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10/11/2009 | FRANCE | N°09NT00538

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 10 novembre 2009, 09NT00538


Vu la requête enregistrée le 24 février 2009, présentée pour M. et Mme X, agissant tant en leur nom propre qu'au nom de leur enfant mineur Kévin, demeurant ..., M. Nielsen X, Mlle Akoumia X, M. Théophile X, Mme Odette GNAMBI, M. Louis Z, Mme Pauline Y, Mme Cornely X, M. Serge X, M. Simon X, M. Brice X, Mlle Ngoua X, Mlle Koumou X, M. Péa X, Mme Antoinette Z, Mme Bernadette Z, M. Jean-Baptiste Z, M. Anicet Z et M. Ben Z, demeurant ..., par Me Yamba, avocat au barreau de Tours ; les consorts X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-2092 du 19 décembre 2008 par l

equel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande t...

Vu la requête enregistrée le 24 février 2009, présentée pour M. et Mme X, agissant tant en leur nom propre qu'au nom de leur enfant mineur Kévin, demeurant ..., M. Nielsen X, Mlle Akoumia X, M. Théophile X, Mme Odette GNAMBI, M. Louis Z, Mme Pauline Y, Mme Cornely X, M. Serge X, M. Simon X, M. Brice X, Mlle Ngoua X, Mlle Koumou X, M. Péa X, Mme Antoinette Z, Mme Bernadette Z, M. Jean-Baptiste Z, M. Anicet Z et M. Ben Z, demeurant ..., par Me Yamba, avocat au barreau de Tours ; les consorts X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-2092 du 19 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Joué-les-Tours (Indre-et-Loire) à leur payer la somme globale de 79 000 euros en réparation de leurs préjudices résultant du décès de M. Simon X ;

2°) de condamner la commune de Joué-les-Tours à leur payer cette somme avec intérêts à compter de la demande d'indemnité ;

3°) de condamner la commune de Joué-les-Tours à leur verser la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 octobre 2009 :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort, rapporteur ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Mabouana, substituant Me Yamba, avocat des consorts X ;

Considérant que M. Simon X, est décédé le 18 août 2000 à l'âge de 14 ans au cours d'une sortie organisée sur le site du lac de Hommes (Indre-et-Loire) par le service jeunesse de la commune de Joué-les-Tours alors qu'il se baignait dans l'un des bassins en compagnie des cinq autres jeunes participants ; que, par jugement du 28 avril 2005, le Tribunal correctionnel de Tours a condamné M. B et Mlle A, agents de la commune qui accompagnaient la sortie, à la peine chacun de 8 mois d'emprisonnement avec sursis pour homicide involontaire et à indemniser solidairement à hauteur d'une somme globale de 76 000 euros les consorts X, qui s'étaient constitués parties civiles ; que, par un arrêt du 22 novembre 2005, la Cour d'appel d'Orléans a infirmé ce jugement en relaxant Mlle A des poursuites et rejeté les demandes civiles formées à son encontre ; que la Cour de cassation a annulé ce dernier arrêt en tant qu'il statuait sur l'action civile et renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris ; que les consorts X relèvent appel du jugement du 19 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Joué-les-Tours à leur verser la somme globale de 79 000 euros en réparation de leurs préjudices résultant du décès de M. Simon X ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant que les consorts X demandent la condamnation de la commune de Joué-les-Tours à leur verser la somme globale de 79 000 euros en réparation du préjudice moral subi par chacun d'entre eux résultant du décès de M. Simon X en raison des fautes commises pendant le service par M. B et Mlle A, en se référant dans leur requête même à l'indemnisation allouée par le Tribunal correctionnel de Tours dans son jugement du 28 avril 2005 ; que, dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Joué-les-Tours tirée de la motivation insuffisante de la requête ne peut être accueillie ;

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : La prescription est interrompue par (...) / Tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance. / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ;

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, une plainte contre X avec constitution de partie civile, de même qu'une constitution de partie civile tendant à l'obtention de dommages et intérêts effectuée dans le cadre d'une instruction pénale déjà ouverte, interrompt le cours de la prescription quadriennale dès lors qu'elle porte sur le fait générateur, l'existence, le montant ou le paiement d'une créance sur une collectivité publique ; qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite du décès de M. Simon X , survenu le 18 août 2000, les consorts X se sont constitués parties civiles ; que ces actions, qui tendaient à la recherche des auteurs d'un homicide involontaire par manquement à une obligation de sécurité ou de prudence, commis lors de la sortie organisée par le service jeunesse de la commune de Joué-les-Tours, doivent être regardées comme relatives à la créance des intéressés sur cette collectivité publique ; qu'ayant été introduites avant l'expiration du délai de la prescription quadriennale qui courait à compter du 1er janvier 2001, elles ont eu pour effet, en vertu des dispositions de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, d'interrompre ce délai jusqu'à la date à laquelle le jugement du Tribunal correctionnel de Tours du 28 avril 2005 est devenu définitif en ce qu'il prononçait une condamnation à l'encontre de M. B, faisant ainsi courir un nouveau délai de prescription quadriennale ; qu'ainsi les créances des consorts X n'étaient pas prescrites le 31 janvier 2006, date de la demande d'indemnisation dont ils ont saisi la commune de Joué-les-Tours ;

En ce qui concerne la responsabilité :

Considérant que la circonstance que l'accident en cause serait la conséquence d'une faute d'un agent administratif préposé à l'exécution d'un service public, laquelle aurait le caractère d'un fait personnel de nature à entraîner la condamnation de cet agent par les tribunaux de l'ordre judiciaire à des dommages-intérêts, et que même cette condamnation aurait été effectivement prononcée, ne saurait avoir pour conséquence de priver la victime de l'accident du droit de poursuivre directement, contre la personne publique qui a la gestion du service incriminé, la réparation du préjudice souffert ; qu'il appartient seulement au juge administratif, s'il estime qu'il y a une faute de service de nature à engager la responsabilité de la personne publique, de prendre, en déterminant la quotité et la forme de l'indemnité par lui allouée, les mesures nécessaires, en vue d'empêcher que sa décision n'ait pour effet de procurer à la victime, par suite des indemnités qu'elle a pu ou qu'elle peut obtenir devant d'autres juridictions à raison du même accident, une réparation supérieure à la valeur totale du préjudice subi ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des constatations de la Cour d'appel d'Orléans que les deux moniteurs qui accompagnaient le groupe ont laissé ses participants se baigner dans un bassin vaste et profond non surveillé et où la baignade était interdite ; que cette interdiction était rappelée par 18 panneaux ; que, selon l'expert commis par la juridiction judiciaire, le décès de M. Simon X a été causé par une anomalie cardiaque compromettant sa résistance à l'effort et ne se serait pas produit si la baignade avait eu lieu dans l'un des bassins surveillés et autorisés dans lesquels les baigneurs avaient pied, ce qui aurait évité à la victime de dépasser ses limites physiques ; que, dès lors, le comportement des accompagnateurs de la sortie est constitutif d'une faute de service de nature à engager la responsabilité de la commune de Joué-les-Tours ;

Considérant, toutefois, que la nature et l'étendue des réparations incombant à une collectivité publique en raison d'une faute dont la responsabilité lui est imputée, ne dépendent pas de l'évaluation du dommage faite par l'autorité judiciaire dans un litige où elle n'a pas été partie et n'aurait pu l'être mais doivent être déterminées par le juge administratif compte tenu des règles relatives à la responsabilité des personnes morales de droit public ; que M. Simon X, âgé de 14 ans au moment de son décès, a commis une imprudence en ignorant délibérément l'interdiction de se baigner dans le bassin n° 6 signalée par de nombreux panneaux et dont il avait connaissance pour y être venu auparavant ; que cette faute exonère la commune de Joué-les-Tours de la moitié de sa responsabilité ;

En ce qui concerne la réparation :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du dommage subi par M. et Mme X en condamnant la commune de Joué-les-Tours à leur payer, compte tenu du partage de responsabilité retenu, les sommes de 10 000 euros chacun et de 3 000 euros chacun en réparation, respectivement, de leur préjudice propre, et du préjudice subi par leur enfant mineur Kévin ; que l'indemnité due à M. Nielsen X et à Mlle Akoumia X, frère et soeur de la victime s'élève à 4 000 euros chacun ; que le préjudice subi par M. et Mme Théophile X et M. et Mme Louis MONDONGO, grands-parents de la victime, doit être indemnisé à hauteur de 1 000 euros pour chacun d'entre eux ; qu'en l'absence néanmoins de toute précision quant à la nature et à l'intensité des liens entre la victime et Mme Cornely X, M. Serge X, M. Simon X, M. Brice X, Mlle Ngoua X, Mlle Rosine X, M. Thierry X, Mme Antoinette MONDONGO, Mme Bernadette MONDONGO, M. Jean-Baptiste MONDONGO, M. Anicet MONDONGO et M. Ben MONDONGO, oncles et tantes de la victime qui résident à Mayotte, aucune indemnisation ne peut être allouée à ces derniers ; que, par ailleurs, les frais afférents à l'instance introduite devant la juridiction judiciaire ne constituent pas un élément du préjudice subi par les consorts X résultant de la faute de la commune ; que, par suite, la commune de Joué-les-Tours doit être condamnée à verser les sommes susmentionnées à M. et Mme X, à M. Nielsen X, à Mlle Akoumia X, à M. et Mme Théophile X et à M. et Mme Louis MONDONGO, sous réserve, toutefois, que le paiement en soit subordonné à la subrogation de la commune, par les consorts X, jusqu'à concurrence desdites sommes, aux droits qui résulteraient pour eux des condamnations qui auraient été ou qui seraient définitivement prononcées à leur profit, contre les accompagnateurs de la sortie personnellement, à raison du même accident, par l'autorité judiciaire ;

En ce qui concerne les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que les consorts X ont droit aux intérêts de ces sommes à compter du jour de la réception par la commune de Joué-les-Tours de leur demande ; qu'ils ont par ailleurs demandé la capitalisation des intérêts dans leur requête d'appel, enregistrée le 24 février 2009, date à laquelle il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'ils ont droit en conséquence à la capitalisation des intérêts échus au 24 février 2009, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que les consorts X, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à verser à la commune de Joué-les-Tours la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner la commune de Joué-les-Tours à verser à M. et Mme X, à M. Nielsen X, à Mlle Akoumia X, à M. et Mme Théophile X et à M. et Mme Louis MONDONGO une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par ceux-ci et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 19 décembre 2008 est annulé.

Article 2 : La commune de Joué-les-Tours est condamnée à verser à M. et Mme X la somme de 13 000 euros (treize mille euros) chacun, à M. Nielsen X la somme de 4 000 euros (quatre mille euros), à Mlle Akoumia X la somme de 4 000 euros (quatre mille euros), à M. et Mme Théophile X la somme de 1 000 euros (mille euros) chacun et à M. et Mme Louis MONDONGO la somme de 1 000 euros (mille euros) chacun avec intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par la commune de Joué-les-Tours de leur demande d'indemnité datée du 31 janvier 2006. Les intérêts échus à la date du 24 février 2009, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le bénéfice de la condamnation prononcée par l'article 2 du présent arrêt est subordonné à la condition que la commune de Joué-les-Tours subroge les consorts X, jusqu'à concurrence des sommes susmentionnées, aux droits résultant pour eux des condamnations qui ont été ou qui seraient définitivement prononcées à leur profit, contre M. B et Mlle A, par l'autorité judiciaire.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts X est rejeté.

Article 5 : La commune de Joué-les-Tours versera à M. et Mme X, à M. Nielsen X, à Mlle Akoumia X, à M. et Mme Théophile X et à M. et Mme Louis MONDONGO une somme globale de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les conclusions présentées par la commune de Joué-les-Tours tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié M. et Mme X, à M. Kévin X, à Mlle Akoumia X, à M. Nielsen X, à M. Théophile X, à Mme Odette GNAMBI, à M. Louis MONDONGO, à Mme Pauline Y, à Mme Cornely X, à M. Serge X, à M. Simon X, à M. Brice X, à Mlle Ngoua X, à Mlle Koumou X, à M. Péa X, à Mme Antoinette MONDONGO, à Mme Bernadette MONDONGO, à M. Jean-Baptiste MONDONGO, à M. Anicet MONDONGO, à M. Ben MONDONGO, à la commune de Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire) et à la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 09NT00538
Date de la décision : 10/11/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Philippe D IZARN de VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : YAMBA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2009-11-10;09nt00538 ?
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