

Cour d'appel de Rouen, arrêt n°14/06146


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-05;14.06146 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award