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26/01/2017 | FRANCE | N°16NC01254

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 26 janvier 2017, 16NC01254


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner le service départemental d'incendie et de secours des Ardennes à lui verser la somme de 118 448 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait d'un accident de service intervenu le 30 décembre 2010.

Par un jugement n° 1402456 du 26 avril 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné le service départemental d'incendie et de secours des Ardennes à verser à M. B...une somme de 18 00

0 euros.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire complémen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner le service départemental d'incendie et de secours des Ardennes à lui verser la somme de 118 448 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait d'un accident de service intervenu le 30 décembre 2010.

Par un jugement n° 1402456 du 26 avril 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné le service départemental d'incendie et de secours des Ardennes à verser à M. B...une somme de 18 000 euros.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 22 juin 2016 et le 23 décembre 2016 sous le n° 16NC01254, le service départemental d'incendie et de secours des Ardennes, représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 26 avril 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- comme le tribunal administratif l'a jugé, sa responsabilité pour faute ne peut être engagée ;

- sa responsabilité sans faute n'est pas susceptible d'être engagée dès lors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1er et 20 de la loi du 31 décembre 1991 que seuls peuvent être indemnisés les préjudices limitativement énumérés à l'article 1er ;

- aucun des préjudices réparés par le tribunal n'est justifié.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2016, M.B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour par la voie de l'appel incident :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 26 avril 2016 en ce qu'il limite à 18 000 euros la somme que le service départemental d'incendie et de secours des Ardennes a été condamné à lui verser ;

2°) de porter cette somme à 118 448 euros, majorée des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours des Ardennes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en l'évinçant du service en raison de son handicap, le service départemental d'incendie et de secours des Ardennes a commis une faute ;

- il est fondé à rechercher la responsabilité sans faute du service départemental d'incendie et de secours des Ardennes dès lors que son accident est imputable au service ;

- sa perte de rémunération résultant de la cessation de son activité professionnelle s'élève à 67 320 euros, à laquelle s'ajoute la perte de 19 128 euros liée au fait qu'il n'a plus été appelé pour l'exécution de vacations ;

- son préjudice résultant des déplacements qu'il a dû et devra encore effectuer pour se rendre à ses rendez-vous médicaux s'élève à 3 000 euros ;

- il a enduré des souffrances physiques et morales et un préjudice esthétique qui doivent être réparés par l'allocation des sommes respectives de 8 000 euros et 5 000 euros ;

- ses troubles dans les conditions d'existence et son préjudice moral doivent être réparés chacun par une indemnité de 8 000 euros.

II. Par une requête, enregistrée le 5 août 2016 sous le n° 16NC01751, le service départemental d'incendie et de secours des Ardennes, représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 26 avril 2016 ;

2°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens qu'il soulève contre le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne sont sérieux et de nature à justifier son annulation, ainsi que le rejet des conclusions à fin d'indemnisation accueillies par ce jugement, de sorte que les conditions de l'article R. 811-15 du code de justice administratif sont réunies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2016, M.B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours des Ardennes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens d'annulation présentés par le service départemental d'incendie et de secours des Ardennes ne sont pas sérieux.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 ;

- la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dhiver,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que les requêtes n° 16NC01254 et n° 16NC01751, présentées par le service départemental d'incendie et de secours des Ardennes tendent, d'une part, à l'annulation et, d'autre part, au sursis à l'exécution du même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

2. Considérant que M.B..., sapeur-pompier volontaire au service départemental d'incendie et de secours des Ardennes depuis le 1er décembre 1999, s'est blessé au genou à l'occasion d'une chute sur la chaussée enneigée le 30 octobre 2010, au retour d'une intervention ; que cet accident et la rechute du 10 mars 2011, qui ont été reconnus imputables au service, ouvrent droit au régime d'indemnisation des sapeurs-pompiers volontaires institué par la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service ; que, depuis le 2 avril 2012, M. B...bénéficie d'une allocation d'invalidité versée par la caisse des dépôts et consignations au taux de 20 %, porté à 28 % le 2 avril 2015 en raison d'une aggravation des séquelles ; que M. B...a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à être indemnisé de l'intégralité des préjudices qu'il subit du fait de son invalidité, chiffrée à 118 448 euros ; qu'estimant par ailleurs avoir été évincé du service en raison de son handicap, M. B...a également recherché la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours des Ardennes en raison de ce comportement ; que, par un jugement du 26 avril 2016, le tribunal a écarté l'existence d'une faute du service départemental d'incendie et de secours des Ardennes ; qu'il l'a, en revanche, condamné à verser à M.B..., sur le terrain de la responsabilité sans faute, une indemnité complémentaire de 18 000 euros ; que le service départemental d'incendie et de secours des Ardennes relève appel de ce jugement et demande qu'il soit sursis à son exécution ; que M. B... renouvelle, par la voie de l'appel incident, l'intégralité de ses conclusions de première instance ;

Sur l'appel principal du service départemental d'incendie et de secours des Ardennes :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1-5 de la loi du 3 mai 1996 : " Une protection sociale particulière est garantie au sapeur-pompier volontaire par la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1991 : " Le sapeur-pompier volontaire victime d'un accident survenu ou atteint d'une maladie contractée en service ou à l'occasion du service a droit, dans les conditions prévues par la présente loi : 1° Sa vie durant, à la gratuité des frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires ainsi que des frais de transport, d'hospitalisation et d'appareillage et, d'une façon générale, des frais de traitement, de réadaptation fonctionnelle et de rééducation professionnelle directement entraînés par cet accident ou cette maladie ; 2° A une indemnité journalière compensant la perte de revenus qu'il subit pendant la période d'incapacité temporaire de travail ; 3° A une allocation ou une rente en cas d'invalidité permanente. En outre, il ouvre droit pour ses ayants cause aux prestations prévues par la présente loi ; (...) " ; que les conditions dans lesquelles chacune des prestations énoncées à l'article 1er est déterminée et versée au sapeur-pompier volontaire ou à ses ayants-cause sont fixées par les articles 2 à 17 de la loi ; que l'article 20 de la même loi dispose : " Aucun avantage supplémentaire ne peut être accordé par les collectivités locales et leurs établissements publics pour l'indemnisation des risques couverts par la présente loi. La présente loi s'applique à tous les sapeurs-pompiers volontaires, quel que soit le service dont ils dépendent. " ;

4. Considérant que la loi du 31 décembre 1991 institue un régime particulier de protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service ; que ses dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle le sapeur-pompier volontaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subi dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; que les dispositions expresses de l'article 20 de cette même loi font obstacle à ce que le sapeur-pompier volontaire obtienne, en l'absence de faute de nature à engager la responsabilité de droit commun du service départemental d'incendie et de secours qui l'emploie, une indemnité complémentaire pour les risques d'accident de service et de maladie professionnelle couverts par la loi, y compris lorsqu'il a subi des préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux visés par la loi ou des préjudices personnels ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le service départemental d'incendie et de secours des Ardennes est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, par le jugement attaqué, retenu que sa responsabilité sans faute pouvait être engagée et l'a condamné, à ce titre, à verser à M. B...une somme de 18 000 euros en réparation de ses préjudices personnels ; que, par suite, le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne doit être annulé ; que la demande de M. B...présentée sur le fondement de la responsabilité sans faute doit être rejetée ;

Sur l'appel incident de M.B... :

6. Considérant que le médecin du service départemental d'incendie et de secours a estimé que M. B...restait apte, après son accident de service, à la conduite des véhicules, à la gestion de la pompe et à l'exécution des tâches administratives du service ; que, durant la période allant d'octobre 2012 à juillet 2014, l'intéressé a été régulièrement appelé pour exécuter des tâches administratives et des tâches opérationnelles autorisées ; que si M. B...n'a plus effectué de vacations à partir d'août 2014 à l'exception du mois de juillet 2015, il résulte de l'instruction, notamment des indications du médecin du service départemental d'incendie et de secours des Ardennes qui a reçu l'intéressé à cinq reprises entre 2012 et 2014, que ce dernier a exprimé, lors de la consultation du 19 juin 2014, la volonté de cesser son activité de sapeur-pompier volontaire et a demandé à être déclaré inapte à toute tâche opérationnelle ; que M. B...ne soumet à la cour aucun élément de fait susceptible de faire présumer que le service départemental d'incendie et de secours des Ardennes l'aurait, comme il le soutient, volontairement évincé du service en raison de son handicap et aurait, de ce fait, commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation pour faute du service départemental d'incendie et de secours des Ardennes ;

Sur les conclusions de la requête n° 16NC01751 :

8. Considérant que le présent arrêt statuant sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement attaqué, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par le service départemental d'incendie et de secours des Ardennes contre ce même jugement ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du service départemental d'incendie et de secours des Ardennes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions présentées par le service départemental d'incendie et de secours des Ardennes sur le fondement des mêmes dispositions doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 16NC01751 du service départemental d'incendie et de secours des Ardennes.

Article 2 : Le jugement n° 1402456 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 26 avril 2016 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions du service départemental d'incendie et de secours des Ardennes présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours des Ardennes et à M. A...B....

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N° 16NC01254, 16NC01751


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01254
Date de la décision : 26/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Services publics locaux - Dispositions particulières - Services d'incendie et secours.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité régie par des textes spéciaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CAYLA DESTREM

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-01-26;16nc01254 ?
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