La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2020 | FRANCE | N°20DA00972

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 décembre 2020, 20DA00972


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1800496 du 11 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, réduit de la somme de 13 740 euros les bases soumises à l'impôt sur le revenu assignées à M. A... au titre de chacune des années 2014 et 2015, d'autre part, prononcé la décharge des droits corresp

ondant à ces réductions de base, en outre, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1800496 du 11 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, réduit de la somme de 13 740 euros les bases soumises à l'impôt sur le revenu assignées à M. A... au titre de chacune des années 2014 et 2015, d'autre part, prononcé la décharge des droits correspondant à ces réductions de base, en outre, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin, rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 juillet 2020 et le 13 novembre 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 juin 2020 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il ne donne pas entière satisfaction à sa demande ;

2°) de prononcer une réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015, tenant compte de l'exonération de l'ensemble des sommes perçues par lui dans le cadre de la participation à la permanence des soins ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., substituant Me D..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., qui est médecin urgentiste libéral exerçant au sein de la Clinique de l'Europe à Amiens, établissement privé de soins exploité par la société par actions simplifiée (SAS) Cardiologie et Urgences, a porté, sur des déclarations de revenus rectificatives qu'il a souscrites au titre des années 2013, 2014 et 2015, diverses sommes qu'il a présentées comme correspondant à des indemnités perçues dans le cadre de la permanence des soins et qu'il a placées sous le régime d'exonération prévu à l'article 151 ter du code général des impôts. Ces déclarations rectificatives ont été regardées par l'administration comme constituant une réclamation et ont fait l'objet d'une décision de rejet, au motif que M. A... ne pouvait prétendre à l'exonération qu'il revendiquait pour les sommes en cause et que celles-ci devaient être réintégrées dans ses revenus imposables des années concernées. L'administration a, en conséquence, assujetti M. A... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2013, 2014 et 2015, qui ont été mises en recouvrement.

2. M. A... relève appel du jugement du 11 juin 2020 du tribunal administratif d'Amiens, en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015. Il demande à la cour de prononcer une réduction de ces impositions, tenant compte de l'exonération de l'ensemble des sommes perçues par lui à titre d'indemnités dans le cadre de sa participation à la permanence des soins. Le ministre de l'action et des comptes publics, par la voie de l'appel incident, conteste le même jugement, en tant qu'à la demande de M. A..., il a, d'une part, réduit de la somme de 13 740 euros les bases soumises à l'impôt sur le revenu assignées à M. A... au titre de chacune des années 2014 et 2015, d'autre part, prononcé la décharge des droits correspondant à ces réductions de base, enfin, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre demande, en outre, à la cour de remettre à la charge de M. A... les fractions d'imposition dont la décharge a été prononcée par ce jugement.

3. Aux termes de l'article 151 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La rémunération perçue au titre de la permanence des soins exercée en application de l'article L. 6314-1 du code de la santé publique par les médecins ou leurs remplaçants installés dans une zone définie en application de l'article L. 1434-7 du même code est exonérée de l'impôt sur le revenu à hauteur de soixante jours de permanence par an. ".

4. D'une part, aux termes de l'article L. 6314-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable : " La mission de service public de permanence des soins est assurée, en collaboration avec les établissements de santé, par les médecins mentionnés à l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, dans le cadre de leur activité libérale, et aux articles L. 162-5-10 et L. 162-32-1 du même code, dans les conditions définies à l'article L. 1435-5 du présent code. Tout autre médecin ayant conservé une pratique clinique a vocation à y concourir selon des modalités fixées contractuellement avec l'agence régionale de santé. / (...) ". En outre, aux termes de l'article R. 6315-1 du code de la santé publique : " La mission de permanence des soins prévue à l'article L. 6314-1 a pour objet de répondre aux besoins de soins non programmés : / 1° Tous les jours de 20 heures à 8 heures ; / 2° Les dimanches et jours fériés de 8 heures à 20 heures ; / 3° En fonction des besoins de la population évalués à partir de l'activité médicale constatée et de l'offre de soins existante : le samedi à partir de midi, le lundi lorsqu'il précède un jour férié, le vendredi et le samedi lorsqu'ils suivent un jour férié. / A cette fin, la région est divisée en territoires de permanence des soins dont les limites sont arrêtées par le directeur général de l'agence régionale de santé, selon les principes d'organisation définis dans le cahier des charges régional mentionné à l'article R. 6315-6. / La permanence des soins est assurée par les médecins exerçant dans les cabinets médicaux, maisons de santé, pôles de santé et centres de santé, ainsi que par les médecins exerçant dans les associations de permanence des soins. / Elle peut également être exercée par tout autre médecin ayant conservé une pratique clinique. / (...) ". Selon l'article L. 1435-5 du même code, l'agence régionale de santé organise, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, la mission de service public de permanence des soins mentionnée par l'article L. 6314-1 et détermine la rémunération spécifique des professionnels de santé pour leur participation à la permanence des soins, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 6112-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les établissements de santé peuvent être appelés à assurer, en tout ou partie, une ou plusieurs des missions de service public suivantes : / 1° La permanence des soins ; / (...) ". En outre, aux termes de l'article R. 6146-22 du même code : " Les professionnels médicaux exerçant à titre libéral dans les établissements publics de santé sont indemnisés au titre de leur participation à la permanence des soins de l'établissement prévue au 1° de l'article L. 6112-1, les samedis après-midi, dimanches et jours fériés ainsi que la nuit. / Cette indemnité est forfaitaire et s'ajoute aux honoraires prévus à l'article L. 6146-2. Elle est fixée par un arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé. / Les professionnels concernés ne peuvent cumuler cette indemnité avec celle à laquelle ils peuvent prétendre au titre d'une participation concomitante à la mission de service public de permanence des soins prévue à l'article L. 6314-1. ".

6. Les dispositions, citées au point 4, des articles L. 6314-1 et R. 6315-1 du code de la santé publique, d'une part, et celles, citées au point 5, des articles L. 6112-1 et R. 6146-22 de ce code, d'autre part, instaurent, respectivement, la mission de permanence des soins ambulatoires et la mission de permanence des soins en établissement de santé, dont elles fixent distinctement les principes et les modalités d'organisation. Ces mêmes dispositions déterminent notamment les conditions dans lesquelles les médecins libéraux participant à l'une ou à l'autre de ces missions sont indemnisés, selon des modalités différentes, respectivement définies, s'agissant de la mission de permanence de soins ambulatoires, par le directeur général de l'agence régionale de santé et, s'agissant de la mission de permanence de soins en établissement de santé, par les ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé, l'article R. 6146-22 du code de la santé publique précisant d'ailleurs qu'un professionnel exerçant à titre libéral dans un établissement public de santé et qui participerait de façon concomitante aux deux missions ne pourrait cumuler les indemnités perçues à l'un et à l'autre titre. Ainsi, l'ensemble de ces dispositions, qui sont claires, doivent être lues, sans qu'il soit besoin de déceler l'intention du législateur par l'examen des travaux parlementaires ayant concouru à l'adoption de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 dont les articles L. 6314-1 et L. 6112-1 du code de la santé publique sont issus, comme instaurant deux missions distinctes destinées à concourir, chacune pour sa part, à la permanence des soins dans une zone géographique donnée.

7. Les dispositions, citées au point 3, de l'article 151 ter du code général des impôts, qui ne comportent pas davantage d'imprécision justifiant qu'il soit recouru aux travaux parlementaires qui ont présidé à leur adoption, font seulement référence à la rémunération perçue, au titre de la permanence des soins exercée en application de l'article L. 6314-1 du code de la santé publique, par les médecins ou leurs remplaçants. Elles doivent, dès lors, être lues comme ouvrant droit au bénéfice du régime d'exonération qu'elles instaurent aux seules indemnités perçues par les médecins libéraux dans le cadre de leur participation à la mission de permanence des soins ambulatoires. A cet égard, la doctrine administrative publiée le 2 décembre 2015 sous la référence BOI-BNC-CHAMP-10-40-20, dont les prévisions sont issues de l'instruction administrative publiée le 25 avril 2007 sous la référence 5 G-2-07, ne font pas du texte fiscal une interprétation différente de celle dont le présent arrêt fait application. En conséquence, M. A... n'est pas fondé à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Il ne peut davantage se prévaloir de la situation d'un autre contribuable au sujet de laquelle il ne donne pas de précision suffisantes pour permettre d'établir qu'il se serait trouvé, au regard du texte fiscal, dans la même situation. Il suit de là que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que, pour prononcer une réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. A... a été assujetti au titre des années 2014 et 2015, le tribunal administratif d'Amiens a estimé à tort que cette exonération pouvait, dès lors que ce texte ne l'excluait pas expressément, bénéficier à l'intéressé à raison des indemnités qu'il avait perçues dans le cadre de sa participation à la mission de permanence des soins en établissement de santé. Dès lors, M. A... ne pouvait prétendre, à raison de sommes qu'il a exclusivement perçues au titre de sa participation à la permanence des soins en établissement de santé, à l'exonération prévue à l'article 151 ter du code général des impôts, quand bien même il satisferait aux autres conditions auxquelles ce texte, tel qu'explicité par la doctrine administrative, subordonne le bénéfice de cette exonération.

8. Il résulte de tout ce qui précède, dès lors que M. A... n'a présenté, devant le tribunal administratif d'Amiens, aucun autre moyen sur lequel il appartiendrait à la cour de se prononcer par l'effet dévolutif de l'appel, que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a prononcé une réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. A... a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 et à demander, par la voie de l'appel incident, que les fractions d'impositions dont la décharge a ainsi été prononcée soient remises à la charge de M. A.... Le ministre est également fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif d'Amiens a, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, mis la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat après avoir estimé qu'il était la partie perdante.

9. Il résulte également de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que, par le même jugement, le tribunal administratif d'Amiens aurait fait insuffisamment droit à sa demande tendant à la décharge des impositions en litige, ni à conclure au bénéfice d'une réduction supplémentaire de ces impositions. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800496 du 11 juin 2020 du tribunal administratif d'Amiens, en tant qu'il prononce une réduction des bases d'imposition assignées à M. A... au titre des années 2014 et 2015, ainsi que la décharge, dans la mesure de ces réductions de base, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. A... a été assujetti au titre des mêmes années, est annulé.

Article 2 : Le jugement mentionné à l'article 1er ci-dessus, en tant qu'il met la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, est annulé.

Article 3 : La part des impositions en litige dont la décharge a été prononcée par le jugement mentionné à l'article 1er est remise à la charge de M. A....

Article 4 : La requête de M. A... et celles des conclusions de sa demande qui ont été accueillies par le tribunal administratif d'Amiens sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

1

5

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00972
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : D'HELLENCOURT

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-12-17;20da00972 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award