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10/04/2020 | FRANCE | N°19PA02408

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 avril 2020, 19PA02408


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... B... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n°s 1601212, 1604168 du 17 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 17PA02434 du 19 décembre 2018, la Cour a, sur appel de M. et Mme B..., réduit les bases d'imposi

tion de l'impôt sur le revenu de ces derniers au titre des années 2011 et 2012 à concurre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... B... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n°s 1601212, 1604168 du 17 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 17PA02434 du 19 décembre 2018, la Cour a, sur appel de M. et Mme B..., réduit les bases d'imposition de l'impôt sur le revenu de ces derniers au titre des années 2011 et 2012 à concurrence des sommes respectives de 154 828 et 340 000 euros, prononcé la décharge correspondante ainsi que celle des pénalités de 40 % dont ont été assorties les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2011 et 2012, réformé le jugement attaqué en ce sens, mis à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par une décision n° 428147 du 10 juillet 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 19 décembre 2018 en tant qu'il prononce, d'une part, la réduction des bases d'imposition à l'impôt sur le revenu assignées à M. et Mme B... au titre des années 2011 et 2012 à concurrence des sommes de 154 828 euros et 340 000 euros et la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre de ces deux années, d'autre part, la décharge des pénalités de 40 % correspondantes au titre des années 2011 et 2012, et a renvoyé l'affaire devant la même Cour dans cette mesure.

Procédure devant la Cour :

Par un mémoire enregistré le 7 octobre 2019, M. et Mme B..., représentés par Me C... et Me D... (cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre), demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601212, 1604168 du 17 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 ;

2°) de prononcer à titre principal, pour irrégularité de la procédure, la décharge de la totalité des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des intérêts et majorations, auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 ;

3°) de prononcer, à titre subsidiaire, la décharge, à hauteur de 154 828 euros et de 340 000 euros en base, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des intérêts et majorations, auxquels ils ont été assujettis respectivement au titre des années 2011 et 2012 ;

4°) de prononcer, à titre plus subsidiaire, la décharge de la pénalité pour manquement délibéré ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le recours à la procédure de taxation d'office était irrégulier ;

- la procédure d'imposition a méconnu les dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales dès lors que l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle a duré plus d'un an ;

- les impositions relatives aux revenus d'origine indéterminée ne sont pas fondées dès lors qu'ils auraient dû bénéficier de la présomption de prêt familial et qu'ils n'étaient pas en relation d'affaires avec le frère de M. B... ;

- deux personnes associées ne sont pas nécessairement en relation d'affaires au sens de la jurisprudence applicable en matière de présomption de prêt familial ;

- une telle relation d'affaires doit s'entendre comme visant spécifiquement le versement de sommes dans le cadre d'une activité lucrative ;

- les conditions dans lesquelles M. A... B... a consenti des avances à la société Synthopetrol ne permettent pas de présumer que les sommes en litige ont été versées dans le cadre d'une relation d'affaires ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées même dans l'hypothèse où la présomption de prêt familial ne serait pas admise.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., avocat de M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Au terme de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont M. et Mme B... ont fait l'objet, l'administration fiscale a procédé à la taxation d'office, au titre des années 2011 et 2012, sur le fondement des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, de sommes portées au crédit des comptes bancaires des intéressés dont l'origine est demeurée indéterminée, pour des montants s'élevant respectivement, pour l'une et l'autre de ces années, à 157 213 euros et 342 900 euros. M. et Mme B... ont demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux, en droits et pénalités, auxquelles ils ont été assujettis en conséquence au titre des années 2011 et 2012. Par un jugement n°s 1601212/2-2, 1604168/2-2 du 17 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. M. et Mme B... ont relevé appel de ce jugement. Le ministre de l'action et des comptes publics s'est pourvu en cassation contre l'arrêt du 19 décembre 2018 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il a prononcé la réduction des bases d'imposition assignées à M. et Mme B... au titre des années 2011 et 2012 à concurrence, respectivement, des sommes de 154 828 euros et 340 000 euros. Par une décision n° 428147 du 10 juillet 2019, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 19 décembre 2018 en tant qu'il prononce, d'une part, la réduction des bases d'imposition à l'impôt sur le revenu assignées à M. et Mme B... au titre des années 2011 et 2012 à concurrence des sommes de 154 828 euros et 340 000 euros et la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenus mises à leur charge au titre de ces deux années, d'autre part, la décharge des pénalités de 40 % correspondantes au titre des années 2011 et 2012 et a renvoyé l'affaire devant la Cour dans cette mesure.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, M. et Mme B... soutiennent que la procédure d'imposition a débuté le 27 juin 2013, date de retrait de l'avis d'examen de leur situation fiscale personnelle, pour s'achever le 24 juillet 2014, par l'envoi de la proposition de rectification, de sorte que l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle a duré plus d'un an, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales. Toutefois, le délai d'un an qui arrivait à expiration le 27 juin 2014 a été prorogé une première fois jusqu'au 27 juillet 2014 par l'envoi, le 23 avril 2014, de deux mises en demeure relatives aux années 2011 et 2012 qui accordaient aux contribuables un délai de trente jours pour répondre. Si M. et Mme B... font valoir que l'administration ne peut se prévaloir d'une prorogation de trente jours de la durée de l'examen de leur situation fiscale personnelle au motif qu'ils n'ont pas reçu ces mises en demeure, dont ils ignoraient l'existence et le contenu, il résulte des avis de réception produits en défense par le service que celles-ci ont bien été présentées à l'adresse des requérants, le 25 avril 2014 et que les destinataires dûment avisés ne les ont pas réclamées au bureau de poste avant qu'elles ne soient retournées au service. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'imposition, qui a débuté le 27 juin 2013 et qui a été au moins prorogée jusqu'au 27 juillet 2014, serait irrégulière. Le moyen doit donc être écarté.

3. En second lieu, M. et Mme B... font valoir que l'administration fiscale a instruit leur dossier " à charge ", ainsi qu'en atteste l'usage irrégulier de la procédure de taxation d'office. Il résulte toutefois de l'instruction que la seule circonstance que les contribuables aient, dans leur réponse du 2 avril 2014 faisant suite à la demande d'éclaircissement du service du 3 février 2014, indiqué que la mention du nom de " M. A... B... ", frère du requérant, permettait d'identifier l'origine des fonds ne suffit pas à justifier une présomption de prêt familial. Par ailleurs, une partie des crédits, autres que ceux provenant de " M. A... B... ", n'étaient pas justifiés. Conformément aux dispositions de l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales, l'administration a alors adressé aux requérants, par courrier recommandé, deux mises en demeure du 23 avril 2014 afin d'obtenir des précisions. M. et Mme B... en ont été avisés le 25 avril 2014, mais n'ont pas retiré les plis les contenant, renvoyés à l'administration comme non réclamés. S'ils font valoir qu'ils avaient indiqué oralement à l'administration fiscale qu'ils seraient en congés lors des vacances de Pâques, ils n'en justifient pas et il leur appartenait, en tout état de cause, de prendre toutes dispositions utiles pour faire suivre leur courrier en leur absence. Faute d'avoir retiré ces plis, M. et Mme B... n'ont pas répondu à ces demandes de précisions. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a procédé par voie de taxation d'office à l'imposition des sommes en litige. Enfin, la circonstance que l'administration fiscale, après avoir estimé dans un premier temps que la présomption de prêt familial était renversée, ait ensuite considéré que cette présomption ne s'appliquait pas au motif que M. E... B... et son frère " M. A... B... " étaient en relation d'affaires, n'est pas de nature à démontrer un parti pris de l'administration en défaveur des requérants. Il s'ensuit que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que la procédure de taxation d'office mise en oeuvre par l'administration était irrégulière.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Les versements effectués sous forme de chèques ou de virements par les membres de la famille du contribuable sont présumés présenter le caractère de prêts, sauf en cas de relations d'affaires entre les intéressés.

5. M. et Mme B... soutiennent que les sommes figurant sur leurs comptes bancaires pour des montants de 154 828 euros en 2011 et 340 000 euros en 2012 qui ont été taxées d'office dans la catégorie des revenus qualifiés d'origine indéterminée correspondent à des prêts familiaux et qu'elles sont dès lors non imposables. Ils font valoir qu'il s'agit, plus précisément, soit de remboursements de prêts consentis à leur frère et beau-frère, M. A... B..., soit de prêts que ce dernier leur aurait consentis. L'administration, tout en admettant l'origine familiale de ces sommes, a estimé que l'existence d'une relation d'affaires entre M. A... B... et les contribuables faisait obstacle à la présomption de prêt familial.

6. Comme le fait valoir l'administration pour écarter la présomption de prêt familial, M. A... B... a participé directement au financement de la société Synthopetrol, dans laquelle M. E... B... avait des intérêts, par le versement en compte de tiers d'avances sans intérêts d'un montant de 300 000 euros en 2011, montant qui a été porté à 400 000 euros en 2012 puis inscrit la même année au compte courant d'associé ouvert dans les écritures de cette société, après que M. A... B... en fut devenu actionnaire à hauteur d'une part. Ce faisant, et eu égard notamment à l'importance des sommes ainsi versées dans les comptes de la société Synthopetrol et à celle des autres sommes versées à M. E... B... par son frère, dont le montant est inusité pour une entraide familiale, l'administration établit l'existence dès 2011 d'une relation d'affaires entre M. et Mme E... B... et M. A... B.... Les circonstances alléguées par les requérants que l'avance non rémunérée ainsi consentie par M. A... B... au titre de l'entraide familiale ne procédait pas d'un intérêt spéculatif, qu'elle avait pour seul objet de pallier les difficultés financières de la société Synthopetrol, que l'acquisition d'une action sur les 50 émises par cette société n'est que la régularisation de la situation liée à cette avance ainsi que l'a attesté le 12 septembre 2019 l'expert-comptable de la société Synthopetrol et que M. A... B... exerçait en outre à l'étranger une activité dénuée de liens avec celle de la société en question sont sans incidence à cet égard. Il suit de là que M. et Mme E... B... ne peuvent se prévaloir de la présomption de prêt familial pour établir le caractère non imposable des sommes en litige.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

8. M. et Mme E... B... soutiennent que les pénalités pour manquement délibéré qui leur ont été infligées ne sont pas fondées dès lors qu'elles ne sauraient résulter de l'appréciation portée par l'administration sur la pertinence des justifications qu'ils ont apportées quant à une seule nature d'écriture, à savoir l'ensemble des virements provenant de M. A... B.... Toutefois, l'administration fait valoir qu'eu égard à l'importance des sommes perçues en litige par rapport aux revenus déclarés d'un montant de 14 000 euros pour 2011 et 14 418 euros pour 2012 et au caractère répété de l'omission relevée sur les deux années en litige, les manquements constatés traduisent la volonté délibérée de M. et Mme B... de minorer leurs bases imposables en matière d'impôt sur le revenu. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant la volonté délibérée de M. et Mme B... d'éluder l'impôt.

9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge des impositions litigieuses et des pénalités dont elles ont été assorties.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme B... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal d'Ile-de-France (Division juridique).

Délibéré après l'audience du 10 mars 2020, à laquelle siégeaient :

M. Jardin, président de chambre,

Mme Hamon, président assesseur,

Mme F..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 avril 2020.

Le président de la 7ème chambre,

C. JARDIN

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA02408 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02408
Date de la décision : 10/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Taxation d'office. Pour défaut de réponse à une demande de justifications (art. L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales).


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-04-10;19pa02408 ?
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