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05/05/2008 | FRANCE | N°06PA00405

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 05 mai 2008, 06PA00405


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 2 février 2006, présentée pour M. et Mme Bernard X, demeurant ..., par Me Houilliez, avocat ; M. et Mme X demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9906895/1-2 du 29 novembre 2005 en tant que le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, partiellement rejeté leur demande en réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui ont été assignés à M. X au titre de l'année 1992 et d'autre part, rejeté leur demande en réduction des compléments d'impôt sur le revenu au

xquels ils ont été assujettis au titre des années 1991 et 1992 ;

2°) ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 2 février 2006, présentée pour M. et Mme Bernard X, demeurant ..., par Me Houilliez, avocat ; M. et Mme X demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9906895/1-2 du 29 novembre 2005 en tant que le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, partiellement rejeté leur demande en réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui ont été assignés à M. X au titre de l'année 1992 et d'autre part, rejeté leur demande en réduction des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1991 et 1992 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 2008 :

- le rapport de Mme Dhiver,

- les observations de Me Houlliez, pour M. et Mme X,

- et les conclusions de Mme Evgenas, commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'entreprise individuelle de M. X, qui exerce une activité d'antiquaire, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 1991 et 1992 ; qu'à la suite de ce contrôle, l'administration a notifié à l'intéressé des redressements en matière de bénéfices industriels et commerciaux et de taxe sur la valeur ajoutée ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a partiellement rejeté la demande de M. et Mme X tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des rappels de taxe résultant de ces redressements ;

Sur la procédure d'imposition :

Considérant qu'il est constant que les redressements notifiés par lettre du 20 avril 1995 à M. X en matière de taxe sur la valeur ajoutée et de bénéfices industriels et commerciaux font suite à la vérification de comptabilité de son entreprise individuelle portant sur les exercices clos les 31 décembre 1991 et 1992 qui s'est déroulée du 6 juin 1994 au 18 avril 1995 ; que M. et Mme X, qui ont par ailleurs fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle, ne sont pas fondés à soutenir que l'administration aurait, à l'occasion de ce dernier contrôle, effectué une vérification de comptabilité détournée et les aurait ainsi privés des garanties attachées à ce type de contrôle ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux :

S'agissant de la vente publique organisée en mai 1992 :

Considérant que M. X a procédé en mai 1992 à une vente publique d'objets mobiliers anciens qui s'est déroulée dans sa résidence secondaire, le château de Cornillon ; que M. et Mme X soutiennent que cette vente, qui a porté sur des biens professionnels issus du stock de l'entreprise à hauteur de la somme de 7 256 353 F, a également porté sur des objets provenant de leur propre patrimoine à hauteur de 12 350 547 F, et qu'ils ont procédé à un apport à l'entreprise individuelle, qui connaissait alors de sérieuses difficultés, d'un montant égal au produit de la vente des biens personnels ; qu'il résulte de l'instruction que le produit de la vente a été porté en comptabilité pour sa totalité, soit 19 786 900 F, dans les produits de l'entreprise individuelle ; que l'opération d'apport a été traduite dans les comptes de l'entreprise par des écritures passées à la clôture de l'exercice d'une part de débit du compte d'achat de marchandises non stockées d'un montant de 12 350 547 F et d'autre part de crédit du compte d'exploitant de M. X du même montant ; qu'il incombe à M. X de justifier de la réalité et du montant de l'apport qu'il prétend avoir effectué à hauteur de 12 350 547 F ;

Considérant que les requérants soutiennent que les biens personnels vendus en 1992 sont, pour une part, des mobiliers du château de Cornillon acquis en 1972 en même temps que ladite propriété, et, pour l'autre part, des objets achetés entre 1972 et 1992 et provenant à la fois de leur résidence principale et de leur résidence secondaire ; que cependant, si une partie de la vente publique a effectivement porté sur des objets acquis à titre personnel par M. et Mme X en 1972 meublant le château de Cornillon, aucun élément versé au dossier ne permet d'identifier ces objets et le montant de la vente s'y rattachant ; que, notamment, s'il est fait état dans la notification de redressement du 20 avril 1995 de cinq lots vendus en mai 1992 pour un montant total de 2 305 000 F qui ne figuraient pas dans la liste des biens annexée à l'acte de vente du château, ces mentions sont insuffisantes pour déterminer la part des biens provenant dudit château dès lors que ces cinq lots ne sont cités par le vérificateur qu'à titre d'exemple ; qu'en outre, M. et Mme X n'apportent aucune précision sur les biens qu'ils auraient personnellement acquis entre 1972 et 1992 ; que dans ces conditions, en l'absence d'indications précises sur l'origine des biens dits privés, M. et Mme X doivent être regardés comme n'apportant pas la preuve que la vente publique de mai 1992 portait, à concurrence de 12 350 547 F, sur des biens provenant de leur patrimoine personnel ; que dès lors, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la réalité de l'apport d'un montant de 12 350 547 F et, en l'absence de toute information sur le prix d'acquisition des biens, a réintégré ladite somme dans les bénéfices industriels et commerciaux de l'année 1992 ;

S'agissant de l'évaluation des stocks :

Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : « (...) 2 - Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...) L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. 3 - Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient (...) » ; qu'aux termes de l'article 39 du même code : « 1 - Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) » ; qu'aux termes de l'article 38 nonies de l'annexe III au même code : « Les marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, emballages perdus, produits en stock et productions en cours au jour de l'inventaire sont évalués pour leur coût de revient. Le coût de revient est constitué : (...) Pour (...) les produits finis, (...) par le coût d'achat des matières et fournitures consommées, augmenté de toutes les charges directes ou indirectes de production à l'exclusion des frais financiers. Ces coûts sont fournis par la comptabilité analytique ou, à défaut, déterminés par des calculs ou évaluations statistiques » ; qu'aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au même code : « Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt » ; qu'il résulte des dispositions précitées que le prix de revient des produits en stock au jour de l'inventaire résulte de la somme du coût d'achat des matières utilisées pour la production de ces produits et des charges directes ou indirectes qui ont concouru à leur production, tels que ces coûts et charges sont fournis par une comptabilité analytique tenue selon les règles fixées par le plan comptable général ;

Considérant que le vérificateur, ayant constaté que les produits finis en stock étaient inscrits pour leur seul prix d'acquisition, a, en l'absence de comptabilité analytique faisant ressortir les coûts directs et indirects de production, augmenté la valeur des stocks des charges directes et indirectes ayant concouru à leur production en les évaluant à 35 %, soit la quote-part des achats non revendus, du montant total des charges directes et indirectes ;

Considérant, d'une part, que dans le cas où la production est inférieure à la capacité normale de production de l'entreprise qui est définie, ainsi que le prévoit le plan comptable général, en fonction des moyens dont l'entreprise dispose et de la production qu'elle peut raisonnablement en attendre, la part des charges fixes qui ne peut pas être imputée à la production, constitue pour l'entreprise une charge au sens de l'article 39 précité du code général des impôts, déductible du bénéfice au cours duquel la sous-activité est constatée ; que les charges liées à la sous-activité, dès lors qu'elles n'ont pas concouru à la production des produits en stock, ne sauraient avoir pour effet de valoriser ceux-ci et ne doivent pas, par suite, être prises en compte pour les évaluer ; que toutefois, et à supposer même que l'entreprise de M. X aurait eu au cours des exercices 1991 et 1992 un niveau de production inférieur à sa capacité normale de production, ce dernier ne démontre pas que les charges liées à la sous-activité devraient être fixées par application d'un abattement forfaitaire de 20 %, d'autant que l'entreprise ne disposait d'aucune comptabilité analytique ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la réponse aux observations du contribuable datée du 18 juillet 1995, que les commissions sur achats n'ont pas été incluses dans les charges directes à prendre en compte pour la valorisation des stocks ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que les commissions versées aux commissaires priseurs auraient été doublement prises en compte pour le calcul du prix de revient des stocks au 31 décembre 1991 ;

S'agissant des intérêts d'emprunt :

Considérant que l'administration a remis en cause le caractère de charges déductibles des intérêts financiers, d'un montant de 2 618 208 F, facturés au cours de l'exercice 1992 à l'entreprise individuelle par la société en nom collectif (SNC) Bernard X et compagnie ; que si les requérants soutiennent que ces intérêts se rapportent à un emprunt bancaire de 25 MF que la SNC a contracté pour le compte et dans le seul intérêt de l'entreprise individuelle, afin que celle-ci puisse conserver une autorisation de découvert de 50 MF, il résulte des écritures mêmes de l'entreprise individuelle que la SNC disposait d'un compte courant débiteur qui, à la date du 12 mars 1992 à laquelle la somme de 25 MF correspondant au produit de l'emprunt lui a été versée par la SNC, a été réduit du même montant ; que dès lors, ledit emprunt doit être regardé comme ayant été contracté par la SNC Bernard X et compagnie en vue du remboursement partiel de sa dette à l'égard de l'entreprise individuelle et ne pouvait par suite donner lieu à la facturation d'intérêts à cette dernière ;

Considérant toutefois qu'aux termes de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales : « Les compensations de droits prévues par les articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue un redressement lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque le redressement fait apparaître une double imposition » ; que M. et Mme X, qui soutiennent sans être contredit que la SNC Bernard X et compagnie, dont M. X détenait 95 % des parts, n'a pas porté dans ses charges les intérêts financiers de l'emprunt de 25 MF, font valoir qu'ils ont été doublement imposés à raison desdits intérêts et forment, sur le fondement de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, une demande de compensation ; qu'il y a lieu d'accueillir cette demande, à concurrence de la somme 2 487 297,60 F, correspondant aux charges non comptabilisées de la SNC au prorata des parts détenues par M. X dans la société, et de prononcer la réduction de la base d'imposition à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1992 d'un même montant ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : « I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ... » ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, l'entreprise individuelle a fait figurer dans ses produits de l'exercice 1992 l'intégralité de la vente publique réalisée en mai 1992 ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que l'ensemble du produit de la cession devait être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la réduction de la base de l'impôt sur le revenu qui leur a été assignée au titre de l'année 1992 à concurrence d'une somme de 2 487 297,60 F (379 186, 07 euros) ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme X et non compris dans les dépens ;






DÉCIDE :

Article 1er : La base de l'impôt sur le revenu assignée à M. et Mme X au titre de l'année 1992 est réduite d'une somme de 379 186, 07 euros (2 487 297,60 F).

Article 2 : M. et Mme X sont déchargés des droits et pénalités correspondant à la réduction de base d'imposition définie à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 29 novembre 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X est rejeté.

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N°06PA00405


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 06PA00405
Date de la décision : 05/05/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés FARAGO
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: Mme EVGENAS
Avocat(s) : SCP DEGROUX, BRUGERE et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-05-05;06pa00405 ?
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