La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/04/2011 | FRANCE | N°08LY02216

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 21 avril 2011, 08LY02216


Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2008, présentée pour M. Serge A, domicilié ...;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0701810 du 9 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier de Moulins-Izeure à l'indemniser des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée lors de son hospitalisation, en tant qu'il a fait une estimation insuffisante de certains postes de préjudices ;

2°) de mettre à la charge du Centre hospitalier une somme supplémentaire de 50 254,33 eu

ros ;

Il soutient qu'il a produit une attestation de son employeur faisant état d...

Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2008, présentée pour M. Serge A, domicilié ...;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0701810 du 9 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier de Moulins-Izeure à l'indemniser des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée lors de son hospitalisation, en tant qu'il a fait une estimation insuffisante de certains postes de préjudices ;

2°) de mettre à la charge du Centre hospitalier une somme supplémentaire de 50 254,33 euros ;

Il soutient qu'il a produit une attestation de son employeur faisant état d'une perte de salaire de 8 751,55 euros pendant la période d'incapacité temporaire totale ; que les troubles dans les conditions d'existence doivent être indemnisés sans qu'il soit besoin d'en justifier ; que son épouse lui a porté assistance ; qu'il a subi un préjudice professionnel en raison de sa mise en invalidité ; qu'il a subi un préjudice esthétique et un préjudice d'agrément ;

Vu le mémoire en défense, adressé par télécopie le 13 décembre 2010, confirmée le 17 décembre 2010, présenté pour le centre hospitalier de Moulins-Yzeure tendant au rejet de la requête ;

Il soutient que le Tribunal a déjà indemnisé les troubles dans les conditions d'existence ; la réalité de la perte de salaire alléguée n'est pas justifiée dans la mesure où l'intéressé a perçu des indemnités journalières ; l'assistance d'une tierce personne n'est pas davantage justifiée ; le préjudice esthétique a été indemnisé avec le poste des souffrances ; le préjudice d'agrément n'est pas établi, compte tenu des antécédents du requérant ;

Vu, le mémoire, adressé par télécopie le 30 décembre 2010, confirmé le 31 décembre 2010, présenté pour la CPAM de l'Allier tendant à ce que le centre hospitalier lui rembourse la somme de 132 485,70 euros, lui verse l'indemnité forfaitaire de 966 euros ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les frais sont en relation avec l'infection nosocomiale ;

Vu, adressé par télécopie le 31 décembre 2010, confirmée le 3 janvier 20011 le mémoire présenté pour l'ONIAM qui demande sa mise hors de cause dès lors que le taux d'incapacité permanente partielle de M. A est de 15 % ;

Vu, adressé par télécopie le 16 mars 2011, confirmée le 17 mars 2011, un mémoire présenté pour le centre hospitalier de Moulins-Yzeure tendant au rejet de la demande de la CPAM ; il soutient que la caisse n'opère pas de distinction entre les prestations occasionnées par la faute reprochée à l'hôpital ;

Il soutient que les dispositions de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique ne trouvent pas à s'appliquer ;

Vu, le mémoire, adressé par télécopie le 24 mars 2011, confirmé le 24 mars 2011, présenté pour la CPAM de l'Allier tendant à ce que le centre hospitalier lui rembourse la somme de 118 684,32 euros, lui verse l'indemnité forfaitaire de 980 euros ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient, en outre, que la rente d'invalidité n'est imputable à l'infection nosocomiale qu'à hauteur de 50 % ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2011 :

- le rapport de Mme Steck-Andrez, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, alors âgé de 56 ans, a été hospitalisé le 25 mai 2004 au centre hospitalier de Moulins-Yzeure pour le traitement d'un purpura thrombopénique, justifiant un traitement par voie intraveineuse avec la mise en place d'un cathéter ; que ce traitement s'est compliqué d'une infection nosocomiale qui a été à l'origine d'un lymphagite du bras perfusé puis d'une arthrite de la hanche gauche nécessitant la pose d'une prothèse en mars 2005, suivie d'une longue rééducation ; que par le jugement attaqué du 9 juillet 2008, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a jugé le Centre hospitalier responsable des préjudices subis par M. A et l'a condamné à lui verser diverses indemnités ; que M. A relève appel du jugement en tant qu'il ne lui a pas donné entièrement satisfaction ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier conteste le jugement en tant qu'il a limité à la somme de 74 997,03 euros le remboursement de ses débours ; que le centre hospitalier de Moulins-Yzeure ne conteste pas le principe de la responsabilité mise à sa charge par le jugement attaqué ni le montant des indemnités allouées par le Tribunal à M. A ni la somme accordée à la caisse ;

Sur les préjudices subis par M. A et sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du III de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 applicable aux évènements ayant occasionné des dommages survenus antérieurement à son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une décision passée en force de la chose jugée : Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. / Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. / Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. / Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée. / Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice ;

Considérant qu'en application de ces dispositions le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;

Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus-décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

En ce qui concerne le préjudice à caractère patrimonial :

Quant aux dépenses de santé :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier justifie qu'elle a pris en charge des frais d'hospitalisation ainsi que des frais médicaux et pharmaceutiques en lien avec l'infection nosocomiale d'un montant total de 88 334,74 euros ; qu'il y a lieu de lui accorder le remboursement de cette somme ;

Considérant que M. A ne conteste pas la somme de 440,12 euros allouée au titre des frais matériels restés à sa charge ;

Quant aux pertes de revenus :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A occupait un emploi d'ouvrier qui lui procurait un revenu mensuel de l'ordre de 1 500 euros ; qu'il a subi, en conséquence de l'infection nosocomiale dont il a été victime, une période d'incapacité temporaire totale du 4 juin 2004 au 31 octobre 2005 ; que, compte tenu des versements par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier d'une somme de 16 548,20 euros au titre des indemnités journalières, une somme de 3 000 euros nets est restée à la charge de l'intéressé, ainsi que le confirme l'attestation de son employeur ; qu'il y a donc lieu d'accorder à M. A une indemnité de ce montant et d'allouer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier la somme de 16 548,20 euros correspondant au remboursement des indemnités journalières ;

Quant à l'incidence professionnelle :

Considérant que si l'intéressé fait valoir qu'il a été placé en invalidité à compter du 1er novembre 2005, il ne résulte pas de l'instruction que son invalidité soit la conséquence directe de la faute de l'hôpital, alors qu'il souffrait de plusieurs autres affections lourdes et des séquelles d'un grave accident de la circulation ; qu'il n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande d'indemnité au titre du préjudice professionnel ; qu'il y a lieu d'écarter, pour ce même motif, la demande de remboursement présentée par la caisse au titre de la pension d'invalidité versée à M. A ;

Quant à l'indemnité pour tierce personne :

Considérant que lorsque au nombre des conséquences dommageables d'un accident engageant la responsabilité d'une personne publique, figure la nécessité pour la victime de recourir à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante, la circonstance que cette assistance serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée ;

Considérant que le Tribunal a refusé d'allouer une indemnité à ce titre, au motif principal que M. A n'établissait pas l'existence de frais pour recours à une tierce personne, l'aide nécessaire étant fournie par son épouse ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande d'indemnité pour tierce personne ;

Considérant que l'expert a retenu la nécessité du recours à une tierce personne pendant les périodes du 19 octobre au 9 décembre 2004 et du 4 janvier au 1er mars 2005 ; que, compte tenu du salaire horaire moyen d'une aide à domicile, sur une durée journalière de travail de 2h, il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en allouant à M. A une somme de 1 780 euros ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

Considérant que, contrairement à ce que soutient M. A, le Tribunal a indemnisé les troubles dans les conditions d'existence qu'il a notamment subis pendant cette période d'incapacité temporaire ; que le requérant ne conteste d'ailleurs pas la somme de 15 000 euros accordée par le tribunal au titre des divers troubles dans les conditions d'existence ;

Considérant que M. A a subi un préjudice esthétique léger, dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 600 euros ; qu'il ne conteste pas la somme de 12 500 euros attribuée au titre des souffrances endurées ;

Considérant que, compte tenu de son état de santé préexistant, le requérant ne justifie pas d'un préjudice d'agrément imputable à la faute de l'hôpital ;

Sur le total des indemnités dues par le centre hospitalier de Moulins-Yzeure :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Moulins-Yzeure doit être condamné à verser à M. A une somme de 33 320,12 euros au titre des préjudices à caractère patrimonial et des préjudices à caractère personnel , dont sera déduite la provision de 9 315 euros déjà versée, et une somme de 104 882,94 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier au titre des dépenses de santé et du préjudice à caractère patrimonial; qu'il s'ensuit que l'indemnité totale que le centre hospitalier de Moulins-Yzeure a été condamné à payer à M. A par l'article 1er du jugement susvisé du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 9 juillet 2008 doit être portée à 24 005,12 euros et à 104 882,94 euros la somme qu'il a été condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie par l'article 2 du jugement ; qu'il y a lieu de mettre hors de cause l'ONIAM dont la responsabilité ne saurait être engagée sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique ;

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 980 euros auquel elle est fixée, à la date du présent arrêt, par l'arrêté interministériel du 10 novembre 2010 ; qu'il y a lieu de porter à ce montant l'indemnité de 926 euros allouée à ce titre en première instance et de mettre la somme de 980 euros à la charge du centre hospitalier de Moulins-Yzeure ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du centre hospitalier de Moulins-Yzeure une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la CPAM de l'Allier et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité totale que le centre hospitalier de Moulins-Yzeure a été condamné à payer à M. A par l'article 1er du jugement susvisé du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 9 juillet 2008 est portée à 24 005,12 euros.

Article 2 : L'indemnité totale que le centre hospitalier de Moulins-Yzeure a été condamné à payer à la CPAM de l'Allier par l'article 1er du jugement susvisé du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 9 juillet 2008 est portée à 104 882,94 euros, et l'indemnité forfaitaire de gestion à 980 euros.

Article 3 : Le jugement susvisé est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 5 : Le centre hospitalier de Moulins-Yzeure est condamné à verser la somme de 1 500 euros à la CPAM de l'Allier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6: Le présent arrêt sera notifié à M. Serge A, au centre hospitalier de Moulins-Yzeure, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier et à l'ONIAM.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2011 à laquelle siégeaient :

M. Vivens, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Stillmunkes, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 avril 2011.

''

''

''

''

1

2

N° 08LY02216


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY02216
Date de la décision : 21/04/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

61-06-025 Santé publique. Établissements publics de santé. Responsabilité des établissements de santé (voir Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. VIVENS
Rapporteur ?: Mme Frédérique STECK-ANDREZ
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : PHILIP DE LABORIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-04-21;08ly02216 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award