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12/06/2018 | FRANCE | N°15BX01823

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 12 juin 2018, 15BX01823


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. BZ...BC..., Mme AR...BD..., M. G...CH..., Mme AA... DL..., Mme CF...DL...-EB..., Mme W...CZ..., M. DR... T..., M. D... BF..., L'association Des Résidents De La Garenne, M. AS... DW..., M. K... DN..., M. CB... U..., M. AK... DO..., M. AF... BG..., M. DM... V..., Mme DP...CK..., M. DU... DA..., M. DD... DB..., Mme AV...DB..., M. J... Y..., M. Q... Z..., M. AY... CL..., M. AG... BK..., M. G... CM..., Mme EA... -ED...AB..., M. AL... DT..., M. BR... AC..., Mme BJ... AD..., M. DG... -AS...BN..., M. BB... CN..., M. et

Mme CT... CQ..., M. C... BO..., M. CO... AH..., Mme H...CS...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. BZ...BC..., Mme AR...BD..., M. G...CH..., Mme AA... DL..., Mme CF...DL...-EB..., Mme W...CZ..., M. DR... T..., M. D... BF..., L'association Des Résidents De La Garenne, M. AS... DW..., M. K... DN..., M. CB... U..., M. AK... DO..., M. AF... BG..., M. DM... V..., Mme DP...CK..., M. DU... DA..., M. DD... DB..., Mme AV...DB..., M. J... Y..., M. Q... Z..., M. AY... CL..., M. AG... BK..., M. G... CM..., Mme EA... -ED...AB..., M. AL... DT..., M. BR... AC..., Mme BJ... AD..., M. DG... -AS...BN..., M. BB... CN..., M. et Mme CT... CQ..., M. C... BO..., M. CO... AH..., Mme H...CS..., Mme AP...L..., M. CP... A..., Mme BI...AM..., M. CG... DS..., M. BQ... CU..., M. et Mme AQ... BS..., M. BE... CV..., Mme BM...B..., Mme DF...DH..., M. CY... DQ..., M. AY... AN..., M. BB... DV..., M. BE... AO..., M. DC... AO..., M. DG... -EC...AO..., M. BE... DI..., Mme BX...DI..., l'association "Mat-Ré Pour La Qualité De L'environnement Mer Air Et Terre", M. DX..., M. AS... M..., M. X... BW..., M. DG... -DM...N..., M. DG... -EC...N..., Mme BT...BY..., M. DG...-EA...O..., M. BL... P..., Mme BJ... CA..., M. AF... CA..., L'association "Ré Nature Environnement", Mme CD...AT..., M. CI... CC..., M. BU... AU..., M. X... DJ..., M. BP... CX..., M. DG... -EA...AW..., Mme AI...R..., M. CR... DY..., Mme DD...DK..., M. BV... E..., M. et Mme CE..., M. DG... -AQ...AX..., Mme DE...F..., l'association "Pêche Et Nautisme Rivedousais", Mme AZ... BA...et M. AE... AJ..., ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2010 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a autorisé la société par actions simplifiée (SAS) Ciments de La Rochelle à exploiter une installation de production de ciments et de liants hydrauliques par broyage sur le territoire de la commune de La Rochelle.

Par un jugement n° 1101501 du 2 avril 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée les 1er juin 2015 et un mémoire enregistré le 11 avril 2016, M. DG... -X...T..., M. AF... BG..., M. J... Y..., Mme S...I..., M. CG... DS...M. et Mme X...BW..., Mme BJ... AD...M. et Mme C...BO..., M. CP... A..., M. et Mme AQ... BS..., M. BB... DV..., M. DC... AO..., Mme BX...DI..., l'association "Mat-Ré Pour La Qualité De L'environnement Mer Air Et Terre", M. AS... M..., M. BL...P..., l'association "Ré Nature environnement ", Mme CD...AT..., l'association " Pêche Nature Rivedousais ", M. DZ... N..., Mme DD...DB..., Mme AV...DB..., ayant désigné M. CP... A...comme représentant unique, représentés par MeCW..., demandent à la cour :

1°) l'annulation de ce jugement du 2 avril 2015 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) l'annulation de l'arrêté du 6 décembre 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- contrairement à ce qu'impose l'article R. 512-15 du code de l'environnement, l'avis d'enquête publique n'a fait l'objet d'aucun affichage dans le voisinage du futur site de l'installation projetée dès lors que le procès-verbal établi par constat d'huissier du 2 avril 2010 ne fait état que d'un affichage le long d'une clôture privative située à quelques mètres d'une voie publique, et cet affichage était totalement illisible depuis la voie publique ; l'affichage sur la commune de Rivedoux, a été également insuffisant ;

- cet affichage, dans ces zones très urbanisées est insuffisant et explique le fait que seulement 9 personnes ont présenté des observations lors de l'enquête publique ;

- la jurisprudence considère que dès lors que les conditions de publicité ont eu pour conséquence de limiter l'accès du public à l'information au cours de l'enquête publique, il y a atteinte aux garanties d'information du public constituant une irrégularité de nature à vicier l'ensemble de la procédure ;

- l'étude d'impact méconnaît les dispositions de l'article R. 512-6 du code de l'environnement dès lors qu'elle ne comporte qu'une étude des dangers insuffisante ne permettant pas de répondre aux principes fixés par les dispositions de l'article R. 512-9 du même code ; en effet, l'étude de dangers doit exposer les dangers que peut présenter l'installation considérée en cas d'accident, en présentant une description des accidents susceptibles d'intervenir, que leur cause soit d'origine externe ou interne, et en décrivant la nature et l'extension des conséquences que peut avoir un accident éventuel tout en justifiant des mesures de nature à parer à ces risques ;

- le terrain d'assiette du projet est compris pour partie dans le périmètre de la servitude de dégagement de l'aéroport de la Rochelle-Ile de Ré ; par définition les zones de dégagement d'un aéroport constituent des secteurs où la hauteur des constructions est limitée afin de ne pas gêner la circulation des avions qui pour des motifs d'encombrement ou de sécurité, ne peuvent pas se poser immédiatement sur l'aéroport ; il ne peut être sérieusement contesté que le site litigieux va être survolé par des avions, et qu'il existe un risque non négligeable d'accident provoqué par la chute d'un avion ;

- concernant les risques liés la dispersion accidentelle dans l'atmosphère de poussières en cas de rupture des manches à filtres situés en sortie du broyeur, le tribunal s'est fondé sur le fonctionnement d'une installation qu'exploite le groupe Holcim sur le site de Grand-Couronne depuis 2008 ; toutefois, aucun document ne permet de considérer que les deux projets seraient équivalents tant en ce qui concerne le volume de production qu'en ce qui concerne le process de production ou l'importance des machines mises en place ; aucun élément du dossier d'autorisation ne permet d'établir que la reprise des éléments de la cimenterie serait justifiée par le fait qu'il s'agirait du même type d'installation présentant des caractéristiques identiques, faute de production notamment de l'arrêté portant autorisation d'exploitation de la cimenterie de Grand-Couronne ;

- en ce qui concerne l'évaluation des incidences du projet, c'est à tort que le tribunal a considéré que le dossier de demande d'autorisation était complet en ce qu'il n'avait pas à comprendre de document d'évaluation des incidences du projet sur le site " Natura 2000 " du " Pertuis Charentais " ; en effet, en vertu des articles L. 414-4 et R. 414-19 du code de l'environnement, l'évaluation des incidences du projet est nécessaire lorsque l'autorisation est susceptible d'affecter de manière significative un site Natura 2000 ; or, en l'espèce, le projet de cimenterie est appelé à produire plus de 3500 tonnes de ciment par jour avec une production devant fonctionner 24 heures sur 24 pendant 365 jours par an avec un rejet dans l'atmosphère de poussières dont une partie risque de retomber sur l'ouest du site " Natura 2000 " du " Pertuis Charentais " ; ce site, comme l'indique la fiche du site " Natura 2000 " présente une vulnérabilité en terme de pollution marine pour les micros ou macroéléments polluants en ce qui concerne la faune et la flore ; le dossier de demande d'autorisation ne contient aucun justificatif en ce qui concerne le rejet des micropoussières pour un volume annuel de 52 tonnes ;

- l'étude d'impact jointe au dossier de demande d'autorisation de licenciement ne comprend que deux pages d'explication et six documents photographiques alors que ce projet porte sur 4 silos de stockage présentant une hauteur de plus de 60 mètres avec une cheminée de 71 mètres de hauteur ; l'impact visuel du projet est particulièrement important ; l'étude d'impact minimise l'impact visuel du projet, notamment à partir de l'Ile de Ré, les photographies produites ne rendant pas compte de l'impact du projet, contrairement à ce qu'il en est des photographies produites par les requérants ; aucun élément n'est fourni en ce qui concerne les couleurs qui vont être utilisées pour atténuer l'impact visuel, l'étude d'impact se bornant à indiquer que " les couleurs sont utilisées avec prudence et mesure " ; les silos auront un aspect de ciment, très visible depuis les plages de l'Ile de Ré alors que par ailleurs aucun document ne fait apparaître une photographie de cette installation en fonctionnement avec son panache de fumée ;

- en vertu de l'article R. 512-3 du code de l'environnement, la demande d'autorisation de création ou de modification d'une installation classée doit à peine d'illégalité de l'autorisation, permettre à l'autorité administrative compétente d'apprécier la capacité financière et technique du pétitionnaire à assurer l'ensemble des obligations susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation ou de la remise en état du site, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être le cas échéant appelé à constituer à cette fin ; ces informations doivent être à la disposition du préfet au moment où il prend sa décision afin de lui permettre de procéder au contrôle des capacités financières et techniques du pétitionnaire à la date où il statue et le pétitionnaire ne peut se prévaloir utilement devant le juge d'attestations établies postérieurement à l'arrêté d'autorisation pour justifier de ses capacités ;

- en l'espèce, pour ce qui est des capacités financières et techniques du pétitionnaire, exigées par l'article R. 512-3 du code de l'environnement, le dossier soumis au préfet ne contenait aucune information quant à la capacité du pétitionnaire à mener à bien ce projet que ce soit pour sa réalisation ou en ce qui concerne la remise en état des lieux après cessation de l'exploitation ;

- pour ce qui est de la légalité interne, contrairement à ce qu'a considéré le tribunal administratif, la demande d'autorisation devait être rejetée par le préfet, sur le fondement de l'article R. 511-1 du code de l'environnement dès lors que le projet litigieux prévoit la réalisation d'une usine de ciment comprenant à côté de 4 silos de stockage, un broyeur à galets et une cheminée culminant à 71 mètres de hauteur devant fonctionner toute la journée ; ces bâtiments sont visibles depuis les rivages sud de l'Ile de Ré, ainsi qu'à partir du pont de l'Ile de Ré, avec lequel il se trouve en co-visibilité ; le site se trouve à proximité immédiate de l'Ile de Ré, qui fait l'objet d'une protection particulièrement forte, puisqu'elle a été classée au titre du patrimoine mondial de l'UNESCO ; la DREAL a émis un avis très réservé sur le projet, l'avis favorable n'étant émis que sous réserve que soient prises en considération les questions d'intégration paysagère adaptée et de qualité ; or, les 4 silos en béton et les bâtiments en bardage métallique ne témoignent d'aucune recherche particulière pour essayer d'intégrer cette exploitation à l'environnement existant notamment aux abords de l'Ile de Ré.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 février et 12 mai 2016, la société Eqiom, anciennement dénommée Holcim, venant aux droits de la société Ciments de La Rochelle, représentée par Me BH... et par MeCJ..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire des requérants une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'installation autorisée présente un impact environnemental et sanitaire particulièrement faible, cette installation ne constituant pas une installation de type " Seveso ", et dans laquelle ne sont mis en oeuvre aucun produit dangereux et ne comporte pas de dangers particuliers pour le voisinage ; si l'installation a une hauteur importante elle est incluse dans la zone industrielle et portuaire de la Rochelle, qui est le 6ème port de commerce de France ;

- le moyen tiré d'une irrégularité de l'affichage manque en fait, et de toute façon ne constitue pas un manquement substantiel ayant eu pour effet de porter atteinte à l'information et à la participation du public, ni au sens de la jurisprudence Danthony du Conseil d'Etat, de les avoir privés d'une garantie ou d'avoir eu une incidence sur le sens de la décision ;

- l'article R. 512-15 du code de l'environnement ne requiert qu'un affichage de l'avis au voisinage de l'installation projetée, ce qui a été le cas en l'espèce, le procès-verbal de constat d'affichage du 2 avril 2010 indiquant que l'affichage, rue du Dahomey soit en face des bureaux de la société Atena, était parfaitement visible depuis la voie publique ; le même affichage a eu lieu à la salle des fêtes de la Pallice, soit au voisinage de l'installation autorisée ; le maire de la Rochelle a produit un certificat d'affichage le 22 avril 2010 et l'avis d'enquête a également été affiché en mairie de Rivedoux-Plage ; cet affichage a donc été régulier comme l'a considéré le commissaire-enquêteur, et les requérants n'apportent aucun élément quant au caractère irrégulier de l'affichage ;

-en ce qui concerne la prétendue insuffisance de l'étude de dangers, cette étude en vertu des articles L. 512-1 et R. 512-9 du code de l'environnement obéit à un principe de proportionnalité, l'étude de dangers devant être en relation avec l'importance des risques engendrés par l'installation ; la jurisprudence considère que l'étude de dangers ne doit s'intéresser qu'aux risques plausibles suscités par le fonctionnement de l'installation ; tel n'est pas le cas, par exemple, du risque de chute d'un avion, compte tenu de la localisation de l'installation ;

- en ce qui concerne le risque de chute d'avion, en vertu de l'annexe IV de l'arrêté du 10 mai 2000 relatif à la prévention des accidents majeurs, peuvent ne pas être pris en compte les risques de chute d'avion hors des zones de proximité d'aéroport ou d'aérodrome et la circulaire du 10 mai 2010 reprend le même principe ; or, en l'espèce, l'installation est située à plus de deux kilomètres de la piste de l'aéroport de la Rochelle-Ile de Ré, et la seule circonstance que le site de l'installation soit concerné par une servitude aéronautique ne crée aucune obligation pour le pétitionnaire d'analyser le risque de chute d'avion dans son étude de dangers ; une servitude aéronautique a en vertu de l'article L. 6351-1 du code des transports seulement pour objet d'assurer la sécurité de la circulation des avions en interdisant la création de tout obstacle susceptible de constituer un danger pour la circulation des avions ; au demeurant l'étude de dangers dans sa page 191 indique que le site de la cimenterie ne devra pas être " implanté dans un couloir d'atterrissage ou de décollage, compte tenu de l'orientation de la piste " ; la division aérienne de la direction départementale des territoires, a émis un avis favorable au projet, sous réserve de la prise en compte de certaines remarques, notamment quant au balisage des points les plus hauts de l'installation ;

- concernant les risques liés à la dispersion accidentelle dans l'atmosphère de poussières en cas de rupture des manches à filtres situés en sortie du broyeur. la valeur de 50 mg/Nm3 correspond, en vertu de l'article 5.5 de l'arrêté ministériel du 3 mai 1993, à la limite maximale de fonctionnement d'une installation comparable exploitée par le groupe sur le site de Grand-Couronne depuis 2008 ; les deux usines sont similaires tant sur le plan des techniques employées (broyage par des broyeurs verticaux à galets de capacités similaires et filtration des poussières par des systèmes de filtre à manche) que sur le plan de la composition (clinker, gypse et laitier) et de la finesse des produits fabriqués ;

- l'installation autorisée est équipée d'un analyseur en continu des poussières rejetées dans l'atmosphère, l'installation pouvant être arrêtée en cas de dépassement du seuil autorisé, un délai d'arrêt de 30 minutes étant prévu ; en ce qui concerne le panache de dispersion accidentelle de poussières, le calcul de dispersion a été effectué sur la base de la configuration météorologique la plus pénalisante ;

- contrairement à ce que soutiennent les requérants, le dossier soumis à enquête n'avait pas à comporter une étude des incidences du projet sur le site " Natura 2000 " du " Pertuis Charentais " désigné notamment en tant que zone de protection spéciale au titre de la directive " Oiseaux " ;

- l'étude d'impact, dans ses pages 118 à 121 contient des développements relatifs à la zone Natura 2000 du Pertuis Charentais en indiquant l'absence d'effet notable du projet, notamment pour ce qui est des retombées de poussière ; l'arrêté d'autorisation contient diverses dispositions relatives à la protection des eaux et des milieux aquatiques, à la prévention des nuisances sonores et des vibrations et à la prévention des risques technologiques ;

- en ce qui concerne les mesures prévues par l'étude d'impact pour compenser l'impact visuel du projet sur les paysages, le projet architectural a été établi par un architecte spécialisé dans les réalisations industrielles ; le projet mentionne le traitement des volumes et des couleurs des bâtiments ; l'étude d'impact est également accompagnée d'une annexe comprenant plusieurs projections avec des vues en couleur, de l'insertion paysagère au sein de la zone industrialo-portuaire et dans l'environnement plus lointain ; l'étude d'impact énumère les lieux d'où seront visibles les installations ; les bâtiments les plus hauts font l'objet d'un travail d'insertion spécifique ; les documents graphiques figurant en annexe 11 font apparaître l'insertion du projet dans son environnement, et ce depuis 6 points de vue différents ; les photographies produites par les requérants dont certaines ont manifestement été prises avec un zoom, ne contredisent pas l'analyse de l'insertion des installations dans l'environnement, le projet s'insérant dans une zone déjà fortement urbanisée ;

- en ce qui concerne la justification des capacités techniques et financières, requise par l'article R. 512-3 du code de l'environnement, la demande d'autorisation d'exploiter procédait à une présentation complète de la société Ciments de la Rochelle, et de ses liens avec le groupe Holcim ; sur le plan financier, cette société créée le 3 septembre 2008 ne pouvait dans le cadre de sa demande présentée en 2009, présenter des bilans d'activité permettant d'attester de sa solidité financière et dans ces conditions, il est logique que la société ait justifié de ses capacités financières par référence à celles de la société Holcim France dont elle est une filiale à 100 % ; le groupe Holcim, un des leaders mondiaux du ciment, a apporté sa garantie financière et a financé des investissements ;

- en ce qui concerne la légalité interne, l'installation contrairement à ce que soutiennent les requérants, ne porte pas atteinte à son environnement naturel, en particulier le site de l'Ile de Ré, dès lors que les requérants n'établissent pas que toutes les mesures n'auraient pas été prises par l'exploitant et par le préfet de la Charente-Maritime pour assurer l'insertion des installations dans l'environnement et dans le paysage ; si l'installation autorisée comporte certains bâtiments d'une hauteur importante, et sera en partie visible depuis l'Ile de Ré, elle s'inscrit sur une emprise au demeurant limitée au sein de la zone industrielle et portuaire existante de la Rochelle ; les installations de la société EQIOM ne viennent donc pas modifier substantiellement les paysage industrialo-portuaire de la Rochelle, ce que confirment les photographies les plus récentes prises le 19 novembre 2014 depuis les plages de Rivedoux ;

- en ce qui concerne la justification des capacités techniques et financières, requise par l'article R. 512-3 du code de l'environnement, la demande d'autorisation d'exploiter présentée en 2009, par la société Ciments de la Rochelle mentionne bien les capacités financières comme le requiert l'article R. 512-3 du code de l'environnement, dont son capital social et justifie qu'elle ne pouvait attester de sa propre solidité financière ayant été immatriculée le 3 septembre 2008 ; ce P...ne peut être discuté sauf à remettre en cause, de façon contraire à la liberté du commerce et de l'industrie, l'accès aux marchés aux primo-entrants ; la demande fournit par ailleurs des indications sur le groupe Holcim qui est un des leaders mondiaux du ciment, en mentionnant son chiffre d'affaires annuel et son résultat net, cette dernière donnée étant la plus pertinente ; la demande précisait que la société Holcim apporterait au pétitionnaire son soutien financier et que la société Ciments de la Rochelle était une filiale à 100 % de la société Holcim France, ce qui rend cette dernière société responsable, notamment sur le plan financier, de sa filiale ; les engagements d'Holcim France ont été respectés et certains des investissements ont été réalisés par Holcim France avant même que la qualité d'exploitant lui ait été transférée ; par ailleurs, des garanties ont été données par Holcim France aux partenaires de la société Ciments de la Rochelle, notamment à la société EVA et au Port maritime de la Rochelle ;

- la DREAL, dans son avis du 23 avril 2010, indique que si les installations sont fortement visibles compte tenu de leurs dimensions " leur intégration dans une zone d'activités portuaires existants avec des bâtiments similaires permet de limiter leur impact paysager " ; le préfet n'a donc pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en accordant l'autorisation contestée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête de M. T...et autres ;

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable faute d'avoir été signée par un mandataire, désigné par les requérants ;

-en ce qui concerne la régularité de l'enquête publique, tout d'abord l'article R. 512-5 du code de l'environnement ne dispose nullement que plusieurs affichages doivent être réalisés à proximité du site, ni ne prévoit de prescription sur la taille, la lisibilité ou l'emplacement de l'avis, la bonne information du public devant s'apprécier au regard des circonstances de l'espèce ; l'avis d'enquête publique a été affiché sur le site et un second affichage a été fait dans la salle des fêtes de la Pallice ; l'affichage a eu lieu par ailleurs sur le territoire des communes dans un rayon défini à l'article R. 512-14 du code de l'environnement, soit en l'espèce, sur les communes de la Rochelle et de Rivedoux ainsi qu'il en est certifié par les maires de ces communes ; la circonstance que seulement 9 personnes aient porté des observations sur le registre d'enquête ne démontre pas l'irrégularité de la publicité de cette enquête ;

- en ce qui concerne la prétendue insuffisance de l'étude de dangers, elle n'est pas insuffisante ; en effet, en vertu de l'arrêté du 10 mai 2000 relatif à la prévention des accidents majeurs, peuvent ne pas être pris en compte les risques de chute d'avion hors des zones de proximité d'aéroport ou d'aérodrome et la circulaire du 10 mai 2010 reprend le même principe ; or, en l'espèce, l'installation est située à plus de deux kilomètres de la piste de l'aéroport de la Rochelle-Ile de Ré, et la seule circonstance que le site de l'installation soit concerné par une servitude aéronautique ne crée aucune obligation pour le pétitionnaire d'analyser le risque de chute d'avion dans son étude de dangers, les risques dans ce périmètre étant prévenus par l'application des prescriptions de la servitude elle-même ; les requérants n'établissent pas, ni même n'allèguent, que la hauteur des prescriptions serait contraire à la servitude, que l'exploitant avait prise en compte ;

- en ce qui concerne le risque invoqué afférent à la dispersion accidentelle dans l'atmosphère de poussières en cas de défaillance des manches à filtres, il correspond à la valeur limite d'émission accidentelle fixée par l'arrêté d'autorisation d'une installation comparable exploitée par le groupe sur le site de Grand-Couronne, qui a une capacité 1,8 fois supérieure à celle de la Rochelle ;

- les premiers juges ont seulement relevé que les requérants ne démontraient pas l'absence de pertinence de cette comparaison, qui n'est pas plus démontrée en appel ; la lecture de l'arrêté d'autorisation de l'installation du site de Grand-Couronne montre que les deux sites sont respectivement autorisés sous les rubriques 2515 (broyage) et 2520 (cimenterie) de la nomenclature des installations classées à des niveaux respectifs de 9000 kw pour Grand-Couronne et 5000 kw pour la Rochelle, pour la rubrique 2515 et 5000 t/j pour Grand-Couronne et 3500 t/j pour la Rochelle pour la rubrique 2520 et d'autre part, que la valeur limite fixée pour les situations accidentelles sur le site de Grand-Couronne est de 500 mg/Nm3, en moyenne semi-horaire, ce qui est la valeur reprise par l'étude de dangers sur le site de la Rochelle ; les requérants ne contestent pas le fait que les retombées de poussières sur le site Natura 2000 sont de l'ordre de trois dix-millièmes de gramme par mètre carré et par an, et qu'elles sont donc sans impact sur le milieu marin ;

- par ailleurs les photographies des silos en construction produites par les requérants sont en conformité avec les projections figurant à l'annexe 11 de l'étude d'impact ; pour ce qui est du choix des couleurs qui est critiqué, les pièces produites mettent en évidence la tonalité neutre de la construction ;

- en ce qui concerne la justification des capacités techniques et financières, requise par l'article R. 512-3 du code de l'environnement, le dossier justifie des capacités financières de la société Holcim France dont la société est une filiale à 100 % ; le groupe Holcim, un des leaders mondiaux du ciment, a apporté sa garantie financière et a financé des investissements ;

- la demande d'autorisation d'exploiter procédait à une présentation complète de la société Ciments de la Rochelle, et de ses liens avec le groupe Holcim ; sur le plan financier, cette société créée le 3 septembre 2008 ne pouvait dans le cadre de sa demande présentée en 2009, produire des bilans d'activité permettant d'attester de sa solidité financière et dans ces conditions, il est logique que la société ait justifié de ses capacités financières par référence à celles de la société Holcim France dont la société Ciments de la Rochelle est une filiale à 100 %, qui est devenue après avoir le 18 novembre 2013 effectué la déclaration prévue par l'article R. 512-68 du code de l'environnement, l'exploitant des installations ; la Cour, statuant en plein contentieux, devra prendre en compte cette situation au titre de la légalité interne ;

- en tout état de cause, le vice allégué n'a pu nuire à l'information du public ni influer sur le sens de la décision de l'administration, dès lors que le dossier de demande d'autorisation présentait bien les capacités financières de la société exploitante.

Par ordonnance du 19 mai 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 juin 2016 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des espaces naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;

- la directive 96/61/CE du 24 septembre 1996 relative à la prévention et à la réduction intégrée de la pollution ;

- le règlement n° 761/2001 du 19/03/01 permettant la participation volontaire des organisations à un système communautaire de management environnemental et d'audit (EMAS) ;

- le décret n°2006-672 du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif ;

- l'arrêté du 29 juin 2004 modifié relatif au bilan de fonctionnement prévu par le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeBH..., représentant la société Eqiom.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Ciments de La Rochelle a présenté le 25 mai 2009 au préfet de la Charente-Maritime une demande d'exploiter une unité de production de ciment et de liants hydrauliques par broyage sur le site de l'Anse Saint-Marc, dans la zone portuaire de La Rochelle. Par un arrêté du 6 décembre 2010, le préfet de la Charente-Maritime l'a autorisée à exploiter ces installations. Le 18 novembre 2013, la SAS Holcim France, devenue société Eqiom, s'est substituée à la SAS Ciments de La Rochelle en tant qu'exploitant de l'installation. M. BC...et plusieurs autres demandeurs ont demandé devant le tribunal administratif de Poitiers l'annulation de l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 6 décembre 2010. M. T... et plusieurs autres requérants relèvent appel du jugement du 2 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :

2. Le ministre oppose en défense l'irrecevabilité de la requête d'appel, faute d'avoir été signée par un mandataire désigné par les requérants. Si la requête est présentée par M. T...et plusieurs autres requérants, M. CP...A...a été désigné comme mandataire unique par courrier enregistré le 23 novembre 2017 émanant du conseil des requérants. La fin de non-recevoir ne peut, dès lors, être accueillie.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Selon l'article L. 512-1 du code de l'environnement : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. (...) La délivrance de l'autorisation, pour ces installations (...) prend en compte les capacités (...) financières dont dispose le demandeur, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts visés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité. ". En vertu de l'article R. 512-3 du même code applicable en l'espèce : " La demande prévue à l'article R. 512-2, remise en sept exemplaires, mentionne : (...) 5° Les capacités techniques et financières de l'exploitant (...) ". Il résulte de ces dispositions que comme le soutiennent les requérants et contrairement à ce que fait valoir la société Eqiom en défense, le pétitionnaire est tenu de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières à l'appui de son dossier de demande d'autorisation, et ne peut se borner à en faire simplement mention.

4. En l'espèce, la demande d'autorisation présentée par la SAS Ciments de La Rochelle indiquait, en ce qui concerne la capacité financière requise par les dispositions précitées, que cette société possédait un capital social de 38 000 euros. Si la SAS Ciments de La Rochelle pétitionnaire, se prévalait également dans sa demande d'autorisation de ce qu'elle était une filiale à 100 % de la société Holcim France, cette circonstance en elle-même n'obligeait pas financièrement Holcim France vis-à-vis de la société Ciments de La Rochelle à défaut d'engagement financier express sous forme par exemple d'une augmentation de capital de la société Ciments de La Rochelle, de sorte que le public ne peut être regardé comme ayant bénéficié d'un dossier comportant des éléments d'information suffisamment précis et étayés. Dans ces conditions, sans que n'ait d'incidence à cet égard le fait que dans le dossier de demande d'autorisation, le pétitionnaire, la SAS Ciments de La Rochelle indiquait le chiffre d'affaires réalisé par le Groupe Holcim sur les trois dernières années et son résultat net, les requérants sont fondés à soutenir que le pétitionnaire n'a pas produit au dossier des éléments précis et étayés au sens des dispositions précitées du code de l'environnement, quant à ses capacités financières, ce qui avait été de nature à nuire à l'information complète du public et à entacher d'irrégularité l'autorisation accordée.

5. Eu égard à son office, le juge du plein contentieux des installations classées ne peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, que sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète du public. Si le ministre fait valoir que l'absence de justification des capacités financières a été régularisée par l'intervention de l'arrêté du 18 novembre 2013, transférant la qualité d'exploitant à la société Holcim France, qui présentait toutes les garanties financières et qui a procédé à un investissement de 60 millions d'euros, cette régularisation est intervenue sans que le public ne bénéficie de l'information complète qu'il était en droit de recevoir.

6. M. A...et autres, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, sont donc fondés, par un moyen invoqué pour la première fois en appel, à demander l'annulation du jugement n° 1101501 du 2 avril 2015, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande en annulation de l'arrêté du 6 décembre 2010 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a autorisé la société par actions simplifiée (SAS) Ciments de La Rochelle à exploiter une installation de production de ciments et de liants hydrauliques par broyage sur le territoire de la commune de La Rochelle et à demander l'annulation de cet arrêté.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les conclusions présentées par la société Eqiom, qui n'est pas dans la présente instance, partie gagnante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent être que rejetées. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat à verser aux requérants, la somme totale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1101501 du 2 avril 2015, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande en annulation présentée par M. A...et autres de l'arrêté du 6 décembre 2010 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a autorisé la société par actions simplifiée (SAS) Ciments de La Rochelle à exploiter une installation de production de ciments et de liants hydrauliques par broyage sur le territoire de la commune de La Rochelle, ensemble cet arrêté du 6 décembre 2010 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. A...et autres requérants la somme totale de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Eqiom sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. CP...A..., désigné en tant que représentant unique, à la société Eqiom, et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire. Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 juin 2018.

Le rapporteur,

Pierre Bentolila

Le président,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX01823


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01823
Date de la décision : 12/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

44-02 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SCP PIELBERG KOLENC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-12;15bx01823 ?
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