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10/07/2008 | FRANCE | N°06VE01350

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 10 juillet 2008, 06VE01350


Vu le recours, enregistré le 26 juin 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0303776 en date du 31 janvier 2006, rectifié par ordonnance du 1er mars 2006, par lequel le Tribunal administratif de Versailles a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles la société Alcate

l Cit a été assujettie au titre de l'année 1992 ;

2°) de remettre lesd...

Vu le recours, enregistré le 26 juin 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0303776 en date du 31 janvier 2006, rectifié par ordonnance du 1er mars 2006, par lequel le Tribunal administratif de Versailles a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles la société Alcatel Cit a été assujettie au titre de l'année 1992 ;

2°) de remettre lesdites impositions à la charge de la société Alcatel Cit ;

3°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement attaqué et de rétablir la société Alcatel Cit au rôle de l'impôt sur les sociétés de l'exercice 1992, à hauteur d'un montant de 28 550,19 euros ;

Il soutient que la société de droit belge Alcatel Finco, constituée sous forme de centre de coordination , dont l'activité consiste à centraliser les opérations financières et de couverture de change des sociétés du groupe Alcatel NV, bénéficie d'un statut fiscal privilégié au sens de l'art 238 A du code général des impôts ; qu'en décidant d'investir ses excédents de trésorerie dans une augmentation de capital de la société Alcatel Finco, la société Alcatel Cit a fait une utilisation abusive du régime des sociétés mères prévu par l'article 145 du code général des impôts ainsi qu'il en est attesté, notamment, par le mémoire interne à destination du « corporate development commitee » et par la « convention type d'actionnaire » destinée à faciliter la sortie du capital ; qu'en effet, cette opération a eu exclusivement pour but de transformer des produits des placements qui auraient été soumis en France à une imposition au taux normal, à des dividendes susceptibles d'échapper à toute imposition à la fois en France et en Belgique ; que le jugement attaqué doit, en tout état de cause, être réformé dés lors que la société Alcatel Cit ne pouvait prétendre à un dégrèvement supérieur à celui demandé dans sa réclamation ; que ce jugement n'est pas suffisamment motivé ; qu'il est entaché d'erreur de droit pour ne pas avoir recherché la finalité du régime d'imposition défini par l'article 145 du code général des impôts ; que les premiers juges ont dénaturé les faits et procédé à une appréciation erronée des règles de preuve ; que la circonstance que la société Alcatel Finco s'interdise de consentir des prêts à ses actionnaires afin de se prémunir de tout risque fiscal révèle le motif fiscal du montage ; qu'aucun document explicitant les services rendus par Alcatel Finco à la société Alcatel Cit n'a été produit ; que la comptabilisation des titres Finco en titres de placements, et non en titres de participation, révèle leur nature de placement financier à court terme et l'absence d'une véritable stratégie économique et d'intention de créer des liens durables entre une société mère et une filiale ; que le rendement de ces titres proportionnel à leur durée de détention, les rapproche d'un intérêt plutôt que d'un dividende ; qu'une société de droit français aurait pu procéder à de tels placements à rendements équivalents ; que les titres ont été revendus à l'ancienne société mère d'Alcatel Finco, la société Alcatel NV, pour leur valeur de souscription, dans un délai inférieur à deux ans ; que l'abus de droit reproché à la société Alcatel Cit ne méconnaît ni le principe de liberté d'établissement prévu par l'article 43 du traité de l'Union européenne, ni la directive européenne n° 90 /435 du 23 juillet 1990 ;

................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 2008 :

- le rapport de Mme Boret, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société Alcatel Cit, qui avait souscrit, le 23 juillet 1991, une participation majoritaire au capital de la société Alcatel Finco, société de droit belge, dont l'objet est de centraliser les opérations de trésorerie et de couverture de risques de change des sociétés du groupe Alcatel, a fait application des dispositions de l'article 145 du code général des impôts instituant un régime spécial d'imposition des sociétés mères et a déduit de ses bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1992 les dividendes, d'un montant de 19 645 641 F, versés par la société Alcatel Finco ; que l'administration, sur le fondement des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, a considéré que l'opération ainsi réalisée était constitutive d'un abus de droit et a, en conséquence, assujetti la société Alcatel Cit à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1992, résultant de la réintégration à ses résultats des dividendes dont il s'agit ; que le ministre relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Versailles a prononcé la décharge de l'imposition en litige ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'en rappelant les dispositions de l'article 145 du code général des impôts et celles de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et en indiquant les raisons de fait pour lesquelles l'abus de droit n'était pas établi par l'administration, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments du service, a suffisamment motivé sa décision ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement contesté doit, en conséquence, être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Sur l'abus de droit :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : « Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) b) (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (...). L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement » ; que, lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elle tient de ces dispositions dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle doit, pour pouvoir écarter certains actes passés par le contribuable, établir que ces actes ont eu un caractère fictif ou, à défaut, qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Alcatel Finco, qui, au cours de l'année en litige, a employé quarante-huit salariés et réalisé un chiffre d'affaires supérieur à 660 millions de francs belges, exerce effectivement la fonction de centralisation financière et de couverture des risques de change pour le compte des sociétés du groupe Alcatel NV ; qu'ainsi, alors même que cette société bénéficie d'un régime fiscal privilégié, l'augmentation de capital à laquelle a souscrit la société Alcatel Cit ne présente pas de caractère fictif et ne peut être regardée comme réalisée dans le seul but d'éluder l'impôt ; que les circonstances que l'activité exercée par la société Alcatel Finco aurait pu être exercée dans les mêmes conditions de rentabilité par une société de droit français et que la société Alcatel Cit a cédé ses titres pour leur valeur de souscription, au terme d'un délai de deux ans prévu lors de l'augmentation de capital, ne suffisent pas à établir que l'opération a été inspirée par le seul motif d'éluder l'impôt ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Versailles a pu estimer que les conditions de l'abus de droit n'étaient pas réunies et, pour ce motif, décharger la société Alcatel Cit de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés qui lui a été assignée au titre de l'année 1992 ;

Sur le montant des impositions :

Considérant que la société requérante ayant, dans sa réclamation préalable à l'administration, expressément limité ses conclusions en décharge à la somme de 1 943 927 euros en base, elle n'était plus recevable, en application des dispositions de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales, à demander au tribunal une décharge à hauteur de 1 972 447 euros en base, supérieure de 28 550 euros à celle primitivement demandée ; qu'il y a lieu, en conséquence, de réformer le jugement critiqué en tant qu'il a déchargé la société requérante à hauteur de 28 550 euros en base et de rétablir celle-ci au rôle de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1992 à concurrence de ce montant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a accordé à la société Alcatel Cit la décharge de l'imposition contestée à hauteur de 28 550 euros en base et à demander que l'imposition correspondante soit remise à la charge de la société ;

DECIDE :

Article 1er : La société Alcatel Cit sera rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1992 à concurrence de 28 550 euros en base.

Article 2 : L'article 1er du jugement n°0303776 du Tribunal administratif de Versailles du 1er mars 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE01350
Date de la décision : 10/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CHELLE
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle BORET
Rapporteur public ?: Mme COLRAT
Avocat(s) : CHOUCROY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-07-10;06ve01350 ?
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