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10/06/2008 | FRANCE | N°05MA00088

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 10 juin 2008, 05MA00088


Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2005, présentée pour Mme Margarita X, demeurant ..., par Me Ciaudo ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9403435 9801969 9904023 0001283 0003787 du 30 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté ses cinq requêtes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1990 à 1998 ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de mettre à la charge de l'

Etat une somme de 3 000 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

......

Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2005, présentée pour Mme Margarita X, demeurant ..., par Me Ciaudo ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9403435 9801969 9904023 0001283 0003787 du 30 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté ses cinq requêtes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1990 à 1998 ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

.............................................................................................

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2006, présenté par la direction du contrôle fiscal Sud-Est tendant au rejet de la requête ; la direction du contrôle fiscal Sud-Est soutient que :

- la jurisprudence du conseil d'État confirme le principe selon lequel la portée des clauses de non-discrimination doit être examinée en tenant compte du champ d'application tel qu'il est défini par chaque convention ; c'est le sens de l'arrêt Biso confirmé par les arrêts Ferrarese et Cohen ;

- la requérante, qui ne résidait ni en France, ni en Finlande, n'entre pas dans le champ d'application de la clause de non-discrimination et est imposable à l'article 164 C du code général des impôts ;

- les dispositions du traité de l'union ne sont pas susceptibles de régir la situation visée par l'article 164 C du code général des impôts qui ne concerne que des biens immobiliers ;

- l'article 39 du traité de la Communauté concerne la libre circulation des travailleurs, ce qui ne concerne pas la requérante, qui n'a pas exercé d'activité professionnelle en France ;

- de même, l'article 43 , qui traite de la liberté d'établissement, n'est pas en cause, ni l'article 56 relatif à la libre circulation des capitaux ;

- la Convention européenne des droits de l'homme ne s'oppose pas à ce que les dispositions différentes s'appliquent à des personnes placées dans des situations différentes et toute différence de traitement n'emporte pas automatiquement violation de l'article 14 de la convention ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 juillet 2006, présenté pour Mme X par Me Ciaudo tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; la requérante soutient en outre que :

- elle supporte une double imposition en France et en Finlande et demande l'application du deuxième alinéa de l'article 164 C qui empêche l'application de l'imposition forfaitaire aux contribuables qui paient dans le pays où ils ont leur domicile fiscal, un impôt au moins égal aux deux tiers de ce qu'ils auraient à payer en France sur la même base d'imposition ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 janvier 2008, présenté pour Mme X par Me Ciaudo tendant aux mêmes fins que précédemment ; la requérante entend, en outre, se prévaloir de la décision n° 05MA00246 du 21 décembre 2007 de la Cour administrative d'appel de Marseille qui est transposable à son cas personnel car il n'en diffère qu'en ce qu'elle n'a pas la nationalité portugaise mais la nationalité finlandaise ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu la directive 88/361 du 24 juin 1988 du Conseil du 24 juin 1988 ;

Vu la convention fiscale franco-finlandaise du 11 septembre 1970 ;

Vu la convention conclue le 18 mai 1963 entre la République française et la Principauté de Monaco ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2008 :

- le rapport de M. Malardier, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Emmanuelli, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 164 C du code général des impôts : Les personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France mais qui y disposent d'une ou plusieurs habitations, à quelque titre que ce soit, directement ou sous le couvert d'un tiers, sont assujetties à l'impôt sur le revenu sur une base égale à trois fois la valeur locative réelle de cette ou de ces habitations, à moins que les revenus de source française des intéressés ne soient supérieurs à cette base, auquel cas le montant de ces revenus sert de base à l'impôt. Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas aux contribuables de nationalité française qui justifient être soumis dans le pays où ils ont leur domicile fiscal à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus et si cet impôt est au moins égal aux deux tiers de celui qu'ils auraient à supporter en France sur la même base d'imposition. ; qu'aux termes de l'article 7 § 1 de la convention conclue le 18 mai 1963 entre la République Française et la Principauté de Monaco : « 1 - Les personnes physiques de nationalité française qui transportent à Monaco leur domicile ou leur résidence - ou qui ne peuvent pas justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 - seront assujetties en France à l'impôt sur le revenu... dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France... » ; qu'il en résulte que les ressortissants français qui résident à Monaco et disposent d'une habitation en France, doivent être regardés comme ayant en France leur domicile fiscal au sens des dispositions de l'article 4A du code général des impôts, et sont assujettis en France à l'impôt sur le revenu en raison de leur domicile ou de leur résidence ; que les ressortissants français se trouvant dans cette situation sont, ainsi, imposés sur la base de leurs revenus réels, dans la mesure où ils disposent de revenus imposables et non selon le revenu forfaitaire défini par les dispositions précitées de l'article 164 C du code général des impôts ;

Considérant que Mme X, de nationalité finlandaise et domiciliée à Monaco, a été imposée à l'impôt sur le revenu en France au titre des années 1990 à 1998 en application du premier alinéa de l'article 164 C du code général des impôts sur une base forfaitaire égale à trois fois la valeur locative réelle de biens immobiliers dont elle est propriétaire à Roquebrune-Cap-Martin (Alpes-Maritimes) ; qu'elle soutient, en premier lieu, que la différence entre le traitement qui lui a été appliqué et celui qui serait appliqué à un ressortissant français résidant à Monaco est constitutive d'une discrimination contraire, d'une part, au principe d'égalité de traitement prévu par l'article 24 de la convention franco-finlandaise du 11 septembre 1970, d'autre part, à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi qu'à son premier protocole additionnel et enfin au traité instituant la Communauté européenne (CE) ; en deuxième lieu, qu'elle doit bénéficier de l'exonération d'impôt sur le revenu exigible en France, en vertu du deuxième alinéa de l'article 164 C du code général des impôts, pour les années où l'impôt qu'elle supporte en Finlande est au moins égal aux deux tiers de celui qu'elle aurait eu à supporter en France sur la même base d'imposition et, en troisième lieu, que les dispositions dudit article 164 C sont contraires aux articles 56 et 58 CE en vigueur depuis le 1er janvier 1994 ;

Sur les impositions afférentes aux années 1990, 1991 et 1992 :

Considérant qu'il résulte du deuxième alinéa de l'article 164 C précité que les contribuables de nationalité française qui justifient être soumis dans le pays où ils ont leur domicile fiscal à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus et si cet impôt est au moins égal aux deux tiers de celui qu'ils auraient à supporter en France sur la même base d'imposition, ne sont pas soumis aux dispositions du premier alinéa ; qu'il résulte de l'instruction ID-5470 du 26 juillet 1977 dont se réclame la requérante, que les dispositions du second alinéa ont été étendues aux nationaux des pays ayant conclu avec la France un accord de réciprocité, dont il n'est pas contesté que tel est le cas avec la Finlande ;

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la convention franco-finlandaise du 11 septembre 1970 : «1. Au sens de la présente convention, l'expression « résident d'un état contractant » désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit état, est assujettie à l'impôt dans cet état, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. 2. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des deux états contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes :.. c) si cette personne séjourne de façon habituelle dans chacun des Etats contractants ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considéré comme résident de l'Etat contractant dont elle possède la nationalité.» ; que la requérante, qui ne séjourne, de façon habituelle, ni en France, ni en Finlande, doit être regardée comme résidant en Finlande ; qu'elle a présenté des documents établis par l'administration fiscale finlandaise et traduits par un traducteur interprète assermenté près la Cour d'appel de Paris, dont il ressort que pendant les années en cause de 1990 à 1998, elle a acquitté en Finlande une retenue à la source sur des revenus perçus en Finlande ; que devant être considérée comme ayant son domicile fiscal en Finlande, en application des dispositions précitées, elle est fondée à demander à bénéficier des dispositions du 2e alinéa de l'article 164 C du code général des impôts ;

Considérant que Mme X a présenté un tableau comparant l'impôt qu'elle a payé en Finlande à l'impôt qu'elle aurait payé en France sur le même revenu ; que l'administration fiscale française n'a pas répondu au mémoire du 19 juillet 2006 soulevant ce nouveau moyen et n'a contesté ni les pièces versées au dossier par la requérante, ni les calculs effectués, ni les taux de change utilisés ; qu'il ressort de ces pièces qui ne sont contredites par aucun élément du dossier, que pour les années 1990, 1991 et 1992, la requérante justifie qu'elle a payé en Finlande un impôt supérieur aux deux tiers de celui qu'elle aurait payé en France à raison des mêmes revenus ; qu'elle est fondée à soutenir que les dispositions du premier alinéa de l'article 164 C du code général des impôts ne lui sont pas applicables et à demander pour ce motif, la décharge des impositions qu'elle conteste pour les années 1990, 1991 et 1992 ;

Sur l'imposition afférente à l'année 1993 :

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 24 de la convention franco-finlandaise du 11 septembre 1970 :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la convention conclue entre la France et la Finlande le 11 septembre 1970 : « La présente convention s'applique aux personnes qui sont des résidents d'un Etat contractant ou de chacun des deux Etats. » ; qu'aux termes de l'article 4-2 de la même convention : « Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes : a. Cette personne est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent. Lorsqu'elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans chacun des Etats contractants, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; b. Si l'Etat contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats contractants, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle séjourne de façon habituelle ; c. Si cette personne séjourne de façon habituelle dans chacun des Etats contractants ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant dont elle possède la nationalité ; » ; qu'aux termes de l'article 24 de la même convention : « 1. Les nationaux d'un Etat contractant ne sont soumis dans l'autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui soit autre ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation. » ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison l'article 1er et de l'article 24 de la convention franco-finlandaise que la clause de non-discrimination prévue à cet article 24 n'est applicable qu'aux nationaux des Etats contractants qui résidaient dans l'un des Etats contractants ; que Mme X, résidente monégasque, n'est pas fondée à soutenir que le champ d'application de l'article 24 doit être apprécié de façon autonome, indépendamment des autres articles de la Convention ;

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du protocole additionnel :

Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la convention doit être assurée sans distinction aucune fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, l'origine nationale ou sociale ou toute autre situation » ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel doit, en vertu de l'article 5 du même protocole, être regardé comme un article additionnel à cette convention: « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.» ;

Considérant, d'une part, que l'imposition mise à la charge de Mme X au titre de l'année 1993 résulte des dispositions de l'article 164 C applicables à toutes les personnes n'ayant pas leur domicile fiscal en France mais y disposant d'une ou plusieurs habitations, sous réserve de l'application éventuelle de conventions conclues entre la France et l'état de résidence des contribuables ; que la requérante n'est pas fondée à soutenir que ladite imposition constituerait une discrimination dans la jouissance de son droit de propriété en violation des stipulations précitées de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, d'autre part, que l'imposition de Mme X a été établie sur la base de la valeur locative de ses biens immobiliers ; qu'eu égard au rapport existant entre l'imposition ainsi établie et la valeur vénale desdits biens, la requérante n'est pas fondée à soutenir que celle-ci constituerait une atteinte excessive à son droit de propriété en violation des stipulations susrappelées de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance du traité instituant la Communauté européenne :

Considérant que les stipulations de l'article 52 du traité CE qui posent le principe de la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans un autre Etat membre ne sont pas applicables aux faits de l'espèce dès lors que l'imposition en cause ne relève pas de l'exercice d'une activité non salariée ou de la gestion d'une entreprise ; que les stipulations de l'article 67 du traité CE, en vigueur jusqu'au 31 décembre 1993, qui prévoyaient la suppression progressive des restrictions aux mouvements de capitaux et les dispositions de droit dérivé prises pour assurer la mise en oeuvre de cet article et, en particulier, la directive 88/361/CEE du 24 juin 1988, aux dispositions de laquelle les Etats membres devaient se conformer au plus tard le 1er juillet 1990, limitent leur champ d'application aux mouvements de capitaux intervenant entre les personnes résidant dans les Etats membres et ne sont donc pas applicables à Mme X qui est résidente monégasque ; que si l'article 7 du traité CE (devenu, après modification, article 6 puis article 12 CE) interdit toute discrimination exercée en raison de la nationalité, cette prohibition ne vaut que dans le domaine d'application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu'il prévoit ; que, s'agissant d'impôts directs ne relevant pas de la compétence de la Communauté européenne, Mme X, dont la situation, ainsi qu'il a été dit, ne met pas en jeu une liberté de circulation protégée par le traité CE, ne peut utilement invoquer cet article ; qu'il résulte de ce qui précède, que s'agissant de l'imposition de l'année 1993, Mme X n'est pas fondée à invoquer les stipulations des articles 7, 52 et 67 du traité CE et ne peut, par suite, utilement soutenir que les dispositions de l'article 164 C du code général des impôts sont contraires au principe de non-discrimination qui découle de ces stipulations ;

Considérant que si Mme X invoque les dispositions de l'article 18 du même traité stipulant que : Tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application, ces dispositions, issues de l'article 8 A, ont été ajoutées au traité de Rome par le traité du 7 février 1992 sur l'Union Européenne et ne sont en vigueur que depuis le 1er janvier 1994 ; qu'elles ne peuvent donc être invoquées par la requérante pour contester l'imposition afférente à l'année 1993 ; que la requérante n'est, en outre, pas fondée à se prévaloir d'une clause de la nation plus favorisée ;

Sur les impositions afférentes aux années 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998 :

Considérant que pour les mêmes motifs que ceux indiqués ci-dessus pour l'année d'imposition 1993, Mme X n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions combinées des articles 1er et 24 de la convention franco-finlandaise pour faire échec à l'application des dispositions de l'article 164 C du code général des impôts ;

Considérant toutefois que si les impôts directs ne relèvent pas, en tant que tels, du domaine de compétence de la Communauté européenne, les Etats membres doivent exercer leur compétence fiscale dans le respect du droit communautaire et notamment de la liberté de circulation des capitaux désormais réglementée par les articles 56 et 58 CE, dans leur rédaction issue du traité de Maastricht entré en vigueur le 1er janvier 1994 ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du point II.A de la nomenclature annexée à la directive 88/361 du 24 juin 1988 que les investissements immobiliers effectués sur un territoire national par un non résident, même à des fins personnelles, constituent des mouvements de capitaux au sens de l'article 56 CE ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 56 CE : « 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites. 2. (...) » ; que l'article 58 CE dispose : « 1. L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres : a ) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscales qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ; b (...) ; 2. (...). 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 56. » ; que les dispositions des articles 56 et 58 CE sont, depuis le 1er janvier 1994, invocables par un ressortissant communautaire résidant dans un pays tiers, et notamment à Monaco, propriétaire d'une maison d'habitation en France ; qu'il peut également invoquer à son profit les dispositions de l'article 12 CE interdisant toute discrimination exercée en raison de la nationalité dans le domaine d'application du traité ; que ces dispositions combinées s'opposent à ce que deux ressortissants communautaires placés dans la même situation soient, en raison de leur différence de nationalité imposés différemment ; que l'existence éventuelle d'une violation de ces dispositions s'apprécie en prenant en compte non seulement les dispositions fiscales de droit interne mais également les règles fiscales qui pourraient découler de l'application de conventions fiscales et notamment de la convention franco-monégasque ; que Mme X, résidente monégasque était dans la même situation qu'un ressortissant français résidant à Monaco et disposant d'une habitation en France ; que l'application combinée de l'article 164 C du code général des impôts et du paragraphe 1 de l'article 7 de la convention franco-monégasque a conduit l'administration fiscale à soumettre Mme X à l'imposition d'un revenu forfaitaire égal à trois fois la valeur locative réelle des biens immobiliers dont elle est propriétaire en France ; qu'un ressortissant français résidant à Monaco est soumis à l'impôt sur le revenu dans les mêmes conditions que s'il avait son domicile ou sa résidence en France ; que cette différence d'imposition, qui ne résulte que d'une différence de nationalité, constitue une restriction aux mouvements de capitaux entre Etats membres et pays tiers et méconnaît ainsi les dispositions des articles 12 et 56 CE, sauf s'il est établi que ces modalités de taxation relèvent des traitements inégaux autorisés par les dispositions de l'article 58 1. a) CE ; qu'il résulte des termes de l'article 164 C précité qu'un résident monégasque étranger propriétaire d'un immeuble en France est, en tout état de cause, soumis à une taxation minimum à l'impôt sur le revenu égale à trois fois la valeur locative du ou des immeubles dont il dispose, sans que lui soit ouverte la possibilité d'établir que ses revenus sont inférieurs à cette base ; qu'un résident monégasque de nationalité française dans la même situation en ce qui concerne sa résidence et le lieu où ses capitaux sont investis n'est pas soumis à cette obligation de cotisation minimum ; que ces modalités de taxation n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions précitées du a) du 1. de l'article 58 CE et constituent une discrimination arbitraire au sens du 3. de cet article ; que Mme X est donc fondée à soutenir que c'est en méconnaissance des dispositions du traité de Rome qu'elle a été assujettie à l'impôt sur le revenu en application de l'article 164 C du code général des impôts au titre des années 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X est fondée à demander la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1990, 1991, 1992, 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 € au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il est accordé à Mme X la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1990, 1991, 1992, 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 30 novembre 2004 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à Mme X une somme de 1 500 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Margarita X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

N° 05MA00088 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 05MA00088
Date de la décision : 10/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: M. Dominique MALARDIER
Rapporteur public ?: M. EMMANUELLI
Avocat(s) : CIAUDO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-06-10;05ma00088 ?
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