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18/07/2013 | FRANCE | N°13VE00412

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 18 juillet 2013, 13VE00412


Vu la décision n° 340420 du 26 décembre 2012 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour la SA BNP Paribas, a, d'une part, annulé l'arrêt n° 08PA04861 en date du 2 avril 2010 par lequel la Cour administrative d'appel de Paris a, sur le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, remis à sa charge les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt auxquelles la SAS Paribas International avait été assujettie au titre des exercices clos en 1995, 19

96 et 1997 à raison des bénéfices réalisés par la société Parib...

Vu la décision n° 340420 du 26 décembre 2012 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour la SA BNP Paribas, a, d'une part, annulé l'arrêt n° 08PA04861 en date du 2 avril 2010 par lequel la Cour administrative d'appel de Paris a, sur le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, remis à sa charge les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt auxquelles la SAS Paribas International avait été assujettie au titre des exercices clos en 1995, 1996 et 1997 à raison des bénéfices réalisés par la société Paribas Suisse Guernesey Ltd, à l'exception d'un montant correspondant à l'impôt acquitté localement, et réformé en ce sens le jugement n° 0304875 du 20 mai 2008 du Tribunal administratif de Paris et, d'autre part, renvoyé l'affaire à la Cour, où elle a été enregistrée sous le n° 13VE00412 ;

Vu le recours, enregistré le 19 septembre 2008 sous le n° 08PA04861, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0304875 en date du 20 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé la SAS Paribas International des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1995, 1996 et 1997 à raison des bénéfices réalisés par la société Paribas Suisse Guernesey Ltd, établie à Guernesey, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2° de remettre à la charge de la SAS Paribas International les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt dont la décharge a été prononcée à tort ;

Il soutient :

- sur la régularité des impositions : que, dès lors que la procédure de redressement contradictoire a été mise en oeuvre, le service n'était pas tenu de respecter les conditions d'application de la procédure de taxation d'office ; que l'envoi d'une mise en demeure étant surabondant, un vice quelconque qui l'affecterait serait sans effet sur la régularité de la procédure contradictoire qui a été suivie ; que les premiers juges ont donc commis une erreur de droit en prononçant la décharge des impositions en litige en raison d'une irrégularité de la procédure d'imposition ;

- sur le bien-fondé des impositions :

- que les conditions d'application de l'article 209 B du code général des impôts sont satisfaites tant s'agissant de la participation détenue par la SAS Paribas International dans la société Paribas Suisse Guernesey Ltd que s'agissant du régime fiscal privilégié dont cette dernière a bénéficié ; que, pour échapper à l'imposition prévue à l'article 209 B du code général des impôts, il appartient à l'entreprise française d'établir que les opérations de l'entité étrangère n'ont pas principalement pour effet de permettre la localisation de bénéfices dans un pays à régime fiscal privilégié ; que les motifs de l'implantation ne sont pas à prendre en considération ; que seuls les effets doivent être examinés ; que, si la société requérante soutenait que la société Paribas Suisse Guernesey Ltd exerçait une activité commerciale de nature bancaire sur le marché local, elle n'apporte aucun élément de nature à justifier cette affirmation ; qu'ainsi, la société n'est pas fondée à se prévaloir de la clause visée à l'article 209 B II ;

- que la SAS Paribas International a été à bon droit assujettie aux contributions additionnelles sur l'impôt sur les sociétés ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 2013 :

- le rapport de M. Coudert, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., pour la SA BNP Paribas ;

1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet au titre des exercices clos en 1995, 1996 et 1997, la SAS Paribas International a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt au titre desdits exercices, à raison de l'inclusion dans son bénéfice taxable, en application des dispositions de l'article 209 B du code général des impôts, des bénéfices réalisés par la société Paribas Suisse Guernesey Ltd, établie à Guernesey ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, relève régulièrement appel du jugement du 20 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé la SAS Paribas International des impositions supplémentaires en litige, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2. Considérant qu'aux termes du II de l'article 102 SA de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) lorsqu'une entreprise ou une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés n'a pas produit, dans les délais prévus, la déclaration visée au I de l'article 102 Z et que l'administration établit que cette entreprise ou cette personne morale a détenu dans une société ou un groupement établis hors de France une participation dont le pourcentage ou le montant du prix de revient a été égal ou supérieur au pourcentage ou au prix de revient mentionnés aux I et I bis de l'article 209 B du code général des impôts à un moment quelconque de l'exercice de cette société ou de ce groupement, autre que la date de clôture, elle peut demander à cette entreprise ou cette personne morale de lui indiquer la durée de détention de cette participation au cours de l'exercice ainsi que les conditions et les dates de son acquisition et de sa cession. Si, dans un délai de trente jours, l'entreprise ou la personne morale passible de l'impôt sur les sociétés ne défère pas à cette demande ou fournit une réponse insuffisante, l'administration lui adresse une mise en demeure de produire dans le même délai la déclaration prévue à l'article 102 Z. " ;

3. Considérant que les impositions en litige n'ont pas fait l'objet d'une procédure de taxation d'office pour défaut de déclaration ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité, au regard des dispositions précitées de l'article 102 SA de l'annexe II au code général des impôts, des mises en demeure adressées, les 2 juillet et 20 octobre 2008, à la SAS Paribas International en vue de fournir à l'administration des renseignements et des documents relatifs à la société Paribas Suisse Guernesey Ltd dans laquelle elle détient indirectement des participations, est inopérant ; qu'il suit de là que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce moyen pour prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SA BNP Paribas, venant aux droits et obligations de la SAS Paribas International, devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 209 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. Lorsqu'une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés détient directement ou indirectement 25 % au moins des actions ou parts d'une société établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens mentionné à l'article 238 A, cette entreprise est soumise à l'impôt sur les sociétés sur les résultats bénéficiaires de la société étrangère dans la proportion des droits sociaux qu'elle y détient. / Ces bénéfices font l'objet d'une imposition séparée. Ils sont réputés acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de la société étrangère et sont déterminés selon les règles fixées par le présent code. / L'impôt acquitté localement par la société étrangère est imputable dans la proportion mentionnée au premier alinéa sur l'impôt établi en France à condition d'être comparable à l'impôt sur les sociétés. / (...) II. Les dispositions du I ne s'appliquent pas si l'entreprise établit que les opérations de la société étrangère n'ont pas principalement pour effet de permettre la localisation de bénéfices dans un Etat ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié. Cette condition est réputée remplie notamment : / - lorsque la société étrangère a principalement une activité industrielle ou commerciale effective ; / - et qu'elle réalise ses opérations de façon prépondérante sur le marché local. (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 238 A du même code : " (...) les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France " ;

6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu dissuader les entreprises passibles en France de l'impôt sur les sociétés de localiser, pour des raisons principalement fiscales, une partie de leurs bénéfices, au travers de filiales, créées par elles ou par une de leurs filiales dans des pays ou territoires à régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du même code ; qu'à cette fin, le premier alinéa du I de l'article 209 B du code général des impôts prévoit, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige, que dans le cas où une entreprise passible en France de l'impôt sur les sociétés détient, directement ou indirectement, au moins 25 % des actions ou parts d'une société implantée dans un Etat ou territoire à régime fiscal privilégié, elle est normalement soumise à l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices de cette société, à proportion des droits qu'elle y détient ; qu'il n'en va autrement, de manière dérogatoire, que si l'entreprise démontre, ainsi que le prévoit le premier alinéa du II de l'article 209 B, que l'implantation de la filiale, détenue directement ou indirectement, dans un pays à régime fiscal privilégié n'a pas, pour la société mère, principalement pour objet d'échapper à l'impôt français ; que si une telle situation peut être présumée, c'est à la double condition, prévue aux deuxième et troisième alinéas du II de l'article 209 B, qu'il soit démontré, d'une part, que la société étrangère exerce à titre principal une activité industrielle ou commerciale effective, et, d'autre part, que les opérations qu'elle réalise dans le cadre de cette activité sont effectuées de manière prépondérante sur le marché local, cette dernière notion devant, en tant qu'elle autorise une dérogation à la règle de droit commun, être interprétée strictement ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SAS Paribas International détenait directement ou indirectement au moins 25 % du capital de la société Paribas Suisse Guernesey Ltd ; que l'administration fiscale fait valoir, sans être contredite, que la société Paribas Suisse Guernesey Ltd a supporté une imposition au plus égale à 4 % de ses bénéfices au titre des années en litige, alors que ces mêmes bénéfices auraient été imposés en France à un taux notablement plus élevé ; qu'ainsi, l'administration établit le caractère privilégié du régime fiscal de Guernesey au sens de l'article 238 A précité du code général des impôts ; que, dès lors, la SAS Paribas International entrait dans le champ d'application des dispositions précitées du I de l'article 209 B du même code à raison des bénéfices réalisés par la société Paribas Suisse Guernesey Ltd ;

8. Considérant, toutefois, que la SA BNP Paribas indique que la société Paribas Suisse Guernesey Ltd, créée en 1982 par la société Paribas Suisse, exerçait une activité de banque privée à destination de clients particuliers internationaux attirés par la réglementation bancaire et fiscale de Guernesey et souhaitant y effectuer des dépôts fiduciaires ; que l'intimée, qui justifie par les pièces produites de l'effectivité de l'activité commerciale en cause, fait valoir que la création de cette sous-filiale avait pour finalité le développement de l'activité de banque privée auprès de cette clientèle internationale ; que, compte tenu des objectifs poursuivis par cette clientèle, la SA BNP Paribas est fondée à soutenir que les opérations ainsi réalisées n'auraient pu être effectuées en France et qu'ainsi les profits dégagés par la société Paribas Suisse Guernesey Ltd au cours des années 1994, 1995 et 1996 n'auraient pu être réalisés en France ; qu'à supposer même, ainsi que le soutient le ministre, que des résidents fiscaux français aient été au nombre des clients de la banque installée à Guernesey et que des fonds aient été collectés en France, cette double circonstance ne fait pas obstacle à ce que la SA BNP Paribas bénéficie des dispositions du II de l'article 209 B du code général des impôts dès lors que cet article a pour seule finalité la lutte contre l'éventuelle évasion fiscale d'une société française désirant minorer son impôt sur les sociétés et non celle des clients d'une de ses filiales établie dans un Etat ou territoire à régime fiscal privilégié ; que si le ministre soutient également que l'objet des placements ne serait pas précisé, il n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes faute d'indiquer en quoi la nature desdits placements serait susceptible de faire obstacle à l'application des dispositions dudit II ; qu'il résulte de ce qui précède que la SA BNP Paribas apporte la preuve qui lui incombe que les opérations de la société Paribas Suisse Guernesey Ltd n'avaient pas, pour la SAS Paribas International, principalement pour objet d'échapper à l'impôt français ; qu'il suit de là que l'administration a fait une inexacte application des dispositions de l'article 209 B du code général des impôts en assujettissant la SAS Paribas International à l'impôt sur les sociétés et aux contributions additionnelles sur cet impôt au titre des exercices clos en 1995, 1996 et 1997 à raison des bénéfices réalisés par la société Paribas Suisse Guernesey Ltd ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la SAS Paribas International ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.

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N° 13VE00412


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13VE00412
Date de la décision : 18/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Personnes morales et bénéfices imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : PONS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-07-18;13ve00412 ?
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