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15/11/2018 | FRANCE | N°17PA01992

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 15 novembre 2018, 17PA01992


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ipelia a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er août 2010 au 31 décembre 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1600898/1-2 du 6 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et quatre mémoires, enregistrés les 13 juin 2017, 31 août 2017, 3 avril 2018,

12 avril 2018 et 18 mai 2018, la société Ipelia, représentée par Me Tournès, avocat, demande à la Cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ipelia a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er août 2010 au 31 décembre 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1600898/1-2 du 6 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et quatre mémoires, enregistrés les 13 juin 2017, 31 août 2017, 3 avril 2018, 12 avril 2018 et 18 mai 2018, la société Ipelia, représentée par Me Tournès, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600898/1-2 du 6 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités en litige ;

3°) de mettre une somme de 7 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a choisi d'appliquer le " coefficient de taxation unique " prévu par le 2° du 1 du V de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts ; ce faisant, elle a pris une décision de gestion que l'administration ne peut rectifier ; son coefficient de taxation unique étant en l'occurrence de un, elle était en droit de déduire la totalité de la taxe d'amont, y compris celle se rapportant aux dépenses litigieuses ; il résulte de l'interprétation des dispositions du d) du 5 de l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, actuellement transposées en droit interne au 2° du 1 du V de l'article 206 de l'annexe 2 au code général des impôts, donnée par la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt du 14 décembre 2016 Mercedes Benz Italia Spa c/ Agenzia delle Entrate Direzione Provinciale Roma 3 (aff. 378/15), que l'administration ne saurait remettre en cause la déduction de la taxe afférente aux dépenses litigieuses au motif qu'elles étaient affectées à une opération n'ouvrant pas droit à déduction ;

- la doctrine administrative (paragraphes 16 et 17 de l'instruction du 9 mai 2007 3 D-1-07) est en ce sens ;

- les dépenses réglées à la banque Rothschild et au cabinet d'avocats n'étaient pas seulement destinées à permettre la cession des titres de la filiale Vizelia mais lui ont également permis de continuer de facturer des prestations à cette filiale, après la cession des titres et même d'augmenter le prix des prestations ; la taxe grevant ces dépenses, qui faisaient partie de ses frais généraux, est par suite déductible à concurrence du coefficient de taxation forfaitaire prévu par les dispositions du 3 du III de l'article 206 de l'annexe 2 au code général des impôts.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 août 2017, 14 février 2018, 26 avril 2018 et 11 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dalle,

- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.

1. Considérant que la SAS Ipelia a fait l'objet en 2014 d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant une " commission de succès " facturée par la banque Rothschild et des honoraires facturés par un cabinet d'avocat ; que ces dépenses ont été exposées par la société Ipelia à l'occasion de la cession des titres de sa filiale Vizelia ; que, par la présente requête, la société Ipelia relève appel du jugement en date du 6 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a en conséquence été assujettie, au titre de la période du 1er août 2010 au 31 décembre 2011 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le Tribunal a omis de répondre au moyen invoqué à titre subsidiaire par la société Ipelia, qui n'était pas inopérant, selon lequel la taxe afférente aux prestations litigieuses était déductible à concurrence du " coefficient de taxation forfaitaire " calculé dans les conditions du 3. du III de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts ; qu'il y a lieu en conséquence d'annuler le jugement et de statuer par voie d'évocation sur la demande présentée par la société Ipelia devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions citées ci-dessus, interprétées à la lumière de la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006, que lorsqu'une société holding se livrant à une activité économique à raison de laquelle elle est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, envisage de céder tout ou partie des titres de la participation qu'elle détient dans une filiale et expose à cette fin des dépenses en vue de préparer cette cession, elle est en droit, sous réserve de produire des pièces justificatives, de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses, qui sont réputées faire partie de ses frais généraux et se rattacher aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant de cette activité économique ; que, lorsque cette cession est intervenue, que cette opération soit en dehors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ou dans le champ mais exonérée, l'administration est toutefois fondée à remettre en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé de telles dépenses quand, compte tenu des éléments portés à sa connaissance et au vu des pièces qu'il appartient le cas échéant à la société qui les détient de produire, elle établit que cette opération a revêtu un caractère patrimonial dès lors que le produit de cette cession a été distribué, quelles que soient les modalités de cette distribution, ou que, en l'absence d'éléments contraires produits par la société, ces dépenses ont été incorporées dans le prix de cession des titres ;

5. Considérant qu'il résulte des mêmes dispositions que si la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses inhérentes à la transaction elle-même n'est en principe pas déductible dès lors qu'elles présentent un lien direct et immédiat avec l'opération de cession des titres, la société holding est néanmoins en droit de déduire cette taxe si, compte tenu de la nature des titres cédés ou par tous éléments probants tels que sa comptabilité analytique, elle établit que ces dépenses n'ont pas été incorporées dans leur prix de cession et que, par suite, elles doivent être regardées comme faisant partie de ses frais généraux et se rattachant ainsi aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant des activités économiques qu'elle exerce comme assujettie ; que les mêmes règles s'appliquent dans le cas où les dépenses ont été payées à un même intermédiaire, chargé à la fois de préparer cette cession et de réaliser la transaction, dès lors que ces deux catégories de prestations n'ont pas donné lieu à une rémunération distincte et qu'elles doivent alors être regardées comme un tout indissociable se rattachant à la transaction ;

6. Considérant que les dépenses exposées par la société Ipelia et qui consistent, ainsi qu'il a été dit au point 1, en une commission de succès versée à une banque d'affaires et en des honoraires versés à un cabinet d'avocats en contrepartie de prestations d'assistance à la cession, par la contribuable, des titres de sa filiale Vizelia, doivent être regardées comme des actes préparatoires à cette cession ; qu'il s'ensuit que ces dépenses sont réputées faire partie des frais généraux de l'entreprise et que la taxe y afférente est en principe déductible ; que, toutefois, pour combattre cette présomption de déductibilité, l'administration fiscale soutient, d'une part, que la société Ipelia a distribué une partie du produit de la cession des titres et conservé le reste en réserve, sans procéder à aucun réinvestissement capitalistique ou structurel, d'autre part, que la société Ipelia n'a jamais pu démontrer, par tout document probant, que les frais inhérents à la transaction elle-même n'avaient pas déjà été incorporés dans le prix de cession des titres ; que ces affirmations ne sont pas contredites par la société requérante, qui n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle n'aurait pas incorporé les dépenses au prix de cession des titres et précise elle-même, dans ses dernières écritures, que l'opération revêtait un caractère patrimonial ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant qu'elle était fondée à remettre en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé ces dépenses ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts : " I.-Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. / II.-Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables. Les opérations imposables s'entendent des opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu'elles soient imposées ou légalement exonérées. / III.-1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. / 2. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est nul lorsque les opérations auxquelles il est utilisé n'ouvrent pas droit à déduction. / 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : / (...) 1° Ce coefficient est égal au rapport entre : / a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. / Les sommes mentionnées aux deux termes de ce rapport s'entendent tous frais et taxes compris, à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée ; / (...) V.-1. L'assujetti peut, par année civile, retenir : / 1° Pour l'ensemble de ses biens et services utilisés concurremment à des opérations imposables et à des opérations non imposables, un coefficient d'assujettissement unique, sous réserve d'en justifier ; / 2° Pour l'ensemble de ses biens et services, un coefficient de taxation unique calculé dans les conditions du 3 du III (...) " ;

8. Considérant que, pour contester le rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, la société Ipelia soutient qu'elle a choisi d'appliquer le coefficient de taxation unique prévu par le 2° du 1 du V de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, que, ce faisant, elle a pris une décision de gestion que l'administration ne peut rectifier, que son coefficient de taxation unique étant en l'occurrence de un, elle était en droit de déduire la totalité de la taxe d'amont, y compris celle se rapportant aux dépenses litigieuses et que l'administration ne saurait remettre en cause la déduction de cette taxe au motif que les dépenses en cause étaient affectées à une opération n'ouvrant pas droit à déduction ;

9. Considérant, toutefois, qu'il résulte des dispositions précitées du 2° du 1 du V de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, qui renvoient à celles du 3 du III du même article, que le coefficient de taxation unique n'est applicable qu'aux assujettis utilisant des biens et services concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction qu'en 2011, année au cours de laquelle la taxe litigieuse a été déduite par la société Ipelia, celle-ci a perçu un chiffre d'affaires soumis à la taxe sur la valeur ajoutée s'élevant à 103 574 euros et des produits financiers d'un montant de 189 216 euros, en dehors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'ils trouvent leur origine dans la gestion passive du patrimoine propre de l'entreprise ; que dans ces conditions et faute pour la société d'avoir accompli en 2011 des opérations imposables ouvrant droit à déduction et des opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, elle ne saurait revendiquer le bénéfice des dispositions précitées du 2° du 1 du V de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts ;

10. Considérant que les paragraphes 16 et 17 de l'instruction du 9 mai 2007 3 D-1-07 ne contiennent pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait ici application, dont la requérante pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

11. Considérant que la société requérante soutient, à titre subsidiaire, que les dépenses réglées à la banque Rothschild et au cabinet d'avocats n'étaient pas seulement destinées à permettre la cession des titres de la filiale Vizelia mais qu'elles lui ont également permis de continuer de facturer des prestations à cette filiale, après la cession des titres et même d'augmenter le prix des prestations ; que la taxe grevant ces dépenses, qui faisaient partie de ses frais généraux, serait déductible selon elle à concurrence du " coefficient de taxation forfaitaire " calculé dans les conditions du 3 du III de l'article 206 précité ; que, cependant, la société requérante ne donne aucune explication sur les raisons pour lesquelles les prestations de la banque et de l'avocat étaient de nature à permettre la poursuite des prestations d'assistance ; que la vente des titres par elle-même n'implique pas que les prestations allaient continuer ; que le moyen ne peut dès lors qu'être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Ipelia n'est pas fondée à demander la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie et des pénalités correspondantes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600898/1-2 du 6 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Ipelia devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ipelia et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique ouest).

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.

Le rapporteur, Le président,

D. DALLE C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA01992


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01992
Date de la décision : 15/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-11-15;17pa01992 ?
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