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17/11/2016 | FRANCE | N°15LY01018

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 17 novembre 2016, 15LY01018


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Orsana a demandé au tribunal administratif de Grenoble de faire droit à sa demande tendant au rétablissement du déficit reportable au titre de l'exercice 2008, en tant que la réduction de ce déficit fait suite au rehaussement du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés, et à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, ainsi q

ue de la pénalité prévue à l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Orsana a demandé au tribunal administratif de Grenoble de faire droit à sa demande tendant au rétablissement du déficit reportable au titre de l'exercice 2008, en tant que la réduction de ce déficit fait suite au rehaussement du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés, et à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, ainsi que de la pénalité prévue à l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n°1200426 du 15 janvier 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une ordonnance du 20 mars 2015 le président de la cour administrative de Marseille a transmis à la cour administrative d'appel de Lyon la requête, enregistrée le 13 mars 2015, par laquelle la SARL Orsana, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 15 janvier 2015 ;

2°) de faire droit à sa demande tendant à la restauration du déficit reportable déclaré au 31 décembre 2008 et de lui accorder la décharge des impositions contestées restant à sa charge et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Orsana soutient que :

- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité dès lors que l'administration fiscale n'a pas fait droit à sa demande de saisine de l'interlocuteur départemental qui n'était pas tardive, puisque formulée le 11 août 2011, soit antérieurement à la notification de l'avis de mise en recouvrement des impositions litigieuses le 23 août 2011 ;

- elle a justifié des charges comptabilisées par la production des justificatifs correspondants et ainsi l'administration fiscale qui ne les a pas contestés, supporte la charge de la preuve de l'absence d'activité économique alléguée ; en faisant peser sur la contribuable la preuve de l'existence d'une activité économique, l'administration fiscale a entaché la procédure de redressement de nullité ;

- alors que la charge de la preuve ne lui incombait pas, elle a établi en produisant des attestations la réalité de l'activité exercée à l'égard de la société EDD au travers des prestations rendues par Mme C...A..., sa gérante par ailleurs associée et salariée de l'entreprise ; s'agissant d'écrits, ces attestations constituent un mode de preuve admis par le juge administratif ;

- les premiers juges ont omis de répondre à son argumentation selon laquelle les rectifications litigieuses, en remettant en cause la déductibilité des charges comptabilisées, conduisaient à soumettre à l'impôt sur les sociétés un résultat constitué uniquement de produits en méconnaissance des dispositions du 1° de l'article 39-1 du code général des impôts et de la doctrine qui disposent que le bénéfice est établi sous déduction des charges ;

- la circonstance que la rémunération de sa gérante est demeurée identique depuis sa création tient au fait que cette rémunération n'est pas proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé, ni à l'évolution de la charge de travail ;

- les rectifications ne portant que sur l'année 2008, l'administration fiscale n'explique pas pourquoi elle n'aurait plus exercé au 1er janvier 2008 l'activité qu'elle avait démarré le 23 juin 2007, ni pourquoi les prestations facturées à sa filiale à compter du mois de décembre 2007 ne lui ouvriraient plus en droit et en fait le droit de déduire les charges comptabilisées en 2008 ;

- la diminution des déficits reportables déclarés au 31 décembre 2008 n'est pas fondée ; quand bien même elle n'avait pas exercé l'option pour le régime mère-fille lors du dépôt de sa déclaration initiale, elle était en droit, dans le délai de réclamation, de bénéficier de ce régime sur les produits facturés à sa filiale au cours des exercices vérifiés, dans la mesure où les sommes en cause n'ont été qualifiées par l'administration fiscale de distributions qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de sa filiale EDD ;

- les juges n'ont pas répondu à son argumentation selon laquelle l'administration fiscale ne justifie pas que son activité, admise en 2007, aurait été interrompue en 2008 alors qu'il n'est pas contesté que celle-ci était soumise de plein droit à la taxe sur la valeur ajoutée ; que si la taxe sur la valeur ajoutée a été contrôlée jusqu'au 31 décembre 2009, aucune cotisation supplémentaire à cette taxe ne lui a été notifiée au titre de cette période ; l'administration fiscale a ainsi reconnu qu'elle avait poursuivi une activité économique en 2009 ; les attestations produites pour justifier de l'existence d'une activité économique en 2008 constituent un mode de preuve recevable au regard de la taxe sur la valeur ajoutée déductible.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre expose qu'aucun des moyens soulevé par la société requérante n'est fondé.

Par une ordonnance du 26 juillet 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL Orsana a été créée le 9 juillet 2007 par sa gérante Mme C... A...épouse B...qui détient 99,50 % des parts, et son époux, associé pour le restant des parts, par apports de titres pour un montant évalué à 11 335 906 euros de la société Eco Delta Développement (EDD), dont Mme B...préside le conseil de surveillance et M. B... est directeur technique et dont ils sont également associés ; qu'au cours de la période contrôlée, la SARL Orsana exerçait, pour le compte de la société EDD en vertu d'une convention prévoyant une rémunération forfaitaire, une mission d'assistance commerciale et financière pour la prospection de sites d'implantation d'équipements photovoltaïques auprès des collectivités territoriales et des propriétaires fonciers ; que cette société, qui a désormais pour objet la prise de participation dans toutes sociétés, animation de groupe de sociétés, la location de tout navire de plaisance, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 23 juin 2007 au 31 décembre 2008, étendue au 31 décembre 2009 en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à l'issue du contrôle, par une proposition de rectification du 27 septembre 2010, l'administration fiscale lui a notifié des rappels en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée assortis de pénalités selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales ; que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée a été assorti, outre de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts, de la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du même code ; que, la SARL Orsana a contesté le 1er décembre 2010 ces redressements que l'administration fiscale a confirmés le 11 janvier 2011 ; qu'à cette occasion, la SARL a été informée qu'à défaut d'avoir décliné l'identité des bénéficiaires des revenus réputés distribués au sens du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts, il serait fait application à son égard de la pénalité de 100 % prévue à l'article 1759 du même code ; que saisie le 11 février 2011 par la contribuable, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis le 21 juin 2011 un avis favorable au maintien des redressements notifiés en matière d'impôt sur les sociétés ; que la SARL Orsana a contesté ces impositions supplémentaires par réclamation préalable du 2 septembre 2011, rejetée par l'administration fiscale le 12 décembre 2011 ; que la société requérante a alors saisi le tribunal administratif de Grenoble du litige ; qu'en cours d'instance, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement de l'amende pour distributions occultes ainsi que de la majoration pour manquement délibéré appliquée en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que, par jugement du 15 janvier 2015, le tribunal administratif de Grenoble a constaté un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements accordés et a rejeté le surplus des conclusions de la demande ; que, par la présente requête, la SARL Orsana relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont relevé que la réalité des prestations alléguées par la requérante n'étant pas établie par le seul paiement desdites prestations, et qu'en l'absence d'activité réelle les charges comptabilisées, ne pouvant être regardées comme exposées dans l'intérêt de la société, n'étaient pas déductibles de son résultat imposable ; que, par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer des premiers juges sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 1° de l'article 39-1 du code général des impôts résultant de l'imposition d'un résultat constitué des seuls produits enregistrés après remise en cause du droit à déduction de l'ensemble des charges comptabilisées, manque en fait, et doit être écarté ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne le bénéfice de la charte du contribuable vérifié :

S'agissant de l'impôt sur les sociétés :

3. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations vérifié ; les dispositions contenues dans cette charte sont opposables à l'administration " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les agents de l'administration sont tenus, pour l'exécution d'une des vérifications qu'il vise, de respecter les règles qui, ne trouvant pas de fondement légal dans d'autres articles du code général des impôts ou du livre des procédures fiscales, figurent néanmoins dans la charte à la date où ce document est remis au contribuable, dès lors que ces règles ont pour objet de garantir les droits du contribuable vérifié ; qu'au cas où l'agent vérificateur méconnaîtrait ces règles, notamment les formalités qu'elles comportent, il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur ce point, d'apprécier si cette méconnaissance a eu le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la charte du contribuable vérifié ;

5. Considérant qu'aux termes du paragraphe 5 du chapitre III de ladite charte : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur départemental ou principal... Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur départemental ou régional qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur " ; qu'il résulte de ces énonciations que les contribuables ne peuvent faire appel à l'interlocuteur départemental qu'à la double condition d'avoir saisi au préalable le supérieur hiérarchique du vérificateur et qu'à l'issue de cette saisine un désaccord persiste ; que la méconnaissance par l'administration fiscale de l'exigence d'une rencontre avec le supérieur hiérarchique posée par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié lorsque le contribuable l'a sollicitée, a le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par cette charte ; qu'elle ne constitue toutefois une telle irrégularité que si cette demande a été effectuée dans les conditions prévues par la charte ; que la charte du contribuable vérifié ne fixe aucun délai pour présenter une demande de saisine du supérieur hiérarchique ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire./ Relèvent de la même juridiction les réclamations qui tendent à obtenir la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la détermination d'un résultat déficitaire (...), même lorsque ces erreurs n'entraînent pas la mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire. Les réclamations peuvent être présentées à compter de la réception de la réponse aux observations du contribuable mentionnée à l'article L. 57, ou à compter d'un délai de 30 jours après la notification prévue à l'article L. 76 ou, en cas de saisine de la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, à compter de la notification de l'avis rendu par cette commission ; (...) " ; qu'aux termes de l'article R.* 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / a. De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / b. Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / c. De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. " ; qu'aux termes de l'article R* 196-3 du même livre : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations. " ;

7. Considérant qu'il résulte du deuxième alinéa précité de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, qui a institué un droit de réclamation sans assigner à son exercice un terme spécifique, éclairé par les travaux préparatoires de l'article 86 de la loi du 30 décembre 2002 dont il est issu, que cette disposition a pour seul objet de permettre, pour leur sécurité juridique, aux entreprises dont les résultats ont été redressés par l'administration mais demeurent... ; que cette disposition ne déroge que dans cette mesure aux règles de recevabilité, et notamment de forclusion, des réclamations des contribuables, prévues par les articles R.* 196-1 et R.* 196-3 précités du livre des procédures fiscales ; que les réclamations formées en application du deuxième alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales sont donc recevables jusqu'à l'expiration des délais de réclamation ouverts, dans les conditions prévues par ces articles lorsque ces redressements entraînent l'établissement d'une imposition ;

8. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que lorsque le désaccord porte sur un déficit reportable, alors que le législateur n'a pas prévu de limite au report en avant des déficits, la réclamation directe contre un redressement réduisant le résultat déficitaire d'un exercice donné est possible aussi longtemps qu'aucun exercice postérieur n'a dégagé un résultat bénéficiaire suffisant pour absorber les déficits passés accumulés et donner lieu à une procédure contentieuse ; qu'en l'espèce, après que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires eut rendu son avis favorable au maintien des redressements le 21 juin 2011, la demande d'intervention du supérieur hiérarchique formulée le 11 août 2011 par la SARL Orsana concernant son désaccord avec l'administration fiscale sur le montant du déficit reportable au titre de l'exercice 2008 n'étais pas tardive ; que, par suite, en rejetant cette demande pour tardiveté, l'administration fiscale a privé la SARL Orsana d'une garantie substantielle de nature à entacher la procédure d'imposition d'irrégularité en ce qui concerne les rectifications litigieuses à l'impôt sur les sociétés ;

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée :

9. Considérant, qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, la faculté pour le contribuable de faire appel, en cas de désaccord persistant avec le vérificateur, au supérieur hiérarchique, puis, le cas échéant, à l'interlocuteur départemental, prévue par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié rendue opposable à l'administration fiscale par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales constitue une garantie substantielle de procédure ; que cette garantie ne peut toutefois être mise en oeuvre qu'avant la décision d'imposition, c'est-à-dire avant la date de mise en recouvrement ; que par suite, s'agissant des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée notifiés, l'administration fiscale a pu, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 10, ne pas donner suite, en raison de sa tardiveté, à la demande d'entretien avec le supérieur hiérarchique présentée par la SARL Orsana le 11 août 2011, soit postérieurement à la date de mise en recouvrement de ces cotisations, fixée au 5 août 2011, alors même que la contribuable n'a été informée de la date de mise en recouvrement des impositions litigieuses que postérieurement à celle-ci ; qu'ainsi la SARL Orsana n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée d'une garantie de procédure en méconnaissance des termes de la charte du contribuable vérifié ;

10. Considérant, en second lieu que la SARL Orsana ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 275 du livre des procédures fiscales relatives à la prescription de l'action en vue du recouvrement et de ce que celle-ci n'était pas encore interrompue, ces dispositions et cette circonstance étant sans influence sur le délai accordé au contribuable pour faire appel au supérieur hiérarchique en cas de désaccord ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est : a) celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures " ; qu'aux termes de l'article 230 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, pris sur le fondement de l'article 273 dudit code pour l'application de l'article 271 précité : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens et services sont nécessaires à l'exploitation. Toutefois, la taxe ayant grevé les dépenses relatives à des biens et à des services ne peut donner lieu à déduction lorsque le pourcentage de l'utilisation de ces biens et services pour les besoins privés de l'assujetti ou pour ceux de son personnel ou plus généralement à des fins étrangères à son entreprise est supérieur à 90 % de leur utilisation totale. (...) " ; que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des biens ou des services implique, en principe, que ceux-ci soient utilisés pour la réalisation d'une opération assujettie ; que les frais généraux de l'entreprise ouvrent droit à déduction, à la condition qu'ils aient un lien direct et immédiat avec l'ensemble de l'activité économique de l'assujetti ; que lorsque l'administration, sur le fondement de ces dispositions, remet en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en oeuvre la procédure de redressement contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté le redressement qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que le bien ou le service acquis n'était pas nécessaire à l'exploitation ; que dans la mesure où ces charges ne sont pas engagées dans l'intérêt de l'entreprise, elles ne sont pas nécessaires à l'exploitation, la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces charges n'est donc pas déductible ;

12. Considérant que pour remettre en cause le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les dépenses engagées par la SARL Orsana au titre de la période litigieuse, l'administration fiscale s'est fondée sur la circonstance que ces dépenses étaient sans lien direct et immédiat avec les prestations que l'assujettie allègue, sans d'ailleurs l'établir, avoir réalisées dans le cadre de la mission globale d'assistance commerciale et financière confiée par la société EDD ; que l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe que les dépenses n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'exploitation en faisant valoir tant la nature de ces dépenses, consistant notamment selon les notes de frais de sa gérante en frais de restauration, d'hôtellerie et de location de véhicules en partie à l'étranger au profit de son époux et de sa fille, que le fait que ces dépenses ont bénéficié à des personnes qui n'étaient pas salariés de la SARL Orsana ; que, par suite, l'administration fiscale a pu à bon droit remettre en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant ces dépenses qui ne présentaient pas un caractère nécessaire et n'étaient pas en lien direct et immédiat avec son exploitation ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Orsana est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaquée, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des rectifications notifiées au titre de l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2008 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à la SARL Orsana au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Les rectifications à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2008 notifiées à la SARL Orsana sont annulées.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL Orsana une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Orsana est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Orsana et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Terrade, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2016.

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N° 15LY01018

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01018
Date de la décision : 17/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Garanties accordées au contribuable.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Relations entre sociétés d'un même groupe.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Report déficitaire.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Établissement de l'impôt - Bénéfice réel - Questions concernant la preuve.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Opérations taxables.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Déductions - Conditions de la déduction.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TERRADE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : ALEXANDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-11-17;15ly01018 ?
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