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18/05/1999 | FRANCE | N°97-40531

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 mai 1999, 97-40531


Sur les trois moyens réunis :

Attendu que M. X..., de nationalité néerlandaise, a exercé, à compter du 15 juillet 1977, les fonctions de " chef de département du marché des changes " à la succursale de la Banque nationale de Paris (BNP) à Amsterdam ; que le 22 septembre 1983, il a bénéficié du " statut de cadre assimilé " réservé aux cadres exerçant leurs fonctions dans " les réseaux extérieurs " de la BNP et a été affecté, en cette qualité, à la succursale de la BNP à Singapour, puis à celle de New York ; que la BNP a mis fin à son contrat de travail le 18 mai

1993 ; qu'il a engagé devant le conseil de prud'hommes une instance contre la ...

Sur les trois moyens réunis :

Attendu que M. X..., de nationalité néerlandaise, a exercé, à compter du 15 juillet 1977, les fonctions de " chef de département du marché des changes " à la succursale de la Banque nationale de Paris (BNP) à Amsterdam ; que le 22 septembre 1983, il a bénéficié du " statut de cadre assimilé " réservé aux cadres exerçant leurs fonctions dans " les réseaux extérieurs " de la BNP et a été affecté, en cette qualité, à la succursale de la BNP à Singapour, puis à celle de New York ; que la BNP a mis fin à son contrat de travail le 18 mai 1993 ; qu'il a engagé devant le conseil de prud'hommes une instance contre la BNP pour obtenir, notamment le paiement des indemnités de rupture et de dommages-intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de la loi française et, à titre subsidiaire, le paiement de dommages-intérêts soit sur le fondement de la loi néerlandaise soit sur celui de la loi américaine ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 8 octobre 1996), d'avoir décidé que la loi américaine était applicable et de l'avoir débouté de ses demandes, alors, selon le premier moyen, que premièrement, la loi applicable au contrat de travail est celle avec laquelle le contrat présente les liens les plus étroits et les plus significatifs ; que la loi applicable ne doit pas être arbitraire ou contingente et laisser le salarié dans l'incertitude des garanties auxquelles il a droit ; qu'ainsi lorsqu'il entre dans la mission du salarié d'être muté à l'étranger pour des périodes indéterminées, sans connaître le lieu des mutations, la loi applicable est celle du lieu d'embauche, cette loi étant la seule prévisible, déterminable et présentant le rattachement le plus significatif ; qu'en l'espèce, il est constant, et la cour d'appel le relève, que M. X... avait le statut de cadre affecté au réseau extérieur de la BNP, ce qui impliquait des mutations à l'étranger ; qu'en considérant que la loi applicable au contrat de travail était celle, non prévisible et contingente, du lieu d'exécution du contrat, et non pas la loi du lieu d'embauche, la cour d'appel a violé l'article 3 du Code civil ; alors que, deuxièmement, la loi applicable au contrat de travail est celle du lieu qui présente le rattachement le plus significatif au contrat ; qu'ainsi, lorsque les conditions d'embauche, de carrière et d'extinction du contrat de travail sont établies par une société employeur et que le salarié reçoit ses directives de cette société, la loi applicable est celle du lieu où se trouve le siège social de cette société ; qu'en l'espèce, la cour d'appel relève que les conditions d'embauche et d'avancement, de carrière de M. X... étaient régies par la BNP-Paris ; qu'en écartant, néanmoins, l'application de la loi française, la cour d'appel a violé l'article 3 du Code civil ; alors que, troisièmement, la loi applicable au contrat de travail est la loi selon laquelle le statut du salarié, et les droits auxquels il a droit en vertu de ce statut, sont déterminés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel relève que la BNP-Paris avait octroyé à M. X... le statut de collaborateur assimilé affecté au réseau extérieur et que cet avantage permettait à celui-ci de bénéficier d'avantages reconnus aux collaborateurs français ; que la cour d'appel relève également que M. X... bénéficiait de la couverture sociale garantie par la Mutuelle de la BNP-Paris ; qu'en déclarant néanmoins le contrat de travail soumis à la loi de l'Etat de New York, et non pas à la loi française, la cour d'appel a violé l'article 3 du Code civil ; alors, selon le deuxième moyen, qu'en cas de modification d'un contrat de travail soumis à une loi déterminée, le salarié ne peut être présumé avoir choisi une nouvelle loi qui lui est défavorable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel relève que le contrat de travail conclu par M. X... en 1977 faisait référence à la loi néerlandaise sur les incapacités et à la convention néerlandaise des banques ; qu'en 1983, lorsque le contrat de travail de M. X... s'est trouvé modifié, ce dernier ne peut être présumé avoir choisi la loi de l'Etat de New York, plus défavorable pour lui, que la loi française ; qu'en considérant que la loi de l'Etat de New York était applicable au contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles 3 et 1134 du Code civil ;

alors, selon le troisième moyen, qu'est contraire à la conception française de l'ordre public international une loi qui permet à l'une des parties de ne pas respecter ses engagements et de revenir sur les garanties qu'elle offrait à son cocontractant ; qu'en l'espèce, il est constant que, par avenant en date de mai 1983, avenant visé par la cour d'appel, la BNP-Paris a garanti à M. X... le maintien de son poste, de son classement et de son salaire ; que la BNP-Paris n'a pas maintenu ses engagements puisqu'elle a proposé à M. X..., quelques années plus tard, un poste à Tokyo inférieur au poste précédemment occupé avec un salaire lui aussi inférieur ; qu'en énonçant que la loi de New York permettait à la BNP-Paris, de ne pas tenir les engagements pris par elle dans le cadre de l'avenant en cause, et en faisant application de la loi de l'Etat de New York, la cour d'appel a méconnu la conception française de l'ordre public international, violant l'article 3 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, qu'il ne résulte ni des conclusions ni de la décision attaquée que le deuxième moyen, qui est mélangé de fait et de droit, ait été soutenu devant les juges du fond ;

Attendu, ensuite, que, dans ses écritures, M. X... a demandé à titre subsidiaire le paiement de dommages-intérêts sur le fondement de la loi américaine, de sorte que le troisième moyen est contraire à ses prétentions dans l'instance d'appel ;

Attendu, enfin, que la cour d'appel a constaté, d'une part, que le statut de " collaborateur assimilé " avait pour conséquence de faire bénéficier M. X..., non pas de l'ensemble des droits découlant de la législation française ou de la convention collective du personnel des banques, mais d'avantages strictement déterminés et, d'autre part, que, affecté le 27 avril 1987, en qualité de directeur de succursale, auprès du groupe FABC de New York pour une durée indéterminée, il avait exercé ces fonctions jusqu'au 18 mai 1993, date de la rupture de son contrat de travail soit pendant plus de 6 années ; qu'en l'état de ces constatations, elle a pu décider qu'en l'absence de choix, par les parties, de la loi applicable, le contrat de travail du salarié était régi par la loi de l'Etat de New York en tant que loi du lieu d'exécution habituel de son travail ;

Qu'il s'ensuit que les deuxième et troisième moyens sont irrecevables et que le premier moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 97-40531
Date de la décision : 18/05/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Employeur français - Salarié étranger - Loi applicable - Détermination - Contrat exécuté à l'étranger - Convention des parties - Défaut - Effets - Droit étranger applicable .

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Employeur français - Salarié étranger - Loi applicable - Détermination - Contrat exécuté à l'étranger - Convention des parties - Défaut - Constatations suffisantes

CONFLIT DE LOIS - Contrats - Contrat de travail - Loi applicable - Loi du lieu d'exécution du contrat

CONFLIT DE LOIS - Contrats - Contrat de travail - Loi applicable - Détermination - Contrat exécuté à l'étranger - Convention des parties - Défaut - Effets - Droit étranger applicable

Ayant constaté d'une part que le statut conféré au salarié avait pour conséquence de le faire bénéficier, non pas de l'ensemble des droits découlant de la législation française ou de la convention collective du personnel des banques, mais d'avantages strictement déterminés et, d'autre part, que ce salarié était affecté depuis plus de 6 ans à la date de la rupture à un poste à New York, une cour d'appel a pu décider qu'en l'absence de choix par les parties de la loi applicable, le contrat de travail était régi par la loi de l'Etat de New York en tant que loi du lieu d'exécution habituel du travail.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 octobre 1996

A RAPPROCHER : Chambre sociale, 1997-06-28, Bulletin 1997, V, n° 337, p. 242 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 mai. 1999, pourvoi n°97-40531, Bull. civ. 1999 V N° 215 p. 157
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1999 V N° 215 p. 157

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : M. Lyon-Caen.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Brissier.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Boré et Xavier, la SCP Defrénois et Levis.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.40531
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