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21/02/2011 | FRANCE | N°07MA04439

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 21 février 2011, 07MA04439


Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 07MA04439, présentée pour la SOCIETE FRANCE ASSIST, dont le siège est au 8 La Donnière à Marennes (69970), par Me Richer, avocat ;

La SOCIETE FRANCE ASSIST demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0402587 du 19 septembre 2007 en tant que le Tribunal administratif de Marseille a partiellement rejeté sa demande de condamnation du département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 684 981,84 euros en réparation du préjudice subi du fait

de l'absence de commande à hauteur du montant minimum du marché au titre des...

Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 07MA04439, présentée pour la SOCIETE FRANCE ASSIST, dont le siège est au 8 La Donnière à Marennes (69970), par Me Richer, avocat ;

La SOCIETE FRANCE ASSIST demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0402587 du 19 septembre 2007 en tant que le Tribunal administratif de Marseille a partiellement rejeté sa demande de condamnation du département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 684 981,84 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de commande à hauteur du montant minimum du marché au titre des deux années d'exécution et a condamné le département à lui verser la somme de 310 000 euros en réparation du préjudice subi la première année d'exécution ;

2°) de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 587 591,71 euros ;

3°) de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.............

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services annexé au décret n° 77-699 du 27 mai 1977 ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2011 :

- le rapport de Mme Lopa-Dufrénot, rapporteur

- les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public,

- et les observations de Me Delagarde représentant la SOCIETE FRANCE ASSIST et de Me Lafay représentant le département des Bouches-du-Rhône ;

Après avoir pris connaissance de :

- la note en délibéré, enregistrée le 24 janvier 2011, pour le département des Bouches-du-Rhône ;

- et de la note en délibéré, enregistrée le 25 janvier 2011, pour la SOCIETE FRANCE ASSIST ;

Considérant que le département des Bouches-du-Rhône a conclu, le 11 juillet 2002, avec la SOCIETE FRANCE ASSIST un contrat à bons de commande afin de mettre en place un service de télé accompagnement des personnes âgées du département dénommé Allo seniors 13 , prévoyant un montant minimal annuel de prestations de 1 050 000 euros, pour la période d'exécution du 8 août 2002 au 31 juillet 2003 ; que le marché a été reconduit pour une nouvelle période du 1er août 2003 au 21 août 2004, pour un montant minimal annuel réévalué à 1 070 000 euros ; que la SOCIETE FRANCE ASSIST relève appel du jugement du 19 septembre 2007 en tant que le Tribunal administratif de Marseille a partiellement rejeté sa demande de condamnation du département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 684 981,84 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de commande à hauteur du montant minimum du marché au titre des deux années d'exécution et a condamné le département à lui verser la somme de 310 000 euros en réparation du préjudice subi lors de la première année d'exercice ; que, par la voie de conclusions incidentes, le département des Bouches-du-Rhône relève également appel de ce jugement ;

Sur l'appel incident :

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant qu'à l'appui de ses conclusions, le département des Bouches-du-Rhône soutient, pour la première fois en appel, que la demande de première instance était irrecevable, faute pour la société requérante d'avoir communiqué à la personne responsable du marché un mémoire en réclamation dans les formes et délais exigés par l'article 34 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services auquel se réfère le marché litigieux ;

Considérant que le défendeur de première instance est, en principe, recevable à invoquer en appel tous moyens susceptibles de s'opposer à la demande, y compris ceux qui reposeraient sur une cause juridique qu'il n'a pas invoquée en première instance ; qu'il n'en va autrement que lorsque le défendeur de première instance fait appel du jugement, auquel cas le respect du délai d'appel fait obstacle à ce qu'il invoque, une fois écoulé le délai d'appel, un moyen reposant sur une cause juridique nouvelle et qui n'est pas d'ordre public ; que la faculté, pour le défendeur en appel, de former appel incident, sans condition de délai, du jugement qui a donné satisfaction partielle au demandeur, autorise le défendeur de première instance, lorsqu'il est également défendeur en appel à invoquer, à l'appui de conclusions d'appel incident, un moyen fondé sur une cause juridique qu'il n'a pas invoquée devant les premiers juges, alors même que ce moyen n'est pas d'ordre public ; qu'il en résulte que le département des Bouches-du-Rhône est recevable à invoquer, à l'appui de ses conclusions d'appel incident, l'irrecevabilité de la demande de première instance sur le fondement de l'article 34 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services, alors même que cette irrecevabilité n'est pas d'ordre public ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2.21 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services résultant du décret du 27 mai 1977 modifié et auquel se réfère le marché en litige : Le titulaire peut désigner, dès la notification du marché, une ou plusieurs personnes physiques ayant qualité pour le représenter vis-à-vis de la personne responsable du marché pour l'exécution de celui-ci. ; que selon l'article 2.22 du même cahier : Le titulaire est tenu de notifier immédiatement à la personne du marché les modifications survenant au cours de l'exécution du marché qui se rapportent (...) aux personnes ayant le pouvoir d'engager l'entreprise. ; qu'en vertu de l'article 34 du cahier précité : Tout différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l'objet de la part du titulaire d'un mémoire de réclamation qui doit être communiqué à la personne responsable du marché dans le délai de trente jours compté à partir du jour où le différend est apparu. ;

En ce qui concerne la première année d'exécution du marché :

Considérant, d'une part, que le mémoire en réclamation prévu par les stipulations précitées de l'article 34 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services doit émaner du titulaire du marché ; que si les stipulations précitées des articles 2.21 et 2.23 du même cahier relatives à la représentation du titulaire du marché et à l'information de l'administration cocontractante s'étendent à tout ce qui concerne l'exécution du marché, ces stipulations ne concernent toutefois, compte tenu de leur objet qui est de donner à la personne publique la garantie de disposer à tout moment d'un interlocuteur unique pendant la durée du chantier, que la seule réalisation technique des travaux ; que la méconnaissance des prescriptions prévues par les articles 2.21 et 2.23 est donc sans incidence sur la recevabilité du mémoire de réclamation prévu par les stipulations de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales applicable dès lors qu'il est établi qu'un tel mémoire émane de l'entreprise ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le département des Bouches-du-Rhône, tirée du défaut d'habilitation du signataire du mémoire en réclamation dont il n'est pas contestée qu'il émane de la SOCIETE FRANCE ASSIST ne saurait être accueillie ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que, par correspondance du 22 septembre 2003, la SOCIETE FRANCE ASSIST, a demandé le règlement de l'indemnité d'un montant de 587 591,71 euros au titre du manque à gagner correspondant à la première année d'exécution du marché ; que, le 21 octobre 2003, le département des Bouches-du-Rhône a réclamé tout document financier utile, notamment le bilan de l'entreprise afin de déterminer la marge bénéficiaire ; que, par courrier du 9 décembre 2003, reçu le 11 décembre suivant, la SOCIETE FRANCE ASSIST qui avait transmis un rapport d'expertise comptable, a mis en demeure le département de prendre position avant le 17 décembre 2003 avant de lui notifier, le 16 janvier 2004, un mémoire de réclamation reçu le 19 janvier 2004 ; que, dans ces conditions, le différent né entre la SOCIETE FRANCE ASSIST et le département des Bouches-du-Rhône, relatif à la réparation du préjudice subi par l'entreprise du fait du non-respect par l'administration de ses engagements contractuels, est apparu au plus tard le 17 décembre 2003 ; que le délai de 30 jours expirant un samedi, le mémoire de réclamation reçu par le département des Bouches-du-Rhône, le lundi 19 janvier 2004, a été notifié à la personne responsable du marché avant l'expiration du délai exigé par les stipulations de l'article 34 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services et n'est, ainsi, pas tardif ;

En ce qui concerne la seconde année d'exécution du marché :

Considérant que les circonstances que, le 2 avril 2004, date de l'enregistrement de la demande de première instance, le préjudice résultant de l'insuffisance du montant des commandes au titre de la seconde période d'exécution du marché du 1er août 2003 au 21 août 2004, ne serait pas né et que les parties auraient convenu amiablement l'extension de la mission de l'expert judiciaire à la détermination du préjudice correspondant à l'année d'exécution précitée ne sont pas de nature à dispenser le titulaire du marché du respect des stipulations de l'article 34 du cahier des clauses administratives générales applicables ; que, alors même qu'ils mentionneraient les motifs de la contestation et le montant de l'indemnité réclamée, les dires de la SOCIETE FRANCE ASSIST adressés à l'expert et annexés au rapport d'expertise produit ne peuvent être regardés comme un mémoire en réclamation, au sens des dispositions de l'article 34 du cahier des clauses administratives générales précité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département des Bouches-du-Rhône est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille l'a condamné à verser à la SOCIETE FRANCE ASSIST une indemnité d'un montant de 97 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2006 ;

Sur l'appel principal :

Considérant que dans le cas où le montant minimal annuel des prestations stipulées au contrat à bons de commande n'a pas été atteint, le co-contractant est en droit de prétendre à la réparation du préjudice subi du fait du non-respect par l'administration de ses engagements ; que ce préjudice correspond à la perte de marge bénéficiaire qu'aurait dégagée l'exécution du montant minimal de commandes prévu au marché et, le cas échéant aux dépenses qu'il a engagées pour pouvoir satisfaire à ses obligations contractuelles minimales ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des pièces constitutives du marché et du rapport d'expertise qu'aux termes des stipulations du marché à bons de commande, la SOCIETE FRANCE ASSIST s'est engagée, sur l'ensemble du département, à, d'une part, mettre en place une plate-forme téléphonique Allo seniors 13 disponible 24 heures sur 24, sept jours sur sept, afin de répondre aux appels reçus de la part de personnes âges et d'autre part, assurer un service d'accompagnement à leur profit ; que ces deux types de prestations ont donné lieu à une rémunération différenciée ; que la société requérante se prévaut des conclusions de l'expert désigné suivant ordonnance du vice-président du Tribunal administratif de Marseille du 2 avril 2004, qui propose d'évaluer le préjudice subi au titre de la première année d'exécution, dans le cadre d'une première hypothèse, à partir du taux de répartition entre chaque type de prestations prévues, déterminé selon le chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise au cours de la période en cause, à la somme de 587 595,71 euros ; que, toutefois, eu égard au volume des commandes réelles, au cours de la période allant du 8 août 2002 au 31 juillet 2003, représentant moins du dixième du montant des prestations prévues au contrat, la SOCIETE FRANCE ASSIST ne saurait soutenir que l'évaluation ainsi proposée par l'expert et dont elle demande la validation, représenterait le manque à gagner qu'elle a réellement supporté ; que l'expert, dans son rapport, privilégie un autre mode d'évaluation sur la base d'un taux de répartition entre les deux types de prestations confiées à partir du chiffre d'affaires dégagé par la société requérante, lors de la seconde année d'exécution du 1er août 2003 au 21 août 2004, taux qu'il estime plus représentatif d'un fonctionnement normal des services en cause, constatant que la part de la prestation relative au service d'accompagnement excédait celle afférent au service téléphonique ; que, cependant, dès lors que n'a été créé et mis en place le nouveau dispositif Allo seniors 13 qu' au cours de la première année d'exécution, il y a lieu, et contrairement à l'avis de l'expert, de retenir que la part des prestations relatives au service téléphonique était nécessairement supérieure à celle réservée au service d'accompagnement, plus importante au cours de la deuxième année d'exercice ; qu'ainsi, la SOCIETE FRANCE ASSIST n'est pas fondée à demander que le montant de l'indemnité destinée à réparer le préjudice subi du fait de l'insuffisance des commandes au cours de la première année d'exécution du marché soit portée à la somme de 587 591,71 euros ;

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par le département des Bouches-du-Rhône :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d' un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. ; et qu'aux termes de l'article L.911-3 : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ;

Considérant que le département des Bouches-du-Rhône demande le remboursement de la somme versée indûment à la SOCIETE FRANCE ASSIST, en exécution du jugement attaqué du 19 septembre 2007, outre les intérêts ; que, toutefois, il ne relève pas des pouvoirs du juge administratif de prononcer une mesure qu'il appartient à la personne publique de prendre elle-même, notamment par l'émission d'un titre exécutoire pour le recouvrement d'une créance ; que, par suite, de telles conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la SOCIETE FRANCE ASSIST la somme que le département des Bouches-du-Rhône demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par le département soient mises à la charge de la SOCIETE FRANCE ASSIST, qui n'est pas la partie perdante ;

D É C I D E :

Article 1 : La requête de la SOCIETE FRANCE ASSIST est rejetée.

Article 2 : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Marseille du 19 septembre 2007 est annulé en tant qu'il condamne le département des Bouches-du-Rhône à verser à la SOCIETE FRANCE ASSIST la somme de 97 000 euros (quatre-vingt dix-sept mille euros) assortie des intérêts à compter du 13 juillet 2006.

Article 3 : Le surplus des conclusions du département des Bouches-du-Rhône est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE FRANCE ASSIST, au département des Bouches-du-Rhône et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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N° 07MA04439


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA04439
Date de la décision : 21/02/2011
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Micheline LOPA-DUFRENOT
Rapporteur public ?: M. MARCOVICI
Avocat(s) : RICHER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-02-21;07ma04439 ?
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