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12/11/2015 | FRANCE | N°14VE00860

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 12 novembre 2015, 14VE00860


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme Hamid OUMAHOUCHEont demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des majorations correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1303978 en date du 10 février 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistr

e les 25 mars et 9 septembre 2014, présentés par Me Rouzaud, avocat, M. et Mme OUMAHOUCHEdeman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme Hamid OUMAHOUCHEont demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des majorations correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1303978 en date du 10 février 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrée les 25 mars et 9 septembre 2014, présentés par Me Rouzaud, avocat, M. et Mme OUMAHOUCHEdemandent à la Cour de les décharger des impositions litigieuses, et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- dans son rejet de la réclamation qu'ils ont formée, l'administration a procédé à une substitution de base légale ; elle a en effet substitué les dispositions de l'article 109 1-2° à celles de l'article 109 1-1° du code général des impôts ; cette substitution de base légale n'était possible que si la proposition de rectification initiale était régulière ; or, en l'espèce, l'administration avait simultanément invoqué les deux dispositions précitées ; la proposition de rectification initiale était donc insuffisamment motivée, et privait les contribuables de la faculté de présenter utilement leur défense, faute de connaître le motif de droit invoqué ;

- le procès-verbal établi par le service des douanes n'a pas fait l'objet d'un débat oral et contradictoire, ayant été obtenu par le vérificateur postérieurement à la fin des opérations de contrôle sur place ; ce document ne pouvait donc pas être utilisé dans la proposition de rectification ; les requérants n'ont pu prendre connaissance de ces informations que dans la réponse qui été apportée à leurs observations ;

- en ce qui concerne le montant des revenus réputés distribués, les contribuables n'ont pas appréhendé la totalité du chiffre d'affaires reconstitué, mais seulement des sommes diminuées des charges et rétrocessions ; l'administration savait que les recettes réalisées par les machines à sous étaient partagées entre l'exploitant et le propriétaire des machines ;

- l'administration n'apporte pas la preuve que le contribuable a effectivement appréhendé les sommes en question ;

- la reconstitution du chiffre d'affaires n'a pas tenu compte des " Happy hour " ayant lieu tous les jours entre 17h et 19h, pratique qui a une incidence sur le chiffre d'affaires réalisé à ce créneau horaire et qui aurait dû être minoré de 20 % ; le " Happy hour " représente 20 % à 30 % du chiffre d'affaires de vente de boissons ;

- la reconstitution des recettes générées par les machines de jeux ne tient pas compte des concertations effectuées dans le procès-verbal du service des douanes, concernant la durée d'utilisation de ces machines ;

- les pénalités sont insuffisamment justifiées.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Errera, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Delage, rapporteur public.

1. Considérant que la société " Le Café des Sports ", qui exploite un débit de boissons et dont M. OUMAOUCHE est l'associé majoritaire et le gérant de droit, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2008 à 2010 ; qu'à cette occasion, l'administration a écarté la comptabilité de la société, reconstitué son chiffre d'affaires et réintégré dans le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés les sommes correspondant à des insuffisances de recettes ; qu'elle a ensuite assujetti M. et Mme OUMAOUCHE à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2008 à 2010, en regardant les sommes réintégrées dans les bénéfices de la société " Le Café des Sports " comme des revenus distribués, imposables au nom du bénéficiaire à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que M. et Mme OUMAOUCHEdemandent la décharge de ces impositions ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la motivation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon utile ;

3. Considérant, en premier lieu, que la proposition de rectification du 21 décembre 2011 mentionne l'impôt concerné, les années d'imposition, la base d'imposition et le 1 de l'article 109 du code général des impôts ; qu'elle indique, en outre, que le contribuable était identifié comme le bénéficiaire d'un fait de distribution, à raison du chiffre d'affaires non déclaré par la société dont il était le gérant, généré par les machines de jeux exploitées dans son établissement d'une part, et par l'activité de débit de boissons d'autre part ; que ces sommes ont été regardées comme désinvesties de la société ; que ces sommes, dont le détail était énuméré en pages 4 et 5 de la proposition de rectification, étaient précisément identifiées quant à leur origine et leur nature ;

4. Considérant, en second lieu, que s'il est constant que l'administration s'est référée, en page 5 de la proposition de rectification précitée, aux dispositions de l'article 109 du code général des impôts sans préciser si elle faisait application du 1° ou du 2° de cet article, elle a clairement indiqué, dans la décision de rejet de la réclamation, que le fondement légal de l'imposition reposait sur les dispositions du 2° de l'article précité ; que cette indication mettait le contribuable à même d'engager valablement une discussion avec l'administration sur ce chef de redressement ; que si les requérants font grief au service d'avoir procédé, ce faisant, à une substitution de base légale, il résulte de ce qui vient d'être dit que, dès lors que la proposition de rectification mentionnait tant les dispositions du 1° que celles du 2° de l'article 109 1 précité, il n'y avait pas lieu de procéder à une telle substitution, l'administration s'étant bornée, au stade du rejet de la réclamation, à préciser sur quelle disposition de cet article elle fondait l'imposition ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit être écarté ;

En ce qui concerne l'exercice du droit de communication :

5. Considérant que les requérants soutiennent que la procédure d'imposition serait entachée d'irrégularité dans la mesure où, en s'appuyant sur des procès-verbaux d'audition recueillis auprès des services de police et des douanes, le vérificateur aurait utilisé des informations qu'il n'a pas soumises au débat oral et contradictoire ;

6. Considérant, toutefois, qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, une telle contestation portant sur la régularité de la vérification de comptabilité de la société " Le Café des Sports " ne peut qu'être écartée, en raison du principe de l'indépendance des procédures de redressement menées à l'encontre de la société d'une part et de M. et Mme OUMAOUCHE d'autre part ;

Sur le bien-fondé des impositions :

7. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices " ; que ces dispositions font obligation à l'administration, lorsqu'elle estime devoir imposer un associé qui n'a pas accepté, comme c'est le cas en l'espèce, le redressement de son imposition à l'impôt sur le revenu, d'apporter la preuve que celui-ci a eu la disposition des sommes ou valeurs qu'elle entend imposer au nom de celui-ci ;

En ce qui concerne le montant des revenus distribués :

S'agissant de la prise en compte des périodes dites de " happy hour " :

8. Considérant que les requérants font valoir que le vérificateur n'aurait pas pris en compte les périodes dites de " happy hour ", couvrant chaque jour la période allant de 17 heures à 19 heures, et durant lesquelles l'établissement propose une offre commerciale " un verre offert pour un verre acheté " ; qu'ils soutiennent que cette pratique a pour effet de minorer le chiffre d'affaires réalisé, les périodes dites de " happy hour " représentant par ailleurs, selon eux, 20 à 30 % du chiffres d'affaires quotidien ;

9. Considérant, toutefois, que les requérants n'apportent pas de pièces justificatives à l'appui de leurs allégations, en dehors de trois clichés photographiques, présentés comme ayant été pris le 15 janvier 2009 et le 29 octobre 2010 ; qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, ces photographies ne suffisent pas à établir le caractère quotidien des périodes de " happy hour " et n'apportent aucune information quant à la part des promotions consenties à ce titre au sein de l'ensemble du chiffre d'affaires provenant de la vente de boissons ; qu'ainsi, l'administration a pu, à bon droit, reconstituer le chiffre d'affaires de la société " Le Café des Sports " sans prendre en compte les périodes dites de " happy hour " ;

S'agissant des recettes provenant de l'exploitation des machines de jeux :

10. Considérant, en premier lieu, que les requérants critiquent la méthode de reconstitution retenue s'agissant des recettes provenant de l'exploitation des machines de jeux car le vérificateur n'aurait pas tenu compte de la circonstance que ces machines auraient été retirées de l'établissement entre le mois de juillet 2008 et celui de janvier 2009, et entre le mois de juillet 2010 et le mois de novembre de la même année ; que le chiffre d'affaires engendré par les machines aurait donc dû, selon eux, être réduit à due concurrence, afin de ne tenir compte que des périodes d'exploitation effective des machines ;

11. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que tant le procès-verbal du service des douanes, en date du 25 mai 2011, que celui des services de police, en date du 10 février 2011, retiennent une durée d'exploitation de douze mois en 2008, de onze mois en 2009 et de dix mois en 2010 ; que ces durées d'exploitation ont été retenues par le service pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société " Le Café des Sports " et provenant de l'exploitation des machines de jeux ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'exagération du chiffre d'affaires reconstitué ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que si M. OUMAOUCHEsoutient que les recettes tirées de l'activité de machines de jeux devaient être divisées par deux afin de tenir compte des sommes reversées au propriétaire des machines, il résulte de l'instruction que le service a bien tenu compte de ce mécanisme de répartition des gains, contrairement à ce qu'indique le point 9 du jugement attaqué ; qu'il ressort en effet de la page 4 de la proposition de rectification que le montant des revenus regardés comme distribués au titre des bénéfices engendrés par les machines de jeux, dont la recette brute mensuelle était de 20 400 euros par mois, était de 114 000 euros pour l'année 2008, de 104 500 euros pour l'année 2009 et de 95 000 euros pour l'année 2010, étant rappelé que les recettes brutes globales s'élevaient à 244 800 euros pour l'année 2008, à 224 400 euros pour l'année 2009, et à 204 000 euros pour l'année 2010 ;

13. Considérant qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les sommes ayant fait l'objet des rehaussements contestés, sommes dont M. OUMAOUCHEa nécessairement eu, dans le cadre de ses responsabilités de mandataire social, la gestion, soient demeurées investies ou aient été réinvesties dans l'entreprise, ou encore qu'elles aient, comme il l'affirme sans l'établir, servi à régler de quelconques frais ou charges incombant à la société ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les époux OUMAOUCHEn'apportent pas la preuve que la méthode utilisée par l'administration serait radicalement viciée dans son principe, ni que les bases d'imposition ainsi reconstituées seraient exagérées ;

En ce qui concerne l'appréhension des revenus distribués :

15. Considérant que l'administration a relevé que M.OUMAOUCHE, qui détient 60 % des parts sociales du capital de la société " Le Café des Sports " et exerce les fonctions de gérant, est titulaire de la signature sur le compte bancaire de la société et est le porteur désigné de la carte bancaire correspondante ; que, dès lors, M. OUMAOUCHEavait la qualité de maître de l'affaire, ainsi qu'il le reconnaît d'ailleurs explicitement ; qu'il ne justifie pas ne pas avoir appréhendé les revenus distribués ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a imposé entre ses mains les revenus distribués par la société " Le Café des Sports " ;

Sur les pénalités :

16. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi est établie ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales... " ;

17. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, M. OUMAOUCHEassurant directement la gestion de la société " Le Café des Sports ", les manquements comptables desdites sociétés lui étaient imputables ; que, compte tenu de l'importance des minorations de recettes et de leur caractère répétitif, constaté sur les exercices 2008, 2009 et 2010, la bonne foi ne pouvait être retenue ; qu'en outre, le service a relevé que M. OUMAOUCHEs'était inscrit dans une démarche de dissimulation délibérée de la réalité de ses revenus, en exploitant de manière illégale deux machines de jeux ; que c'est, dès lors, à bon droit que l'administration a assorti les droits rappelés de la majoration de 40 % prévue, en cas de mauvaise foi, par les dispositions de l'article 1729-1 du code général des impôts ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme OUMAOUCHEne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et de prélèvement social de 2 %, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'ils ont présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme OUMAOUCHEest rejetée.

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N° 14VE00860 2


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